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15/02/2016

Voir la mer... au loin

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Je livre ici la première d'une série de fragments textuels et visuels sur mon récent -et fort agréable- séjour dans un tout-inclus à Cuba.


Nous avions une bien jolie vue sur la superbe marina de ce complexe qui mérite bien son nom:  Meliá Marina Varadero.

Du balcon et des fenêtres de notre confortable et luxueux condo, du lever au coucher du soleil, toute la nuit si nous étions debout, par temps gris, par temps clair, par grand vent ou calme plat, par lune brillante ou voilée, nous apercevions ce grand et paisible port de plaisance.

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Chaque fois que nous nous déplacions vers le hall de l'hôtel pour aller manger, ou vers n'importe quel endroit sur le site, nous marchions sur la promenade en l'ayant sous les yeux.

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Oui, elle est vraiment magnifique, cette marina, avec tous ces catamarans, voiliers et autres embarcations qui larguent les amarres le matin et rentrent au port en fin de journée, avec cette eau, ces bâtiments, ce soleil, ce vent, ces couleurs, ces vagues, ce lent mouvement des êtres et des choses.

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Au moment de choisir notre hôtel, nous avions vu des photos, et savions bien sûr que cette vue serait la nôtre la plupart du temps.

 

Mais parfois, assise sur le balcon, embrassant des yeux ce grand bassin, j'avais un petit pincement au coeur...


Où est la mer?

Que fait-elle pendant ce temps?

me demandais-je...

 

Elle était bien là, pourtant, au-delà des eaux de la marina, qui sont les mêmes en quelque sorte. Je l'ai zoomée, tiens! c'est une des premières photos que j'ai prises là-bas:

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La mer est au-delà de la pointe verte à gauche. Et de cette bande ocre sur laquelle on construit, m'a-t-il semblé, d'autres installations récréo-touristiques.

Vers l'arrière, quand nous sortions de l'appartement, nous apercevions un petit bout d'océan, bordant la courbe de la péninsule. Et nous l'avons beaucoup vu en circulant ailleurs à Cuba.

Néanmoins j'avoue que la mer, et le déroulement infini de sa lame, m'a quelque peu manqué...

12/04/2015

Un hôpital débaptisé

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Débaptisé pour cause d'eugénisme. C'est ce qui est arrivé à l'hôpital Charles Richet, situé dans la commune française de Villiers-le-Bel.

 Charles Richet, récipiendaire du Prix Nobel de médecine en 1913, croyait à la supériorité de la race blanche et prônait l'élimination des "enfant tarés et anormaux", ceci dans le but d'améliorer le patrimoine génétique de l'homme!

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Paola Charles-Manclé, d'origine martiniquaise, bénévole à l'hôpital Charles Richet, n'a pas mis longtemps à découvrir les idées racistes et eugénistes de ce savant. Il a notamment écrit, dans son livre L'Homme stupide:

"Voici à peu près trente mille ans qu'il y a des Noirs en Afrique, et pendant ces trente mille ans

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ils n'ont pu aboutir à rien qui les élève au-dessus des singes. [...] Les nègres n'ont rien d'analogue [aux Blancs]. Ils continuent, même au milieu des Blancs, à vivre une existence végétative, sans rien produire que de l'acide carbonique et de l'urée".


La dame a lancé une pétition en ligne pour faire retirer le nom de Charles Richet à l'hôpital et à la rue où il est situé. Elle a recueilli  30000 signatures et obtenu gain de cause. (1)

Fort bien. Et d'autant mieux que,  si les Français ont enlevé à l'hôpital Charles Richet son nom propre, ils ont eu la bonne idée de lui conserver son nom commun:

hôpital  !

Ils ne l'ont pas coiffé d'un sigle ou acronyme plein de C (centre), de S (services, sociaux) de R (régional) et de U (universitaire), comme on l'a fait au Québec où le mot hôpital a complètement disparu de la paperasse bureaucratique. Mais pas de la langue parlée par le vrai monde qui, heureusement, continue d'affirmer que quand on est malade, on va à l'hôpital.

_______________________

(1)Le biologiste français Alexis Carrel, également prix Nobel de médecine (en 1912) s'inscrit dans ce même courant qui voyait dans l’eugénisme une solution aux problèmes sociaux.

