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25/07/2011

Un Labiche gonflé aux 100 Masques

Fidèle à sa tradition, le Théâtre 100 Masques nous a servi sur un plateau grinçant une comédie classique montée comme une mayonnaise et gonflée à l'hélium de la caricature et du vaudeville.

Après Aristophane, Molière, Sacha Guitry, le metteur en scène Dario Larouche et son équipe avaient cet été jeté leur dévolu sur  Eugène Labiche, avec L'Affaire de la rue Lourcine (la dernière représentation a eu lieu ce dimanche).

rue Lourcine,100 Masques, Dario Larouche, LabicheLa scène ridiculement petite de la salle Murcock (Chicoutimi) avait peine à contenir les comédiens, pour la plupart démesurément rembourrés et grimés. Avec un admirable abandon, ceux-ci ont su répondre aux exigences du texte et du metteur en scène pour incarner des personnages de cette farce loufoque et burlesque, qui n'ont que haine, agressivité, mots durs envers leur semblables.

Le sujet: deux compères se croient les auteurs d'un assassinat, qu'ils auraient commis pendant une nuit de beuverie dont ils ont tout oublié.

Avoir de l'argent, satisfaire leurs besoins primaires, cacher leurs incartades, voilà tout ce qui préoccupe ces êtres cupides et hypocrites qui ont pour seule fonction... de faire fonctionner la pièce. Même le jeune enfant que l'on va baptiser n'attendrit personne: tous le désignent du doux nom de bâtard.

Les comédiens et comédiennes, donc, Sébastien Bouchard, Louison Renaud, Patrick Simard, Érika Brisson, et Mélanie Potvin multiplient les grimaces, les assauts verbaux, les gros mots, les sacres (québécois) et les chansons (québécoises): c'est grinçant, burlesque, osé, drôle même si on rit parfois un peu jaune.l'affaire de la rue lourcine,100 masques,dario larouche,eugène labiche,chicoutimi

La mise en scène, comme c'est le cas pour toute comédie, repose sur un parfait synchronisme de plusieurs éléments, et c'est en général assez réussi. La ponctuation musicale rythme efficacement et comiquement le tout. Un bel effet est notamment créé par ces quelques notes de musique qui soulignent les réactions (de peur et d'incrédulité) des deux hommes à la lecture d'un fait divers où ils croient avoir joué un rôle.

La tradition du panégyrique (des donateurs) est au rendez-vous: présenté par une seule comédienne, cette fois avant l'entrée en salle, le texte (bien plus comique que celui de Labiche) évoque les traditions du théâtre en y intégrant les noms de plus d'une centaine de donateurs et commanditaires.

Dario Larouche tient sur son blogue une chronique de son travail pour chaque production qu'il monte, et c'est passionnant à lire (surtout après avoir vu le résultat final!), car il est rare que l'on ait accès au point de vue du metteur en scène. Dans un de ses billets récents, il évoque  son insatisfaction quant à cette production (et aux autres qu'il a mises en scène). Outre de souligner que l'insatisfaction est un moteur important de la création artistique, on peut dire que les productions des 100 Masques, incluant L'Affaire de la rue Lourcine, demeurent des merveilles d'ingéniosité et de travail théâtral en profondeur, qui arrivent au spectateur malgré le peu de temps (de répétition) et de moyens (financiers) dont dispose la troupe.

Par ailleurs si la pièce n'a pas le mordant de L'Assemblée des femmes ou du Médecin malgré lui (précédemment présentées par  les 100 Masques) c'est peut-être que la critique sociale en est quasi absente.

Et ça, c'est la faute de Labiche... pas de Larouche!

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Il en a été question ici:

Critique élogieuse dans Le Quotidien (reproduite sur le blogue de DL)

Très bon billet de Jack sur un aspect particulier de la pièce

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27/03/2011

Antigone, aujourd'hui

Un groupe de comédiens et de gens de théâtre. Des créateurs qui veulent créer. Ils ont monté Antigone, de Sophocle. (Cinq représentations, c'est déjà terminé).
Un choix audacieux. Le théâtre grec, aujourd'hui?  Vraiment??? Eh bien croyez-le ou non, c'est plus que pertinent. En écoutant les propos de Créon, le roi de Thèbes, fort bien joué par un Éric Rénald vêtu d'un pantalon de camouflage et tenant un bâton de golf en guise de sceptre, on jurerait entendre Kadhafi. Aujourd'hui. Ou d'autres dictateurs, à d'autres moments de l'histoire:  Hitler,  Ceaucescu, Pinochet... Nommez-les.
antigone,sophocle,100 masques,natas,maude cournoyerLe pouvoir les aveugle tous. "Ils empiètent sur le rôle des dieux", et finissent par croire que ce pouvoir est le leur. Qu'ils sont le pouvoir. Et que cela leur donne tous les droits sur tous ceux qui les entourent.
Donc le roi de Thèbes, aujourd'hui, nous parle de nous et de notre monde.
Et à entendre Antigone, la fille d'Oedipe, la rebelle qui ose défier son autorité, comment ne pas penser aux femmes, celles d'ici et d'ailleurs, dominées, humiliées, contraintes se soumettre à des lois iniques sous peine de mort. De mourir avant de mourir, comme le dit Antigone.

