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17/01/2016

Perles et opéra

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Complètement emballé par cette partition qu'il abordait pour la première fois, le chef italien Gianandrea Noseda a affirmé en entrevue qu'il la percevait comme une oeuvre regorgeant de perles, et qu'il se voyait lui-même comme un pêcheur qui devait trouver ces perles et les faire briller pour le public. C'est ma traduction libre des propos qu'il tenait à l'entracte, avec un accent italien si fort que son anglais ressemblait à du français!

Une belle image puisqu'il dirigeait, avec attention et passion, l'opéra Les Pêcheurs de perles, de Georges Bizet, au Metropolitan Opera de New York, retransmis en direct au cinéma Jonquière samedi.

(En voyant écrit le prénom de ce chef que je ne connaissais pas, je me suis demandé s'il ne pouvait pas s'agir d'une femme. Et j'ai alors réalisé que, en dix ans de retransmissions du Metropolitan, je n'ai jamais vu une femme au pupitre...)

Pour nous plonger d'emblée dans l'univers où se déroule le drame, la production du Met offre pendant l'ouverture des images de trois plongeurs évoluant lentement dans des eaux bleutées projetées sur un écran qui occupe la totalité verticale et horizontale de l'avant-scène.

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(Diana Damrau)

Un début à la fois saisissant et apaisant, qui nous dispose à suivre cette histoire écrite dans un français magnifique (livret d'Eugène Cormon et Michel Carré) et une partition ponctuée de grands airs et de mélodies accrocheuses.

L'intrigue se déroule quelque part en Extrême-Orient (à Ceylan (Sri Lanka) dans le livret d'origine), dans un village où deux grands amis, Zurga et Nadir, pêcheurs de perles de leur état, aiment la même femme, la prêtresse hindoue Leïla, vouée au culte de Brahma.

Un ténor et un baryton qui se disputent les faveurs d'une belle soprano, le ténor l'emportant finalement... un air connu à l'opéra!!! C'est aussi la trame de Carmen, que Bizet signera dix ans plus tard, sauf que cette fois, c'est le baryton (Escamillo) qui gagnera le coeur de la belle!

les pêcheurs de perles,bizet,metropolitan opera,cinéma jonquière,diana damrau,matthew polenzani,mariusz kwiecienJ'ai bien aimé cette production. La musique est magnifique et les interprètes (quatre solistes au total) sont excellents. Le plus remarquable est le ténor Matthew Polenzani, qui joue Nadir. Son très émouvant "Je crois entendre encore",  où sa voix navigue avec aisance et pianissimo dans le registre aigu, a été chaleureusement applaudi au Met.

Le baryton Mariusz Kwiecień (on peut l'entendre avec Polenzani dans un extrait du célèbre duo "Au fond du temple saint", en cliquant sur l'image ci-dessus), n'a pas une voix très puissante, mais il joue bien et atteint une belle intensité dramatique dans la colère et le remords.

La voix de la soprano Diana Damrau s'avère en général juste et agile, même si son costume et ses voiles semblent l'embarrasser quelque peu. Grande pureté vocale dans son solo "Comme autrefois" et prenante intensité là aussi dans ses duos avec chacun de ses deux partenaires.

Le baryton-basse Nicolas Testé s'acquitte fort bien du rôle discret du grand-prêtre Nourabad.

La mise en scène de Penny Woolcock met à juste titre l'accent sur les échanges et interactions entre les interprètes, et quelques éléments modernes (montre-bracelet, t-shirts, frigo, téléviseur, journaux) s'insèrent sans faire trop de vagues dans ce décor oriental et maritime.

Bref, deux heures et demie de pur plaisir, pour moi et pour les très nombreuses personnes qui se sont présentées samedi au cinéma Jonquière. On faisait même la queue dans la minuscule entrée pour acheter des billets: je n'avais pas vu ça depuis longtemps.

 

15/10/2012

L'âme d'un artiste: Matthew Polenzani

À l'entracte, la soprano Debora Voigt demande au ténor Matthew Polenzani, qui joue le rôle de Nemorino dans L'elisir d'amore (opéra du Met présenté samedi au cinéma Jonquière), qu'est-ce qu'il ressent alors qu'il va bientôt chanter Una furtiva lagrima, célébrissime aria interprétée par Pavarotti, Caruso, Domingo et autres grands ténors de ce monde (au bout de ce lien, par Pavarotti, en 1985 à l'émission française Le grand échiquier animée par Jacques Chancel).

En fait répond-il (je traduis librement son anglais):

"je vais penser à cette larme, cette larme qu'elle (Adina) vient de verser et qui me prouve son amour. Je vais exprimer mon émotion et ma joie d'avoir vu couler cette larme".


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(Anna Netrebko et Matthew Polenzani. Photo: Ken Howard, Metropolitan Opera)


Quelle réponse magnifique! Celle d'un véritable artiste. Quand il est sur scène, il ne songe pas à la gloire, à la compétition, à la performance, futilités auxquelles peuvent penser les journalistes qui l'interrogent ou les badauds qui l'écoutent. Il est simplement là,  tout entier là, en train de faire son métier, concentré à être ce personnage d'amoureux bouleversé par cette larme furtive aperçue sur la joue de sa bien-aimée.

