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26/06/2016

Boucles de lecture

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Ça commence il y a plusieurs mois. Mon père décide de vendre sa voiture. L'acheteur est un vieil ami qu'il avait perdu de vue.
Cet ami lui offre le DVD du film Capote, sachant que papa s'est intéressé autrefois à l'écrivain Truman Capote (photo ci-dessus) et surtout à ses oeuvres.
L'ami lui mentionne qu'il aimerait beaucoup connaître son opinion sur le film. Papa voudrait bien... mais il n'a pas de lecteur DVD. Je lui propose donc de venir chez moi pour une petite projection privée danstruman capote,de sang froid,philip seymour hoffman,harper lee mon bureau. Papa et moi avons trouvé le film (que je n'avais pas vu) fort intéressant.
Cet intérêt vient notamment du contact particulier que nous avons eu, il y a 50 ans, avec l'oeuvre la plus connue de Capote:  De sang-froid. Papa a acheté le livre au moment de sa parution en 1966, en version originale (In Cold Blood).

 

Un massacre
Comme il en parlait beaucoup, je l'ai lu moi aussi. Et je crois que mon frère Pierre l'a également lu.
C'est un roman-vérité qui raconte en détail  comment furent assassinés quatre membres d'une famille de fermiers du Kansas. L'auteur relate l'enquête qu'il a menée sur ce massacre commis par deux jeunes truands en perte de repère qui ont agi sans motif apparent.
L'écrivain évoque la relation qu'il a développée, à la faveur de nombreuses visites en prison, avec les deux jeunes assassins (en particulier l'un d'eux), et comment il fut témoin, à leur demande, de leur pendaison.

 

Le film
Assez fidèle au récit de Capote, le film présente un intérêt particulier à cause du glissement de point de vue: narrateur du livre, Truman Capote devient sujet du film de Bennett Miller. Celui-ci met l'accent sur la façon dont cet épisode a changé la vie de l'écrivain: dépression, drogues, alcools. Et l'acteur qui incarne Capote, Philip Seymour Hoffman (photo ci-dessous) est formidable.

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Des nouvelles

truman capote,de sang froid,philip seymour hoffman,harper leeMon père avait ensuite acheté, du même auteur, le recueil de nouvelles Musique pour caméléons. Je ne l'avais pas lu à l'époque, mais le retour de Truman Capote dans ma vie m'a incitée à l'emprunter à la bibliothèque municipale et à le lire. C'est un peu inégal, mais certaines de ces nouvelles sont vraiment brillantes: ce fut un grand plaisir de lecture.

Harper Lee
Quelques jours plus tard, les médias rapportent le décès de l'auteure américaine Harper Lee. Or, indiquent quelques articles, c'est elle, Harper Lee, qui fut l'assistante de Capote dans l'enquête qu'il a menée sur le meurtre.

Elle créait les contacts, prenait les rendez-vous, tapait le manuscrit, bref, elle a eu une grande part dans l'histoire. Sa contribution est saluée par Capote dans ses remerciements au début du livre.

Dans le film, elle est incarnée par Catherine Keener.

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Jusque-là, le nom de Harper Lee m'était à peu près inconnu, mais pas le titre de son principal ouvrage: Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur. J'avais 15 ans quand j'en ai entendu parler... par mes parents. Ils venaient de voir le film qui en a été tiré, sans doute en version originale au cinéma Palace.

 


Une autre piste de lecture

J'ai acheté le roman à la librairie, en livre de poche. C'est la vie dans le Sud profond et ségrégationniste, vue par les yeux d'une petite fille. Son père, avocat, défend un noir accusé de viol, un crime qu'il n'a pas commis. Malgré bien des longueurs et un récit qui s'égare parfois, c'est un bon roman, pour la description des moeurs, de l'époque, des lieux, pour ses personnages bien campés, pour son humour pétillant.

Finalement, papa a pu dire à son ami ce qu'il pensait du film et le remercier pour le DVD...
Et voilà, la boucle est bouclée...

