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03/03/2011

Recto-Verso: sous la jupe des marionnettes

recto-verso,vicky côté,salle murdock,patrick simardExpérience un peu troublante dimanche dernier (27 février): je suis allée voir un spectacle... et nous étions deux spectateurs dans la salle: moi et le facteur culturel! Les six concepteurs et artisans auraient pu annuler, mais ils ont décidé de jouer... pour nous deux:  c'était très bon, et j'ai finalement aimé l'expérience.

Heureusement, c'était à la salle Murdock, qui est plutôt petite.

Le spectacle: Recto-Verso, conçu par Vicky Côté, dont je suis le travail depuis quelques années, et Patrick Simard. Les deux artistes (entourés de quelques collaborateurs) assurent la conception, l'écriture, la scénographie, et bien entendu l'interprétation de cette courte pièce divisée en deux parties. D'abord, un spectacle de marionnettes: au bar-discothèque le Boa, barman, disc-jockey, employés et clients se recto-verso,vicky côté,salle murdock,patrick simardrencontrent, se confient, s'affrontent, vivent des drames grands et petits, des histoires d'amour, entre les cocktails, la musique, le karaoké et la danse.

Les marionnettes qui représentent ces personnages sont grossièrement bricolées, pas vraiment jolies, l'ambiance est à la fois glauque, trash... et sympathique. On sent que tout ça est à prendre au second degré, c'est relativement amusant et tout se termine bien...

Mais justement, ce n'est pas fini. Voici que commence la deuxième partie: les deux manipulateurs, invisibles jusque-là, se présentent au public, décrochent tous les rideaux et tissus qui les dissimulaient pendant la représentation, enlèvent leurs vêtements noirs, sous lesquels ils portent un costume blanc. Et ils rejouent le même spectacle, mais cette fois, on les voit, on voit le détail de leur travail: deux êtres humains accroupis dans un espace réduit, obligés, pour suivre la bande sonore qui défile implacablement, de lever le bras, de changer d'accessoires, de se déplacer, de se toucher, de ne pas parler, de faire vite. Un travail, un travail comme un autre,  routinier ou ennuyeux par moment.

recto-verso,vicky côté,salle murdock,patrick simardIls vivent eux-mêmes, en direct devant nous, une tranche de leur propre vie: moments de complicité, tentative de rapprochement, colère, réconciliation. Tenus au silence, ils s'expriment par petits gestes ou regards, en contradiction ou en accord avec ceux qui sont commandés par le spectacle.

Fascinante, cette présentation de l'histoire sous l'histoire, cette mise en abyme qui met en parallèle, par un jeu de similitudes et  de contrastes, l'aventure humaine supposée être la vraie, tandis que celle des marionnettes serait une fiction. Mais nous sommes au théâtre, donc dans la fiction de toute façon. Il faudrait donc peut-être établir une gradation dans la teneur fictionnelle (de chacun des deux univers): question intéressante pour les théoriciens, non?

À la fois comique et troublant, Recto-Verso est réalisé avec peu de moyens financiers (comme en général les productions régionales), mais beaucoup d'intelligence, d'astuce et d'imagination. Comme on dit, c'est simple mais il fallait y penser.

Encore du beau travail, bien fait, par des créateurs qui croient à leur art.

Il reste quatre représentations: aujourd'hui (jeudi), vendredi et samedi à 20 heures, et dimanche à 14 heures.

Le Quotidien a parlé du spectacle.

09/12/2010

Vicky Côté: le poids des choses

declinnoir.jpgÀ la salle Murdock (dernière représentation dimanche dernier, 5 décembre),  Vicky Côté, entourée de l'équipe allumée du Théâtre à bout portant, pousse encore plus loin l'excellent travail amorcé notamment avec Rage (que j'avais beaucoup aimé, j'en ai parlé ici). Son nouveau spectacle solo -et muet- Le Déclin des soleils de glace s'avère une performance très achevée, entre mime, danse, gymnastique.
Sur un plan de jeu délimité par un cadre blanc tracé au sol, deux espaces: la maison, le bureau. Dans l'un et l'autre endroit, la vie quotidienne d'une femme. Une enfilade de gestes répétitifs exécutés rapidement et sans état d'âme.
Un jour, elle n'arrive plus à bouger sa main, ce qui complique singulièrement l'exécution de sa routine. Un premier grain de sable dans l'engrenage, qui sera suivi de plusieurs autres, chaque journée declinDessin.jpg apportant une nouvelle incapacité, qu'elle tente de circonvenir en enfilant des prothèses.
Cela donne lieu à des scènes efficaces et troublantes, comme ce ballet amoureux avec un manteau surmonté d'un ballon, ou cette périlleuse gymnastique avec des prothèses qui glissent et se dérobent sous elle.

Elle finit recroquevillée sous une minuscule table qu'elle porte sur son dos du bureau à la maison. Mélange de ses deux univers: désorganisation totale. Elle perce l'un des ballons qui sont descendus peu à peu du plafond au fil des scènes: il en coule du sable, non plus un seul grain mais une rivière de sable. Désespérant mais beau.

Rien n'est dit,  mais tout est vu et entendu, tout passe par le corps de l'artiste, utilisé de multiples façon. Un ensemble scénique cohérent et signifiant: noir et blanc, accessoires et prothèses, sorties du cadre. Et la musique, qui se déglingue parfois comme sa vie.

On peut lire un nombre infini de choses et de messages dans ce spectacle exceptionnel, poétique et fascinant: la solitude, l'absence de communication, les obligations que l'on s'impose à soi-même, le carcan que représentent les impératifs et les interdictions venues de toutes part, l'angoisse ambiante, le besoin de liberté...

"J'ai oublié de vivre" chantait Johnny Haliday...


"Et si tout ce qui était pris pour acquis devenait défaillant
Une femme, trop bien ancrée dans un carcan trop bien réglé,
Quand la vie devient contraintes,
La liberté, elle, devient urgence" (Vicky Côté)

 

Lire aussi la critique de Dario Larouche dans Voir