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02/08/2013

Orgues et cathédrales

Olivier LAtry, cathédrale de Chicoutimi, orgue, concert, boléro, improvisation

(crédit photo: Jeannot Lévesque, Le Quotidien)

 

Olivier Latry est un maître: habitué du grand orgue de Notre-Dame-de-Paris, dont il est titulaire, il a mis à sa main l'orgue plus modeste de la cathédrale de Chicoutimi, mardi soir lors d'un concert gratuit. Il a su tirer le maximum des trois claviers et 60 jeux de l'instrument, faisant sonner ceux-ci comme rarement on les a entendus, aussi bien piano que fortissimo.

Il l'a même fait tonner dans une Marseillaise endiablée, un air qui évita à l'orgue de Notre-Dame de Paris d'être démoli à la Révolution française. "Vous ne pouvez pas me détruire puisque je joue votre musique", semblait dire le vénérable instrument aux insurgés par la voix du compositeur et titulaire Claude-Bénine Balbastre. Les quelques coups de canon insérés dans l'oeuvre, obtenus en martelant le registre bas des claviers, se firent donc entendre à Chicoutimi.

Ayant d'ailleurs choisi comme fil conducteur pour son programme les compositions de ses prédécesseurs à Notre-Dame de Paris, Olivier Latry a proposé des oeuvres de styles variés, tirant des sonorités étonnantes du bel instrument qui répondait à toutes ses sollicitations avec souplesse et élégance.

Notamment dans un boléro envoûtant qui n'était pas celui de Ravel mais celui de Pierre Cochereau, dont le rythme obsédant était soutenu par les percussions de Robert Pelletier.

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(Voilà ce que je voyais, de la place où j'étais assise au milieu d'une foule nombreuse)

 

Joyau et clou de la soirée, morceau de bravoure incontournable: l'improvisation. La titulaire de Chicoutimi Céline Fortin lui a soumis, dans une enveloppe scellée qu'il a ouverte juste au moment de jouer cette dernière pièce, deux thèmes: "Sous les ponts de Paris" et "Joyeux anniversaire", en hommage à la nationalité de l'invité et aux anniversaires célébrés: les 850 ans de Notre-Dame de Paris et les 175 ans du Saguenay-Lac-Saint Jean.

Immédiatement inspiré, Olivier Latry s'est engagé dans une cavalcade échevelée, exploitant d'abord séparément les deux thèmes, pour ensuite les mélanger progressivement et subtilement, offrant d'innombrables et improbables variations mélodiques, rythmiques et harmoniques qui firent vibrer tous les tuyaux du Casavant saguenéen. Un beau moment que la foule nombreuse a particulièrement apprécié, lui demandant un rappel, qui fut je crois une autre improvisation. (Mais je me trompais: l'organiste titulaire de la cathédrale Céline Fortin m'indique dans son gentil commentaire qu'il s'agissait du Final de la première symphonie pour orgue de Louis Vierne).

La cathédrale était bondée, les derniers arrivés furent refoulés au jubé, il y avait quelques personnes assises sur les marches: un succès considérable pour un concert qui se démarquait par la qualité, la maîtrise et le talent exceptionnel de l'artiste invité.

11/08/2012

Orgue, plaisir et transcriptions

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J'étais jeune, j'habitais chez mes parents, et nous venions juste d'avoir la télévision. Outre Pépinot et Ivanhoé, nous écoutions religieusement en famille l'émission  Alfred Hitchcock présente. Le thème musical, remarquable, collait parfaitement à la physionomie, à l'humour, au style du bonhomme. (Vous pouvez voir l'intro de l'émission et entendre le thème en cliquant sur l'image ci-dessus).

Mais je ne savais pas alors qu'il s'agissait d'une pièce composée par Charles Gounod et intitulée Marche funèbre d'une marionnette. (Cliquez ici pour entendre l'oeuvre originale, jouée par le pianiste Marc-André Hamelin).