21/03/2014

Quitter le monde

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Dans le roman de Douglas Kennedy intitulé Quitter le monde, que j'ai lu récemment, la narratrice (américaine), qui tente d'échapper à un deuil et à une profonde dépression, quitte son pays pour aller vivre à Calgary, en Alberta.

Elle assiste à un concert donné par la pianiste Angela Hewitt (photo ci-dessus) au centre des arts de l'endroit (vraisemblablement le Jack Singer Concert Hall, dont le nom n'est cependant pas mentionné).

La pianiste est décrite ainsi: "la cinquantaine, pas vraiment belle mais avec un charme à la Simone de Beauvoir malgré sa robe en lamé bleu tapageuse".

Angela Hewitt interprète les Variations Goldberg, de Bach. Pour la narratrice, c'est le bonheur:

"Soixante-quinze minutes d'exploration d'un édifice musical fondamental, dans lequel se reflétait toute la palette des émotions humaines, de l'introspection la plus rigoureuse à l'optimisme exalté, de la méditation apaisée au désespoir le plus profond, de l'allégresse facétieuse à l'acceptation résignée de ce que la vie a d'éphémère...

(...) Chez moi, je me suis assise dans le fauteuil sans enlever mon manteau. J'étais encore remplie de gratitude pour ce moment musical si lumineux, si puissant que oui, je m'en rendais soudain compte, il m'avait permis d'échapper pendant une heure et quart à une affliction omniprésente".

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J'ai bien aimé ce passage, pour deux raisons. Premièrement, il exprime bien comment l'art, la musique dans ce cas, peut nous aider à "quitter le monde", c'est-à-dire nous transporter dans une sorte d'univers parallèle, où l'on oublie tout sauf ce qu'on est en train de recevoir à chaque seconde de l'instant présent.

Ce sont des moments de grâce, qui peuvent effectivement consoler, réconforter, offrir une sensation de plénitude, de pur bonheur au milieu d'une vie tumultueuse.douglas kennedy,quitter le monde,angela hewitt,variations goldberg,glenn gould,david jalbert

L'autre raison pour laquelle j'ai réagi fortement, c'est que j'ai moi-même eu le bonheur d'assister à un concert d'Angela Hewitt. C'était en 2001, à l'auditorium Dufour de Chicoutimi. Elle n'avait pas joué les Variations Goldberg, mais d'autres pièces de Bach, ainsi que de Beethoven et de Schumann. S'adressant au public, elle a raconté que, 36 ans plus tôt, elle était venue pour la première fois à Chicoutimi, comme candidate aux Concours de musique du Québec et du Canada. Elle avait remporté le premier prix dans sa catégorie: sept ans et moins.

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Elle et sa mère avaient logé dans ce même hôtel Chicoutimi où elle habitait le soir du concert. Et c'était un magnifique concert. Vous pouvez lire mon compte rendu en cliquant sur l'image du billet ci-dessus.

Quant aux Variations Goldberg, j'ai aussi vécu cette expérience de quitter le monde quand je les ai entendues en 2012 jouées par le pianiste David Jalbert à Métabetchouan: la description des réactions de la salle que j'en ai faite sur ce blogue (ici)  ressemble beaucoup à celle qu'il y a dans le roman de Douglas Kennedy.

Si vous voulez les écouter, par Glenn Gould, cliquez sur cette image:

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08/08/2012

Livres et rivières

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Ma dernière sortie à vélo fut décidément très culturelle. Non seulement j'ai admiré la fée des bois sculptée par Raoul Hunter et reconnu un tacon du projet Événement Ouananiche, mais j'ai aussi retrouvé, à Chicoutimi, des éléments du projet La littérature aux abords des rivières, réalisé en 2010 par le Salon du Livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean.

tony tremblay, écrivain, la littérature aux abords des rivières,rivière aux sables,rivière chicoutimi,saguenay,auteurs,salon du livrela littérature aux abords des rivières,rivière aux sables,rivière chicoutimi,saguenay,auteurs,salon du livrela littérature aux abords des rivières,rivière aux sables,rivière chicoutimi,saguenay,auteurs,salon du livreAu total, 36 bornes d'information sur la littérature régionale ont été installées aux abords de trois rivières du territoire du Saguenay: la Rivière-aux-Sables à Jonquière (où j'ai pris l'an dernier quelques-unes des photos que je présente ici), la rivière Chicoutimi près du Bassin, et la rivière Ha!Ha! à La Baie.

