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29/04/2014

Opéra, arias, Traviata

Je reviens sur cette magnifique Traviata que nous a offerte samedi l'Orchestre symphonique du Saguenay-Lac-Saint-Jean pour ses 35 ans. Curieusement le lendemain, les médias régionaux n'en avaient que pour un certain James Blunt qui chantait ce même soir à La Baie.
De grands noms, il y en avait aussi pourtant, au Théâtre Banque nationale. Et de la grande musique. La Traviata de Verdi est un pur enchantement musical, une succession d'arias célèbres imbriquées dans une partition pleine de pièges pour les chanteurs.

Ce drame romantique inspiré de La Dame aux camélias d'Alexandre Dumas fils raconte comment  la courtisane Violetta Valéry tombe amoureuse d'un jeune homme, Alfredo, auquel elle renonce, et qu'elle retrouve au moment où elle est emportée par la maladie.

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Solistes, instrumentistes et choristes ont collaboré avec le maestro Jacques Clément, le metteur en scène Rodrigue Villeneuve et le chef du choeur symphonique Pierre Lamontagne pour servir au public qui remplissait la salle du Théâtre Banque nationale une version concert musicalement impeccable et dramatiquement émouvante de cette oeuvre extraordinaire.
La soprano colorature Aline Kutan fréquente Violetta depuis son adolescence, et l'aborde aujourd'hui avec la belle maturité imposée par le rôle.
Ayant totalement maîtrisé l'aspect technique de chaque mesure, elle peut maintenant se livrer, librement (sempre libera!) et avec un plaisir manifeste, à toutes les prouesses vocales imaginées par Verdi, nous éblouir et nous laisser sans voix!
Polyvalente, vous dites? Elle exulte d'abord dans la grande aria du début, È strano, et ses différents passages: Gioia et Gioire (joie et jouir!),  Fors'è lui, A quell'amorFollie! et le Sempre libera final: toujours plus vite, toujours plus haut.
Par la suite, elle sait calmer son chant et son jeu pour décrire le drame de Violetta, qui se résigne à quitter Alfredo qu'elle aime pourtant, exprimant sa douleur avec une intensité plus intérieure, rendant crédibles sa maladie et sa mort dans le superbe Addio del passato.
Le baryton Jean-François Lapointe semble parfaitement à l'aise sur cette scène qu'il habite totalement de sa présence, de sa prestance, de sa formidable voix, et remplit sans aucun problème toutes les exigences techniques et vocales de la partition.

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Conférant une certaine noblesse au changeant personnage de Giorgio Germont, le père d'Alfredo, venu implorer Violetta de quitter son fils, il nous a bercés de son timbre profond et de sa grande musicalité, d'abord dans son long et superbe duo avec Violetta-Kutan: Pura sicome un angelo, et surtout le passage ponctué d'ornements Un di, quando le veneri furent magnifiques, de même que le célèbre Di provenza il mar, chanté à son fils.

Là aussi, puissance, contrôle, agilité, émotion: la foule a fait la fête à ce grand artiste né ici. (Sur la photo ci-dessus, on le voit dans le rôle de Giorgio à l'Opéra de Francfort, avec le ténor Francesco Demuro. M. Lapointe reprendra ce rôle en 2015 au Deutsche Oper de Berlin).
Le ténor Éric Thériault possède une belle voix, bien étoffée, un timbre brillant qu'il a su mettre en valeur. Il a connu cependant quelques pénibles instants où sa voix ne sortait plus: il était souffrant m'a-t-on dit. Il s'est repris ensuite, et a assuré les beaux airs qui suivaient, mais on le sentait fragile, peut-être inquiet que le problème revienne.

Somme toute, même si c'était une version concert, l'émotion passait fort bien, grâce notamment à la discrète et efficace mise en espace de Rodrigue Villeneuve.

