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14/11/2010

Donizettite aiguë

troisDonPasquale.jpgEn moins d'une semaine, j'ai vu deux opéras de Gaetano Donizetti! Dimanche dernier,  L'elisir d'amore en version concert à la salle Pierrette-Gaudreault dans le cadre d'une tournée des Jeunesses musicales. Et hier, samedi 13

polenzaniPasq.jpg

Matthew Polenzani

novembre, Don Pasquale, diffusé en direct du Metropolitan Opera au Cinéma Jonquière.

Le bel canto, j'adore, mais à petites doses et à condition qu'il soit impeccablement rendu. Or, aucun des interprètes vus au Met hier n'en est spécialiste. Ce qui a donné: un premier acte ennuyant et mal chanté, un troisième et dernier acte mieux chanté mais assez peu distrayant.

Et un acte deux plutôt réussi, offrant d'excellents moments d'opéra comique: beaux airs à plusieurs voix, revirements et bouffonneries, amusante déconfiture du vieux Don PasnetrebkoDon.jpgquale quand la timide jeune femme qu'il vient d'épouser se métamorphose en mégère.

J'ai découvert et fort apprécié le talent comique d'Anna Netrebko (Norina) que j'ai vue dans d'autres opéras du Met (Roméo et Juliette, Lucia di Lammermoor), la vraie vedette de cette production, que je ne connaissais pas sous ce jour. Sa voix est plutôt belle, les aigus bien contrôlés, mais c'est une voix passe-partout, qui manque de personnalité je dirais. Ceci dit, elle joue délicieusement la comédie, et chante en courant, en sautant sur le lit, en faisant des pirouettes: chapeau!!!

La voix que j'ai préférée est celle du ténor Matthew Polenzani (Ernesto), tout à fait adaptée au bel canto, claire, pure dans le registre élevé, bien que manquant un peu de volume.

Le baryton-basse John Del Carlo, l'interprète de Don Pasquale, est excellent comédien, possède une bonne technique, mais il chante vraiment mal.

La prestation du maestro James Levine (photo) fut, comme toujours, délicieuse et sensible. En plus il semblait s'amuser beaucoup à diriger cette oeuvre légère qu'il abordait pour la première fois en 40 ans de carrière au Met.

Étonnant qu'avec tous les moyens financiers dont on dispose là-bas (le public est cependant sollicité pendant les entractes levinauMet.jpgpour faire des dons au Met!!!), avec ces gigantesques décors mobiles, cette débauche quasi indécente de couleurs, de costumes et d'accessoires, on ne réussisse pas à faire mieux. C'est sans doute à cause de l'intrigue, qui n'enrichit pas l'esprit en exposant comment des jeunes gens se moquent d'un vieux barbon qui souhaite épouser une femme belle et beaucoup plus jeune que lui. La morale, telle que chantée dans le finale, à savoir qu'un vieil homme ne devrait pas se marier, est d'une rare vacuité.

Publications sur cette production:

Sur cette page, des liens vers des critiques en anglais, fort élogieuses pour la plupart

Réflexion pertinente de Jack sur son blogue

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Pour ce qui est de L'Élixir d'amour, on pourrait faire la même réflexion: le thème est mince et sans profondeur, prétexte à une suite d'airs mélodieux. L'oeuvre a cependant plus de charme et  le scénario pétille davantage (que celui de Don Pasquale). Production montée avec deselisirAffiche.jpg moyens qui n'ont rien à voir avec ceux du Met, décor minimaliste, mise en scène bien sage et trop peu nuancée. Les jeunes interprètes, soutenus par un excellent pianiste (Maika'i Nash, originaire d'Hawaii), ont mis à contribution leur solide formation de base pour livrer le tout avec un enthousiasme qui faisait un peu oublier leur manque d'expérience.

31/03/2010

Hamlet: énigmatique

ophelieHamlet.jpgJe ne sais trop que penser de l'opéra Hamlet d'Ambroise Thomas, version Metropolitan Opera, vu au Cinéma Jonquière samedi.