Ce sont de belles pièces bleu et argent en aluminium anodisé: couleurs des rivières et formes évoquant à la fois la queue d'une baleine et les pages d'un livre. Des ouvertures y sont pratiquées: comme des vagues, des ouïes de violoncelle... fenêtres sur le monde.

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Chaque borne est consacrée à un auteur de la région: on y retrouve son nom, une courte biographie, et un passage extrait de son oeuvre. Trois faces, trois langues différentes: français, innu et anglais.

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(présentation du projet en innu)

Bien sûr il y a beaucoup plus que 36 écrivains au Saguenay-Lac-Saint-Jean, il a donc fallu choisir dans une liste non exhaustive de près de 200 noms. J'étais d'ailleurs membre du comité de sélection présidé par Céline Dion (non, pas la chanteuse!), conceptrice de ce fort beau projet.

Quelques noms: Hélène Pedneault, Gilbert Langevin, Yvon Paré, Pierre Demers à Jonquière; Daniel Danis, Pierre Gobeil, Paul-Marie Lapointe, Félix- Antoine Savard à Chicoutimi; Michel Marc Bouchard, André Girard, Louis Hémon, Nicole Houde à La Baie.

la littérature aux abords des rivières,rivière aux sables,rivière chicoutimi,saguenay,auteurs,salon du livre la littérature aux abords des rivières,rivière aux sables,rivière chicoutimi,saguenay,auteurs,salon du livreMême si on n'a pas le temps de lire tous les textes, c'est fort agréable à regarder. C'est bleu, apaisant et inspirant. (Beaucoup de bleu et d'eau sur le site internet graphiquement réussi). Je peux m'asseoir sur un banc et laisser dériver mes pensées:

- les livres se baignent dans les rivières comme leurs auteurs y plongent leurs racines

- les rivières coulent dans les livres comme des veines d'inspiration

- tout comme le poisson que l'on pêche et que l'on mange, le livre que l'on choisit et que l'on lit s'amalgame à notre être et contribue à le développer

- l'eau court, ondule et ondoie, tout comme les mots et les phrases

- je m'y'promène comme dans une forêt et...

- je pense aux Correspondances de Baudelaire, dont voici la première strophe:

 

La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles;
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers.

 

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13/04/2012

Un voyage...

Je reviens d'un merveilleux voyage... Ce ne sont pas les ailes d'un avion, mais les pages d'un livre qui m'ont ainsi transportée quelque part en Amérique du Sud. J'ai chevauché la fin du 19e et le début du 20e siècle, vécu dans une petite ville portuaire des Caraïbes, parcouru un pays imaginaire qui doit ressembler à la Colombie ou au Chili, côtoyé des êtres merveilleux, pleins de vie, avec leurs qualités et leurs travers, et surtout tellement humains, notamment la belle Fermina Daza, son mari Juvenal Urbino, et son amour de jeunesse Florentino Ariza.gabriel garcia marquez,l'amour aux temps du choléra,roman,colombie,exotisme,amérique du sud,fantaisie

Eh oui, je viens tout juste de terminer L'amour aux temps du Choléra, de l'écrivain colombien Gabriel Garcia Marquez (pour plus de détails sur sa vie, voir cet artice du Nouvel Observateur), dont j'avais lu autrefois avec ravissement Cent ans de solitude et Chronique d'une mort annoncée.

Récemment, deux amis avec lesquels je mangeais au restaurant ont évoqué cet autre roman très connu de l'auteur, L'amour aux temps du choléra (publié en 1985), en se relançant les passages et les personnages qu'ils avaient préférés.

Cela m'a donné le goût... de lire autre chose que les polars et policiers qui constituent depuis plusieurs années l'essentiel de mes lectures. J'ai emprunté l'ouvrage à la bibliothèque municipale, et il m'a fait passer des heures merveilleuses.

