03/05/2015
Sur les flots bleus du souvenir
Cette image du Richelieu qui appareille au port de Chicoutimi pour naviguer sur le Saguenay jusqu'à Tadoussac, et ensuite sur le fleuve Saint-Laurent vers Québec et Montréal (tirée du formidable film Au Royaume du Saguenay ) m'a rappelé un beau souvenir.
Je ne sais pas si c'est arrivé plus d'une fois, mais je me souviens d'un voyage à bord de ce bateau, avec ma mère, sa soeur (ma tante Yvette) et mon petit frère Pierre vers 1953.
Après nous avoir conduits à Chicoutimi en voiture, mon père retournerait à la maison pour travailler pendant la semaine et nous rejoindrait ensuite à Tadoussac la fin de semaine, pour nous ramener ensuite à Arvida.
Ce fut ma première croisière. Après avoir vu le navire arriver au quai, tout blanc, immense, je suis montée à bord pour un voyage fantastique.
Je découvris sur ce bateau un nouvel univers, totalement différent de tout ce que je connaissais. J'allai de surprise en éblouissement dans ce véritable labyrinthe peuplé de mystères, de portes ouvrant sur des grandes pièces richement décorées ou encore sur de minuscules armoires à balais, de coursives et d'escaliers menant on ne sait où.
Le perpétuel grondement qui montait de ses entrailles avait quelque chose d'inquiétant et de fascinant à la fois.
Il y avait une belle grande salle à manger et de petites cantines où on pouvait acheter de la liqueur et de la crème glacée. Des salons aux sofas profonds et aux tapis épais, des bibliothèques aux chaises garnies de velours, des fumoirs aux fauteuils en cuir d'où émanaient des odeurs étranges... tous presque vides.
Les passagers préféraient en effet se tenir sur les ponts pour admirer le paysage et apercevoir la statue de la Vierge au Cap Trinité tandis que les haut-parleurs jouaient l'Ave Maria. Les femmes portaient des fichus, et les hommes des casquettes car l'air était frais et le vent soufflait fort.
Le Fjord du Saguenay, que j'aime tant aujourd'hui, ne m'intéressait guère à cette époque de mes sept ans. Je préférais nettement l'intérieur du bateau.
Il y avait des activités organisées pour les enfants (dessin, coloriage, bricolage), mais ce qui m'attirait le plus, c'était un jeu de société pour adultes: la course de chevaux! J'étais totalement captivée par ces petits chevaux en plastique que les joueurs déplaçaient, en fonction des points obtenus en lançant les dés, sur une longue piste (en bois si je me souviens bien) posée par terre.
J'avais vraiment hâte de grandir... juste pour pouvoir participer à ce jeu.
Tout cela m'a tellement absorbée que je ne garde par ailleurs aucun souvenir de l'entrée dans la baie de Tadoussac, ni du débarquement, ni du trajet jusqu'à l'hôtel...
Prochain épisode: des détails étonnants sur l'histoire du Richelieu et de ses "frères".
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*: Toutes les images qui illustrent ce billet sont tirées du film Au Royaume du Saguenay, tourné par l'abbé Maurice Proulx en 1957 et rendu accessible par Bibliothèque et Archives nationales du Québec.
22/02/2015
La marche à l'hiver
J'ai consacré une bonne partie de ce beau dimanche à une longue marche dans l'hiver arvidien, qui était très doux en ce 22 février 2015. Je n'avais pris que mon mini-appareil numérique, histoire de ne pas surcharger mes poches, et je m'en suis servie pour croquer ceci:
Au fond, l'église Saint-Jacques, maintenant occupée par l'équipe de Québec Issime, et à l'avant-plan, une portion de l'anneau de glace, sur lequel personne ne patinait à l'heure du midi.
Et j'ai découvert, entre le boulevard Mellon et les maisons de la rue Dion qui lui est parallèle, ce merveilleux petit sentier, où il y avait quelques traces de pas dans lesquelles j'ai mis les miens, "calant" dans la neige à certains moments, à d'autres me tenant aux arbres.
En pleine ville, à une trentaine de pieds d'un boulevard très fréquenté, je me sentais comme en pleine forêt: c'était vraiment formidable!
17/11/2014
Un vieux pont... tout neuf
L'autre jour j'ai eu la curiosité d'aller traverser en voiture le pont d'aluminium d'Arvida, rouvert à la circulation en août dernier après une fermeture de plus d'un an pour cause de travaux.
Je voulais voir quels changements ont été apportés à ce remarquable ouvrage qui enjambe la rivière Saguenay.
La modification la plus évidente est celle du tablier, qui a été élargi, recouvert d'asphalte neuf et agrémenté de feux de circulation alternants à chacune de ses extrémités. Ils doivent j'imagine fonctionner lors du passage de camions lourds.
Je n'ai pas photographié cette nouvelle surface car je ne pouvais m'arrêter sur le pont (d'ailleurs ce n'est pas visuellement intéressant).
Comme je n'ai fait qu'un seul arrêt, après la traversée, mes clichés se ressemblent tous et ne montrent le pont que sous un seul angle (je me promets d'y retourner aux beaux jours pour faire d'autres photos).
