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10/02/2012

Formidables Brigands d'opérette

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Pour son 40e anniversaire, l'opérette au Saguenay retrouve son lustre et renoue avec la tradition des grandes productions, comme j'ai pu le voir jeudi à la salle François-Brassard.

Les Brigands, opéra-bouffe de Jacques Offenbach, c'est un grand coup frappé à la porte d'un destin qui semblait inquiétant ces dernières années. Un coup de pied salutaire et joyeux, qui bouscule tout et revient à la base, celle qui a assuré le succès et la vitalité de l'entreprise.

Cette base c'est d'abord du monde, beaucoup de monde: la Société d'art lyrique du Royaume a su réunir les meilleurs éléments, sur scène, dans la fosse et en coulisses. Des gens allumés, concentrés, manifestement contents d'être là. Des artistes, interprètes, concepteurs, techniciens compétents, brillants, aux carrières diverses, auxquels s'intègrent harmonieusement des amateurs expérimentés.

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Résultat: un spectacle formidable et enlevant, parsemé de scènes burlesques, de  rebondissements et de surprises, et surtout musicalement très agréable à écouter.

Le directeur musical Jean-Philippe Tremblay accomplit un travail colossal pour animer et maintenir le rythme et la cohérence de chaque section vocale et instrumentale. Il dirige de main de maître et fait sonner à merveille les 19 musiciens de l'Orchestre symphonique: c'est un peu malheureux que ceux-ci demeurent invisibles pour le public, perdus dans les profondeurs abyssales de la fosse, mais au moins il y en a une!. Il y a eu quelques flottements en ce soir de première, mais rien pour nous faire décrocher de ces belles sonorités, de ces rythmes enlevants, de cette remarquble harmonie entre un nombre considérable d'éléments.

L'oeuvre requiert une énorme distribution, six rôles principaux et plusieurs rôles secondaires (dont quelques-uns parlés) tout aussi importants, de même qu'un choeur consistant dont le travail est primordial.

Tous ces postes sont comblés de façon exemplaire: le talent foisonne, tous les chanteurs-acteurs sont excellents. Marie-Ève Munger, brillante et efficace Fiorella, nous éblouit encore une fois avec ses exploits vocaux. Éric Thériault offre un impeccable Falsacappa, le chef un peu enveloppé des brigands. Pascale Beaudin excelle dans le rôle masculin du jeune Fragoletto, et Patrick Mallette, un fidèle des productions de la SALR, se livre à d'amusantes pitreries tout en nous charmant avec sa belle voix de baryton.les brigands,opérette,jacques offenbach,marie-Ève munger,Éric thériault,salr' société d'art lyrique du royaume

Des vedettes de l'art lyrique acceptent humblement des  rôles assez brefs, comme la basse Joseph Rouleau, 82 ans,  qui s'amuse comme un petit fou en chef des carabiniers, et la mezzo-soprano Renée Lapointe qui incarne avec grâce la princesse de Grenade.

Je renonce à les nommer tous, mais ils le mériteraient.

Éric Chalifour impressionne une fois de plus par sa mise en scène originale, truffée de détails et de clins d'oeil amusants, assurant un déroulement rythmé et logique à cette folle histoire. Décors (Mylène Leboeuf-Gagné), costumes (Jacynthe Dallaire s'y surpasse) et comportement des personnages combinent les saveurs et couleurs du Far West américain à celles de la corrida espagnole. Le récit est maintenu dans son contexte géographique et historique, quelque part au 19e siècle, entre Italie et Espagne, mais l'adaptation (Martin Giguère et toute l'équipe) inclut de savoureux anachronismes (téléphone, moto, auto: quelques années trop tôt), et de fines allusions à la modernité et à l'actualité ("engagez-vous, qu'ils disaient") qui produisent leur effet... comique!

Le sujet: une bande de brigands veut s'emparer d'une dot de 3 millions destinée à une princesse espagnole par son futur époux italien, le Duc de Mantoue. Le tout traité à la manière d'Offenbach (et de son librettiste Ludovic Halévy): complot, déguisements, revirements, confusion, quiproquos, initiés par les deux moteurs de l'activité humaine, l'amour et l'argent et illustrés par des scènes enlevées où le burlesque le dispute au mot d'esprit.

Les meillleurs moments, selon moi:

l'air des bottes: magnifique

le solo du caissier, joué et chanté par Christian Ouellet: irrésistible

l'entrée en scène des carabiniers (aussi incompétents que les Gendarmes de St-Tropez) derrière leur chef, Joseph Rouleau, qui roule à moto.

le can-can des poulets (plumés) chanté par les trois bandits déguisés en marmitons: burlesque à souhait

et tous les solos de Marie-Ève Munger.

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Malgré la longueur réelle de la prestation (près de trois heures), le temps passe vite et on ne s'ennuie pas une minute.

Le public était très nombreux en ce soir de première, où on a rendu hommage au fondateur de l'opérette Guy Dion, et aux six (ou sept?) membres de la famille Laprise qui y ont oeuvré et y oeuvrent encore. Le doyen (et papa) de ces derniers, Normand Laprise, a dirigé l'orchestre de l'opérette pendant plusieurs années. Notamment en 1992, alors que l'on présentait Les Brigands à l'auditorium Dufour. Madeleine Gauthier, actuellement vice-présidente du CA, signait la mise en scène. Et c'est le baryton Jean-François Lapointe (songera-t-on à lui rendre hommage?) qui incarnait alors Falsacappa.