Le collectif N.A.T.A.S. (Notre Association Théâtrale Au Saguenay) a donc relevé le défi du laboratoire annuel de création du Théâtre 100 Masques. Et pas n'importe quels comédiens. Pour les trois rôles principaux (et quelques rôles secondaires): Maude Cournoyer (Antigone), Mélanie Potvin (Ismène) et Éric Renald (Créon), se montrent intenses et brûlants tout en conservant un ton égal et posé. antigone,sophocle,100 masques,natas,maude cournoyer

François-Matthieu Hotte, jeune cinéaste créatif et rebelle, signe sa première mise en scène pour le théâtre... et rien n'y paraît. Contraint à la sobriété par des moyens financiers plus que modestes, il a finalement fait de cette sobriété un élément essentiel de son travail (il explique sa démarche ici). Optant pour une réjouissante scénographie de récupération truffée d'anachronismes, vieilles tables, feuilles de papier, costumes minimalistes, et pour un fond sonore savamment mixé (musique, bruitages, sons déformés et stridents), il a consacré la plus grande partie de ses efforts au travail du texte avec les comédiens.
Maude Cournoyer est formidable dans le rôle de la jeune et pure Antigone, toute préoccupée de donner une sépulture à son frère Polynice, défiant les ordres de son oncle Créon. La comédienne, qui est d'ailleurs à l'origine de ce projet, a concocté sa propre adaptation du texte de Sophocle. Puisée à plusieurs traductions et sources (j'ai cru y déceler un zeste de l'Antigone d'Anouilh, mais je peux me tromper), sa version-adaptation parle une langue directe et simple, qui confère au propos une clarté troublante. Surtout que tous, comédiens et  coryphées, affichent une diction et un phrasé impeccables.

antigone,sophocle,100 masques,natas,maude cournoyerÀ cette équipe allumée et compétente, ajoutez un vieil auditorium au charme suranné (celui de l'ancien couvent du Bon Conseil, rue Racine),  une trentaine de personnes vendredi après-midi, et voilà: c'est magique, Antigone vit sous nos yeux, s'interroge, se révolte, et meurt, comme tous les autres protagonistes de cette tragédie.

Les grands thèmes qui préoccupent encore aujourd'hui l'humanité pensante, vie, mort, honneur, fidélité, soumission, courage, rébellion, loi, morale, cupidité, amour (bien peu celui-là), sont ici abordés. Les enjeux sont clairs... les solutions le sont un peu moins...

Je me rappelle mes années de collège et je me démêle une fois de plus (avec l'aide de mon voisin) dans la tragédie et la mythologie grecques, entre Eschyle, Euripide, Sophocle, entre les cycles de Thèbes (celui-ci), de Mycènes, d'Athènes. Mélangées aux récits de la Bible et de l'Évangile, ce sont les sources de ma culture.
Et je regrette que cette production n'ait pu, pour des raisons diverses, être présentée à ceux, justement, que notre système d'éducation secondaire et collégial prive chaque jour de cette culture...

22/07/2010

Femmes au pouvoir...

afficheAssemblee.jpgIl reste quatre représentations (jeudi à dimanche) de L'Assemblée des femmes, présentée par le Théâtre 100 Masques à la salle Murdock. Cette pièce a été écrite vers 392 avant Jésus-Christ par Aristophane, un auteur grec classique et comique.
Un choix audacieux et réjouissant du metteur en scène Dario Larouche, qui propose en réalité un  collage de tiré de ce texte et d'une autre pièce du même auteur, Lysistrata, en puisant dans plusieurs traductions.

Les sept comédiennes jouent tous les rôles, ceux des hommes et ceux des femmes, alors que dans l'Antiquité, les hommes incarnaient tous les personnages.
Un beau revirement. Même aujourd'hui, on n'est pas si habitué à entendre des femmes parler crûment et publiquement de sexe et de merde. Choquant pour les uns, prisé par les autres, ce langage direct est fort bien maîtrisé par les comédiennes.

Et on ne risque pas de se méprendre sur le sexe du personnage qu'elles incarnent: quand c'est un homme, elles portent un pénis en tissu qui pend comiquement et dont elles savent jouer pour exprimer concrètement... certaines choses.
Le sujet: les Athéniennes, jusque-là soumises à la loi et aux volontés des hommes, se concertent pour prendre le pouvoir et instaurer de nouvelles règles afin de sauver la cité qui s'en va à la dérive.  Elles veulent gérer les relations sexuelles à leur façon (même les laides auront droit au plaisir) et mettre en place un programme politique qui a tout du communisme. Mais leur projet manque de cohérence, et comme dans Astérix, tout finit par une grande fête.

femmesArist.jpg

 

Voici ce que l'on en dit sur Wikipédia:

En mettant en scène les débats des Athéniennes, qui prêtent à rire par leur manque de portée politique, mais aussi par leur défaut de sens pratique et la défense immodérée des intérêts particuliers qui y apparaît, ce sont les projets de constitution qui animent l'Athènes de son temps qu'Aristophane entend tourner en dérision. On observe également dans cette pièce la désillusion du grand poète comique, dont l'amertume ne fait que croître après la capitulation d'Athènes qui clôt la guerre du Péloponnèse, ainsi que devant la dégradation des institutions politiques athéniennes, qui a abouti au rétablissement de la tyrannie.