Plus célèbre (et plus radical encore) que Charles Richet, il a connu le même sort: les rues Alexis Carrel, à Paris et dans plusieurs autres villes de France ont été débaptisées il y a longtemps, de même que la faculté de médecine de l’université Lyon-I .
On peut voir là un juste retour des choses: les défenseurs de thèses  considérées aujourd'hui comme immondes sont remis à leur place, c'est-à-dire nulle part.
Mais tout ça est un peu troublant aussi. Car Richet et Carrel ont, dans leur domaine respectif, accompli des travaux fort valables et fait avancer la science.
Est-ce que leur dérive raciste et eugéniste leur enlève tout mérite?

Et jusqu'où devrait-on aller dans l'épuration toponymique? La question se pose aussi au Québec. Lire à ce sujet cet intéressant texte sur les rues Alexis Carrel et Philipp Lenard (prix Nobel lui aussi) à Gatineau.

 

 

01/04/2015

Pour qui ces belles images ?

savarCatRed.jpg

Dans une édition récente du journal Le Quotidien, il y avait cet encart publicitaire de la boutique Savard Chaussures (Saguenay). Papier, photo, graphisme: tout cela est fort beau, d'une rare qualité je dirais (à laquelle ma numérisation ne rend pas justice, je l'avoue).

Il comprend 20 pages en format (non standard) de 27 par 18 cm. Les photos sont travaillées et découpées, les arrière-plans savamment texturés. Il y a parfois contraste, parfois fusion entre le sujet et le décor.

Une jolie mannequin présente les chaussures pour dames. L'accent est mis davantage sur elle, corps, cheveux, maquillage, vêtements, que sur les chaussures qu'elle porte. Il y a aussi un mannequin masculin, qui apparaît une seule fois, sur la quatrième de couverture.

Au sujet des souliers eux-mêmes, outre les photos, on trouve bien peu d'information: la marque (Geox, Clarks, etc), le modèle. Mais aucun texte descriptif, aucun prix, rien sur les tailles et couleurs disponibles non plus.

Cette belle publication se démarque nettement, par sa qualité et son concept, des circulaires habituellement insérés dans les journaux ou livrés à ma porte par Publisac, tout juste bons pour la récupération.

Tout cela me laisse perplexe. Tiraillée entre d'une part mon envie de lever mon chapeau à l'audace et à la qualité de l'ouvrage, et d'autre part mon insatisfaction comme éventuelle cliente qui aimerait bien en savoir un peu plus sur les produits avant de se présenter à la boutique...

 

14/03/2015

Visages et mots d'une maladie

richardGl.jpg

Lu dans Le Devoir hier une dépêche de l'Agence France-Presse (AFP) annonçant le décès de Richard Glatzer (à droite sur la photo, avec son conjoint Wash Westmoreland), réalisateur notamment du film Still Alice.

Il est mort, était-il écrit, des suites de la la sclérose latérale amyotrophique (SLA), aussi appelée maladie de Charcot.
J'ai été un peu étonnée car je venais justement de voir, au festival Regard sur le court, un film de François Jaros intitulé Maurice, dont le protagoniste est atteint de cette maladie.

mauriceAffiche.jpg

Et dans cet excellent court métrage québécois, cette affection est appelée maladie de Lou Gehrig. On y voit même à quelques reprises le court extrait vidéo où le légendaire joueur de baseball annonce sa retraite (en 1939, deux ans avant sa mort), mettant un terme à sa fabuleuse carrière avec les Yankees de New York.
Deux cultures, deux continents, deux noms, selon les célébrités qui ont en quelque sorte popularisé la maladie.

Le neurologue français Jean-Martin Charcot n'en était pas atteint, mais il a contribué à en compléter la description. C'est donc son nom qui est, en France (et peut-être ailleurs en Europe) associé à la SLA. Aux États-Unis et en Amérique du Nord, on a plutôt pris celui de Lou Gehrig, certes plus connu que Charcot de ce côté-ci de l'Atlantique.

L'an dernier, le phénomène mondial (québécois entre autres) du Ice Bucket Challenge a contribué à faire mieux connaître cette maladie du grand public. Les participants, parmi lesquels quelques célébrités, se vidaient un sceau rempli de glaçons ou d'eau glacée sur la tête, dans le but de recueillir des fonds pour soutenir la recherche et aider les personnes aux prises avec la SLA.

hawking.jpgL'une des plus célèbres victimes de la sclérose latérale amyotrohique est le physicien britannique Stephen Hawking. Le musicien québécois Luc Cousineau en est atteint. On peut citer aussi le musicien de jazz Charlie Mingus, l'acteur David Niven, le joueur de tennis Brad Drewett,  de même que la président chinois Mao Zedong.


