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24/05/2010

À l'ombre d'un piano

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crédit photo: Melissa Dinel  

Amis, parents et mélomanes ont quitté dimanche (23 mai)  l'air chaud et humide du printemps saguenéen pour la relative fraîcheur de la salle Orphée (Atelier de musique de Jonquière), dans le secteur Arvida, afin d'y entendre le pianiste Matthieu Fortin, natif de Chicoutimi, qui proposait un concert intime et fort intéressant.

J'entends depuis nombre d'années mentionner le nom de Matthieu Fortin, qui, après avoir remporté tout ce qu'il y avait de concours de musique dans la région, a poursuivi sa formation et continué de remporter des concours à l'extérieur. Aujourd'hui âgé de 27 ans, il jouit d'une solide expérience comme soliste, il a également travaillé avec des ensembles et  des compagnies de danse, notamment Cas public, fondé et dirigé par la Chicoutimienne Hélène Blackburn. De retour de Berlin où il a travaillé avec Jacques Rouvier, il a un solide bagage et sans doute, beaucoup d'avenir. Dans la salle, il y avait notamment la pianiste Jacinthe Couture, avec qui il a étudié pendant plusieurs années au Conservatoire de musique de Saguenay, où elle enseigne toujours d'ailleurs.

Tout cet acquis ne l'empêche pas d'avoir l'air plutôt timide.

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crédit photo: Melissa Dinel  

Néanmoins il donne, avant de commencer à jouer, quelques explications, brèves mais précises et éclairantes sur les pièces qu'il a choisies.
Son court programme comprend trois noms: Beethoven, Chopin et Ravel. Rien de léger dans tout cela: de la substance, du paroxysme, du fortissimo presque tout le temps.

Nulle timidité ensuite devant son clavier: il déploie force, maîtrise, virtuosité, et propose une lecture assez personnelle des oeuvres choisies, axée sur l'intensité, la montée dramatique, le lyrisme. Quelques erreurs de doigté ne l'empêchent pas de mettre en valeur la beauté de ces pages d'une difficulté extrême.

Après la gravité et la complexité de la sonate opus 109,  la trentième des 32 qu'a écrites Beethoven,  et les étourdissantes variation de la Berceuse op. 57 de Chopin, le pianiste a offert les meilleurs moments de son concert en jouant le grand scherzo (no 2 op 31) de Chopin,   que l'on peut entendre ici interprété par Krystian Zimerman.

Le jeune musicien a su mettre en valeur le rythme, la mélodie, et la puissance de cette oeuvre très connue.
Il a joué enfin Gaspard de la nuit, de Ravel, plongeant le public dans une succession d'atmosphères: fluide pour Ondine, très sombre pour Le Gibet, frénétique et agitée pour Scarbo. Ces pièces sont associées à des extraits d'une suite de poèmes en prose  d'Aloysius Bertrand, intitulée Gaspard de la nuit, j'ajoute donc en fin de note une partie du poème intitulé Ondine.

Il y avait environ 75 personnes dans la petite salle, ce qui est somme toute assez bon et lui permettra de recueillir quelques sous pour poursuivre sa carrière et sa formation, et pour avancer dans ce métier très exigeant.
Matthieu Fortin sera candidat au prochain Prix d'Europe, dont les épreuves se dérouleront à Montréal du 8 au 11 juin prochain. Le grand prix est une bourse d'études de 25 000$. La lauréate de ce prix en 1974 était... Jacinthe Couture.

Ondine

(...) Sa chanson murmurée, elle me supplia de recevoir son anneau à mon doigt, pour être l'époux d'une Ondine, et de visiter avec elle son palais, pour être le roi des lacs.

Et comme je lui répondais que j'aimais une mortelle, boudeuse et dépitée, elle pleura quelques larmes, poussa un éclat de rire, et s'évanouit en giboulées qui ruisselèrent blanches le long de mes vitraux bleus.

 

 

 

C'est l'époque où fleurissent en abondance les pommetiers décoratifs. Par exemple  celui-ci, devant l'édifice de la Sécurité publique, que j'ai croqué en sortant du concert.

 

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23/03/2010

Une gueule d'atmosphère

Merveilleux concert donné dimanche après-midi par l'extraordinaire pianiste Sergei Saratovsky pour les Jeunesses musicales. Salle Pierrette-Gaudreault comble à quelques sièges près. Le musicien d'origine russe fait l'effort de nous parler en français, réussissant à livrer un message très clair dans une langue avec laquelle il n'est pas très à l'aise.


Sergei Saratovsky ressemble davantage à ce que l'on voit sur la vidéo, où il interprète le nocturne op.9 no 3 de Chopin, qu'à la photo promotionnelle (ci-contre):  on dirait que ce n'est pas le même garçon.saratovskyJeune.jpg

Son programme (et sa force):  une musique descriptive, grave ou ludique. Même dans les nocturnes de Chopin, il se tient loin des grands élans du romantisme.

Virtuose accompli, il privilégie le travail sur les couleurs, sur l'éclairage, sur la création d'atmosphères (d'où mon titre). Il a d'ailleurs dit d'entrée de jeu qu'il pensait à des couleurs pour interpréter certains passages. Une musicalité remarquable se dégage de son jeu à la fois précis et fluide.
Après la très belle sonate de Mozart (K. 133, la seule pièce qui ne soit pas descriptive à proprement parler) se succèdent les 22 brèves pièces du Carnaval de Schumann, et deux nocturnes de Chopin, fabuleux. De fluide, son jeu devient pour ainsi dire liquide dans les trois Estampes de Debussy, aux couleurs de l'Asie, de l'Espagne... et des Jardins sous la pluie.
Il nous fait découvrir le compositeur russe  Sergeï Liapounov, dont il joue quatre études, extrêmement difficiles, ses mains volent sur le clavier, tellement vite qu'on en voit quatre: c'est fascinant, grisant.
Pour terminer dans le même esprit, il propose en rappel une pièce de Rachmaninov (je n'ai pas compris le titre, ça sonnait comme "Le Lac"...), un peu moins longue que les autres, peut-être, mais tout aussi ornée et exigeante.
Donné par un artiste accompli et totalement engagé dans son art, un magnifique concert dont j'ai apprécié chaque instant.