De cette satire qui ne va pas très loin et renvoie dos à dos les unes et les autres, le metteur en scène (et son équipe) réussit à tirer une réjouissante comédie, découpée en neuf scènes dont le titre est affiché sur un écran.
Propos scabreux, truculents, grivois, lubriques... et pessimistes quant aux motifs qui guident la conduite humaine, pantomimes sans équivoque de copulation et de défécation: s'il était écrit aujourd'hui, ce scénario ne passerait tout simplement pas et serait retiré de l'affiche illico. Le dernier Bye Bye, qui fut si décrié, a l'air d'un cantique religieux à côté de ça.

Les comédiennes, formidables de folie, se prêtent au jeu avec un bel abandon, sans crainte du ridicule, sur le rythme soutenu (élément essentiel de toute comédie) établi par le metteur en scène.

En entrée, le panégyrique (inventé par les Grecs, c'est le mot qui convient) des donateurs (tradition propre aux 100 Masques): un bijou d'écriture humoristique (le texte complet est sur le blogue de DL, ici).

Un décor simple meublé de colonnes doriques à roulettes(!), des boucliers polyvalents et autres accessoires produisant un effet comique, dans une salle complètement réorientée où la scène et le parterre se font face en longueur.

Sans en avoir l'air, cet agréable divertissement est le résultat d'un important travail de réflexion, de mise au point, et de répétition. Un travail d'équipe aussi bien entendu.

C'est très amusant, on passe une belle soirée et on rit beaucoup tout en éprouvant un certain malaise... On rit jaune comme a dit Jack sur son blogue.

Courez-y, vous ne le regretterez pas.

13/07/2009

Faux médecin et vrai théâtre

afficheMedesin.JPGLe Médecin malgré lui : une bonne grosse farce de Molière, bien troussée par le Théâtre 100 Masques.  Pas facile de jouer cela aujourd’hui: deux niveaux de langage dont aucun n’est encore en usage. Le populaire, qui correspondrait au joual, et le normal qui correspond au... normal.
Les comédiens ont bien travaillé avec le metteur en scène Christian Ouellet afin de pouvoir, et de fort belle façon,  se mettre en bouche ces répliques et les rendre parfaitement claires aux auditeurs.
Ils proposent, à la salle Murdock du Centre des arts et de la culture, un spectacle amusant et déridant, du vrai théâtre où le comique du texte est renforcé par un jeu très physique multipliant les courses, poursuites, bastonnades, fessées et coups de pied, sur fond de quiproquos, de déguisements molierePortrait.jpget de tromperies diverses.
Ainsi, Sganarelle, contraint de faire office de médecin contre son gré, affirme que le coeur est à droite, et le foie à gauche. Géronte soulève une question:

Il me semble que vous les placez autrement qu'ils ne sont; que le cœur est du côté gauche, et le foie du côté droit."
Et Sganarelle de répondre: 
“Oui, cela était autrefois ainsi, mais nous avons changé tout cela." (!!!!)

Dans un décor minimaliste mais adéquat, les comédiens répercutent l'impertinence de Molière qui se moque  des médecins et de la médecine, de l’amour, des hommes et des femmes.
Non sans quelques considérations bien senties, encore valables aujourd’hui, assaisonnées de propos politiquement incorrects.  Le faux médecin se demande bien par exemple pourquoi quelqu’un voudrait qu’une femme ne soit plus muette, lui qui est aux prises avec une femme bavarde et délurée.livreMedecin.jpg
Tout ça est à la fois  jouissif et édifiant.
Bravo à la belle équipe de comédiens: Pierre Tremblay, Mélanie Potvin, Marc-André Perrier, Jérémie Desbiens, Alexandre Larouche, Martin Giguère et Émilie Jean.
Chapeau au directeur général et artistique des 100 Masques Dario Larouche, qui tient à bout de bras sa petite équipe, tout en alimentant régulièrement un fort bon blogue consacré au théâtre, le sien et celui des autres.
Bravo aux quelque 60 commanditaires qui soutiennent la troupe (sans subvention à ce jour) : ils méritent bien l’hommage comique (chacun est associé à une citation de Molière) qui leur est rendu en début de spectacle (un peu long, mais astucieux et fort bien fait).
Et vive Molière!
Pour les personnes intéressées, il reste plusieurs représentations de cette sympathique production: du jeudi 16 au dimanche 19 juillet, et du jeudi 23 au dimanche 26 juillet.
Vous pouvez lire une bonne critique de la pièce sur le blogue de Jack.
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PS.  Le compositeur français Charles Gounod a aussi écrit un Médecin malgré lui,  soit un opéra-comique en trois actes (1858) dont le livret (de J. Barbier &. M. Carré) est inspiré de la pièce de Molière. Je serais curieuse de voir et d’entendre ça.