D'abord une grande déception: ce n'est pas la soprano française Natalie Dessay qui a chanté le rôle d'Ophélie.  Dommage car elle semblait tellement habitée dans les bandes-annonces de cet opéra au Met...
Celle qui l'a remplacée, l'Allemande Marlis Petersen, a une belle voix et une bonne technique, mais elle est terne, sans éclat, et son français laisse à désirer. (Ça me dérange d'écrire ce commentaire, car je sais à quel point la tâche est difficile et je ne considère pas qu'elle est mauvaise, mais il lui manque ce petit plus qui hisse l'artiste au-delà du technicien et qui emporte l'adhésion).
Un irritant majeur: le baryton-basse James Morris, le premier chanteur à ouvrir la bouche, est épouvantable dans le rôle de Claudius: il joue mal, chante mal. Tellement insupportable que j'avais envie de me cacher sous mon siège chaque fois (heureusement pas trop souvent) qu'il chantait.

Point de vue du cinéma, maintenant, je déplore comme souvent la surabondance de gros plans (gracieuseté de Brian Large)  qui nous empêchent d'avoir une idée d'ensemble de la scène et de ce qui s'y passe. Et captation sonore défaillante, on percevait trop bien le changement de micro quand les acteurs se déplaçaient.

 

Les bonnes nouvelles maintenant

Un sujet de réjouissance: le baryton anglais Simon Keenlyside (pour lui comme pour les autres chanteurs mentionnés dans cette note, le lien pointe vers un article en anglais sur Wikipedia, car il n'y a pas de traduction française) est impressionnant dans le rôle d'Hamlet et tient avec assurance toute la production sur ses épaules: voix solide (un peu fermée dans les aigus), diction française impeccable, jeu dramatique nuancé et efficace, expressions du visage (vues en gros plan) variées et significatives, puissance et nuances vocales. Et quelle tête formidable!

Il est magnifique entre autres dans la scène très réussie de "la pièce dans la pièce": Hamlet engage des acteurs qui jouent la scène du meurtre de son père par son oncle. Grimpé sur la table du banquet, il en chasse du pied la vaisselle, y répand un lourd vin rouge (symbole???) dont il s'asperge ensuite abondamment avant de s'envelopper lui-même dans la nappe: c'est là, à ce moment magique qui clôt le premier acte que l'opéra commence vraiment à lever.
Jennifer Larmore (la reine Gertrude, mère d'Hamlet)  surjoue un peu et ses mimiques appuyées filmées en gros plan la font ressembler, comme certains l'ont fait remarquer, à la Cruella des 101 Dalmatiens. Ceci dit, elle joue bien, chante très bien et son français est excellent.
Quelques belles voix dans les rôles secondaires (Toby Spence notamment, qui  joue Laërte, le frère d'Ophélie) et même dans les rôles obscurs.

Aucun Français dans la distribution de cette oeuvre en français, et c'est dommage. Mais il y a un Français au pupitre:   Louis Langrée (cet article Wiki est en français...): il contrôle fort bien cette musique plutôt agréable aux accents dramatiques bien marqués, il en souligne les qualités et découpe bien les détails de cette masse orchestrale qui réserve un rôle de premier plan aux cuivres, il soutient bien les chanteurs et l'action, bref il est bon. L'un des deux metteurs en scène (Patrice Caurier, avec Moshe Leiser) est français. D'après ce que je vois sur la vidéo montrant Natalie Dessay et Simon Keenlyside à Barcelone en 2003, cette mise en scène tourne depuis sept ans déjà.

