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30/11/2014

Compagnon de mes nuits

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Quand je m'éveille la nuit, j'aime bien regarder par ma fenêtre.

Quand il n'y a pas de nuages, j'y aperçois Orion, qui brille sur le fond noir de la voûte céleste. La constellation d'Orion se reconnaît facilement grâce aux trois étoiles alignées qui dessinent la ceinture du géant. Je peux alors repérer la supergéante rouge Bételgeuse sur son épaule droite, et, sur son pied gauche,  l'ultrabrillante Rigel.

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Quand l'air de la nuit est particulièrement pur, je peux même distinguer, sous sa ceinture, la nébuleuse d'Orion, et devant lui, quelques-unes des étoiles qui évoquent son bouclier, formé d'une peau d'animal.

Orion est en effet, selon la mythologie grecque, un archer habile qui fut rendu aveugle par le roi Oenopion. Il recouvra la vue mais fut plus tard tué par une flèche que lui lança involontairement Artémis.

orion,constellation,nuit,blaise cendrarsOrion est presque la seule constellation que je puis voir de mes deux fenêtres: celle du sud au début de la nuit, celle de l'est au petit matin, avant le lever du soleil.

Bien sûr sa position varie, et il y a peut-être des périodes où je ne puis l'apercevoir. Il me semble pourtant qu'il est toujours là, par temps clair, me tenant compagnie, veillant sur mes insomnies.

Cette contemplation nocturne me réjouit toujours et, quand la lune s'invite aussi, en quart, en demie ou tout entière, le tableau est encore plus beau.

Et je termine par ce très court poème de Blaise Cendrars, dans lequel il parle de sa main coupée, car il avait subi une amputation, conséquence d'une blessure de guerre:

 

Orion
C'est mon étoile
Elle a la forme d'une main
C'est ma main montée au ciel
Durant toute la guerre je voyais Orion par un créneau
Quand les Zeppelins venaient bombarder Paris ils
venaient toujours d'Orion
Aujourd'hui je l'ai au-dessus de ma tête
Le grand mât perce la paume de cette main qui doit
souffrir
Comme ma main coupée me fait souffrir percée qu'elle
est par un dard continuel

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(Paysage avec Orion aveugle cherchant le soleil (1658), huile sur toile de Nicolas Poussin. Metropolitan Museum of Art, New York)

24/11/2014

Ornements et roucoulements

Le barbier de séville, Rossini, Metropolitan, Isabel Leonard, Lawrence Brownlee

Difficile de résister aux charmes de ce Barbier de Séville présenté au Metropolitan Opera et diffusé samedi (22 novembre) au Cinéma Jonquière.
Dans le rôle de la jeune et jolie Rosina, Isabel Leonard exulte littéralement: elle démontre une absolue joie de chanter et  se moque des embûches de sa très rossinienne partition. Ornements, arpèges, trilles et autres fioritures acrobatiques: elle nous sert tout cela avec une agilité déconcertante, de son beau et clair timbre de mezzo, gracieuse, élégante, féminine et expressive. (On l'a vue récemment en jeune garçon dans Les noces de Figaro: tout un contraste!)
Le ténor Lawrence Brownlee, dans le rôle de son prétendant le comte Almaviva, n'a peut-être pas tout à fait le physique de l'emploi. Toutefois il chante (presque) aussi bien qu'elle, même si chez lui l'effort est plus apparent: ses épaules, sa tête, tout son corps tressautent et vibrent pour nous livrer ses brillantes et prodigieuses mesures.
Christopher Maltman nous offre un magnifique Figaro: très expressif, excellent comédien, il a un timbre superbe. Il manque à quelques rares moments d'agilité vocale, notamment dans le Largo al factotum, un des plus célèbres -et des plus périlleux- airs pour baryton.
Maurizio Muraro impose un Bartolo détestable à souhait: tuteur de Rosina, il la tient prisonnière et veut l'épouser, bien qu'il soit laid et déjà âgé. Il joue fort bien, chante assez correctement, bien que son registre de basse semble un peu limité.

Les autres chanteurs sont musicalement corrects, sans grand éclat, mais très bons comédiens.

La mise en scène de Bartlett Sher est plutôt discrète: à part quelques incontournables cabrioles et poursuites, il permet en général aux acteurs-chanteurs de consacrer toute leur énergie au chant, au tempo, à la synchronisation avec l'orchestre... pour le plus grand plaisir de leur auditoire.

Il leur offre même l'occasion de chanter quelques passages directement devant le public, presque comme en récital, grâce à la passerelle aménagée entre la fosse et la salle.
Une production fort agréable en somme: que de la musique, brillante et colorée, des airs célèbres, des mélodies vives et joyeuses, aussi belles à l'orchestre (sous la baguette de Michele Mariotti) qu'à la scène, d'où nous parvient une éblouissante leçon de bel canto.
Une comédie romantique, pimentée de quelques pitreries et revirements qui font rire, amusante et d'autant plus réjouissante que Bartolo, le barbon qui veut marier Rosine sous la contrainte, est dénoncé et puni.

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On regrette seulement que toute la finale n'appartienne qu'au comte Almaviva, qui chante pendant au moins dix minutes pour célébrer son amour et son union avec la charmante Rosina: Brownlee chante très bien, mais j'aurais vraiment aimé entendre encore Isabel Leonard, dont le personnage devient, à ce moment précis, étrangement muet.
Enfin, ça c'est la faute à Rossini: il aurait dû penser à équilibrer davantage cette dernière scène.
Dans Le Devoir, le critique Christophe Huss s'insurge (une fois de plus) contre la mise en images de cette production du Met, assez désastreuse en effet. Pas moyen de voir en même temps deux personnages qui pourtant se donnent la réplique, ni une scène d'ensemble: toujours ces gros plans énervants sur l'un ou l'autre qui nous privent de comprendre ce qui se passe sur la scène.

Il a raison, mais pour ma part j'ai décidé de ne plus m'occuper de cela. Je refuse de laisser ces détails gâcher mon plaisir... et je me concentre précisément sur ce plaisir.

Il me fut cette fois offert par des artistes de qualité qui ont su faire pétiller et vibrer ce chef-d'œuvre de l'opéra-bouffe italien.