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13/12/2010

Don Carlos: quand tout fonctionne...

donCarloGrand.jpg(Roberto Alagna et Marina Poplavskaya. Photo Ken Howard)

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 Don Carlos au Metropolitan Opera: une vraie réussite. Je ne ressens pas le besoin de décortiquer en détail cette production: seulement de dire qu'elle était formidable. Habituée de ces opéras du Met diffusées au cinéma Jonquière, je sais que certaines productions,  sans être mauvaises, ne fonctionnent pas tout à fait.  Les chanteurs font bien leur travail, la musique est belle, mais on sent qu'il y manque quelque chose. Ce petit quelque chose qui fait que, comme spectateur, on réagit, on est ému, on vibre avec les interprètes. Je ne sais pas c'est quoi, de la chaleur, de l'âme, de l'humanité peut-êtreen tout cas c'était bien là, dans ce Don Carlos du Met, ou tout au moins dans cette représentation que j'ai vue. 

Ce vaste chef-d'oeuvre de Giuseppe Verdi, que je ne connaissais à peu près pas, traite de divers aspects de la vie humaine: pouvoir, amour, trahison, angoisse, politique, liberté. On est parfois dans le social, parfois dans l'intime au fil de cette histoire de guerre, de révolte, d'indépendance (celle des Flandres), de religion, d'Inquisition, d'amour malheureux.

Et sur scène, tout fonctionne, grâce à des interprètes hors pair et à cette musique majestueuse, merveilleusement conduite par  Yannick-Nézet Séguin. Avec rigueur et finesse à la fois, le maestro québécois a su accompagner chaque scène, chaque phrase, souligner chaque nuance et chaque mouvement, qu'il soit intime ou à grand déploiement.

Roberto Alagna et Marina Poplavskaya, qui incarnent le couple Don Carlo/Elisabeth, sont totalement crédibles, autant dans leur joie du début, alors qu'ils tombent amoureux dès leur rencontre dans la forêt de Fontainebleau, que dans leur douleur ensuite. En principe, ils sont promis l'un à l'autre, mais Philippe II, le père de Don Carlo, décide d'épouser lui-même Élisabeth... Qui, devenue ainsi la belle-mère de celui qu'elle aime, se résout à ne faire que ses devoirs de reine et d'épouse.

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Simon Keenlyside (excellent dans le rôle de Rodrigo) et Ferrucio Furlanetto (Philippe II)

Alagna, particulièrement en forme samedi, est un des rares ténors qui puissent chanter ce rôle à pleine voix, avec la technique, la lumière et les éclats qu'il faut, tout en vivant et communiquant des émotions variées et nuancées. La jeune soprano russe est vraiment extraordinaire, avec son  timbre magnifique, son chant fluide et naturel, et son physique totalement adapté au rôle. Les six rôles majeurs de l'oeuvre étaient tous chantés de belle façon, sauf peut-être celui de la princesse Eboli, par Anna Smirnova, qui m'a laissée un peu perplexe.

À noter la belle performance de la basse chantante Ferruccio Furlanetto dans le rôle du roi Philippe II. Malgré le peu de sympathie que le personnage inspire par ailleurs, son solo au 4e acte, alors qu'il dévoile ses pensées intimes, nous retourne et nous secoue, comme le fait aussi le monologue désespéré d'Elisabeth chanté par Poplavskaya au cinquième et dernier acte.

Et Eric Halfvarson (basse également) incarne un grand Inquisiteur tellement fourbe et méchant qu'on prend plaisir à le détester, et à détester à travers lui l'Église catholique, coupable de ces meurtres, exclusions, condamnations et autres excès.

Tous et tout: décors, voix, instruments, mouvements, expressions, costumes, couleurs, concourent au même but dans une unité presque magique, de sorte que s'il y a quelques imperfections, erreurs, ou éléments un peu plus faibles, on les remarque à peine, préférant goûter pleinement toutes les richesses de ce magistral Don Carlos.

D'autres points de vue:

Critiques parues dans Le Devoir et dans La Presse

Plusieurs critiques en anglais à partir de cette page