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02/02/2015

Musique, plaisir et Contes d'Hoffmann

Les contes d'Hoffmann, Metropolitan Opera, Vittorio Grigolo, Kate Lindsey, Erin Morley, Offenbach

S'asseoir, écouter, s'abandonner. Se laisser emporter par la musique, le rêve, dans la fantasmagorie d'un monde irréel. Comprendre que cette histoire qui nous est racontée, bien qu'invraisemblable et fantastique, nous parle et parle de nous, de l'humanité, de l'amour, des secrets enfuis et enfouis.
Ainsi ai-je vu Les Contes d'Hoffmann, en direct du Metropolitan Opera, au cinéma Jonquière samedi.
Un spectacle, comment dire, vivant, dynamique, organique, grâce aux interprètes, complètement là, dans leur rôle, dans l'histoire, dans le décor.
À commencer par Vittorio Grigolo, qui nous a offert un merveilleux poète Hoffmann: belle voix bien timbrée, expressivité qui nous séduit dès le début avec la légende de Kleinzach (cliquez ci-dessous pour entendre cet air interprété par Rolando Villazón), le premier des multiples arias et beaux airs dont est tissé cet opéra de Jacques Offenbach.

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Le compositeur, que l'on surnommait le roi de l'opérette, est mort avant d'avoir complètement terminé cette oeuvre fort différente de ses précédentes, mais portant néanmoins son style et sa sa signature dans la richesse, l'éclat et l'inventivité de la mélodie et de l'orchestration.
La scénographie et la mise en scène, avec ces groupes de personnages bigarrés (choristes et danseurs) portant des costumes hétéroclites inspirés par différentes époques et cultures, ont quelque chose de décadent et de lascif, un peu à la Fellini (même si le metteur en scène Bartlett Sher disait à l'entracte avoir puisé son inspiration chez... Kafka).

Une atmosphère somme toute d'inquiétante étrangeté, surtout dans l'acte consacré à la poupée-automate Olympia, lui-même tiré d'un récit de E.T.A. Hoffmann auquel Sigmund Freud fait référence quand il élabore ce concept.

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L'extraordinaire Grigolo est entouré d'interprètes également magnifiques: que ce soit Kate Lindsey (la Muse et l'étudiant Nicklausse), Erin Morley, extraordinaire d'agilité vocale dans l'air d'Olympia (cliquez sur la photo ci-dessus pour l'entendre), Hibla Gersmava qui propose une émouvante Antonia, ou encore le baryton Thomas Hampson qui assume avec élégance et assurance les quatre vilains. Les rôles secondaires sont également de haute tenue et tout ce monde prononce le français de façon remarquable, faisant honneur à l'admirable livret de Jules Barbier.

L'orchestre, sous la baguette du chef franco-ontarien Yves Abel, accomplit un excellent travail.

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Bref, ce fut un enchantement du début à la fin, ponctué par les arias comme 
Elle a fui la tourterelle, O Dieu de quelle ivresse, Belle nuit (la barcarolle), Les oiseaux dans la charmille, Scintille diamant, Non c'est la méthode, comme autant d'étoiles dans ce beau firmament musical.

Un bémol

Une petite réserve toutefois au sujet du dernier acte et de l'épilogue, qui  m'ont semblé escamotés, comme si on était pressé de conclure. Le reflet volé, le meurtre de Schémil, le départ de Giulietta, puis celui de Stella, la révélation de l'identité de Nicklausse, tout ça se bouscule dans une certaine confusion.


Une deuxième fois

Je voyais cette production pour la deuxième fois. La première fois, c'était en 2009, également au cinéma Jonquière. Même mise en scène, distribution différente, sauf pour Kate Lindsey. J'avais beaucoup aimé également. Mon compte rendu est ici.

06/04/2014

Et vogue La Bohème!