Les interviews à l'entracte étaient très intéressantes et nous éclairaient sur l'oeuvre et la production.
La scénographie est si dépouillée (grands murs arrondis) qu'on ne sait pas à quelle époque ni dans quel lieu on est. Certains considèrent cela comme une faiblesse, moi j'ai plutôt aimé.spectreHamlet.jpg
Mais je ne suis pas sûre d'avoir aimé ce monument d'indécision qu'est Hamlet et je ne sais que retenir de cette histoire. À la fois angoissé, inquiet et apathique, Hamlet semble surtout se débattre contre une immense léthargie. Quand il agit, presque malgré lui, il est rongé de remords et ne voit que la mort pour résoudre son problème. Il repousse Ophélie après avoir appris l'implication du père de celle-ci dans le meurtre du roi, mais on se demande s'il ne dévoile pas plutôt ainsi son incapacité d'aimer. Le spectre (assez ridicule, même si le chanteur qui l'incarne, David Pittsinger (photo) est plutôt bon) de son père mort lui demande de le venger, provoquant chez le fils: désir de donner suite à cette demande, remords de ne pas le faire, peur de le faire et d'en éprouver du remords, peur de la mort: il est coincé, le pauvre Hamlet. Ceux que cela intéresse trouveront ici une analyse du Hamlet de Shakespeare.
Malgré tout, je suis contente d'y avoir assisté: cela m'a permis de découvrir cette belle musique et je ne me suis pas ennuyée du tout.

14/03/2010

Carmen, enfin!

Samedi après-midi, devant le cinéma Jonquière, des gens faisaient la queue dehors en attendant qu'on ouvre les portes. Ce n'était pas pour Avatar, encore moins pour un quelconque -et merdique- blockbuster américain, non, c'était pour un opéra!!! Carmen!!!

Formidable, n'est-ce pas?

J'étais dans cette file et j'ai finalement vu la Carmen du Metropolitan Opera, avec Yannick Nézet-Séguin à la direction musicale. Lors de la première diffusion, j'étais arrivée tôt et pourtant trop tard pour avoir une place. Pour la rediffusion, hier, la salle était pleine encore une fois.

garancaAlagna.jpg

J'en avais parlé ici après l'avoir écouté à la radio. Carmen est l'opéra le plus joué au monde (je me réjouis qu'une oeuvre en français [inspirée par une nouvelle de Prosper Mérimée] arrive devant tous les chefs-d'oeuvre italiens et allemands) et on comprend pourquoi: une histoire de passion et de mort, des arias nombreuses et accrocheuses, une partition pour orchestre à la fois subtile et entraînante.

Dans cette production du Met, la mezzo-soprano lettone Elina Garança vole carrément la vedette. Elle chante magnifiquement, prononce le français quasi parfaitement, elle est belle, sensuelle, tout passe dans ses yeux bleus (ou gris?): c'est tout simplement fabuleux.

Superbe mise en scène de Richard Eyre, décors assez gigantesques, stylisés et  pertinents, direction attentive et dynamique du maestro montréalais qui faisait ses débuts au Met (il y retournera la saison prochaine pour diriger Don Carlo, de Verdi, qui sera également transmis au cinéma).

Le ténor français Roberto Alagna, je le répète, est fort agréable à entendre surtout à cause de sa diction impeccable et de son phrasé parfait dans cette langue qui est la sienne. Quant à sa voix, elle m'a semblé un peu fatiguée, surtout dans les dernières scènes. Ceci dit, il a encore de la prestance, et son jeu scénique, sans être aussi impressionnant que celui de sa partenaire, est intense et tout à fait à la hauteur du rôle.

Le baryton Teddy Tahu Rhodes a remplacé, à trois heures d'avis, celui qui devait jouer Escamillo. Son chant n'est pas parfait, mais son physique est idéal: grand, mince, port altier: le torero parfait. Finalement, Barbara Frittoli s'acquitte fort bien du rôle ingrat de Micaëla.

Les pas de deux que l'on voit (pendant que l'orchestre joue) dans une fente irrégulière qui zèbre les rideaux comme un éclair (elle fait penser à autre chose aussi) sont élégants, sensuels, évocateurs. Les scènes de foule, assurées par les choristes, sont bien réglées, agréables à voir, et en parfaite harmonie avec l'ensemble de la production.

Quatre heures d'opéra (plus l'heure d'attente au début): quatre heures de bonheur, encore une fois. Je ne me suis pas ennuyée une seconde et j'y retournerais demain matin à la première heure si la chose était possible.