Un grand roman, entre passion, sagesse, folie, poésie, exotisme. Dramatique et comique, parsemé de considérations sur la vie, la mort, l'amitié. L'auteur-narrateur se montre sans illusion sur la nature humaine, qu'il aime pourtant et qu'il décrit avec une bienveillante ironie.

C'est aussi un livre surgabriel garcia marquez,l'amour aux temps du choléra,roman,colombie,exotisme,amérique du sud,fantaisie les affres de la vieillesse, laquelle cependant, selon cette histoire, réserve encore quelque bonheur à ceux qui s'y laissent glisser en abandonnant leurs préjugés.

C'est l'histoire d'un amour éternel, entrecoupé d'amours passagères. Des personnages, des animaux, des maisons, des rues, des paysages aux couleurs intenses et lumineuses prennent vie sous nos yeux. L'écriture (la traduction d'Annie Morvan m'a semblé excellente), riche et foisonnante, émaillée de touches lyriques ou poétiques, coule de source.

Un film (américain, avec Javier Bardem), a été tiré du livre en 2007: j'aimerais bien le voir.

18/01/2012

Nietzsche, philosophie et religion

Quelques lectures m'ont conduite à m'intéresser au philosophe allemand Friedrich Nietzsche.

Nietzsche, Philosophie, religion, Irvin YalomD'abord, un peu lassée de la tendance pensée positive véhiculée par le magazine Psychologies, que je lis depuis des années (intéressant par certains sujets et aspects, il m'énerve par son ouverture à toutes les thérapies, même les plus absconses), j'ai commencé à lire une autre revue française, Philosophie, qui pour le moment m'intéresse davantage.

nietzsche,philosophie,religion,irvin yalomQuestions et réflexions sur l'homme et le sens de la vie, à travers une grande variété de sujets (la souffrance, le hasard, l'argent, la beauté, le nucléaire...), bien posées et traitées par des penseurs de divers horizons, aussi bien les philosophes de l'Antiquité que les stars de la pensée moderne, ou encore des artistes, des paysans, des praticiens d'une activité humaine dont il est question.  Dans le numéro sur la douleur, que je suis en train de lire, l'un des articles résume la pensée de Nietzsche à ce sujet.

D'autre part et surtout, je lis en ce moment un roman passionnant intitulé Et Nietzsche a pleuré, écrit par le psychothérapeute américain Irvin Yalom. Au centre de ce roman, Nietzsche, justement, qui expose ses symptômes au médecin Josef Breuer. C'est la maîtresse (platonique semble-t-il) de Nietzsche, Lou Salomé, qui a manigancé pour conduire, à l'insu de celui-ci, le philosophe dans le cabinet du médecin.

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On y rencontre Sigmund Freud et Bertha Pappenheim (la célèbre patiente Anna O.), on apprend l'histoire du ménage à trois (platonique également) formé par Nietzsche, Lou-Andreas Salomé et Paul Rée, il y a des descriptions précises de la pratique de la médecine à cette époque (1880), de même que des villes de Venise et de Vienne. Et surtout, on assiste à la naissance de la psychanalyse.

Bref, je n'ai pas lu la moitié du livre et je vais de découverte en découverte, ce qui m'incite à vérifier si tel ou tel personnage a réellement existé et si ce que raconte Irvin Yalom est plausible en regard des faits historiques attestés. La plupart des personnages ont existé, et tout est plausible: c'est absolument fascinant!

Donc j'en suis aux premières rencontres entre Breuer et Nietzsche, et un passage attribué à ce dernier m'a particulièrement frappée, car il correspond à ma propre pensée. Bien sûr il ne s'agit que d'une infime partie de la vaste pensée du philosophe, qui a réfléchi sur d'innombrables aspects de l'existence humaine.

Nietzsche affirme qu'il faut toujours dire la vérité, et le docteur Breuer lui oppose le cas d'un de ses patients atteint d'un cancer et condamné à mort à brève échéance. Le médecinnietzsche,philosophie,religion,irvin yalom est là pour rassurer et réconforter son patient: si ce dernier ne veut pas savoir la vérité au sujet de son état, ne vaut-il pas mieux se taire?

