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24/09/2011

Les Noces et le Feu

Je viens de passer cinq jours merveilleux à Montréal (d'où mon retard à ajouter de nouveaux billets sur ce blogue), chez fiston et sa douce, au cours desquels j'ai fait et vu des choses étonnantes, stimulantes, réconfortantes, spéciales.

J'en ai beaucoup à raconter, je vais procéder en reculant dans le temps, et donc commencer par ma dernière soirée, celle du jeudi 22 septembre.

Le Nozze di Figaro, Opéra de Montréal, Julie Boulianne, Arcade Fire

(Julie Boulianne, Phillip Addis et Hélène Guilmette. Photo: Yves Renaud)


Je suis allée voir Le Nozze di Figaro de l'Opéra de Montréal. Je me suis offert un bon billet  dans la rangée K, au centre,  salle Wilfrid-Pelletier. La dernière représentation, ce soir samedi, y était jouée à guichets fermés. J'ai beaucoup aimé. La mise en scène de Tom Diamond, dynamique et bien conduite, permet de se débrouiller (à peu près) dans ce tourbillon de quiproquos, de tromperies, de revirements amoureux à la faveur de lettres, billets et autres objets perdus ou retrouvés.

Côté musique, c'est le divin Mozart, léger, délicieux, joyeux... éblouissant. L'Orchestre Métropolitain, sous la direction de Paul Nadler, sonne bien et met en valeur la richesse de cette écriture. Une bonne équipe de chanteurs, assez homogène, d'où se détache Julie Boulianne, mezzo-soprano originaire de Dolbeau-Mistassini, qui vole littéralement le show en première partie. Sous les traits du jeune page Cherubino, elle fait rire le public avec ses pitreries, avant de l'émouvoir totalement avec son merveilleux Voi che sapete, longuement applaudi d'ailleurs.

Voici ce qu'a écrit Claude Gingras dans La Presse:

La minuscule mezzo Julie Boulianne projette assez de voix pour rejoindre la dernière rangée de la corbeille et son personnage de page Cherubino est l'un des joyaux du spectacle : elle adopte la parfaite allure d'un adolescent et elle fait rire toute la salle lorsqu'on l'habille en fille.

 

En deuxième position: la soprano Nicole Cabell, en comtesse Almaviva: belle voix chaude et nuancée, remarquable dans l'air Dove sono... Les barytons: Robert Gleadow (Figaro) joue fortle nozze di figaro,opéra de montréal,julie boulianne,arcade fire bien et chante assez bien; Phillip Addis (le Comte Almaviva) s'en tire honorablement même s'il manque un peu de volume, et la soprano Hélène Guilmette (Susanna) joue mieux qu'elle ne chante. L'important finalement est que tout cela fonctionne, et ça fonctionne vraiment bien.

Pendant ce temps, à l'extérieur, près de 100,000 personnes avaient envahi l'esplanade de la Place des Arts pour se noyer dans les décibels du groupe Arcade Fire (et de Karkwa en première partie), qui leur offrait un spectacle gratuit.

Dès que l'on a ouvert les portes de la salle Wilfrid-Pelletier, à l'entracte, la vague sonore de l'extérieur nous a frappés de plein fouet. Et on pouvait voir, à travers les baies vitrées, les milliers de fans se trémousser devant les écrans géants. Les chanteurs des Noces devaient se concentrer au maximum pour oublier les vibrations du rock qu'ils sentaient sous leurs pieds.

Une soirée magique où il y en avait pour tous les goûts.

07/06/2011

Julie Boulianne et Karin Côté: complices et magistrales

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(Karin Côté et Julie Boulianne. Photo Rocket Lavoie, Le Quotidien)

Le concert donné dimanche après-midi à la salle François-Brassard par la mezzo-soprano Julie Boulianne et la soprano Karin Côté m'a procuré tant de plaisir que j'en fus moi-même étonnée. Même si la première a une carrière en pleine ascension tandis que la seconde s'est un peu éloignée (du moins l'ai-je cru) du chant classique au cours des dernières années, elles ont toutes deux brillé avec une force égale dans le répertoire qu'elles ont choisi, parfaitement adapté à leurs possibilités, à leur voix, à leurs goûts sans doute.

