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13/05/2019

Dialogues des carmélites: Terreur et beauté

Dialogues des Carmélites, Metropolitan Opera, Cinéma Jonquière

Merveilleux après-midi à l'opéra, samedi à Jonquière.
Dialogues des carmélites de Francis Poulenc, une oeuvre magnifique, présentée par une équipe formidable au Metropolitan Opera. Je n'étais pas sûre d'aimer cette histoire de religieuses martyres, et pourtant, j'ai savouré le spectacle du début à la fin.
D'abord la musique, extraordinairement nuancée, subtile, couleurs, tempis, volumes, accents très divers mais unifiés dans le style unique -et français- de Poulenc.
L'orchestre, sous la baguette de Yannick Nézet-Séguin, découpe, sculpte, attaque ou accompagne d'une façon extraordinaire tout ce qui se passe, comme s'il était lui-même sur la scène, le son semblant se déplacer pour envelopper un(e) solo, un dialogue, un ensemble, une expression, un élément du décor. À la fin, les coups de cymbales qui ponctuent le passage de chaque religieuse sous la guillotine tandis que les soeurs restantes continuent de chanter le Salve Regina: tout cela est bouleversant.
En définitive, si le drame est intense et lourd, appuyé par la scénographie "austère et terrifiante" de David Reppa, si plusieurs passages (mise en scène de John Dexter) portent l'émotion à son paroxysme, l'oeuvre est finalement belle et lumineuse. Parce que c'est un chef-d'oeuvre absolu!

Dans cette production, chaque artiste, des plus petits rôles jusqu'aux plus grands, donne le maximum de son talent et de ses capacités pour produire un grand ensemble qui fonctionne dans les moindres détails. Tous déploient une diction de grande qualité qui fait ressortir toute la richesse du texte français.

Quelles interprètes! Plusieurs femmes, bien entendu. Dans le premier rôle, celui de la jeune novice Blanche de La Force, la mezzo-soprano Isabel Leonard associe un jeu dramatique saisissant à son chant pur et presque divin.
Tout comme ses compagnes, Erin Morley (soeur Constance), Karin Cargill (mère Marie). Et que dire de Karita Mattila, (photo ci-dessous) donnant vie (et mort) à la vieille prieure qui se tord de douleur et meurt sous nos yeux en s'interrogeant sur l'existence de Dieu, sur l'utilité de sa longue vie religieuse...

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Excellente prestation aussi de la soprano canadienne Adrianne Pieczonka, excellente dans le personnage souriant et bienveillant de la nouvelle prieure. Petit rôle aussi très bien assumé pour la mezzo-soprano canadienne Emily d’Angelo, celui de soeur Mathilde qui se méfie de Blanche. Chaque caractère est d'ailleurs découpé avec un minimum d'éléments et un maximum de précision. Joyeuse, inquiète, simple, passionnée: chacune a sa manière d'être, parfaitement définie par le jeu, la musique, l'action.
Leurs points de vue aussi sont différents: au-delà d'un drame illustrant la cruauté des hommes (l'histoire est inspirée d'un fait réel: sous la Terreur, le guillotinage d'un groupe de Carmélites de Compiègne), l'oeuvre nous interroge sur la vie, la mort, le sacrifice, la peur, l'âme, le matériel et le spirituel, les croyances...

Du côté des hommes, le ténor David Portillo est superbe dans le rôle du Chevalier de la Force, frère de Blanche. Timbre délicat et agréable, justesse sans faille, jeu impeccable.

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Le baryton Jean-François Lapointe, qui incarne son père (et celui de Blanche) le Marquis de la Force, se montre comme toujours à la fois souple et solide vocalement, et précis dramatiquement, dans la première scène, la seule (tout de même assez consistante) où il apparaît. Appelé à remplacer celui qui devait jouer le rôle à l'origine, il offre un émouvant échange père-fille avec Isabel Leonard (photo ci-dessus) et se montre en parfaite harmonie avec le reste de l'équipe.
D'ailleurs le cinéma Apéro était presque plein, nul doute que plusieurs de ses fans saguenéens y étaient pour quelque chose.

Photos: Ken Howard, Metropolitan Opera

 

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