07/05/2017
Art inuit: émotion et beauté
Deux faucons, l'un en stéatite du Brésil, l'autre en serpentinite
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Une chronique à la radio (Ici Première, je n'écoute rien d'autre) évoquait récemment la collection d'art Inuit du Musée des Beaux-Arts à Québec: je l'ai vue l'été dernier, en découvrant l'ensemble du nouveau et magnifique pavillon Pierre Lassonde, et elle est tout à fait extraordinaire.
Un crâne de morse finement sculpté
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La collection Brousseau comprend des oeuvres de styles et de sujets différents. Elles sont toutes sculptées dans des matériaux tirés du sol: pierre, granit, terre. S'en dégage une impression de richesse intérieure, d'élévation de l'esprit, de sensualité aussi.
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Chaque artiste, imprégné de sa culture, de ses croyances, de son histoire, communique sa vision du monde en touchant à la fois à l'oeil, l'esprit et le coeur.
Je vous présente ici mes propres photos, pour montrer comment elles se présentent et comment elles sont bien mises en valeur dans cet environnement lumineux.
Pour en voir davantage, on peut aller sur le site du musée.
17/11/2016
Plexiglas, photo et transparence
J'aurais beaucoup à dire sur ma plus récente visite au Musée national des beaux-arts du Québec, et sur le nouveau et extraordinaire pavillon Pierre Lassonde.
Mais je vous présente en premier lieu, parmi les centaines d'oeuvres que j'ai pu admirer alors, celle que j'ai préférée, et dont je ressens encore l'impact en regardant mes photos.
C'est Lac Brome de La Suite québécoise, du peintre québécois Edmund Alleyn (1931-2004).
L'artiste a abordé plusieurs styles, techniques et sujets au cours de sa carrière. Lac Brome fait partie d'une série d'oeuvres faites de découpages photographiques collés sur des panneaux de plexiglas, dont certains sont disposés au sol, en angle, complètement détachés de la toile de fond.
Illusion d'optique au premier coup d'oeil. Puis l'observation nous révèle la technique utilisée. Edmund Alleyn a travaillé avec des photos prises au gré de ses visites en différents endroits. Quelle mise en lumière des corps, des expressions, des attitudes, des relations entre les personnes! Entre Pop Art et hyperréalisme, le travail de l'artiste agit comme un révélateur social.
Sur ma première photo, un effet imprévu s'ajoute: on peut apercevoir le reflet de la photographe (moi!) et celui d'un autre visiteur qui se tient derrière moi.
J'ai aussi pris un cliché "de profil", pour bien montrer comment est faite cette oeuvre remarquable:
Ainsi je me suis consolée d'avoir manqué la grande rétrospective Edmund Alleyn présentée l'été dernier au Musée d'art contemporain de Montréal. Et qui comprenait d'autres oeuvres de cette suite québécoise, notamment celle-ci, intitulée Red Sunset:
03/10/2015
Couleur et douleur
Jolies couleurs, jolie photo... histoire autrefois sombre, aujourd'hui lumineuse!
C'est la tour de guet de l'ancienne prison de Québec. Appelé aussi "prison des plaines d'Abraham", ce beau bâtiment abrite maintenant le pavillon Charles-Baillairgé (du nom de son architecte) du Musée national des beaux-arts.
Quelques-uns des cachots ont été préservés (rénovés et modernisés) et sont accessibles aux visiteurs. On peut même entrer dans ces cellules, ce que j'ai déjà fait... Cela donne une -très petite- idée de l'enfer vécu par les occupants de ces minuscules réduits.
La prison est devenue musée. C'est dire que les toiles et les oeuvres de créateurs ont succédé aux prisonniers qui y furent enfermés et souffrirent de la faim, du froid, de la maladie, des mauvais traitements et autres souffrances inhérentes à leur situation, bien pires autrefois qu'aujourd'hui.
À l'époque où l'on y enfermait de pauvres gens, l'élégance, la beauté et l'originalité étaient celles du bâtiment lui-même (construit entre 1861 et 1867), dues à l'architecte Charles Baillairgé. Dans son édifice de style Renaissance italienne, il a intégré nombre d'éléments originaux, dont cette tour de guet "composée de deux lanternes octogonales superposées".
Autres fins détails architecturaux à signaler: soubassement surhaussé, corniche à modillons, hautes fenêtres cintrées, tirants en fer masqués par des pièces métalliques ornées de grotesques.
D'autres informations sur cet édifice et sa construction au bout de ce lien.
26/09/2015
La mer dans la mer
Deux peintres de Boston, deux marines, deux visions contrastantes, une même époque. Deux toiles de la très belle exposition Inspiration Japon. J'ai eu la chance de la visiter quelques jours avant sa clôture (dimanche 27 septembre), au Musée national des beaux-arts du Québec,
Le premier tableau, signé Hermann Dudley Murphy, s'intitule La mer Adriatique. Calme plat, horizon ouvert, bleu dans le bleu, blanc, gris, rose teintés de bleu:
Le deuxième, de Charles Herbert Woodbury, a pour titre Au large de la Floride. Le ciel rose est moins tourmenté et occupe beaucoup moins d'espace que la mer, dont les eaux s'agitent dans une infinité de teintes: bleu, vert, turquoise, marine, noir, blanc.