"Quand j'ai quitté mon patient ce matin, il m'a dit: "Je m'en remets à la main de Dieu." Qui oserait dire que cela n'est pas, aussi, une forme de vérité?", demande le docteur.

Et Nietzsche de répondre: "Moi j'ose le dire!".

"On accède à la vérité, poursuivit Nietzsche, par l'incrédulité et le scepticisme, non par un désir puéril que les choses soient ce qu'on veut qu'elles soient! La volonté de votre patient de s'en remettre à la main de Dieu n'a rien à voir avec la vérité. C'est simplement un désir puéril, rien de plus! Un désir de ne pas mourir et de retrouver ce sein éternellement gonflé que nous appelons "Dieu"! 

 

Selon Nietzsche, donc, Dieu est une création de l'homme... et non l'inverse!

09/09/2011

Amélie Nothomb: une forme de livre

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J'aime bien Amélie Nothomb. J'ai lu presque tous ses romans, et chacun d'eux m'a étonnée, charmée et amusée.
Je ne sais pas si l'histoire littéraire la retiendra comme une grande auteure, et au fond peu m'importe: je la trouve spéciale comme personne, elle m'est fort sympathique et j'aime lire ses livres. Dans le dernier en date, intitulé Une forme de vie, elle se met elle-même en scène, à la fois comme narratrice et comme personnage portant son vrai nom.
Un soldat américain basé en Irak lui écrit des lettres qui piquent sa curiosité. Elle apprend qu'il est obèse, comme beaucoup de ses camarades. C'est un mal qui ronge l'armée américaine: manger est l'équivalent de prendre de la drogue, lui avoue-t-il, ça fait oublier toute l'horreur  et le stress de la guerre. Je ne révèle rien sur l'histoire en disant cela, car ce n'est pas ça l'histoire.amélie nothomb,une forme de vie,roman,lecture
Amélie Nothomb se prend au jeu, répond à ses lettres et finit par accepter de rencontrer son gros correspondant.
J'ai adoré. C'est fin, zesté d'allusions et de références, la critique sociale affleure sans s'imposer. Ses considérations sur les relations humaines et sur l'écriture sont à la fois féroces et délicieuses.

Le style léger gratte délicatement les apparences anodines ou ridicules pour révéler la détresse tapie au fond de l'âme.

Ce n'est pas ce qu'on pense au début... c'est encore mieux.
C'est court, impertinent... pertinent.

07/11/2010

Un écrivain disparu

Paul Villeneuve est décédé à Dolbeau, à l'âge de 66 ans. L'avis de décès publié dans Le Quotidien et sur Internet (par exemple ici), m'a fait paulVilleneuve.jpgcomprendre qu'il s'agit bien de l'écrivain, originaire de Jonquière, que j'ai connu.

Il a publié quelques romans dans les années 60 et 70, et son plus célèbre est certainement Johnny Bungalow, en 1974. Je me souviens que j'avais été très impressionnée par cette oeuvre,  sorte de roman d'apprentissage où il était question de devenir un homme et d'avoir un pays. Je trouvais même cela génial, je croyais y voir le début d'une grande oeuvre littéraire.

C'est un peu vague dans mon souvenir, mais je possède encore l'exemplaire que j'avais acheté moi-même pour 10.95$, comme en témoigne l'étiquette de la librairie Garneau encore collée à l'endos. On peut la voir sur la photo de droite.IMG_1289.jpgIMG_1294.JPG

J'en avais publié dans Le Quotidien un compte rendu fort élogieux. Quelques années plus tard, j'ai fait une interview avec lui. Ravie de rencontrer l'auteur d'un tel livre, j'ai en revanche appris de sa bouche qu'il avait renoncé à écrire des romans. Ensuite, j'ai vaguement su qu'il vivait en reclus dans la région.

Et plus de 30 ans plus tard, j'apprends son décès, dans un CHSLD du Lac-Saint-Jean, alors qu'il était à peine plus vieux que moi. Pourquoi était-il là, quelle a été la fin de sa vie? J'en n'en sais rien.

