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11/08/2012

Orgue, plaisir et transcriptions

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J'étais jeune, j'habitais chez mes parents, et nous venions juste d'avoir la télévision. Outre Pépinot et Ivanhoé, nous écoutions religieusement en famille l'émission  Alfred Hitchcock présente. Le thème musical, remarquable, collait parfaitement à la physionomie, à l'humour, au style du bonhomme. (Vous pouvez voir l'intro de l'émission et entendre le thème en cliquant sur l'image ci-dessus).

Mais je ne savais pas alors qu'il s'agissait d'une pièce composée par Charles Gounod et intitulée Marche funèbre d'une marionnette. (Cliquez ici pour entendre l'oeuvre originale, jouée par le pianiste Marc-André Hamelin).

Je l'ai appris mardi dernier, grâce à l'organiste Régis Rousseau, qui donnait le premier concert de la série estivale à l'église Saint-Dominique de Jonquière. Il avait intitulé son programme L'orgue orchestre, L'art de la transcription.

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Donc, outre cette sympathique et ironique Marche funèbre (Gounod voulait se moquer du style pompeux des marches funèbres), l'organiste a joué l'Adagio pour cordes de Samuel Barber, le Choeur des pèlerins de l'opéra Tannhaüser (transcription de Franz Liszt) et deux préludes de Chopin (également transcrits par Liszt).
Ainsi que trois extraits du ballet Casse-noisette, tout à fait réussis. Peut-être les meilleurs moments du concert, où les jeux de l'orgue (trompettes, flûtes, cloches) et le rythme alerte sonnaient exactement comme l'orchestration de Tchaïkovski.

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Il a a terminé la soirée par la célèbre marche ("Pomp and circumstances") du compositeur britannique Edward Elgar, que l'on a beaucoup entendue récemment lors du Jubilé de la Reine et pendant les Jeux Olympiques de Londres. (Cliquez sur la photo de Sir Edward pour le voir diriger lui-même son oeuvre).

C'était agréable, léger bien que pas nécessairement facile techniquement. On reconnaissait les airs, des souvenirs remontaient... Voilà, la musique, ça peut être complexe et profond, mais ça peut aussi être très simple et direct. Les auditeurs, fort nombreux, ont semblé apprécier ce choix.

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Notes:

1 - Sur le programme remis à l'entrée, la durée de chaque pièce était indiquée. J'ai trouvé ça génial!
2 - Seule pièce originale pour orgue: la Sonatine en mi bémol de François Brassard (titulaire à St-Dominique de 1930 à 1971), que Régis Rousseau avait jouée il y a deux ans sur l'orgue de la cathédrale de Chicoutimi, lors du concert avec le ténor Marc Hervieux.
3 - Le musicien retrouvait le Casavant de l'église St-Dominique, dont il a été titulaire il y a 25 ans après ses études au Conservatoire de Chicoutimi (dont il est aujourd'hui le directeur).  Il a dû cependant refaire connaissance avec l'instrument (32 jeux, 2023 tuyaux, 3 claviers), qui a été restauré et amélioré depuis ce temps.
4 - Régis Rousseau (intéressante interview avec lui dans Le Devoir) a aussi été organiste titulaire à l'église du Très-Saint-Nom-de-Jésus, à Montréal où il a fondé le Festival Orgue et couleurs.

06/03/2012

Plaisirs de proximité

lauraAndriani.jpgÀ deux reprises récemment, je me suis assise très près des musiciens pour des concerts, une chose que j'évite en général, du moins que j'évitais jusqu'ici.

Quand j'ai acheté des billets à l'entrée de la salle Pierrette-Gaudreault pour le concert intitulé Trio Baroque, je n'ai pas trop vu où étaient les sièges jusqu'à ce que j'y sois assise: première rangée, au bord de la section centrale. À deux ou trois mètres des musiciens, et à la même hauteur qu'eux. Cela ne me plaisait pas trop au départ, mais dès qu'ils ont commencé à jouer, j'ai changé d'idée et finalement j'ai beaucoup apprécié cette proximité.

