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09/04/2012

Manon: oui et non

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Deux jours apèrs avoir vu Manon, de Julles Massenet, en direct du Metropolitan Opera au Cinéma Jonquière, je suis incapable de dire si j'ai vraiment aimé cette production.

Je connais assez bien l'oeuvre, j'en aime beaucoup la musique, qui fut d'ailleurs très agréable à entendre  sous la baguette du maestro Fabio Luisi. J'ai beaucoup écouté deux de ses arias,  "Je marche sur tous les chemins" (cliquez sur l'image ci-dessus pour entendre un extrait de la 2e partie sur Youtube),  et  surtout "Ah fuyez douce image", un air qui me suit depuis l'adolescence: il correspond à quelque chose en moi et je l'écoute encore dans mon auto, chanté par Richard Verreau.
Mais ce ne sont pas ces deux grands passages que j'ai le plus appréciés dans cette production du Met: ils m'ont semblé corrects, agréables sans plus.

manon,massenet,metropolitan opera,anna netrebko,piotr beczala,laurent pelly,des grieux,manon lescautAnna Netrebko joue assez bien la passion, les sentiments forts, sans cependant entrer totalement dans le personnage de Manon. Et malgré ses nombreuses qualités, elle n'est pas idéale vocalement pour cette musique: beaucoup d'approximations, manque d'agilité, quelques aigus carrément ratés. Son partenaire, le ténor polonais Piotr Beczala (le Chevalier Des Grieux), offre en revanche une technique très sûre, un chant élégant et raffiné. Il manque un peu de volume toutefois et force trop sa voix dans les fortissimi. (Je les ai vus tous deux dans Lucia di Lammermoor en 2009).

La scène finale, où Manon meurt dans les bras de son amant sur la scène presque vide dans une ambiance d'après-guerre, est quant à elle vraiment réussie, dramatiquement et musicalement.

manon,massenet,metropolitan opera,anna netrebko,piotr beczala,laurent pelly,des grieux,manon lescautJ'ai aimé la touche française de l'ensemble. D'abord bien entendu le livret, inspiré à Henri Meilhac et Philippe Gille par le roman de L'Abbé Prévost.

Ensuite l'équipe, Laurent Pelly à la mise en scène et aux costumes, et  Chantal Thomas à la scénographie. Les maisons en trompe-l'oeil à échelle réduite, le décor (dépouillé) en rampes et  escaliers, en lignes obliques et jeux d'échelle. Le contraste entre l'exubérance sensuelle des costumes féminins et la sobriété sévère du décor, auquel répond le contraste entre l'austérité de Saint-Sulpice et la scène torride qui s'y déroule: c'est inventif et dynamique.

Pas évident de mettre en scène cet opéra dont les contours narratifs et la logique psychologique sont flous à plusieurs endroits. Le personnage de Manon est difficile à cerner: naïve jeune fille victime de conventions sociales hypocrites, coquette amorale, bombe sexuelle, écervelée cupide: il faut montrer tout cela, et ce fut bien fait il me semble.

Mais il penche en définitive vers le côté avide (pour le sexe, l'argent, le plaisir) du personnage, ce qui a fort déplu aux critiques new-yorkais. Ils n'ont pas apprécié non plus qu'on installe la chambre de Des Grieux dans l'église, ni, dans ce lieu même, l'entreprise de séduction d'une Manon extrêmement lascive qui commence à déshabiller Des Grieux sous nos yeux. Ils n'ont pas aimé enfin que des messieurs bien mis enlèvent les jeunes ballerines à la fin du ballet. Que voulez-vous, c'est français!

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Plusieurs rôles secondaires intéressants. Le ténor Christophe Mortagne (Guillot de Morfontaine, photo ci-dessus) Français à la diction impeccable, artiste polyvalent (il est aussi magicien) et plus tout jeune, spécialisé dans les rôles comiques, davantage parlés que chantés, offrit avec brio les quelques moments comiques de l'après-midi. Il se montra cependant incapable de répondre aux questions de Deborah Voigt à l'entracte, soit à cause de la langue ou du trac. L'animatrice et un autre chanteur ont dû intervenir pour meubler le silence et compléter ses phrases, c'était un peu pénible.
J'ai bien aimé aussi le baryton David Pittsinger (vedette de la comédie musicale South Pacific, version 2008!), dans le rôle du comte des Grieux (le père du Chevalier) et Bradley Garvin dans celui de Brétigny. Le baryton Paulo Szot qui jouait Lescaut, le cousin de Manon, était un peu fade et moins intéressant.
Bref, j'hésite encore... au sujet de cette Manon, qui m'a fait passer en somme quelques bons moments.