Notes

1- Extrait de la dépêche publiée dans Le Devoir:  "Je suis dévasté. Richard était mon âme soeur, mon collaborateur, ma vie. Un vrai artiste et un homme brillant, a écrit sur son compte Twitter son époux Wash Westmoreland, coréalisateur du film."

2 - L'actrice Julianne Moore a reçu l'Oscar de la meilleure actrice (2015) pour son rôle dans Still Alice. Elle y incarne une linguiste qui éprouve les premiers symptômes de la maladie d'Alzheimer. 

20/12/2014

Triste Palais

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Ce joli arbre de Noël tente malgré tout d'égayer un peu le triste décor du Terminus d'autobus de Québec, pompeusement appelé Gare du Palais, nom qui désigne en réalité le monumental édifice construit en 1915 pour abriter la gare ferroviaire, et qui a conservé sa beauté architecturale:

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Mais du côté du terminus routier, ajouté plus tard, c'est la désolation. Propre et moderne (style années 60), mais désert et sans vie, sauf quand il y a un départ et qu'une longue file est formée (souvent à l'extérieur, sur le quai) par les voyageurs qui vont monter à bord de l'autocar.
Les restos changent régulièrement de bannière, peu fréquentés par les voyageurs qui n'ont que le temps d'acheter un sandwich ou des friandises au dépanneur-marchand de journaux qui, lui, a l'air de bien rouler.
Un autre qui tient bon, c'est le café (peut-être un Van Houtte, je ne sais pas). Et pourtant, je n'y ai jamais bien mangé. Je me souviens entre autres d'une infecte quiche lorraine, dix fois trop salée, remplie d'oeufs cuits et recuits au micro-ondes... et de plusieurs expressos imbuvables.

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La consigne offre des espaces à peine assez grands pour accueillir une grosse valise, qui coûtent 4$ chacun en jetons... et la machine à jetons ne fonctionne presque jamais. On y voit toujours des usagers désespérés quêter de la monnaie à tous les passants. C'est minuscule et étouffant.

Quelle piètre image de Québec pour les voyageurs qui y arrivent par autobus!



gare du palais,québec,autobus,triste,noël"Amusements Gare du Palais", annonce bravement la petite enseigne sous laquelle se trouvent quelques appareils où on met des sous pour obtenir des bébelles innommables. Les enfants s'y laissent prendre encore parfois... Il y avait là autrefois une grande salle de jeux vidéo..

 

 

Le terminus de Québec est un endroit où on passe le moins de temps possible, et quand on doit y attendre, vaut mieux avoir avec soi de la lecture ou de la musique, car il n'y a absolument rien à faire...
Sauf, si on en a le temps, aller se promener du côté de la gare des trains...

31/10/2014

Ma thérapie

philIris.jpg

Après sept semaines, la saison 2 de la série En thérapie (sur TV5) prend fin. Je viens tout juste d'écouter le dernier épisode.
Pour moi, c'est la série idéale, à la fois dans sa formule et dans sa durée. C'est en apparence tout simple: un psychologue et ses patients.

Bien qu'il s'y ajoute quelques éléments extérieurs, le matériau principal de la série, ce sont les sept séances menées en autant de semaines par le psychologue Philippe Jacob avec quelques patients, toujours les mêmes d'une semaine à l'autre, du lundi au jeudi. Le vendredi, c'est lui qui va voir sa psychologue.

Une femme sans enfant qui sent le poids de l'horloge biologique à l'approche de la quarantaine, un couple en instance de divorce et son ado perturbé, un homme d'affaires qui voit ses certitudes s'écrouler, une toute jeune femme atteinte d'un grave cancer. (Pour un bon résumé de la série et de son concept, cliquer ici).

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C'est formidable d'entrer ainsi dans l'intimité de ces gens ordinaires aux prises avec des problèmes très répandus.
Pas de suspense, pas de poursuites, pas de grandes déclarations romantiques. Seulement cela, le coeur et l'âme des humains.

Ils réfléchissent, doutent, se fâchent, racontent leur histoire. Ils remontent vers leur enfance et transfèrent sur leur thérapeute le poids des manques, des absences, des abandons, de l'incompréhension dont ils ont souffert. À la source, toujours: le père, la mère, la fratrie, la cellule familiale.