En duo, elles ont fait le premier air, Ah guarda sorella (Cosi fan tutte), entamant ainsi leur programme en joyeuse légèreté, et le dernier, Youkali, de Kurt Weill, terminant sur une note nostalgique et tendre. Atmosphère qui s'est étendue jusqu'au rappel, Le duo des Fleurs (Délibes, Lakmé). Bizarrement, deux personnes m'ont dit après le concert que cet air, "Sous un dôme épais", les fait pleurer chaque fois...

Dense et relativement court, le programme est bien conçu, original et parfaitement équilibré. En première partie, le grand répertoire, Mozart, Gounod, Rossini, surtout en français et italien. La deuxième partie plus contemporaine (mélodies de Ravel et Poulenc) s'est conclue par un volet Kurt Weill.

Julie Boulianne nous séduit par sa puissance vocale et son jeu hautement comique dans son air fétiche, Una voce poco fa (du Barbier de Séville, interprété par Joyce DiDonato dans la vidéo ci-dessous), et nous émeut jusqu'aux larmes avec Va laisse couler mes larmes, de Massenet. Karin Côté joue habilement l'ironie et l'humour noir dans Glitter and Be Gay de Bernstein, puis se révèle émouvante et vraie dans Je ne t'aime pas de Kurt Weill.

Les deux chanteuses font gracieusement alterner légèreté, gravité, humour, profondeur. Elles utilisent judicieusement leurs ressources dramatiques ou comiques pour faire comprendre les enjeux de ce qu'elles chantent, même dans une langue que le public ne comprend pas. Et cela sans parler de leurs timbres, magnifiques et complémentaires, de leur technique impeccable, de leur sens des nuances.

 

 

La pianiste Marie-Ève Scarfone, une jeune femme de grande expérience, surmonte avec grâce tous les pièges de ses énormes partitions (qui remplacent l'orchestre dans bien des cas), tout en accompagnant, soutenant et donnant la réplique à ses compagnes: c'est un vrai plaisir de l'entendre.

Au-delà des qualités énumérées ci-haut, il y avait ce petit plus, ce quelque chose qui circule entre les artistes et le public et qui donne une qualité particulière à l'atmosphère. Cette sorte de miracle, de grâce du moment, ne se produit pas toujours, mais cette fois, c'était bien là, dès le premier air et sans interruption jusqu'à la dernière note, grâce entre autres au professionnalisme de Julie Boulianne et de Karin Côté, à leur bonheur de chanter et de partager la scène, bref, à leur engagement total dans cette activité.

Ce magnifique événement présenté par la Société d'art lyrique du Royaume a attiré environ 250 personnes, soit un peu moins que le public habituel de l'opéra au Saguenay: il survient bien tard en saison et plusieurs mélomanes sont déjà sans doute en vacances ou en voyage. Les familles des deux jeunes femmes s'étaient cependant déplacées en grand nombre pour accueillir et fêter leurs vedettes.

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Voir aussi l'excellente critique de Daniel Côté, parue dans Le Quotidien

03/06/2011

Opérette, opéra, arias

Julie Boulianne, Karin Côté, SALR, opérette, opéra, sopranoEn marchant sur la rue Saint-Denis, dans un secteur de Montréal (un peu au nord de Cherrier) où pourtant j'ai dû passer des centaines de fois au cours des années, je découvre ce vieux bâtiment, assez beau malgré ses fenêtres placardées au rez-de-chaussée. (Il logerait un cabinet d'avocats, semble-t-il).

Gravée dans la pierre, au-dessus de la porte, cette inscription:

STUDIO DE LA SOCIETE CANADIENNE D'OPERETTE

Et tout en haut:

FONDEE EN 1921

(Tout en majuscules, sans accent...)julie boulianne,karin côté,salr,opérette,opéra,soprano

 

L'inscription est plus lisible sur la photo de droite:

Je connaissais vaguement la Société canadienne d'opérette, mais je ne savais pas du tout qu'elle avait eu pignon sur rue au 3774 Sait-Denis. Fondée par le baryton Honoré Vaillancourt, elle a compté jusqu'à 200 actionnaires et 155 employés. Elle présentait jusqu'à neuf opérettes par année; des artistes comme Amanda Alarie, Lionel Daunais, Albert Roberval, Raoul Jobin y ont chanté.

