Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

21/03/2010

Royales breloques

Denys Tremblay: un artiste que j'ai rencontré à plusieurs reprises pendant ma carrière de journaliste. Son art est très particulier, entre installation, médiums mixtes, écriture de textes.denysElis.jpg

En fait, je dirais qu'il est un spécialiste de l'élaboration de concepts et de projets, donc de la création globale, tellement globale qu'il s'y intègre lui-même la plupart du temps. Ses installations sont en fait de l'autofiction, car il en est toujours partie prenante: il commença sa carrière d'artiste en se proclamant Illustre inconnu. Pas ses oeuvres et son discours, partant du particulier (lui-même, la région su Saguenay...) pour aller au général, il soulève des questions pertinentes et délicates sur certains enjeux sociaux de l'heure.

Il avait conçu, dans les années 80 je crois, un projet pour déménager  la maison du peintre Arthur Villeneuve et pour l'installer sous une bulle de plexiglas sur la zone portuaire de Chicoutimi. La maison fut plutôt déménagée à la Pulperie, où se poursuit  jusqu'au 29 mai 2010, une exposition intitulée Alias: de l'Illustre Inconnu au Roi de L'Anse consacrée au  projet de royauté de Denys Tremblay. L'exposition est en lien avec un livre écrit par le sociologue Hervé Fisher sur cette aventure et sur l'esthétique de Denys Tremblay. Publié chez VLB, l'ouvrage s'intitule Un roi américain.

En 1997, Denys Tremblay fut élu et couronné roi de l'Anse St-Jean, un concept qui semblait prometteur mais qui finalement s'acheva trois ans plus tard par l'abdication du monarque municipal (bon résumé de l'aventure ici).
En parallèle, il avait conçu le projet Saint-Jean du Millénaire, qui consistait à reproduire la main et le visage de saint Jean Baptiste (qui lui ressemblait comme un frère) sur le flanc de la montagne par la technique de la mosaïque végétale. Plus de détails ici.

sceptreOto.jpgJ'ai été très contente de revoir Denys Tremblay récemment à la galerie Séquence, à l'occasion d'une exposition qu'il y présentait et qui s'est terminée le 28 février. Il y avait beaucoup de monde ce jour-là et c'est avec un plaisir évident que l'artiste, toujours aussi volubile, expliquait sa démarche à ses visiteurs. Avec sa permission, j'ai pris des photos de cette exposition, intitulée A.A.A. L'art après l'Apocalypse mais j'ai oublié de le photographier, lui. (Oups!) Toujours fasciné par la royauté et ses symboles, il me conduit moi aussi à réfléchir, de façon moins complexe mais tout de même, à ce qu'est l'autorité pour les humains.


Un sceptre, des images, des portraits, du maquillage, des vêtements, des matières précieuses confèrent à un homme (ou à une femme, mais c'est plus rare) l'autorité et le statut de chef à qui tous doivent obéissance et repect, dans le domaine social, politique, religieux.
Pourquoi se laisse-t-on aveugler par ces signes apparents? Pourquoi respecte-t-on l'autorité, surtout si c'est celle d'un imbécile ou d'un tyran (les uns comme les autres furent légion dans l'histoire humaine, et leurs descendants [par le sang ou par la pensée] règnent aujourd'hui en plusieurs lieux). Pourquoi une personne ordinaire, une fois perçue comme chef détenant un pouvoir, peut-elle se permettre d'ordonner, de contraindre, d'imposer des façons de faire jusque dans les moindres détails. De terroriser, de torturer, de tuer (souvent ses propres sujets)  s'il a à sa disposition, en plus des bébelles décoratives, des soldats et des armes.
autoFilsB.jpg


Dans cette exposition, Denys Tremblay s'est encore une fois mis en scène, portant les attributs royaux et apparaissant sur des images modifiées, en parallèle avec des photos d'Élisabeth II, et aussi de Muskar XII, le roi du Sceptre d'Ottokar. Une vraie reine et un roi fictif -ou deux-: tout est fiction.
Une maquette du Titanic qui coule, accompagnée des différents menus offerts à bord aux riches passagers, aux passagers  ordinaires, aux officiers, aux simples marins. Les uns ont droits aux plats raffinés, les autres au brouet du paysan.
La dernière salle étonne et fait réfléchir: un essieu surmonté d'un torse doré et d'un phallus (que l'on suppose doré) recouvert d'un voile (d'un condom?), une croix faite en fils barbelés: la voiture et la croix, deux symboles de puissance qui, revisités par l'artiste, révèlent l'impuissance et la faiblesse de l'esprit humain, qui s'incline devant des symboles dont l'inanité n'a d'égale que la dangerosité.

Ci-dessous, très intéressant texte de Jean-Pierre Vidal, commissaire de l'exposition.

texteApoc.jpg

Commentaires

1)Au tout début de ma carrière, j'avais été assignée à couvrir dans la maison des Tremblay à Rivière-du-Moulin une installation du même Denys : le salon avait été transformé en salon mortuaire. L'adolescent d'alors entamait une démarche qui ne l'a pas quitté depuis. Un cerveau en constante ébullition créatrice, en questionnement social (?). Pour ma part à ce moment un pied à peine dans la vingtaine, j'avais été impressionnée. Et m'étais demandé -ahahahah_ comment mes parents auraient réagi si j'avais installé une tombe dans le salon et tout ce qui va avec pour les morts...
2) Retour à l'exposition dont tu parles : est-ce que le voile couvrant le pénis figure un condom, telle une capitulation devant le pouvoir?

Écrit par : Andrée | 21/03/2010

Les commentaires sont fermés.