Le violon, le hautbois, le petit orgue mobile et surtout le clavecin sonnaient extrêmement clair. C'était comme si les musiciens, Laura Andriani (photo ci-dessus) au violon, Philippe Magnan au hautbois et Régis Rousseau au clavecin (et à l'orgue), jouaient dans mon salon. Grâce à cette proximité, et bien entendu au talent de ces interprètes aguerris, j'ai eu l'impression de pénétrer dans l'intimité de Bach, Pachelbel, Haendel, Leclair, Couperin, Vivaldi: c'était vraiment formidable. À la sortie, j'ai entendu d'autres spectateurs, placés plus loin de la scène, déplorer que "le clavecin, ça joue assez pas fort". Or moi je l'avais parfaitement entendu.

justine Pelletier, Laura Andriani, Régis Rousseau, Philippe Magnan, jeunesses musicalesEncouragée par cette expérience, j'ai pris place dans la quatrième rangée pour écouter la pianiste Justine Pelletier, dont le concert était présenté dimanche dans la même salle par les Jeunesses musicales. Là encore j'étais à peu près à la hauteur de la musicienne, que je voyais de dos, et je voyais très bien ses mains danser sur le clavier. Magnifique, elle a proposé un programme romantique, Schumann, Schubert, Albéniz, Chopin, joués avec compétence, concentration, passion.

S'exprimant dans un français impeccable, Justine Pelletier a présenté brièvement chacune des pièces: l'histoire de leur composition et sa perception de l'oeuvre. Aussi agréable à entendre parler que jouer. Un visage qui rappelle étrangement celui de Julia Roberts.

Tout cela était fort beau, fort agréable. Mais c'est la dernière pièce, la rhapsodie hongroise no 12 de Liszt, qui m'a fait la plus forte impression. Une oeuvre impétueuse, variée, heurtée, puissante, exécutée avec toute l'ardeur et toute la virtuosité requises, par une artiste totalement engagée dans chaque instant: toute la salle fut transportée par ce jeu, par ce maelström de fougue, de force, d'énergie: c'est ce qui s'appelle finir en beauté.

Cette fin a peut-être projeté un peu d'ombre sur l'excellence de ce qui avait précédé... Reste que c'était formidable. De ces moments qui emportent, qui arrachent tout.

 

09/07/2010

Régis Rousseau: un programme en or

regisRousso.jpgCe n'est certes pas le nom de Régis Rousseau qui avait attiré tant de monde à la cathédrale mardi alors qu'il avait convaincu le ténor Marc Hervieux, qui est aussi un ami à lui, de  s'y produire en concert.

Et pourtant la prestation de l'organiste, qui est également directeur du Conservatoire de musique de Saguenay, fut excellente. En accompagnement du ténor, dans les airs sacrés mais aussi dans les pièces profanes, notamment les deux arias de Puccini, E lucevan le stelle et Nessun dorma, que l'on entend certes rarement accompagnés à l'orgue (je ne sais pas s'il a fait lui-même les transcriptions): il a su souligner de couleurs inouïes (au sens de jamais entendues), le tempo et la mélodie.

Mais c'est dans les pièces pour orgue seul que j'ai surtout apprécié son jeu solide et sensible.

De plus, il a eu la brillante idée de mettre au programme une pièce du compositeur saguenéen François Brassard (1908-1976), qui a donné son nom à la salle du Cégep de Jonquière. En mars dernier, le  journaliste Daniel Côté a publié dans Progrès-Dimanche une série de textes très pertinents sur ce compositeur, ethnologue et organiste, mentionnant que ses oeuvres sont totalement inconnues du public, car elles sont très rarement jouées par les interprètes.
Dont acte. Régis Rousseau a répondu présent par la bouche... de ses tuyaux! Avec la Sonatine en si bémol, une oeuvre dynamique, colorée, vraiment agréable à entendre. L'occasion ne pouvait être mieux choisie pour faire découvrir François Brassard, leur compatriote, à plus de 2000 Saguenéens!

Un autre choix judicieux: pour faire sonner le Casavant, au lieu de la sempiternelle Toccata et fugue de Bach (fort belle par ailleurs), il a opté pour le Prélude et fugue sur le nom de BACH (ce lien conduit à un texte en anglais qui décrit l'oeuvre et explique que les lettres BACH correspondent aux notes si bémol, la, do, si (bécarre) dans le système allemand de notation musicale) de Franz Liszt: une oeuvre puissante et complexe, déployée avec force et précision par un interprète de haut niveau.