Ces deux toiles. accrochées très près l'une de l'autre, m'ont fait penser à ces vers de Baudelaire:
Mais où la vie afflue et s'agite sans cesse
Comme l'air dans le ciel et la mer dans la mer
dans le premier paragraphe du poème Les Phares, qui porte sur Rubens.
Voici Le Bassin aux nymphéas, de Claude Monet, et ensuite la bannière qui annonce l'exposition:
Il était permis de photographier les oeuvres, ce que j'ai fait. Même si la qualité n'est pas terrible, j'éprouve une petite fierté à présenter des photos que j'ai prises moi-même.
Peut-être qu'il y en aura d'autres dans les prochains billets.
04/02/2014
Une revue, des créateurs, des trésors
(Ozias Leduc: portrait de Florence Bindoff, 1931-1935. © MNBAQ, Collection du Musée national des beaux-arts du Québec)
Ne vous attardez pas au titre, qui peut paraître rébarbatif. Courez au CNE de Jonquière pour voir l'exposition Vers un renouveau artistique autour de la revue Le Nigog, 1918, présentée jusqu'au 20 avril. Vous serez mis en présence de plusieurs grandes oeuvres, et de quelques chefs-d'oeuvre de l'art québécois.
Le titre désigne le fil conducteur qui a présidé au choix de ces oeuvres: essentiellement, il s'agit d'artistes présentés (sous un jour favorable) par le magazine mensuel Le Nigog, fondé en 1918 et qui dut fermer après la publication de 12 numéros.
(Napoléon Bourassa, Les petits pêcheurs, vers 1865. © MNBAQ, Collection du Musée national des beaux-arts du Québec)
C'est peu de dire que cette revue "moderniste", qui voulait éveiller l'intérêt et stimuler la curiosité des lecteurs envers la littérature et l'art contemporain fut mal accueillie:
"Proclamant la primauté de la forme sur le sujet comme condition d'un art universel, les rédacteurs en chef se font immédiatement des ennemis. Les régionalistes sont horrifiés : la revendication du formalisme détruit la sérénité avec laquelle ils avaient appuyé la pensée de la société conformiste."
Les toiles et sculptures de ces artistes modernes pour l'époque (début du 20e siècle) ont longtemps dormi dans les voûtes du Musée national des Beaux-Arts du Québec, qui a préparé cette superbe exposition itinérante. Certaines d'entre elles furent très difficiles à retrouver, m'a expliqué le guide qui m'a accueillie au CNE, ajoutant que plusieurs d'entre elles sont montrées au public pour la première fois.
Pas difficile aujourd'hui, en visitant l'exposition, de comprendre pourquoi le nom de leurs créateurs est parvenu jusqu'à nous: ce sont des artistes sérieux, épris de liberté, capables de réflexion et techniquement sûrs d'eux-mêmes. On n'en est pas encore à l'abstraction, mais on peut observer sur leurs toiles des signes (choix des couleurs, attitudes et expression des sujets, perspective, construction) de leur éveil et de leur aspiration à sortir du cadre institutionnel et traditionnel.
(John Lyman: Corinne, 1919. © MNBAQ, Collection du Musée national des beaux-arts du Québec)
(Adrien Hébert: Léo-Paul Morin, 1922. © MNBAQ, Collection du Musée national des beaux-arts du Québec)
Du titre de l'exposition, il faut somme toute retenir les mots "renouveau artistique". Et se rappeler que des gens, les rédacteurs du Nigog dans ce cas, ont travaillé fort et affronté les préjugés pour faire progresser la pensée de leur temps.
(Charles W. Simpson: Falaise de Gaspé © MNBAQ, Collection du Musée national des beaux-arts du Québec)
Ce sont les portraits que j'ai le plus aimés dans cette exposition. Ceux que je présente sur cette page: l'énigmatique Florence Bindoff par Ozias Leduc, l'impertinente Corinne de John Lyman, et le pensif Léo-Paul Morin, par Adrien Hébert, un peintre que j'aime beaucoup, dont l'exposition présente aussi les magnifiques Élévateurs à grains du port de Montréal.
Et aussi Le vieux paysan canadien français de Suzor-Côté et le joueur d'échecs de Charles Gill (le tableau s'intitule Le problème d'échecs).
En entrant dans la salle, on peut admirer Le pêcheur à la nigogue, reproduction à l'échelle d'une sculpture de Louis-Philippe Hébert installée sur la façade du Parlement de Québec. Une nigogue, ou un nigog comme le titre de la revue, est le harpon traditionnel des amérindiens.
05/04/2012
Viva Fernando Botero
J'étais bien heureuse de lire une nouvelle concernant le peintre et sculpteur Fernando Botero dans Le Devoir (ici).
