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11/09/2011

Clowns en stock

clowns noirs,en attendant l'dégât d'eau,diogène,trac,saguenay,théâtre en régionEn reprenant un spectacle monté en 2006, le Théâtre du Faux-Coffre fait preuve d'audace et conclut avec panache le cycle de spectacles solos proposés par chacun des cinq Clowns noirs en 2010-2011. (J'ai vu quatre d'entre eux, tous excellents). Ils se mettent à cinq pour offrir au public un opus renouvelé, amusant et terrifiant: En attendant l'dégât d'eau (la dernière représentation avait lieu samedi).

 

Et voilà donc Diogène, Trac, Contrecoeur, Grossomodo et Piédestal (leurs portraits sont ici) aux prises avec leur éternelle bibitte: comment être artiste, et en vivre, surtout en région éloignée.

Subventions refusées: ils meurent de faim.

Seule solution: travailler pour des gens qui les paieront.

Clown dans un hôpital, dans un cirque clowns noirs,en attendant l'dégât d'eau,diogène,trac,saguenay,théâtre en régiondes horreurs, clown sans frontière: ils essaiment dans une multitude de décors, bar, rodéo, cirque, le tout figuré par quelques draps, un grand coffre en planches, une boîte de carton et quelques accessoires. Seul Piédestal n'a pas trouvé d'emploi: ayant simulé une grippe aviaire pour éviter d'être mangé par ses amis affamés(!), il doit aller se faire soigner à l'hôpital. Mais il voyagera, lui aussi...

Chacun des cinq comédiens incarne plusieurs des personnages de cette galerie extravagante et hilarante, montrant sa polyvalence et les multiples facettes de son talent. Ils savent chanter, mimer, crier, parler sur tous les tons, chuchoter, grimacer, courir, sous les traits d'un vieux malcommode, d'un médecin incompétent, d'un douanier qui a des problèmes personnels, d'un cowboy dépressif, d'une femme (bravo Trac!), d'un avion...

Ils expriment tout: angoisse, espoir, colère, tristesse, générosité, lâcheté, courage, selon ce qui leur arrive. Ce sont des clowns humains, nos frères.

L'intrigue se développe aussi: traqués, ils doivent échapper aux agents de la brigade anticultures.

C'est vivant et rigolo, un peu brouillon à l'occasion, mais tout de même, les clowns noirs

naviguent avec bonheur entre parodie, imitation, citation et texte original.

Sans oublier le tissage du récit, les réminiscences (par exemple aux spectacles solos), les rappels d'une scène à l'autre. On déclame du Shakespeare, Tchaïkovsky signe la musique, on émaille le tout d'allusions à l'actualité régionale et internationale.

Même Tintin est de la partie: l'affiche évoque l'album Coke en Stock, une scène de la pièce reproduit celle où Tintin découvre des esclaves enfermés dans la cale d'un bateau, et le reporter belge joue un rôle dans le dénouement de l'intrigue.

Le tout tendu sur la fiction, établie dès le départ en complicité avec le public, d'un déluge imminent, dont les clowns noirs veulent sauver les gens, du moins ceux qui sont assis devant eux.

Vendredi, la salle Murdock était comble et le public a eu pour son argent... le prix d'entrée étant fixé à 137$ pour les adultes (voyez le billet que Diogène a confectionné pour moi, pour ma collection). Cependant, si on apportait une boîte de conserve (article de survie en cas de déluge) on ne payait que 20$.

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Enfin, bref, c'était une bien agréable soirée.

Roger Blackburn écrivait dans Le Quotidien (article complet ici):

"Trahison, coup de théâtre, la brigade anticulture se cache dans tous les coins de l'aventure afin de prendre au piège ces artistes qui osent faire du théâtre dans une région éloignée. Chaque clown de la troupe campe bien son caractère, qu'il soit naïf, tendre, joyeux, paresseux, intello, cartésien, sensible, colérique, chacun fait avancer l'histoire. Patrice Leblanc, dans le rôle de Trac, avec son bâton de baseball comme accessoire de théâtre, se retrouve dans la peau de plusieurs personnages avec toujours autant d'intensité. Même les clowns sans éclat, triste et ternes arrivent à réveiller des graines de héros en eux."