Et je peux, avec mes quelques notions de psychanalyse, observer des détails, des regards, comprendre l'enjeu d'un dialogue.
La montée dramatique, s'il y en a une, suit la courbe du dévoilement progressif, par la seule parole, des blessures intimes. Elle nous laisse, en cette dernière semaine, sur une ouverture, une possibilité, un regard en avant, pour tous ces personnages, toutes ces personnes qui ont manqué d'amour.
Mes deux préférés:

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André (Roger Léger, photo ci-dessus), le patron à qui tout réussit, évoque un épisode de son adolescence: le décès de son frère aîné. Et la solitude qui a suivi pour lui: ses parents complètement démolis et devenus absents, son sentiment de culpabilité, et sa tristesse quand il regardait, dans sa chambre, le lit vide où dormait auparavant son frère.
Et  Iris, la jeune étudiante qui est dans le rejet et le déni total du cancer dont elle est atteinte. Elle est en colère, se préoccupe de choses sans importance, repousse tous ceux qui l'entourent, cherchant à leur épargner à eux la douleur de la voir souffrir: tout pour éviter d'affronter la gravité de son état.
Deux acteurs formidables, Roger Léger et Sophie Desmarais, incarnent André et Iris.
Les autres acteurs aussi sont excellents, entre autres Isabelle Blais, Macha Limonchik, Sébastien Ricard, Étienne Galloy.

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C'est  François Papineau  (le Normand Despins d'Unité 9) qui incarne le psychologue Philippe Jacob, et Élise Guilbault joue sa psychologue à lui.
L'an dernier et au début de cette saison, j'écoutais En thérapie tous les soirs à 22h, et quand je manquais un épisode, je l'écoutais le lendemain sur le site de l'émission. (Il est possible, je crois, d'écouter toute la série sur ce site). Mais j'ai découvert ensuite que je pouvais écouter l'épisode du jour à n'importe quelle heure (soit après la première diffusion présentée à 6h du matin). Encore mieux.

Cela me peine un peu que ce soit terminé, mais en même temps, c'est tout à fait correct. Après sept semaines, je me sépare de ces êtres que j'ai appris à connaître, je les laisse vivre leur vie, quitte à les retrouver peut-être plus tard, dans une prochaine saison...

21/06/2014

Quand rien ne se passe...

J'écrivais dans mon précédent billet qu'en art visuel (et sans doute en art en général), tout est une question de communication, de circulation d'idées et de sensations entre le créateur et son "visiteur".

C'est assez rare dans mon cas, mais parfois, il ne se passe rien, le contact ne s'établit pas. Par exemple avec l'exposition de Peter Doig, présentée au Musée des Beaux-Arts de Montréal le printemps dernier et intitulée Nulle terre étrangère.

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Le titre était beau, l'artiste, un Montréalais d'adoption sur lequel les médias avaient présenté plusieurs reportages élogieux (mais peu de véritables critiques de son oeuvre, je l'avoue) m'est apparu sympathique, ses tableaux se vendent paraît-il à des prix incroyables.

Certains donc que l'événement était à ne rater sous aucun prétexte, mon conjpeter doig,exposition,mbam,montréaloint et moi avons fait un effort spécial pour aller à Montréal avant la fin de l'exposition, même si la date ne nous convenait pas vraiment, pour diverses raisons.

Et puis? Et puis rien, absolument rien. Les sujets, la technique, les couleurs, je ne trouvais rien qui me parle, qui allume mon regard et mon esprit. Je n'ai pas compris ce que Peter Doig voulait me dire en peignant ses toiles. Pire, je ne percevais pas son engagement, sa tension, le désir à la source de chacune de ses créations.

Nous étions avec un autre couple, venu également du Saguenay, et nous nous regardions, un peu catastrophés, l'air de dire: quoi, c'est pour ça que nous sommes venus?

Quelques toiles peut-être m'ont vaguement intéressée mais, comme on dit, cela ne valait pas le voyage.

Son univers m'est resté fermé, étranger, rien ne m'a parlé.

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L'artiste (photo ci-dessus) avait beau être sur place et faire des selfies (avec des membres de sa famille, je crois) rien n'y fit. Était-ce ma faute? Peut-être...

Le contact entre nous, les quatre visiteurs, était en revanche excellent: nous avons pu, avec nos amis, rire et nous distraire, déguster un bon repas au Café des beaux-arts...