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L'Orchestre, placé derrière un écran transparent sur lequel étaient projetées quelques scènes de bal, de foules en Europe, et aussi des textes résumant l'action, a soutenu solidement les moindres nuances des solistes, et cela même si le chef Jacques Clément ne pouvait avoir beaucoup de contact visuel avec eux.

Il y eut bien quelques petites erreurs dans la présentation (coupe de champagne manquante, lettre apparue au mauvais moment), mais ce sont des détails mineurs, inévitables peut-être vu le peu de temps de répétition alloué à la production. Le miracle est que malgré ces contraintes, tout ait fonctionné et donné ce splendide résultat.

Chapeau donc à ces solistes exceptionnels, aux choristes, aux musiciens et à leurs chefs, qui ont su faire vivre et vibrer pour nous cette admirable musique de Verdi.

04/10/2009

Musique et poésie

Ce qui m'a vraiment décidée samedi soir à me rendre au concert de l'Orchestre symphonique du Saguenay-Lac-Saint-Jean intitulé Poèmes et symphonies, ce sont deux pièces au programme: Les Préludes, de Liszt, mais surtout L'Apprenti sorcier, de Paul Dukas. Enfant, j'ai découvert cette pièce au cinéma, en voyant Fantasia, de Walt Disney. Le scénario met en scène Mickey dans le rôle de l'apprenti sorcier, et suit presque à la lettre le texte de la ballade (texte en français ici) de Goethe dont Dukas s'est inspiré pour sa musique.

C'était la dernière oeuvre au programme samedi. Le comédien Albert Millaire a d'abord lu ce texte de Goethe, et ensuite waltdisney.jpgl'Orchestre  a joué la pièce. Quel souvenir merveilleux! D'autant plus que Fantasia a contribué pour beaucoup au développement de mon goût pour la musique classique. Et quel plaisir, maintenant, de pouvoir l'écouter sur Youtube:

Fantasia, Orchestre symphonique, Albert Millaire

Quand j'étais jeune, il n'y avait ni vidéo, ni DVD, ni ordinateur, ni Youtube.  C'était la préhistoire et j'imagine que la racine étymologique de mon prénom (Denise) est dinosaure.

Pour revenir au concert de l'orchestre, dirigé par Jacques Clément et augmenté à plus de 50 musiciens, c'était un programme riche, abondant, varié, sur le thème de l'écriture et de la musique, et par conséquent très axé sur la langue, les auteurs, les compositeurs français et québécois. Albert Millaire a lu aussi Lamartine , Théophile Gautier, Nelligan, de superbes poèmes

albertMillaire.jpgjulieBoulianne.jpg

de Paul-Marie Lapointe et surtout de la regrettée Hélène Pedneault (Un ange en exil, vous en trouverez le texte à la fin de cette note). La mezzo-soprano Julie Boulianne a chanté quatre mélodies des Nuits d'été de Berlioz et fut particulièrement applaudie pour le Vaisseau d'or (voir le texte ci-dessous) de Nelligan, mis en musique par André Gagnon.

La salle François-Brassard était presque pleine et il faisait très chaud: les ventilateurs sont tellement bruyants qu'il faut les éteindre pendant le concert!

 

Le vaisseau d'or

Ce fut un grand Vaisseau taillé dans l'or massif:
Ses mâts touchaient l'azur, sur des mers inconnues;
La Cyprine d'amour, cheveux épars, chairs nues,
S'étalait à sa proue, au soleil excessif.

Mais il vint une nuit frapper le grand écueil
Dans l'Océan trompeur où chantait la Sirène,
Et le naufrage horrible inclina sa carène
Aux profondeurs du Gouffre, immuable cercueil.

Ce fut un Vaisseau d'Or, dont les flancs diaphanes
Révélaient des trésors que les marins profanes,
Dégoût, Haine et Névrose, entre eux ont disputé.

Que reste-t-il de lui dans la tempête brève ?
Qu'est devenu mon coeur, navire déserté?
Hélas! Il a sombré dans l'abîme du Rêve!