Je l'ai appris mardi dernier, grâce à l'organiste Régis Rousseau, qui donnait le premier concert de la série estivale à l'église Saint-Dominique de Jonquière. Il avait intitulé son programme L'orgue orchestre, L'art de la transcription.

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Donc, outre cette sympathique et ironique Marche funèbre (Gounod voulait se moquer du style pompeux des marches funèbres), l'organiste a joué l'Adagio pour cordes de Samuel Barber, le Choeur des pèlerins de l'opéra Tannhaüser (transcription de Franz Liszt) et deux préludes de Chopin (également transcrits par Liszt).
Ainsi que trois extraits du ballet Casse-noisette, tout à fait réussis. Peut-être les meilleurs moments du concert, où les jeux de l'orgue (trompettes, flûtes, cloches) et le rythme alerte sonnaient exactement comme l'orchestration de Tchaïkovski.

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Il a a terminé la soirée par la célèbre marche ("Pomp and circumstances") du compositeur britannique Edward Elgar, que l'on a beaucoup entendue récemment lors du Jubilé de la Reine et pendant les Jeux Olympiques de Londres. (Cliquez sur la photo de Sir Edward pour le voir diriger lui-même son oeuvre).

C'était agréable, léger bien que pas nécessairement facile techniquement. On reconnaissait les airs, des souvenirs remontaient... Voilà, la musique, ça peut être complexe et profond, mais ça peut aussi être très simple et direct. Les auditeurs, fort nombreux, ont semblé apprécier ce choix.

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Notes:

1 - Sur le programme remis à l'entrée, la durée de chaque pièce était indiquée. J'ai trouvé ça génial!
2 - Seule pièce originale pour orgue: la Sonatine en mi bémol de François Brassard (titulaire à St-Dominique de 1930 à 1971), que Régis Rousseau avait jouée il y a deux ans sur l'orgue de la cathédrale de Chicoutimi, lors du concert avec le ténor Marc Hervieux.
3 - Le musicien retrouvait le Casavant de l'église St-Dominique, dont il a été titulaire il y a 25 ans après ses études au Conservatoire de Chicoutimi (dont il est aujourd'hui le directeur).  Il a dû cependant refaire connaissance avec l'instrument (32 jeux, 2023 tuyaux, 3 claviers), qui a été restauré et amélioré depuis ce temps.
4 - Régis Rousseau (intéressante interview avec lui dans Le Devoir) a aussi été organiste titulaire à l'église du Très-Saint-Nom-de-Jésus, à Montréal où il a fondé le Festival Orgue et couleurs.

28/07/2011

Pierre Grandmaison, la fête

Un grand organiste du Québec, Pierre Grandmaison, a présenté mercredi le dernier des Concerts d'été 2011 de la Cathédrale de Chicoutimi, le seul auquel j'ai pu assister cette année (et je le regrette).

pierre grandmaison,orgue,concerts d'été,cathédrale de chicoutimi(Photo d'écran...)

M. le curé de la Cathédrale a souligné que s'il y avait un peu moins de monde cette fois-là que les précédentes, c'est qu'on avait dû changer de jour. Ces concerts gratuits ont habituellement lieu le mardi, mais mardi, c'était la fête de sainte Anne, alors on n'a pas voulu lui faire concurrence avec un événement dans une autre église du diocèse.

Mercredi 27 juillet, c'était en revanche l'anniversaire de M. Grandmaison, qui a eu 62 ans. Après l'entracte, Céline Fortin, organiste titulaire de la cathédrale (qui assistait le musicien pour les pages et les réglages), est intervenue sur l'orgue du choeur avec un air de circonstance, et le public l'a spontanément suivie en entonnant "bonne fête à Pierre". C'était un peu gênant, mais néanmoins charmant, et accueilli avec simplicité et naturel par le principal intéressé.