Et être à Montréal, séjourner à l'Hôtel de l'Institut, voir nos enfants et notre petit-fils. Bref, le voyage fut beau. Mais pas à cause de Peter Doig. Et sans lui, nous aurions sûrement choisi une autre date, une autre formule...

Bref, comme une débutante, je me suis laissé prendre aux propos louangeurs publiés dans les médias au sujet de l'artiste et de son exposition: on ne m'y reprendra plus...

 

 

31/05/2014

Le Règne de la beauté: vertige du néant

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La plupart des critiques furent très sévères, sinon assassines envers le plus récent film de Denys Arcand: Le Règne de la beauté.

Pour ma part, j'ai beaucoup aimé ce film. Certes Arcand a modifié sa recette habituelle. Cela a pu déstabiliser les fans de ses précédents films. En ce qui me concerne, j'aime bien être dérangée, déstabilisée par une oeuvre ou un spectacle.
La beauté règne partout, en effet, dans ce film. Dans les paysages et les villes: Charlevoix, Québec, même Toronto. Dans les personnages: un cercle d'amis dans la trentaine, aux visages lisses et traits agréables, sans enfants, minces et musclés comme les acteurs et actrices qui les incarnent.

Non seulement ils ont choisi de vivre dans des lieux enchanteurs, mais ils pénètrent littéralement ces beaux paysages, les parcourant pour y pratiquer la pêche, la chasse, le ski, la randonnée, le camping, le golf, le tennis... et  y faire l'amour quand l'occasion s'y prête!

Luc (Éric Bruneau), le personnage principal qui est architecte, conçoit et construit des maisons en harmonie (harmonie? cela pourrait se discuter, mais enfin...) avec cet environnement, modernes et dotées d'immenses fenêtres:

"Je ne vois qu'infini par toutes les fenêtres"

( Charles Baudelaire)

Donc Denys Arcand plante ce décor, qu'il filme longuement, et y installe ses personnages, qu'il filme aussi longuement. Mais de l'extérieur, comme s'il promenait sur eux non pas une caméra, mais une loupe, comme celle d'un entomologiste examinant des insectes.

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L'étude est détaillée, minutieuse: discussions entre amis, repas que l'on partage, réceptions mondaines,  déplacements en voiture, pratique des sports, rapports sexuels (un sport parmi d'autres?), mais elle n'apporte pas de réponse.

Luc succombe aux avances d'une belle Torontoise et trompe sa compagne qui souffre de dépression. Pourtant il ne s'investit pas beaucoup dans cette relation passagère: il flotte à la surface des choses, comme tous ses amis.

On n'arrive pas à saisir ce qu'il pense, ce qu'il éprouve, d'où sans doute un certain malaise: impossible de ressentir et de partager ses émotions, celles des autres personnages, parce qu'on ne les connaît pas.

Seule reste la beauté et son vertige: quand Luc parcourt les boulevards périphériques de Québec, il est mis en contact avec une certaine laideur: rubans d'asphalte parsemés de restaurants à la chaîne, succursales de banques, dépanneurs, stations-service baignant dans la lueur blafarde des réverbères.

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(Éric Bruneau incarne l'architecte Luc Sauvageau
©Les films Séville)

Il comprend alors que s'il veut vraiment vivre, il devra peut-être aller dans ces paysages-là. Et il ne le veut pas. Alors il retourne à sa dolce vita, pleine de beauté, de sous-entendus, de relations superficielles. Mais au prix du silence, tentant de surnager, sans cesse menacé par la profondeur qui pourrait surgir d'un imprévu:

En haut, en bas, partout, la profondeur, la grève,
Le silence, l'espace affreux et captivant...
Et mon esprit, toujours du vertige hanté,
Jalouse du néant l'insensibilité.

               (Charles Baudelaire, Le gouffre)

La seule chose qui semble allumer et stimuler Luc, c'est le travail, donc la création. Le film suggère que cela seul peut le combler, plus que l'amour. Mais est-ce aussi une illusion?

C'est ainsi que je vois ce sujet, il y aurait certes une foule d'autres analyses possibles.

Quand j'ai assisté à la projection du film, qui a quitté l'affiche à Chicoutimi après deux semaines, il y avait quatre personnes dans la salle. Jack (qui a parlé du film ici) et moi, qui avons plutôt aimé, et deux madames, qui on trouvé ça "pas fort".