Il reste deux représentations: ce soir (vendredi 10 février), et demain à la salle François-Brassard, à 19h30. Si vous voulez vous amuser, entendre de la belle musique et voir à l'oeuvre des artistes de grand talent, courez-y.

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Autre(s) point(s) de vue:

Christophe Huss, dans Le Devoir

03/06/2011

Opérette, opéra, arias

Julie Boulianne, Karin Côté, SALR, opérette, opéra, sopranoEn marchant sur la rue Saint-Denis, dans un secteur de Montréal (un peu au nord de Cherrier) où pourtant j'ai dû passer des centaines de fois au cours des années, je découvre ce vieux bâtiment, assez beau malgré ses fenêtres placardées au rez-de-chaussée. (Il logerait un cabinet d'avocats, semble-t-il).

Gravée dans la pierre, au-dessus de la porte, cette inscription:

STUDIO DE LA SOCIETE CANADIENNE D'OPERETTE

Et tout en haut:

FONDEE EN 1921

(Tout en majuscules, sans accent...)julie boulianne,karin côté,salr,opérette,opéra,soprano

 

L'inscription est plus lisible sur la photo de droite:

Je connaissais vaguement la Société canadienne d'opérette, mais je ne savais pas du tout qu'elle avait eu pignon sur rue au 3774 Sait-Denis. Fondée par le baryton Honoré Vaillancourt, elle a compté jusqu'à 200 actionnaires et 155 employés. Elle présentait jusqu'à neuf opérettes par année; des artistes comme Amanda Alarie, Lionel Daunais, Albert Roberval, Raoul Jobin y ont chanté.

"Peu après sa fondation, la Société canadienne d'opérette lança une souscription populaire sous forme de briques vendues à un dollar afin d'ériger un édifice de quatre étages au 3774, rue Saint-Denis, pour y loger son administration et tenir ses répétitions".

La SCO a pavé la voie aux Variétés lyriques, fondées en 1936 par Lionel Daunais, qui ont connu un succès phénoménal à Montréal jusqu'en 1955, avec des opérettes présentées au Monument-National.

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julie boulianne,karin côté,salr,opérette,opéra,sopranoL'opérette, c'est aussi le créneau de la Société d'art lyrique du Royaume, fondée à Chicoutimi il y a 40 ans. J'en profite pour vous signaler qu'elle présente, ce dimanche 5 juin à la salle François-Brassard, un très beau concert qui réunira sur scène la mezzo-soprano Julie Boulianne (photo) et la soprano Karin Côté. L'une est née à Dolbeau-Mistassini, l'autre à Laterrière, elles sont amies et se font complices pour présenter, en solos et en duos, aussi bien Mozart, Rossini et Massenet, que Poulenc, Ravel et Kurt Weill.

Plus de détails sur le concert ici.

12/04/2010

Monsieur Choufleuri: tellement chou!

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nomEricChal.jpgMonsieur Choufleuri restera chez lui: c'est cette très amusante opérette de Jacques Offenbach que la Société d'art lyrique du Royaume a choisie pour son spectacle annuel. Dimanche après-midi, la dernière des quatre représentations fut donnée devant une salle (Pierrette-Gaudreault) presque pleine.

Encore une fois, une équipe motivée et dyamique s'est concertée pour offrir au public un spectacle amusant et séduisant, impeccable au plan musical.

Des chanteurs-comédiens pleins de talent: outre Marie-Ève Munger, toujours  aussi merveilleuse à tout point de vue, j'ai découvert la superbe voix du baryton Marc-Antoine D'Aragon (photo ci-dessous), et l'excellente soprano Jacinthe Thibault. Le baryton-basse Robert Huard, habitué des productions de la SALR, est un  Choufleuri idéal: petit, gros, colérique, tyrannique...mantDaragon.jpg

Une mise en scène très chalifourienne (signée Éric Chalifour), c'est-à-dire vivante, agrémentée de mouvements saccadés qui produisent des effets comiques, et de quelques clins d'oeil à l'actualité (capitale culturelle) ou à des personnalités connues (Michael Jackson). Il sait mettre en valeur les subtilités du texte français et exploiter le potentiel comique du comédien Martin Giguère (Peterman, le domestique), qui nous déride avec ses folies et ses sparages.

(Je me suis cependant demandé pourquoi le ténor Marc-André Pronovost, qui jouait le prétendant de la fille de Choufleuri, ne portait ni un costume d'époque, ni, comme tous les autres, une coiffure travaillée et remontée. Il vit dans une boîte de carton, dit-on, mais ce n'est pas une raison suffisante).

nomMartinGig.jpgComme l'oeuvre est très courte, on a eu la bonne idée de présenter en deuxième partie un récital d'airs d'opéra, un gala donné dans les décors de Monsieur Choufleuri et parsemé d'interventions loufoques (sans doute du cru Giguère-Chalifour: certaines un peu longues ou sans véritable pertinence). Des airs connus de Mozart, Rossini, Verdi, qui ont permis de mettre en valeur les belles voix dont certaines étaient peu exploitées dans l'opérette, le tout se terminant par un Libiamo... fort enjoué.

Sans oublier les musiciens de l'Orchestre symphonique qui ont fait merveille sous la direction du chef Julien Proulx.

Ces artistes talentueux et allumés s'amusent manifestement sur une scène. Ils ont travaillé fort pour nous offrir cette superbe matinée, toute en rire, en finesse et en musique.