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29/04/2010

Sur les traces de Trac

bandeauTrac.jpgTout le monde s'accorde à dire que la vie d'artiste en région est difficile, exigeante et semée d'embûches.
C'est vrai mais elle a aussi ses avantages, par exemple celui de pousser, d'obliger ces créateurs à développer toutes leurs ressources, à travailler fort, longtemps et souvent, ce qui fait d'eux des performeurs exceptionnels. Un exemple: le comédien Patrice Leblanc, qui se fait aussi auteur, metteur en scène, chanteur, danseur pour son spectacle solo Trac, ma vie en théâtrascope (tous les soirs jusqu'au dimanche 2 mai à la salle Murdock): il offre une performance tout à fait remarquable.
Créateur polyvalent, entouré d'une  équipe réduite mais dynamique et inventive, il met en scène la biographie éclair de son personnage, en courtes scènes qui défilent, tel un film, (théâtrascope... cinémascope). La genèse de Trac, le clown noir pas gentil, agressif et rude.
Naissance difficile, père brutal, morts et meurtres, agressions, drogue ont fait de Patrice Leblanc-Trac un homme blessé qui trouve la rédemption dans les arts de la scène:  être clown, c'est sa planche de salut.

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Admirable la façon dont Patrice Leblanc évoque tout ça avec un minimum de moyens: des planches de bois garnies de quelques brindilles représentent le père, la mère, l'amie, l'ami.  Une planche à repasser, un grillage, une corde métallique, quelques accessoires, sans oublier la batte de baseball, tout ça utilisé un peu maladroitement, comme dans une séance jouée par des écoliers.

Pièces de vêtements que l'on dirait sorties d'un vieux (et faux?) coffre, mal assorties, froissées et enfilées n'importe comment, faux nez, perruques et maquillage: Trac ne se costume pas, il se déguise. (Pour être compris, pour cacher son mal de vivre...)
Mais son propos direct et cru n'est pas destiné aux enfants (la pièce est pour 16 ans et plus...): bébé, écolier, prisonnier, danseur, soldat, junkie, il doit se défendre, affronter l'injustice et les coups du sort.

teteTrac.jpg

On a l'impression qu'il s'indigne, mais en réalité il exprime peu son jugement:  c'est nous, les spectateurs qui nous indignons devant l'évocation de faits sordides où la violence occupe une place de choix, c'est nous qui voyons en Trac l'homme révolté.
Leblanc mise sur l'humour pour alléger le contenu explosif de son propos: calembours, jeux de mots, ruptures de ton, contrastes. Allusions (un peu faciles parfois) au contexte politique de Saguenay et d'ailleurs, références musicales et littéraires, texte français et/ou québécois précis et efficace. Musiques et chansons surlignent de façon lumineuse les étapes de cette vie destroy.

Deux moments forts dans cette veine musicale:  quand il chante Le screw, de Richard Desjardins (créée pour le film le Party de Pierre Falardeau) en promenant ses barreaux, et Un peu plus haut, dans un contexte qui n'a rien à voir avec la version rose bonbon de Ginette Reno.
Je pourrais en dire beaucoup plus, mais je m'arrête ici: j'ai aimé ce spectacle, court, dense, peut-être pas parfait mais efficace, et le public, assez nombreux mercredi, l'a également fort apprécié.
Vive les Clowns noirs...

Vive la vie dure qui nous donne des artistes de cette qualité!

D'autres en ont parlé:

Christiane Laforge

Dario Larouche

Jack

Daniel Côté, Le Quotidien (merci Christiane!)

Jean-François Caron: une intéressante interview avec Patrice Leblanc, dans Voir