Des passages latéraux pour les piétons ou vélos ont été aménagés, derrière un nouveau garde-corps. On peut constater, en consultant des photos plus anciennes, que certaines poutres verticales et transversales ont été remplacées. La dalle de béton a été remplacée, aussi. Cette vidéo donne une bonne idée de l'ampleur des travaux réalisés:
Après un premier projet de réfection qui devait inclure de l'acier, tous les acteurs au dossier ont vite compris la nécessité de conserver ce qui fait la valeur patrimoniale, architecturale et esthétique de notre pont, inauguré en 1950: ses arches en aluminium. Il fut en effet, dit-on, le premier pont au monde construit en aluminium.
Outre le choix du matériau, c'était un ouvrage très novateur pour l'époque, ainsi qu'on peut le comprendre en lisant cet intéressant article.
Quand j'étais jeune, j'empruntais ce pont pour me rendre à la célèbre plage de Shipshaw... je vous en parle dans un prochain billet.
24/09/2014
Destin de murale
L'autre installation de Karol Proulx que l'on peut voir au carré Davis a connu un sort moins intéressant que le monument, dont j'ai parlé ici. C'est la murale intitulée La Place de l'homme dans l'univers?, sur la façade de l'ancien hôtel de ville d'Arvida.
Le sort de l'oeuvre qui s'y trouvait auparavant fut encore moins enviable. C'était une murale de céramique en quatre parties réalisée par Jordi Bonet en 1960 et intitulée L'Homme et la cité. Attaquée par l'humidité, elle fut retirée, et on dit que les morceaux sont maintenant rangés dans des boîtes et entreposés à La Pulperie.
Voici une rare image de cette oeuvre de Jordi Bonet, tirée du documentaire Scrapper l'art:
Elle fut donc remplacée en 1975 par l'oeuvre de Karol Proulx, dont les quatre volets s'insèrent dans l'espace occupé auparavant par ceux de Jordi Bonet. Mais un peu plus tard, une rampe d'accès pour handicapés fut installée de façon à masquer deux des quatre tableaux de cette murale:
J'ai pris quelques photos de ces éléments cachés:
(Ci-dessus, un détail du premier panneau, entièrement dissimulé à la vue)
On songe semble-t-il, à déplacer la rampe pour laisser voir l'oeuvre, fort intéressante me semble-t-il, dans sa totalité. Voici d'ailleurs une photo de l'ensemble, empruntée à la page Facebook de l'artiste:
22/09/2014
Le monument de Karol Proulx
Deux oeuvres de l'artiste saguenéen Karol Proulx sont installées à quelques pas l'une de l'autre, au carré Davis à Arvida. Mais elles ont connu un sort bien différent.
Je les vois chaque fois que je vais au centre-ville, c'est-à-dire très souvent. Mais au cours de cet été qui s'achève aujourd'hui, j'ai fait une sortie spéciale pour les photographier.
Voici la première, la plus connue et la plus visible: un imposant monument en aluminium intitulé "Élévation vers une conscience universelle", qui fut mis en place en 1977 pour souligner le 50ième anniversaire de fondation de la ville d'Arvida.
Je l'aime bien à cause de sa dualité: masse et poids du matériau d'une part, et d'autre part, légèreté avec laquelle ses deux "ailes" se courbent gracieusement pour se tendre vers le ciel, semblant vouloir emporter dans leur élan la sphère située au milieu, symbole de la terre.
Mais l'oeuvre était inachevée, en quelque sorte. (Cliquer sur la vignette ci-dessus à gauche pour voir son ancien aspect).
À la faveur d'une restauration récente, elle fut également "complétée" de belle façon par l'ajout de deux vitraux signés par l'artiste-verrier Harold Bouchard, qui lui apportent couleur et luminosité.
Circulaires, ces vitraux captent la lumière, et à la fois la renvoient vers l'extérieur et la diffusent vers l'intérieur, sur la sphère où ils produisent de mystérieux reflets.
On peut donc dire que cette oeuvre a été d'une certaine façon choyée par les citoyens (sauf quelques inévitables vandales) et par les autorités municipales successives de Jonquière, avec laquelle Arvida avait fusionné en 1975, et de Saguenay, avec laquelle Jonquière fusionna en 2001!
14/09/2014
Découvrir un pont couvert
Par un beau dimanche du mois d'août, en revenant de Tadoussac, nous nous sommes arrêtés pour visiter et photographier le pont Louis-Gravel, un bel exemple de ces nombreux ponts couverts semés à travers le Québec, précieux éléments de notre patrimoine bâti.
Celui-ci, situé non loin de Sacré-Coeur, enjambe la rivière Sainte-Marguerite. Il est assez méconnu et peu visité, sans doute parce qu'il ne mène qu'à une seule propriété, privée. Donc, si on l'emprunte en auto et qu'on ne connaît pas les gens qui habitent de l'autre côté, on doit faire demi-tour dans un espace assez restreint.