Double coup de chapeau donc à Régis Rousseau: l'un pour avoir convaincu Marc Hervieux de venir chanter à Chicoutimi, l'autre pour avoir mis à son programme une oeuvre de François Brassard!

08/07/2010

Star lyrique

MarcHervieux.jpgLa cathédrale de Chicoutimi était bondée mardi pour le concert gratuit donné par le ténor Marc Hervieux (photo) et l'organiste Régis Rousseau. 2000 personnes, peut-être 2500.

Impossible de stationner aux abords du temple. J'ai dû aller sur la rue Jacques-Cartier. Une dame assise sur son balcon m'a demandé ce qui se passait en voyant tous ces gens converger vers la cathédrale. Quand je lui ai dit que c'était un concert de Marc Hervieux, elle a vivement réagi et a dit regretter de ne pouvoir s'y rendre... parce qu'elle venait de se laver la tête!
Ravi d'accueillir tous ces paroissiens d'un soir, le curé Gaétan Thibeault a voulu leur faire plaisir en citant quelques vers de Musset et de Lamartine, notamment ceux-ci:

Lorsque le pélican, lassé d'un long voyage,
Dans les brouillards du soir retourne à ses roseaux,
Ses petits affamés courent sur le rivage
En le voyant au loin s'abattre sur les eaux.



Il a comparé Marc Hervieux au pélican qui va nourrir ses enfants affamés! Il savait sans doute, Monsieur le curé, que plus loin dans le poème, le grand oiseau, après avoir chassé en vain, s'arrache le coeur et l'offre en pâture à ses fils. C'est la métaphore de Musset, qui compare l'oiseau au poète (ou à tout créateur),  celui-ci devant puiser en lui-même ce qu'il donne au public affamé et sacrifier finalement sa vie à son art. N'a-t-il pas écrit aussi:

Ah ! frappe-toi le coeur, c'est là qu'est le génie

(Dans la bibliothèque de mes parents, il y avait entre autres les poésies complètes d'Alfred de Musset, collection la Pléiade. À la suggestion de mon père, j'ai appris par coeur Le Pélican,  de même que Pâle étoile du soir: nous nous amusons encore parfois à les réciter...)

(Si cela vous intéresse, vous trouverez au bout de ce lien le texte complet du poème, incluant les vers qui précèdent et suivent l'épisode du pélican (et qui l'explicitent), plus une analyse du texte conçue pour les candidats au bac français).

Je ne sais pas si Marc Hervieux voit les choses comme ça, mais il puise lui-même dans sa vaste poitrine (et bien sûr dans sa tête, son coeur et son expérience) ce qu'il faut pour remplir tout l'espace sonore de la cathédrale.
J'aime bien pour ma part les exploits de volume chez les chanteurs lyriques, à condition qu'ils n'effacent pas tout le reste (justesse, émotion, diction) et c'est un peu le problème de Marc Hervieux  dans les fortissimi pucciniens: préoccupé de l'exploit, qui j'en conviens est très difficile à réaliser, il néglige parfois les autres aspects du chant. Et le bon peuple applaudit et le traite en rock star...

Je suis ambivalente à l'égard de Marc Hervieux: il a beaucoup de qualités, vocales et dramatiques, mais je trouve qu'il en fait trop et qu'il ne réussit pas tout. En général, il m'énerve...

Son Ave Maria (celui de Schubert), plus retenu, était impeccable. Et il avait un beau programme: surtout des airs sacrés, un peu d'opéra, Maria (du West Side Story de Leonard Bernstein, complètement raté à mon avis).
Excellent choix pour le dernier air: Le Vaisseau d'or, ce merveilleux poème d'Émile Nelligan mis en musique par André Gagnon (pour le drame musical Nelligan).

J'étais assise au premier jubé (où il ne faisait pas trop chaud), donc sous les pieds des artistes (que l'on voyait sur écran pendant la première partie, la plus consistante, qui se passait au deuxième jubé). D'où une certaine distorsion du son qui m'empêche d'évaluer avec justesse certains aspects de la prestation.
Les deux musiciens sont descendus dans le choeur pour la deuxième partie, après un entracte écourté à cause de la chaleur.

Bref, un succès monstre, certes la plus grande foule jamais réunie pour un concert à la cathédrale...

(Dans la prochaine note, je vous parle de la belle prestation de l'organiste Régis Rousseau).