L'artiste colombien, qui aura 80 ans le 19 avril, a fait cadeau d'une nouvelle sculpture à sa ville natale, Medellin, à l'occasion d'une exposition qu'il y présente sur le thème du chemin de croix. Ce gros chat de bronze (qui n'a rien à voir avec le chemin de croix!) me plaît bien, comme tout ce que fait Botero. J'aime bien l'homme et l'artiste, son caractère bouillant et son discours iconoclaste.
J'ai découvert son oeuvre, que je ne connaissais que vaguement, à l'occasion d'une exposition vue au Musée National des Beaux-arts de Québec en 2007.
J'ai écrit alors un billet sur ce blogue, assez éloquent il me semble, où je disais notamment:
"Je ne m'attendais pas à aimer beaucoup (..) mais j'ai été émerveillée par ses sculptures en bronze, notamment cette immense femme étendue sur le ventre, nue et tenant un cigarillo à la main, qui nous accueille dans le hall entre les deux salles. Sur le bronze sombre, les formes sont fascinantes, les rondeurs des fesses, auxquelles répondent les rondeurs des bras, des joues, des cuisses, même le dessous des pieds est potelé. C'est sensuel et doux, on a envie de toucher, de caresser..."
Cliquez sur l'image ci-dessous pour accéder au texte complet de la note (où il est aussi question du Café Krieghoff):
07/05/2011
Sous les arbres de Marc-Aurèle
C'est la plus belle. La plus belle, à mes yeux, des 107 oeuvres de l'exposition Marc-Aurèle Fortin, l'expérience de la couleur, présentée au Musée des Beaux Arts de Québec. La reproduction numérique ne rend pas justice à cette aquarelle intitulée Maison sous les arbres, et elle n'est pas la plus représentative du style de Marc-Aurèle Fortin, mais elle a été pour moi un véritable coup de coeur. L'eau de l'aquarelle semble couler en diagonale sur le papier, dessinant sur son passage les éléments de la composition. Et il y a ces petites taches rouges, un mur et deux pans de lucarnes qui, contrastant avec un ensemble aux teintes plus délavées, font littéralement vibrer la toile.
Ceci dit, l'exposition tout entière est magnifique. Marc-Aurèle Fortin a eu une existence misérable vers la fin de sa vie: escroqué par un agent alcoolique et stupide, très malade, amputé des deux jambes et aveugle. C'est le mécène et collectionneur René Buisson qui lui vient en aide et l'installe à l'hôpital de Macamic en Abitibi, où l'artiste meurt le 2 mars 1970. Par la suite, René Buisson crée la Fondation Marc-Aurèle Fortin qui met sur pied le Musée Marc-Aurèle Fortin, inauguré en 1984 dans le Vieux-Montréal. En 2007, toute la collection est transférée au Musée des beaux-arts de Montréal.
Par contraste, sa peinture respire sinon le bonheur, du moins l'exubérance et la joie. La véritable jubilation de voir le monde à sa manière et de pouvoir exprimer cette vision, grâce notamment à sa maîtrise du médium. On peut lire sur une cimaise de l'exposition un texte du peintre où il dit en substance que maîtriser l'aquarelle, c'est comme prendre de la morphine, une drogue, on devient fou et on ne peut plus s'en passer.
L'exposition occupe deux salles. La première est consacrée aux sujets urbains, à Montréal surtout: le port, les usines, les quartiers populaires, les petites rues et maisons, le chemin de fer, le pont Jacques-Cartier (en construction), et le quartier Hochelaga, que Marc-Aurèle Fortin a peint sous tous les angles et tous les éclairages possibles.
Quand on entre dans la deuxième salle, on est immergé dans le vert, celui des arbres, des ormes immenses et majestueux, dont le feuillage s'incline gracieusement vers le sol, troué de pans de ciel blanc. Le vert des paysages aussi, surtout du Québec, petits villages des Laurentides, Saint-Siméon, Petite Vallée, Bagotville, Laval, Sainte-Rose où il habitait, vus en plongée ou en perspective. Dans certains paysages, le vert est saturé, émeraude foncé, presque trop...
Ce sont d'ailleurs deux aspects d'une même oeuvre: celle d'un véritable créateur, qui intègre dans son travail tout ce qu'il voit, interprète et réorganise le tout sans relâche, poussé par une énergie sans cesse renouvelée. Quelle que soit la technique qu'il aborde: huile, aquarelle, gravure, pastel, peinture à la caséine, il joue à merveille sur les similitudes, les éléments répétitifs, les ruptures et les contrastes, comme autant d'instruments avec lesquels il crée une véritable symphonie visuelle.
Jack et moi avons fait l'aller-retour à Québec en autobus (je vous parlerai du reste du voyage une autre fois) pour aller voir cette exposition avant qu'elle se termine (dernier jour: dimanche 8 mai) et nous ne l'avons pas regretté un instant. Vous pouvez voir ici ce qu'en a dit mon compagnon sur son blogue.