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18/05/2006

Décoder la critique

Il y a des trucs pour décoder la critique. Je ne vous les donne pas tous, à vous de trouver. Seulement quelques pistes. Sur un film: si le critique insiste sur la beauté des images ou encore le jeu des acteurs, c'est qu'il n'a pas vraiment aimé, ou qu'il a trouvé l'histoire faible. Pour un spectacle ou une pièce de théâtre, si le journaliste  met de l'avant les efforts fournis par l'équipe de production, c'est peut-être que l'intrigue manque de solidité.

Et c'est d'ailleurs souvent là que le bât blesse: le scénario, l'histoire. Malgré la compétence des équipes, des auteurs, des artistes, les intrigues vraiment solides demeurent assez rares, que ce soit au cinéma, au théâtre, dans les comédies musicales. Néanmoins, quand on écoute les grands classiques, on se rend compte que c'est là, dans une intrigue à la fois solide, complexe, palpitante, que réside souvent leur principal atout, la base autour de laquelle les autres éléments viennent se greffer.

16/05/2006

La critique locale

En région, les spectacles et les oeuvres sont pour la plupart produits avec un minimum de moyens financiers. L'absence de ceux-ci est souvent compensée par l'énergie, le dynamisme, le talent de ceux qui y travaillent. Dans bien des cas, ils sont surqualifiés et offrent de la qualité professionnelle même s'ils ne sont pas considérés comme professionnels. Mais que la qualité soit là ou non, le critique est toujours conscient de la fragilité de tout cela. La plupart des organisations, compagnies de théâtre, galeries d'art, vivent un brin sur rien, et peuvent tout simplement cesser d'exister si elles sont privées de leurs maigres subventions.
Comme critique, on est donc porté à peser soigneusement nos paroles, car on ne veut pas détruire ce que les gens ont édifié de peine et de misère. Parfois, on préfère ne rien écrire sur une mauvaise production, plutôt que de la descendre et de mettre une compagnie en péril.
Il y a cependant moyen de livrer notre pensée et d'indiquer les défauts, sans trop en avoir l'air. Je vous en parle dans ma prochaine chronique.

14/05/2006

La critique comme peau de chagrin

Pour une nouvelle pièce de théâtre présentée à Montréal, par une compagnie réputée (TNM, par exemple) on peut espérer trouver entre trois (Devoir, Presse, Voir) et cinq critiques dans la presse écrite, et peut-être autant à la radio. Si cette même pièce, ou une production locale, est présentée au Saguenay, il y aura une critique dans la presse écrite (Quotidien ou Progrès Dimanche), peut-être une à la radio (CBJ), rarement plus. C'est bien peu pour les gens qui veulent se faire une idée de la pièce à travers plusieurs visions.
Ceci est dû au fait qu'il y a de moins en moins de journalistes culturels, et de journalistes tout court, dans les entreprises de presse. Et souvent, c'est la même personne qui doit faire les interviews et la critique. Or ce n'est pas normal. Un critique ne devrait pas avoir à parler à ceux qui montent l'événement en question, afin d'avoir l'esprit entièrement libre.
Par ailleurs, si un journaliste a consacré du temps à réaliser les interviews en plus d'écrire des textes sur toutes les autres choses qui se passent dans une semaine, il peut lui être difficile de prévoir quatre heures de plus (spectacle et rédaction, c'est un minimum) pour réaliser une critique. Alors on laisse bien souvent tomber cette dernière au profit des entrevues, qui sont plus simples à réaliser, mais qui ne donnent du spectacle que la perception, nécessairement biaisée, de ceux qui le font.
Pour un concert classique, il y aura encore moins de critiques, parfois une, parfois zéro, cela dépend du moment où il est présenté et de la quantité d'événements qui se déroulent au même moment.
Pour un spectacle plus populaire, à grand déploiement, comme Dracula, par exemple, on peut s'attendre à ce que tous les médias en parlent d'abondance et en proposent au moins une critique. À tort ou à raison, les patrons estiment que le sujet est «vendeur» et n'hésitent pas à envoyer du renfort aux journalistes culturels, à mobiliser toutes les ressources de leur salle de rédaction.