"Peu après sa fondation, la Société canadienne d'opérette lança une souscription populaire sous forme de briques vendues à un dollar afin d'ériger un édifice de quatre étages au 3774, rue Saint-Denis, pour y loger son administration et tenir ses répétitions".

La SCO a pavé la voie aux Variétés lyriques, fondées en 1936 par Lionel Daunais, qui ont connu un succès phénoménal à Montréal jusqu'en 1955, avec des opérettes présentées au Monument-National.

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julie boulianne,karin côté,salr,opérette,opéra,sopranoL'opérette, c'est aussi le créneau de la Société d'art lyrique du Royaume, fondée à Chicoutimi il y a 40 ans. J'en profite pour vous signaler qu'elle présente, ce dimanche 5 juin à la salle François-Brassard, un très beau concert qui réunira sur scène la mezzo-soprano Julie Boulianne (photo) et la soprano Karin Côté. L'une est née à Dolbeau-Mistassini, l'autre à Laterrière, elles sont amies et se font complices pour présenter, en solos et en duos, aussi bien Mozart, Rossini et Massenet, que Poulenc, Ravel et Kurt Weill.

Plus de détails sur le concert ici.

27/02/2011

Ô malheureuse Iphigénie!

Ô malheureuse Iphigénie (chanté ci-dessus par Maria Callas): c'est la grande aria d'Iphigénie en Tauride, le magnifique opéra de Gluck présenté samedi au Cinéma Jonquière, en direct du Metropolitan Opera de New York. Parmi les éléments ayant incité les fans à remplir la salle: la présence sur scène de la mezzo-soprano Julie Boulianne, originaire de Dolbeau-Mistassini. Elle est la première de nos gloires opératiques locales à chanter au Met, et plutôt deux fois qu'une car elle incarnera prochainement Stephano dans Roméo et Juliette de Gounod (qui ne sera pas diffusé au cinéma cependant).

Elle joue le rôle très mineur (on la voit en très petit sur la photo ci-dessous) et néanmoins important de la déesse Diane: elle interprète son seul air (qui dure environ trois minutes) vers la fin , après être descendue du plafond dans des harnais dont elle se détache gracieusement. Elle a fort bien chanté, dans un registre plus élevé que mezzo m'a-t-il semblé, mais peu importe, c'était un bon moment et les gens à Jonquière l'ont applaudie.

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Pour ma part, je n'aurais manqué cet opéra pour rien au monde, parce qu'il est en français, et surtout, à cause de la musique. Musique pure, dépouillée, lumineuse, parfaitement rendue par un orchestre aux effectifs réduits, que j'ai goûtée d'un bout à l'autre. Et il y a beaucoup d'arias sublimes, Unis dès la plus tendre enfance, Dieux qui me poursuivez, et D'une image, hélas! trop chérie, entre autres.

De grosses pointures dans les rôles d'Iphigénie et de son frère Oreste: Susan Graham et Placido Domingo (qui ont chanté déjà cet opéra au Met en 2007). Le directeur du Metropolitan  s'est présenté sur scène, avant la représentation, pour demander l'indulgence du public envers les deux vedettes, qui allaient performer malgré une vilaine grippe. Ils ont vaillamment traversé tout ça, lui un peu essoufflé et incapable de chanter à pleine voix, elle à peine troublée par un léger embarras dans l'aigu: mais leur talent et leur expérience ont largement compensé ces difficultés temporaires et c'était beau de les voir et de les entendre.

J'ai découvert l'excellent ténor américain Paul Groves (spécialiste du répertoire français, que l'on voit sur la photo ci-dessous avec Graham et Domingo) dans le rôle de Pylade:  timbre clair, voix souple, manifestement à l'aise dans ce type de musique. J'ai adoré l'entendre chanter.

Seul bémol de la distribution, Gordon Hawkins, dans le rôle (heureusement assez bref) de Thoas, roi des Scythes: une véritable catastrophe, très mauvais chanteur et acteur: n'importe quel des choristes présents sur scène aurait sans doute mieux fait!).