D'ailleurs son Una furtiva lagrima était tout à fait sublime. Des instants de pur bonheur pour nous qui l'écoutions dans la salle obscure, et pour ceux qui l'ont ovationné pendant de longues minutes à New York. Il a surmontmetropolitan opera,met,cinéma jonquière,matthew polenzani,anna netrebkoé avec aisance les aigus et les fortissimi, mais c'était encore plus beau quand il chantait pianissimo: nous pouvions entendre sa voix pure et douce et observer, en gros plan sur son visage, l'expression de son sentiment amoureux, extatique sur les dernières syllabes de "si puo morir d'amor".

Voilà la réponse d'un authentique artiste, ai-je pensé, moi qui l'admirais depuis le début de cette belle production du Metropolitan Opera. Pourtant, je l'avais déjà vu dans Don Pasquale (aussi de Donizetti et aussi avec Anna Netrebko), et La Traviata où, je l'avoue, il ne m'avait pas tellement impressionnée. Mais cette fois, j'étais sous le charme (il est très beau en plus...)

La mise en scène de Bartlett Sher, finement nuancée, met l'accent sur le côté romantique de cette oeuvre très légère, plutôt que sur l'aspect rigolade et grosse farce auquel on réduit parfois L'elisir...

Anna Netrebko dans le rôle d'Adina, surmonte sans trop de problèmes les écueils de ce bel canto qui la tire hors de sa zone de confort. Le baryton polonais Mariusz Kwiecien s'acquitte honorablement du rôle unidimensionnel de Belcore, tandis que l'énorme -et excellent chanteur-  Ambrogio Maestri nous fait bien rire avec les boniments du dottore Dulcamara. À noter, le clin d'oeil amusant de ses deux sbires, portant costumes blancs et verres fumés teintés de rose...

 

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(Anna Netrebko, Mariusz Kwiecien. Ambrogio Maestri. Photo: Ken Howard, Metropolitan Opera)


Bons points aussi pour l'impeccable diction (italienne) de tous ces interprètes: tellement précise que je comprenais presque toutes les paroles sans avoir besoin de lire les sous-titres anglais, et pour la direction musicale tout aussi impeccable de maestro Maurizio Benini.

C'était un plaisir de renouer avec l'opéra du Met, en compagnie des fidèles habitués et de quelques nouveaux adeptes. De beaux samedis après-midi en perspective au cinéma Jonquière encore cette saison.

15/04/2012

La Traviata: souffrante... et magnifique!

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La dernière retransmission du Metropolitan Opera samedi au cinéma Jonquière: La Traviata de Verdi, a connu un grand succès: tous les sièges étaient occupés. J'ai aimé la scénographie dépouillée et intemporelle, cette grande horloge qui évoque le temps compté à Violetta, et tous ces tous ces éléments en forme de croissant ou de demi-lune. La mise en scène de Willy Decker est correcte, mais n'évite pas la confusion au sujet des lettres échangées et des motivations de chaque personnage.

Natalie Dessay, qui a bien failli ne pas pouvoir chanter, fait -presque- toute la valeur et la saveur de cette production. La soprano s'est désistée le soir de la première, et il était facile de comprendre pourquoi samedi en l'entendant répondre avec difficulté aux questions de Deborah Voigt à l'entracte, la voix manifestement très affectée par une quasi extinction... et manifestement malheureuse ce cette situation. Malgré cela, malgré quelques difficultés non seulement à atteindre les aigus (elle en a raté quelques-uns), mais simplement par moments à faire sortir le son, elle est éblouissante. Comme comédienne, elle est entièrement là, entièrement Violetta Valéry. Joie, peine, regret, espoir:  tout est dépeint dans les moindres nuances par son jeu, son visage, ses gestes.

Robe rouge, robe blanche (pour elle) sur des fauteuils et divans de cuir aux mêmes couleurs: l'effet est intéressant. Peignoirs fleuris (pour elle et lui) sur meubles recouverts du même tissu fleuri:  trop, c'est trop.

Mais quelles grandes arias: Libiamo, Un di felice, È strano... on sort du premier acte joyeusement imbibé de bel canto. Et à la fin, son Addio del passato, peut-être plus facile vocalement, est totalement émouvant. D'ailleurs toute la finale est parfaitement réussie:  crédible et touchante.

J'écris comme s'il n'y avait qu'elle dans cet opéra. C'est que les partenaires masculins de Mme Dessay ne sont pas tout à fait à la hauteur. Le ténor Matthew Polenzani, qui joue le rôle de son amant Alfredo, possède une belle voix et chante plutôt bien, mais son jeu est uniforme et son visage manque singulièrement d'expression.

Quant au baryton Dmitri Hvorostovsky, malgré sa réputation, son statut de vedette, et son excellence dans d'autres productions, il m'a déçue dans cette production, et je le regrette beaucoup. Malgré ses cheveux blancs, il n'est pas tout à fait crédible dans le rôle du père d'Alfredo. Il chante bien, mais ne semble pas très à l'aise dans ce rôle qu'il a pourtant souvent joué.

Par ailleurs l'orchestre est fort agréable à entendre sous la baguette de Fabio Luisi. Et les choeurs se montrent dynamiques et bien chorégraphiés.

Nous avons eu droit à une présentation vidéo des opéras du Metropolitan qui seront retransmis la saison prochaine: plusieurs oeuvres s'annoncent intéressantes.

Autres points de vue sur La Traviata du Met au cinéma:

Christophe Huss dans Le Devoir

Jack sur son blogue