 

IMG_1298.JPGEn retrouvant le livre dans ma bibliothèque, j'ai été frappée de voir comment un éditeur pouvait massacrer l'oeuvre d'un auteur à l'époque: petits caractères, texte dense, peu aéré, encrage irrégulier: rien, dans la présentation visuelle, pour attirer un lecteur éventuel. Mais j'avais de bons yeux alors et cette mauvaise qualité de l'édition ne m'a pas dérangée, ni surtout empêchée de lire le livre...

IMG_1303.JPG

 

Des recherches sur le web mènent, curieusement, à un certain nombre de citations dues à Paul Villeneuve, tirées pour la plupart de Johnny Bungalow, comme celles-ci:

«Impossible de palper le temps, mais il s'insinue là entre les fibres les plus ténues de l'être, s'y loge en intrus et s'y creuse un nid fatal.»
«Notre corps, l'environnement le plus près de nous mais si difficile à posséder, à explorer et à aimer...»
«Les souvenirs, c'est la seule chose au monde qu'on peut partager sans arrêt et qui ne s'épuise jamais...»
«Le temps, c'est quand on va d'un Noël à l'autre.»

«Chez les hommes, même l'amour passe par l'argent.»
(Dans  J'ai mon voyage)

 

Sans oublier ce beau passage cité dans l'avis de décès:

«Je sais ces voyages comme passage du temps, Pour le canot ailé de l'amour»

 

Bon voyage, Monsieur Villeneuve!

14/06/2010

Paul Auster, l'Invisible

InvisibleLivre.jpgJe viens de terminer la lecture de Invisible, le plus récent roman de Paul Auster. Cela aurait pu s'appeler "Un homme", mais le titre était déjà pris (par Philip Roth).
Et peut-être qu'il faudrait dans ce cas dire "Deux hommes", car en réalité Adam Walker, le "héros" de l'histoire, n'existe que par rapport à un autre personnage, Rudolf Born, en quelque sorte son âme damnée. Le premier est un jeune étudiant idéaliste et naïf, l'autre un personnage ambigu, qui inspire fascination et inquiétude.
Un lien se noue entre les deux hommes, qui sera brisé à la suite d'un événement tragique. Horrifié par le geste agressif de Born, Walker tente de le dénoncer, d'abord à la police, puis à d'autres personnes qui le connaissent, et finit par quitter les États-Unis pour l'Europe, croyant ainsi se libérer de son fardeau. Quelques liaisons avec des femmes, une poursuite, des interventions policières, des rencontres émaillent aussi la narration et étendent le tissu temporel autour de l'année de référence, 1967.
Ce que j'ai surtout aimé de ce livre, c'est sa structure, qui s'appuie sur une technique narrative originale, sa maîtrise des procédés littéraires, les références à l'histoire ancienne ou moderne qui le relient au monde réel. Paul Auster, un auteur que j'apprécie et dont j'ai lu presque tous les livres, est un as à ce chapitre.
Cette histoire prend la forme d'un manuscrit qu'Adam Walker, atteint d'une grave maladie, fait  parvenir en plusieurs étapes à Jim, un ancien vague camarade de promotion.
Mais le fait qu'il s'agisse d'un manuscrit n'est pas dévoilé d'emblée: le lecteur l'apprend après avoir lu le premier chapitre. La responsabilité d'écrire le récit se transmet alors du personnage principal au personnage secondaire, puis à un troisième personnage, on passe du "je" au "tu", puis au "il".  Le suspense se tisse et se désamorce, tandis qu'Adam Walker est de moins en moins présent à mesure que faiblissent ses forces... il devient invisible.paulAuster.jpg
Comme toujours chez Paul Auster, les personnages sont des êtres de mots et non de chair: tissés dans et par l'écriture, ils conservent leurs zones d'ombre, se défilent et se délitent.

 

Tout passe

l'espace

efface

le bruit

comme dirait Victor Hugo.

 

Des indices sèment le doute chez le lecteur et l'incitent à tenter d'établir une hiérarchie des événements selon leur réalité, leur probabilité, ou leur impossibilité (par exemple ceux qui sont imaginés par un personnage). Il est même écrit en toutes lettres, quelque part au milieu du livre, que les noms de personnes et de lieux ont été changés... ce qui est un comble puisqu'il s'agit d'une fiction!
Ceci dit, ces incertitudes ne sont pas frustrantes pour le lecteur, du moins pas pour moi: l'histoire finit par se tenir, grâce à un travail littéraire habile et fascinant.