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La scénographie s'inspire de la peinture hollandaise, ou aurait dit des tableaux de Vermeer, mais -malheureusement- sans la lumière! La mise en scène statique et conventionnelle ne m'a pas dérangée: quand la musique est belle, je me dis parfois que les chanteurs pourraient venir tour à tour à l'avant-scène pour interpréter leurs airs, et que je serais comblée quand même.

Côté narratif, l'opéra de Gluck raconte un épisode de la légende des Atrides, famille maudite de Mycènes dans la mythologie grecque. Exilée en Tauride par un terrible engrenage de meurtres, de vengeances et de sacrifices (les flashbacks sur cette saga constituent d'ailleurs une partie importante de la trame narrative), Iphigénie est un jour tenue de sacrifier aux dieux deux étrangers capturés par les Scythes: elle se rend compte que l'un d'eux est son frère Oreste, qui la croyait morte. Diane vient finalement empêcher le sacrifice et apaiser les âmes tourmentées.

Un peu loin de nous, tout ça, mais on y croit, et à certains moments, les larmes ne sont pas loin: voilà le miracle de l'art et de la création.

04/10/2009

Musique et poésie

Ce qui m'a vraiment décidée samedi soir à me rendre au concert de l'Orchestre symphonique du Saguenay-Lac-Saint-Jean intitulé Poèmes et symphonies, ce sont deux pièces au programme: Les Préludes, de Liszt, mais surtout L'Apprenti sorcier, de Paul Dukas. Enfant, j'ai découvert cette pièce au cinéma, en voyant Fantasia, de Walt Disney. Le scénario met en scène Mickey dans le rôle de l'apprenti sorcier, et suit presque à la lettre le texte de la ballade (texte en français ici) de Goethe dont Dukas s'est inspiré pour sa musique.

C'était la dernière oeuvre au programme samedi. Le comédien Albert Millaire a d'abord lu ce texte de Goethe, et ensuite waltdisney.jpgl'Orchestre  a joué la pièce. Quel souvenir merveilleux! D'autant plus que Fantasia a contribué pour beaucoup au développement de mon goût pour la musique classique. Et quel plaisir, maintenant, de pouvoir l'écouter sur Youtube:

Fantasia, Orchestre symphonique, Albert Millaire

Quand j'étais jeune, il n'y avait ni vidéo, ni DVD, ni ordinateur, ni Youtube.  C'était la préhistoire et j'imagine que la racine étymologique de mon prénom (Denise) est dinosaure.

Pour revenir au concert de l'orchestre, dirigé par Jacques Clément et augmenté à plus de 50 musiciens, c'était un programme riche, abondant, varié, sur le thème de l'écriture et de la musique, et par conséquent très axé sur la langue, les auteurs, les compositeurs français et québécois. Albert Millaire a lu aussi Lamartine , Théophile Gautier, Nelligan, de superbes poèmes

albertMillaire.jpgjulieBoulianne.jpg

de Paul-Marie Lapointe et surtout de la regrettée Hélène Pedneault (Un ange en exil, vous en trouverez le texte à la fin de cette note). La mezzo-soprano Julie Boulianne a chanté quatre mélodies des Nuits d'été de Berlioz et fut particulièrement applaudie pour le Vaisseau d'or (voir le texte ci-dessous) de Nelligan, mis en musique par André Gagnon.

La salle François-Brassard était presque pleine et il faisait très chaud: les ventilateurs sont tellement bruyants qu'il faut les éteindre pendant le concert!

 

Le vaisseau d'or

Ce fut un grand Vaisseau taillé dans l'or massif:
Ses mâts touchaient l'azur, sur des mers inconnues;
La Cyprine d'amour, cheveux épars, chairs nues,
S'étalait à sa proue, au soleil excessif.

Mais il vint une nuit frapper le grand écueil
Dans l'Océan trompeur où chantait la Sirène,
Et le naufrage horrible inclina sa carène
Aux profondeurs du Gouffre, immuable cercueil.

Ce fut un Vaisseau d'Or, dont les flancs diaphanes
Révélaient des trésors que les marins profanes,
Dégoût, Haine et Névrose, entre eux ont disputé.

Que reste-t-il de lui dans la tempête brève ?
Qu'est devenu mon coeur, navire déserté?
Hélas! Il a sombré dans l'abîme du Rêve!