Nous l'avons donc parcouru à pied, ce qui nous a permis d'en admirer la belle structure de bois (très invitante pour les amateurs de graffiti, voir plus bas), bien remplie mais permettant tout de même d'apercevoir la rivière en plusieurs points.
Rouge et pimpant, en apparence solide, il est fort charmant, ce pont nommé Louis Gravel en hommage, dit-on, à l'un des premiers colons qui s'établirent à Sacré-Coeur.
Construit en 1934, il n'a pas toujours eu cet aspect. D'abord il fut blanc jusqu'en 1998:
Cette même année, après avoir été peint en rouge et avoir subi d'importants travaux de réparation et de consolidation, le pont s'effondra dans la rivière, littéralement cassé en deux:
Le couple (un M. Régis Tremblay et sa femme) qui habitait alors de l'autre côté a dû utiliser une chaloupe (que l'on aperçoit à droite de la photo de Léo Bonin, ci-dessus) pendant quelque temps pour traverser la rivière. (Pour des détails sur cette catastrophe, cliquer ici)
Le pont fut rédressé, réparé et consolidé encore par des poutres d'acier installées sous sa structure. Ouvert toute l'année, il a une longueur de 129 pieds et peut supporter jusqu'à 12 tonnes.
Les belles poutres de bois sont littéralement couvertes de graffiti. On peut le déplorer, mais pour ma part je trouve cela plutôt sympathique. Je les aimerais cependant un peu plus originaux, ou poétiques. En voici quelques exemples (cliquez sur chaque photo pour mieux lire le texte):
10/08/2014
Super lune
Le ciel était clair, j'ai capté, piégé cette super lune du mois d'août que je vous livre ici, pieds et poings liés, immobile et lumineuse.
Entre Jack et moi, c'était la course à qui des deux serait le premier à publier des photos de la super lune sur son blogue. C'est lui qui a gagné. Voyez ici.
C'était dans la nuit brune,
Sur le clocher jauni,
La lune
Comme un point sur un i.
Lune, quel esprit sombre
Promène au bout d'un fil
Dans l'ombre
Ta face et ton profil?...
N'es-tu rien qu'une boule?
Qu'un grand faucheux bien gras
Qui roule
Sans pattes et sans bras?
Est-ce un ver qui te ronge,
Quand ton disque noirci
S'allonge
En croissant rétréci?
Qui t'avait éborgnée
L'autre nuit? T'étais-tu
Cognée
A quelque arbre pointu?
Je viens voir à la brune
Sous le clocher jauni
La lune
Comme un point sur un i.
(Alfred de Musset)
07/06/2014
Troublant regard
En voyant sur Facebook cette photo d'une oeuvre d'art urbain réalisée par l'artiste JR, je l'ai trouvée à la fois magnifique et troublante.
En me demandant où elle était située, et j'ai tout de suite pensé à Paris, sous les quais qui longent la Seine. Option que j'ai pu confirmer en poussant un peu mes recherches. Surtout quand j'ai trouvé une photo couleur de la même installation:
Une belle découverte que l'oeuvre de cet artiste de rue français, qui a une façon particulière de travailler: en réalité, il installe des photos sur des monuments, des paysages, un peu partout dans le monde. On peut avoir une bonne idée de son travail en consultant son site ici.
Ceux qui sont passés devant l'oeuvre à bord d'un bateau-mouche parisien (je parle au passé, car l'oeuvre, installée en 2011, n'y est certainement plus) ont peut-être songé à ces mots de l'opéra Carmen:
Un oeil noir te regarde
C'est dans l'air du Toréador, que vous pouvez écouter, chanté par le baryton Ludovic Tézier en cliquant sur cette image:
26/05/2014
Le règne de la beauté...
J'emprunte le titre du plus récent film de Denys Arcand pour vous montrer quelques nouvelles photos de la rivière Saguenay, exceptionnellement calme ce jour-là (12 mai 2014).
J'ai saisi ces quelques images à travers la vitre de l'autocar qui roulait entre Chicoutimi et Arvida, dernier segment du long périple qui me ramenait à la maison après un bref séjour à Montréal.
J'avais joué le même tour aux Lacs du Parc, quelques heures auparavant.
Je ne me lasse jamais du Saguenay: chaque nombreux jour de ma vie où je l'ai vu, il était différent... et chaque fois magnifique. D'où le titre de ce billet.
Qui rend aussi hommage au film de Denys Arcand, que j'ai vu récemment, que j'ai plutôt aimé, et dont je reparlerai peut-être dans un prochain billet. En attendant, vous pouvez lire quelques opinions favorables:
Celle de Jack, ici
Et celle de Dominique Corneillier, particulièrement fouillée et pertinente, publiée dans Le Devoir.
Encore une photo du Saguenay:
Et enfin celle-ci, ma préférée:
15/05/2014
Doux dégel
Il y a quelques jours dans le Parc des Laurentides, les beaux lacs sauvages se dégageaient lentement des glaces de l'hiver. Je les ai saisis à la dérobée, à travers la vitre de l'autocar qui me ramenait chez moi.
- Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,
- Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
- Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges
- Jeter l'ancre un seul jour ?
- (Lamartine, Le Lac)