Organiste titulaire des grandes orgues de la basilique Notre-Dame de Montréal, Pierre Grandmaison a proposé un programme français, sauf pour cinq chorals de Bach, qui curieusement, m'ont paru bien ternes. C'est un comble! Sans doute dû au contraste entre la sagesse classique de Bach et les autres oeuvres au programme.

pierre grandmaison,orgue,concerts d'été,cathédrale de chicoutimi(Pierre Grandmaison)

Brillantes comme le grand Dialogue en ut de Louis Marchand et le Choral varié "Veni Creator" de Maurice Duruflé, ou impressionnistes comme le planant Jardin suspendu de Jehan Alain et les extraits des Cathédrales de Louis Vierne: dans la présentation de celles-ci, Pierre Grandmaison a invité le public à imaginer Notre-Dame-de-Paris comme un navire voguant sur la Seine. J'ai suivi son conseil, et dans ma rêverie, l'Île de la Cité tout entière larguait les amarres et nous emportait tel un grand vaisseau.

pierre grandmaison,orgue,concerts d'été,cathédrale de chicoutimiLe plus beau moment du concert était toutefois à venir: celui où on a pu entendre le Deuxième choral de César Franck, un compositeur que j'aime décidément de plus en plus: profonde et sombre, une oeuvre d'une richesse sonore remarquable, thèmes et jeux explorés à fond, magnifique. (Un clic sur l'image ci-dessus conduit à une   interprétation de cette oeuvre (sur Youtube) par l'organiste Jean-Paul Imbert).

Il a terminé la soirée par une improvisation (donc une oeuvre québécoise!), tradition des concerts d'orgue qui se perd un peu aujourd'hui. Trois thèmes lui ont été soumis (par Céline Fortin): Tantum Ergo, Un Canadien errant, et V'là l'bon vent.

C'est manifestement ce dernier thème qui a le plus inspiré l'organiste (qui est aussi compositeur), car il y est revenu dans les deux derniers des cinq mouvements de sa symphonie improvisée, pour mettre en évidence le rythme pulsionnel de la pièce, y allant de passages virtuosement jazzés. Dans un final frénétique, quasiment en transe, il a poussé l'orgue dans ses derniers retranchements pour le faire sonner au maximum. Bien sûr, cela tient de l'exploit destiné à épater la galerie, il y a là un zeste d'esbroufe, mais c'est aussi de la vraie musique, et seul un musicien chevronné et expérimenté peut se livrer à un tel exercice. Ça fait partie du jeu et c'était vraiment agréable à entendre.

Somme toute, un excellent concert, dont je me souviendrai longtemps.

09/07/2010

Régis Rousseau: un programme en or

regisRousso.jpgCe n'est certes pas le nom de Régis Rousseau qui avait attiré tant de monde à la cathédrale mardi alors qu'il avait convaincu le ténor Marc Hervieux, qui est aussi un ami à lui, de  s'y produire en concert.

Et pourtant la prestation de l'organiste, qui est également directeur du Conservatoire de musique de Saguenay, fut excellente. En accompagnement du ténor, dans les airs sacrés mais aussi dans les pièces profanes, notamment les deux arias de Puccini, E lucevan le stelle et Nessun dorma, que l'on entend certes rarement accompagnés à l'orgue (je ne sais pas s'il a fait lui-même les transcriptions): il a su souligner de couleurs inouïes (au sens de jamais entendues), le tempo et la mélodie.

Mais c'est dans les pièces pour orgue seul que j'ai surtout apprécié son jeu solide et sensible.