J'ai donc beaucoup aimé ce roman de Paul Auster: agréable à lire, il fait réfléchir et, comme les personnages et les événements qu'il construit sous nos yeux, comme toute oeuvre d'art d'ailleurs, il conserve sa part de mystère.

23/12/2009

Dan Brown: un Symbole de trop

livreBrown.jpgPoche: c'est le mot qui me vient à l'esprit après avoir lu Le Symbole perdu, de Dan Brown. Et ça ne veut pas dire Livre de Poche! Je ne suis pas une fan de ce monsieur qui fait beaucoup d'argent, mais tout de même, j'ai lu avec un certain plaisir ses autres ouvrages: Da Vinci Code, Anges et démons, Deception Point. Son fond de commerce: des énigmes sur fond de croyances religieuses, de révélations, de sociétés secrètes, et toujours le même héros, Robert Langdon, capable de résoudre toutes ses énigmes,  toujours poursuivi parce qu'il en sait trop, souvent par les policiers et les services secrets.
Le Symbole perdu, dont l'intrigue se déroule à Washington, mélange sans discernement la franc-maçonnerie, le christianisme, les rites occultes et sacrificiels, pour former une soupe infecte et indigeste. Un verbiage ésotérique et pseudo-scientifique à n'en plus finir, des idées qui ne tiennent pas debout, comme cette ridicule "noétique", science pratiquée par une chercheuse qui arrive à déterminer le poids réel de l'âme. Les dix dernières pages, qui devraient constituer l'explication de tout ce qui a précédé, sont en réalité un délire religieux qui n'apporte aucun éclairage valable:  très pénibles à lire, en particulier pour l'athée que je suis.
On sent que tout a été sinon écrit, du moins traduit à la hâte, dans un français approximatif et sans saveur.

Il y a quelques erreurs de narration: par exemple le révérend Galloway est aveugle. Or  on peut lire (page 376): "Galloway observa Langdon et  Katherine", et, un peu plus loin: "Ce soir, voir le signe de la Rose-Croix lui (à Galloway) avait redonné espoir".

Bref, je sors de cette lecture avec la nette impression d'avoir perdu mon temps et mon argent.

Son principal intérêt est de présenter plusieurs aspects de la ville de Washington et de me donner le goût de visiter cette ville, le Capitole, la Maison Blanche, le Smithsonian Institution, dont les concepteurs et architectes étaient inspirés par la franc-maçonnerie (selon Dan Brown) et le désir  d'imiter les monuments européens.ApotheoseWashington.jpg
Il y est question entre autre de la fresque peinte sous le dôme du Capitole (image ci-dessus), intitulée L'apothéose de Washington, réalisée par Constantino Brumidi, un artiste italien qui a voulu faire  un Michel-Ange de lui-même. Quétaine mais fascinant.

On peut lire un bon texte (malheureusement plein de fautes d'orthographe) sur les élucubrations de Dan Brown, ici.

07/05/2009

Merci Marilyn

marilynFrench.jpgDécès de l'auteure américaine Marilyn French (un bon texte dans Le Devoir). La lecture de son roman Toilettes pour femmes, vers 1978, m'a beaucoup marquée. L'histoire d'une femme qui en a assez de la soumission et qui décide de prendre sa vie en main. Un roman dur, revendicateur, implacable. Féministe et radical. Peut-être qu'aujourd'hui ce serait moins suprenant, moins bouleversant (je devrais sans doute le reliretoilettes.png pour vérifier), mais il y a 30 ans, l'histoire avait de quoi secouer et faire réfléchir.
Ce livre a joué un rôle important dans ma prise de conscience féministe. Et dans celle de millions de femmes à travers le monde.
J'ai lu aussi son roman Les bons sentiments, peut-être un peu moins percutant, mais fort intéressant tout de même.
Une femme remarquable, donc.
Sur cette photo, elle tient entre ses doigts la cause probable de sa mort...