On ne saurait mieux dire.

Bravo aux Clowns noirs!

29/04/2010

Sur les traces de Trac

bandeauTrac.jpgTout le monde s'accorde à dire que la vie d'artiste en région est difficile, exigeante et semée d'embûches.
C'est vrai mais elle a aussi ses avantages, par exemple celui de pousser, d'obliger ces créateurs à développer toutes leurs ressources, à travailler fort, longtemps et souvent, ce qui fait d'eux des performeurs exceptionnels. Un exemple: le comédien Patrice Leblanc, qui se fait aussi auteur, metteur en scène, chanteur, danseur pour son spectacle solo Trac, ma vie en théâtrascope (tous les soirs jusqu'au dimanche 2 mai à la salle Murdock): il offre une performance tout à fait remarquable.
Créateur polyvalent, entouré d'une  équipe réduite mais dynamique et inventive, il met en scène la biographie éclair de son personnage, en courtes scènes qui défilent, tel un film, (théâtrascope... cinémascope). La genèse de Trac, le clown noir pas gentil, agressif et rude.
Naissance difficile, père brutal, morts et meurtres, agressions, drogue ont fait de Patrice Leblanc-Trac un homme blessé qui trouve la rédemption dans les arts de la scène:  être clown, c'est sa planche de salut.

tracBaton.jpg

Admirable la façon dont Patrice Leblanc évoque tout ça avec un minimum de moyens: des planches de bois garnies de quelques brindilles représentent le père, la mère, l'amie, l'ami.  Une planche à repasser, un grillage, une corde métallique, quelques accessoires, sans oublier la batte de baseball, tout ça utilisé un peu maladroitement, comme dans une séance jouée par des écoliers.

Pièces de vêtements que l'on dirait sorties d'un vieux (et faux?) coffre, mal assorties, froissées et enfilées n'importe comment, faux nez, perruques et maquillage: Trac ne se costume pas, il se déguise. (Pour être compris, pour cacher son mal de vivre...)
Mais son propos direct et cru n'est pas destiné aux enfants (la pièce est pour 16 ans et plus...): bébé, écolier, prisonnier, danseur, soldat, junkie, il doit se défendre, affronter l'injustice et les coups du sort.

teteTrac.jpg

On a l'impression qu'il s'indigne, mais en réalité il exprime peu son jugement:  c'est nous, les spectateurs qui nous indignons devant l'évocation de faits sordides où la violence occupe une place de choix, c'est nous qui voyons en Trac l'homme révolté.
Leblanc mise sur l'humour pour alléger le contenu explosif de son propos: calembours, jeux de mots, ruptures de ton, contrastes. Allusions (un peu faciles parfois) au contexte politique de Saguenay et d'ailleurs, références musicales et littéraires, texte français et/ou québécois précis et efficace. Musiques et chansons surlignent de façon lumineuse les étapes de cette vie destroy.

Deux moments forts dans cette veine musicale:  quand il chante Le screw, de Richard Desjardins (créée pour le film le Party de Pierre Falardeau) en promenant ses barreaux, et Un peu plus haut, dans un contexte qui n'a rien à voir avec la version rose bonbon de Ginette Reno.
Je pourrais en dire beaucoup plus, mais je m'arrête ici: j'ai aimé ce spectacle, court, dense, peut-être pas parfait mais efficace, et le public, assez nombreux mercredi, l'a également fort apprécié.
Vive les Clowns noirs...

Vive la vie dure qui nous donne des artistes de cette qualité!

D'autres en ont parlé:

Christiane Laforge

Dario Larouche

Jack

Daniel Côté, Le Quotidien (merci Christiane!)

Jean-François Caron: une intéressante interview avec Patrice Leblanc, dans Voir