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20/01/2015

La Veuve joyeuse... sans les bulles

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(Nathan Gunn (Danilo) et Renée Fleming (Hanna). Photo: Ken Howard, Metropolitan Opera)

 

La Veuve joyeuse, de Franz Lehár: musique agile et pétillante, livret brillant et coquin truffé de mots d'esprit et d'allusions piquantes aux moeurs ou à la politique.
Je connais bien cette délicieuse opérette, que j'ai vue au moins une dizaine de fois (toujours en français). Je ne voulais donc pas manquer The Merry Widow, présentée samedi au cinéma Jonquière.
Intrigues politiques et sentimentales, quiproquos, substitutions de personnes, un éventail que l'on perd et retrouve. Amour et cupidité se disputent le coeur des hommes (et des femmes) dans un tourbillon d'arias, de danses et de numéros comiques.

La metteure en scène et chorégraphe Susan Stroman, issue du milieu de la comédie musicale, semble avoir voulu servir le gai Paris à la sauce Broadway. Non seulement par son travail de mise en scène, mais par son choix d'interprètes: plusieurs d'entre eux ont une bonne expérience du musical.

L'idée, séduisante à prime abord, produit plusieurs bons moments, notamment de superbes chorégraphies, mais donne aussi lieu à quelques irritants.
Car c'est vouloir transformer une oeuvre effervescente, légère comme de la dentelle, en un spectacle à grand déploiement, surchargé visuellement, dramatiquement et musicalement (gros effectifs dirigés par Andrew Davis). Il s'en dégage une impression de lourdeur, comme si un gros nuage venait écraser trop tôt les bulles de cet enivrant champagne, égarant au passage la finesse de l'esprit français.

Une partie du problème vient peut-être de la nouvelle traduction commandée à Jeremy Sams: à la lecture des sous-titres, elle ne m'a pas semblé à la hauteur du texte français (qui est en réalité une adaptation du livret original en allemand (de Leo Stein et Victor Léon), lui-même  inspiré d'une comédie française: L'Attaché d'ambassade d'Henri Meilhac!).

Plusieurs interprètes ne semblent pas très à l'aise avec ce nouveau texte, pourtant écrit dans leur langue maternelle. Comme s'il entravait leur agilité, leur expressivité.

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(Kelli O'Hara (Valencienne) et Alek Shrader (Camille). Photo: Ken Howard, Metropolitan Opera)


La seule qui ne souffre pas de la situation est la soprano Kelli O'Hara (photo ci-dessus, avec Alek Shrader), vedette de Broadway qui fait ici une entrée réussie à l'opéra: musicalement et dramatiquement à l'aise, elle chante et joue à merveille le personnage de Valencienne, déchirée entre la tentation d'une aventure et l'obligation de demeurer fidèle, en apparence sinon en réalité, à son baron de mari.
O'Hara vole d'ailleurs la vedette à Renée Fleming, chanteuse classique s'il en est, qui a pour sa part annoncé un virage prochain vers... la comédie musicale! Pour le moins inégale dans cette représentation du 17 janvier, la diva, incarnant Hanna, la riche veuve dont les millions constituent un enjeu crucial pour la survie financière de son pays, a brillé dans l'air de Vilja et dans le dernier acte, où elle s'abandonne enfin à l'heure exquise dans les bras du comte Danilo (Nathan Gunn). Avant cela, beaucoup de problèmes avec le texte, avec les aigus, avec le volume.

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(Photo: Ken Howard, Metropolitan Opera)

 

Il faut attendre au troisième acte pour que ça pétille enfin. Chez Maxim's, temple des plaisirs interdits, les jolies filles se lancent dans un cancan débridé, tandis que le champagne coule à flots et que se forment des couples éphémères.
Hanna et Danilo se déclarent leur amour, le mystère de l'éventail est éclairci et le baron (excellent Thomas Allen) doit se retourner sur un dix cents en apprenant d'abord la trahison et ensuite l'absolue fidélité de sa femme Valencienne.

Compte tenu de ce contexte, les chanteurs et chanteuses se débrouillent assez bien. Le baryton Nathan Gunn (Danilo) et le ténor Alek Shrader (Camille), qui font leurs débuts au Met, offrent une prestation très correcte et les rôles secondaires sont en général bien chantés. Soulignons la présence de la mezzo-soprano canadienne Wallis Giunta, dans le rôle d'Olga.

Les productions de La Veuve joyeuse que j'ai vues à Saguenay et à Québec n'ont rien à envier à celle-ci, malgré des moyens infiniment plus modestes.
Malgré ces réserves, La Veuve Joyeuse, même intitulée The Merry Widow, demeure une oeuvre exquise. J'ai eu beaucoup de plaisir à retrouver ces airs que j'aime tant, et je ne me suis pas ennuyée du tout.
Il y avait beaucoup de monde à cette représentation, c'est la plus nombreuse assistance que j'ai vue dans cette salle depuis longtemps. Et malgré le froid mordant, tout le monde est sorti avec le sourire aux lèvres.