De plus, il a eu la brillante idée de mettre au programme une pièce du compositeur saguenéen François Brassard (1908-1976), qui a donné son nom à la salle du Cégep de Jonquière. En mars dernier, le  journaliste Daniel Côté a publié dans Progrès-Dimanche une série de textes très pertinents sur ce compositeur, ethnologue et organiste, mentionnant que ses oeuvres sont totalement inconnues du public, car elles sont très rarement jouées par les interprètes.
Dont acte. Régis Rousseau a répondu présent par la bouche... de ses tuyaux! Avec la Sonatine en si bémol, une oeuvre dynamique, colorée, vraiment agréable à entendre. L'occasion ne pouvait être mieux choisie pour faire découvrir François Brassard, leur compatriote, à plus de 2000 Saguenéens!

Un autre choix judicieux: pour faire sonner le Casavant, au lieu de la sempiternelle Toccata et fugue de Bach (fort belle par ailleurs), il a opté pour le Prélude et fugue sur le nom de BACH (ce lien conduit à un texte en anglais qui décrit l'oeuvre et explique que les lettres BACH correspondent aux notes si bémol, la, do, si (bécarre) dans le système allemand de notation musicale) de Franz Liszt: une oeuvre puissante et complexe, déployée avec force et précision par un interprète de haut niveau.

Double coup de chapeau donc à Régis Rousseau: l'un pour avoir convaincu Marc Hervieux de venir chanter à Chicoutimi, l'autre pour avoir mis à son programme une oeuvre de François Brassard!

19/04/2010

Un autre orgue déménage

orgueSeul.jpgJ'ai assisté dimanche au concert inaugural de l'orgue de l'église Ste-Famille (que l'on a rebaptisée Saint-Mathieu),  du secteur de Kénogami. Cet orgue Casavant provient de l'église Ste-Cécile, située non loin de là sur la même rue. Cette dernière  a appartenu à l'homme d'affaires André Reid, qui voulait en faire un lieu de diffusion musicale appelé l'Opéra Ste-Cécile. Après avoir résidé dans l'édifice pendant quelques années, André Reid a dû renoncer à ce beau projet, faute de soutien et d'argent, et l'église-opéra est aujourd'hui en vente.

martinReduit.jpg

Le déménagement et l'installation de l'orgue dans son nouveau lieu sont l'oeuvre de Luc Lessard, qui est devenu un spécialiste dans ce genre d'activité, voir sur le site: http://www.musimem.com/lessard.htm
Beaucoup de monde à ce concert, au jugé je dirais environ 500 personnes. Une campagne de financement a été lancée pour défrayer les coûts du déménagement de l'orgue. Objectif: 40 000$. On a annoncé hier avoir déjà recueilli 35 000$ mais je ne sais pas si cela inclut les profits générés par la vente des billets (20$) pour le concert.consolDecoup.jpg
L'organiste Martin Boucher a offert un beau programme, malheureusement beaucoup trop long. Buxtehude, Mozart, Georg Böhm, Théodore Dubois,  et plusieurs oeuvres de Bach. (Il aurait dû jouer la Toccata et fugue à la fin du concert plutôt qu'au début, me semble-t-il, mais enfin...)
Son choix mettait en évidence les qualités de l'instrument, même s'il ne lui a pas fait donner le volume maximum.  Un ou deux tuyaux ne sonnaient pas bien (son grêle ou divisé): quelques petits ajustements à faire sans doute.
La soprano Jacinthe Thibault, que j'avais JacintheThibault.jpgrécemment entendue dans l'opérette Monsieur Choufleuri, a une belle voix puissante. Sa technique n'est pas tout à fait au point, ou en tout cas mal adaptée au répertoire sacré, et elle ne prononce pas bien le latin. Dommage parce qu'elle a chanté uniquement des pièces en latin...
Somme toute, c'était une excellente idée que de marquer la réalisation de ce déménagement de l'orgue par un concert. L'événement a permis au public de voir et d'entendre l'instrument dont le buffet est divisé en deux modules installés de part et d'autre du choeur, visibles de la nef où se tiennent les fidèles. La cérémonie était animée par Louise Malaison, il y avait des notables comme les députés J.P. Blackburn et S.Gaudreault. Nulle trace cependant du maire de Saguenay...