Je suis sortie de là enrichie d'une imposante matière à réflexion sur le sens de la vie et de l'art: que demander de plus?

En tout cas, moi je n'en demandais pas plus.

J'ai eu en prime de magnifiques images de Charlevoix, de la ville de Québec, lieux que je connais bien et qui sont littéralement caressés par la caméra: c'est elle la véritable amoureuse dont on partage les sentiments.

22/05/2014

Réels ou virtuels?

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Le monde est un vaste théâtre et nous en sommes tous les acteurs

J'ai récemment photographié cette citation de Shakespeare (dans Comme il vous plaira), inscrite sur un mur extérieur du Théâtre du Nouveau Monde, à Montréal.

Sans doute pour des fins de concision, la traduction en français de ce texte a été quelque peu modifiée par rapport à celle qui est la plus connue:

Le monde entier est une vaste scène de théâtre,
Et tous les hommes et les femmes en sont les acteurs.


(
Ils ont leurs entrées sur scène et leurs sorties de la scène,
Et un homme joue durant la vie de nombreuses pièces).

Je me pose parfois cette question: tout n'est-il qu'illusion? Sommes nous des êtres réels? Ne serions-nous pas plutôt des personnages posés dans un décor, scrutés, étudiés et examinés par d'autres entités pour lesquelles nous serions des cobayes?tnm,shakespeare,montréal,illusion,simulacron 3,daniel f.galouye

En tout cas je me la pose depuis que j'ai lu, il y a une trentaine d'années, Simulacron 3, de Daniel F. Galouye.  À la faveur de quelques indices, un personnage découvre que tout son monde est une copie, une maquette conçue par les savants du monde véritable afin de faire des simulations.

Et peut-être qu'il y a un autre monde au dessus des deux premiers, et puis encore un autre, et ainsi de suite comme dans une spirale sans fin, une enfilade de poupées russes contenues les unes dans les autres de la plus grande à la plus petite...

C'est un thème récurrent de la science-fiction, qui  nous invite à réfléchir sur le réel et l'illusoire. Bien sûr je ne crois pas vraiment que notre monde est virtuel, mais parfois je suis saisie d'un vertige: illusion que tout cela???

27/04/2014

Salles d'opéra...

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Voir et entendre un opéra (ou un concert) dans une salle, c'est une expérience très différente de celle que l'on peut vivre quant on l'écoute au cinéma, même en direct.

J'ai vécu cette différence en une seule journée, samedi: en après-midi j'ai vu Così fan tutte de Mozart, au cinéma Jonquière en direct du Metropolitan Opera, et en soirée, j'ai assisté à La traviata, de Verdi, au Théâtre Banque Nationale.
Au-delà de la musique, de l'orchestre, du chant, que l'on peut ou non aimer, des phénomènes singuliers découlent de la présence, de la juxtaposition et de la disposition des êtres et des choses dans une salle de concert. La proximité avec les autres spectateurs, la conscience qu'ils vivent et éprouvent en même temps que soi les mêmes choses, appuyée par les applaudissements qui fusent aux mêmes moments.  Le contact direct, physique, intime, entre les artistes et le public.

La disposition des sièges, demi-cercle à l'horizontale et échelle (gradins) à la verticale, formant un entonnoir par lequel tout passe et coule vers un seul point: la scène.
(Au cinéma, quelques applaudissements timides ponctuent parfois la prestation particulièrement réussie d'un chanteur, mais le fait que les artistes soient loin et ne puissent nous entendre éteint presque toute envie de manifester notre approbation).

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Et quand, comme c'était le cas samedi soir au Théâtre Banque Nationale, la salle est pleine et que le concert est d'une exceptionnelle qualité, une sorte de communion spirituelle s'établit et chacun, qu'il soit sur scène ou dans la salle, est emporté, physiquement et mentalement, dans le même maelstrom, une sorte de voyage cosmique qui culmine et se termine quand éclatent les applaudissements qui font circuler les ondes de la salle à la scène, que les artistes saluent, que les spectateurs quittent leur siège, encore tout imprégnés de ce qu'ils ont entendu, vu et vécu.
Ayant vécu cela dans la salle samedi soir, j'ai prolongé le plaisir en allant voir les artistes après le concert, dans les coulisses du Théâtre Banque nationale, que je n'avais encore jamais visitées.
La suite sur Cosi et Traviata dans mes prochains billets...