13/05/2006

Critique et manipulation

2- La manipulation

Une autre raison pour laquelle les critiques sont moins sévères aujourd'hui qu'hier (quoique là-dessus, il faudrait vérifier), c'est la vaste entreprise de manipulation dont ils sont l'objet. On leur propose des interviews avec toute sorte de beau monde avant la venue d'un spectacle dans leur ville. Exemple, les films québécois. Les tournées de promotion sont organisées de façon à nous (je dis nous parce que j'ai vécu souvent l'expérience) enfermer dans une espèce de piège collant, étouffant, dont on n'arrive pas à se sortir. Le ou la responsable de tournée, qui travaille pour une agence spécialisée dans ce genre de promotion, est toujours quelqu'un de super gentil, plein d'entregent, qui nous appelle personnellement pour nous dire qu'il va être là à telle date avec des gens formidables: un réalisateur connu, des comédiens, des gros noms, Roy Dupuis, Rémy Girard, Céline Bonnier, ou autres. Comment refuser des interviews avec ces vedettes? Impossible. Une projection spéciale nous permet de voir le film avant les interviews. Les textes sur les entrevues peuvent être publiés n'importe quand, mais pour la critique du film, on nous demande d'attendre sa sortie en salles, souvent une semaine ou deux plus tard. On accepte l'entente et on vient de se faire manipuler de belle façon. On va publier 3 ou 4 interviews avec des artistes de grand talent, ou de belles jeunes actrices que le public va découvrir, de grandes pages pleines de photos: les gens auront l'impression qu'on a aimé le film, alors qu'on n'en aura pas encore dit un seul mot.
On ne peut pas dire du mal de Rémy Girard à la suite d'une interview: l'homme est charmant, en plus il déploie son charme pour vanter le film, alors notre papier est favorable, louangeur envers Rémy Girard, et les gens croient qu'il s'agit de louanges à l'endroit du film.
Au moment d'écrire la critique, si on a aimé le film, pas de problème, on va écrire exactement ce qu'on a pensé et ressenti. Mais si on ne l'a pas aimé, qu'on lui a trouvé beaucoup de défauts, qu'est-ce qu'on fait? Pas évident d'écrire des choses mauvaises sur des gens avec qui on a eu un bon contact. De contrarier l'organisateur de tournée envers lequel on se sent -à tort- moralement engagé. Et si on fait malgré tout notre devoir, qu'on souligne les défauts et les faiblesses du film, qu'on le qualifie de mauvais, il est possible que le public ne le remarque même pas. Car notre critique paraîtra à un autre moment que les interviews, elle sera peut-être égarée dans un petit coin de page, sans photo, bref, peut-être que les gens ne la liront pas.

12/05/2006

Critique un jour...

Petit topo de Philippe Belley sur la critique au Québec, ce matin à CBJ-Radio-Canada. Il déplore, comme bien d'autres, y compris des critiques, qu'il n'y ait pas assez de critique, et que celle-ci, quand elle existe, soit trop complaisante. C'est exact. J'ai exercé moi-même exercé ce métier fort longtemps, et si au début, je pouvais taper fort sur un spectacle qui m'avait déplu, la situation a changé au fil des années, pour moi comme pour les autres critiques. C'est dû à plusieurs facteurs : la qualité des spectacles s'est améliorée, les «vrais» critiques sont de moins en moins nombreux, et ceux-là, tout comme les potineurs et autres vecteurs d'information culturelle, sont l'objet de tentatives de manipulations très insidieuses, tout en évoluant dans un milieu frileux et fragile. Tout cela se ramène d'ailleurs à un seul dénominateur commun: l'argent.

1- La qualité des spectacles

Celle-ci est allée en augmentant, règle générale, au fil des ans depuis les années 60, pour tous les genres de production: théâtre, danse, cinéma, humour, grands spectacles, musique classique même, et cela notamment parce que les artistes, techniciens, gens de scène, sont aujourd'hui mieux formés.
Il en coûte par ailleurs tellement cher pour monter la moindre production, que les gens ne peuvent pas risquer de se tromper. On peut bien attirer le public par de l'information, de la promotion, mais une fois celui-ci assis dans la salle, il faut tenir les promesses de l'affiche, afin de faire le plein de spectateurs, qui répandront la bonne nouvelle et en attireront d'autres. Si le spectacle déçoit les premières vagues de spectateurs, le bouche-à-oreille fait son oeuvre, les journaux parlent de fiasco, et c'est la catastrophe, le déficit. Investir beaucoup, en argent, en préparation, en répétitions, en mise au point des moindres détails, c'est le seul moyen pour espérer obtenir un retour sur cet investissement.
Dans les années 60 et 70, il s'agissait d'être une bande d'artistes plus ou moins sérieux, de se réunir pour monter un show, mi-préparé, mi-improvisé. Ça coûtait 200$, 500$, 1000$, on n'avait donc pas besoin de vendre les billets très cher, ni même de remplir les salles. Les gens écoutaient moins la télé, ils avaient envie de sortir, payaient 5$ ou 10$ pour aller voir un show, et s'ils n'aimaient pas, ce n'était pas très grave, ni pour les spectateurs, ni pour les artistes. Aujourd'hui, si à quelques jours de la première d'un spectacle, il y a moins de 100 ou 200 billets vendus, il est tout probable qu'il sera annulé.
Donc, comme critique, on a moins de choses vraiment pourries à se mettre sous la dent. On peut signaler des erreurs, des fausses notes, quelques irritants, on peut ne pas aimer le genre, trouver cela trop facile ou trop populaire, reste qu'il y a un minimun de qualité, de professionnalisme dans la plupart des shows et qu'on ne peut pas ne pas le souligner. Il est assez rare qu'une production totalement nulle arrive à se frayer un chemin jusqu'à une scène professionelle. Dans le cas des productions locales, régionales, elles se font bien souvent avec peu de moyens, mais les intervenants sont dans bien des cas hyperqualifiés, étudiants et profs en théâtre, en danse, en musique, et la faiblesse de leurs moyens financiers est compensée par l'énergie, l'enthousiasme, l'ingéniosité, et la foi artistique qui les animent.
Tiens, je me suis laissée prendre par mon sujet, j'en ai long à dire, la suite arrive bientôt.