La Bohème, Puccini, cinéma Jonquière, Kristine Opolais, Vittorio Grigolo, Susanna Phillips, Metropolitan Opera, Zefirelli

C'est une très vieille chose (relativement!) que cette version de La Bohème jouée au Metropolitan Opera: la mise en scène et la scénographie, signées Franco Zeffirelli, datent de 1981. Chaque année l'oeuvre est reprise, telle quelle, avec des interprètes différents, et chaque fois c'est le même succès.
Ce samedi 5 avril, pour la projection de La Bohème en direct au cinéma Jonquière, il y avait nettement plus de monde que d'habitude. Un peu moins toutefois que lors de la première diffusion (avec une autre distribution, j'en avais parlé ici) en mars 2008!
Tout est pareil... et magnifique: costumes, déplacements et mouvements des personnages et des choeursEt ces décors arrimés à trois gigantesques plateaux qui glissent sur la scène  (et la quittent de la même façon) presque tout d'un bloc. La plupart des spectateurs sont demeurés dans la salle du cinéma Jonquière pendant les deux entractes, juste pour regarder le fascinant ballet de ces changements de décors!

Le changement d'une année à l'autre provient donc essentiellement des interprètes chargés de faire vivre pour nous cette incomparable musique de Puccini.
Et la distribution que nous avions samedi était quasi idéale.
Pourtant l'interprète de Mimi n'était pas celle que nous attendions: la soprano lettone Kristine Opolais a remplacé au pied levé (c'est le cas de le dire) Anita Harting, victime de la grippe.


Opolais venait de chanter, la veille sur cette même scène, le rôle-titre de Madame Butterfly, du même Puccini. Couchée à 5 heures du matin, elle fut réveillée à 7h30 par un appel du directeur du Metropolitan, Peter Gelb, lui demandant d'assumer le rôle de Mimi l'après-midi même. Elle a d'abord refusé, ainsi qu'elle le racontait à l'entracte, avant de se raviser et d'accepter le défi. (L'histoire est racontée ici, en anglais).

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(Vittorio Grigolo et Kristine Opalais en entrevue avec Joyce Di Donato à l'entracte)


Je ne sais pas si nous avons perdu au change, car je ne connais pas Anita Harting. Mais Kristine Opalais faisait une très bonne Mimi, malgré une voix qui montait un peu trop vers le registre plus aigu de Butterfly dans les premières scènes et quelques signes de fatigue. Peut-être un peu unidimensionnelle dans ses attitudes, elle fut à tout le moins très bien, sans être extraordinaire. Deux prises de rôle au Met (elle avait toutefois déjà incarné Mimi sur d'autres scènes) en moins de 24 heures: l'exploit est considérable et mérite rien de moins qu'une médaille d'or. On la salue bien bas.
Mais cette Bohème fut remarquable au point de vue vocal surtout grâce à deux autres interprètes: le ténor Vittorio Grigolo, vraiment magnifique dans le rôle de Rodolfo, voix souple et agile, volume imposant lorsque nécessaire, belle prestance. Peut-être pas assez nuancé et engagé émotivement dans son jeu, mais pour la performance vocale, il est inégalé. Ce natif de Rome mérite bien son surnom de Il Pavarottino (le petit Pavarotti)!

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Quant à la prestation de Susanna Phillips en Musetta (ci-dessus), la femme aux moeurs libres qui s'adonne à tous les plaisirs et collectionne les conquêtes, elle était tout simplement magique. Une voix juste, agréable, une exubérance bien marquée, une belle évolution de la légèreté insouciante vers une maturité généreuse au contact de la maladie et de la mort de Mimi: voilà une prestation brillante, assumée, vibrante, autrement dit parfaite.
Et quelle oeuvre géniale! La musique, le livret, les dialogues: tout est beau, fin et délicat, tellement français (l'action se passe à Paris) qu'on croit entendre cette langue et en apprécier les traits d'humour alors même qu'on écoute les airs chantés en italien (plusieurs interprètes sont italiens) tout en lisant les sous-titres anglais!

Les décors traditionnels produisent toujours leur effet boeuf, la scène de foule au début du deuxième acte virevolte dans une chorégraphie réglée au quart de tour, les échanges entre Rodolfo et ses amis sont particulièrement réussis, le scénario progresse logiquement du début léger et comique vers la fin tragique de l'histoire.

L'orchestre dirigé par le chef Stefano Ranzani soutient tout cela avec fougue et intensité.
Bref, que vive et vogue La Bohème pour plusieurs années encore!