 

 

07/02/2010

Placido Domingo: le doge idéal

simonPlacido.jpgVu l'opéra Simon Boccanegra, de Verdi, en direct du Metropolitan Opera: un bon petit groupe de spectateurs, mais le cinéma Jonquière n'était pas plein.
Placido Domingo, impressionnant. Il incarne le premier doge de Gênes Simon Boccanegra, un rôle de baryton pour lequel il possède le physique, même si sa voix, cela s'entend, demeure celle d'un ténor. A 69 ans tout juste sonnés, Il réalise un rêve qu'il a depuis longtemps, celui de chanter ce rôle, et c'est un grand parmi les grands. gVerdi.jpgStature, prestance, voix, on est tous en admiration, sinon en adoration devant ce grand artiste et ce grand Monsieur.

Né à Madrid, il a suivi ses parents (il avait dix ans) à Mexico, où il a grandi et étudié. À ses débuts aux États-Unis, il était donc "the kid from Mexico", comme il le racontait en entrevue avec Renee Fleming.

Avec James Levine au pupitre, c'est le "dream team". Je ne connaissais pas cet opéra, je l'ai beaucoup aimé,  même si la mise en scène est ultra-convenue. Cette musique de Verdi est sublime. L'histoire concerne cette fois un père et sa fille, sur fond de complot politique et de réalité historique, c'est fort intéressant. Et oui, le héros meurt à la fin!

Le ténor Marcello Giordani, que je n'aime pas beaucoup JamesLevine.jpghabituellement, a bien fait, cette fois, et la soprano canadienne Adrianne Pieczonka est très bonne, vocalement et scéniquement.
Elle donnait justement une interview à Sylvia L'Écuyer d'Espace Musique (que j'écoutais sur mon iPod pendant le premier entracte). Elle parle français (avec un accent), elle est dynamique, fort sympathique. Quand l'animatrice lui demande quel est son point de vue sur la retransmission en HD,  la soprano répond qu'en apprenant cela, elle a fait immédiatement le projet de maigrir. "Je voulais perdre "20 poids", a-t-elle répété plusieurs fois, traduisant ainsi l'anglais "20 pounds". Tout à fait charmant.
trioPlusGrand.jpgLes décors sont imposants. À l'entracte, on a vu un ensemble complet à deux étages (jardin, balcon de pierre, arbres, escaliers, rambarde) sortir de scène d'un seul tenant sur une plate-forme roulante, pour être remplacé par un autre décor complet, la salle du conseil avec ses marbres, ses vitraux, son trône, ses sièges et ...ses personnages, le Doge de Gênes et sa cour, tous les chanteurs déjà en place, qui se laissaient déménager sur ces roulements à bille.

Les costumes sont magnifiques, riches, opulents. Broderies, soieries, brocarts, cuir et pierres précieuses. Les hommes portent de superbes étoles en fourrure, et je me suis demandé si c'était de la vraie fourrrure. J'ai posé la question à des amis rencontrés sur adrianneMarcello.jpgplace, ils sont sûrs que c'est du faux, mais il faudrait voir, je n'en suis pas si sûre.

Bref, j'ai passé un après-midi absolument superbe, plongée dans la musique, dans un spectacle qui m'a rendue complètement heureuse. Heureuse malgré (ou à cause de) ce triste constat, au moment où Simon Boccanegra, empoisonné, se meurt:

D'interminato pianto fonte è l'umano cor

 

que l'on pourrait traduire ainsi:


Le coeur humain, source de larmes intarissable

22/11/2009

L'enchantement de La Flûte

J'ai vu lundi dernier La Flûte enchantée de Mozart, présentée par l'Opéra de Montréal à la salle Wilfrid-Pelletier.

fluteAffiche.jpg

J'ai surtout aimé... la musique. Le chef Alain Trudel et l'Orchestre métropolitain ont fait un très bon travail, et les chanteurs, presque tous québécois ou canadiens, étaient excellents. J'ai adoré la superbe voix du ténor John Tessier, sa voix claire, juste et aérienne qui propulse les airs de Tamino dans l'aigu avec une aisance incroyable. Aline Kutan fait une Reine de la nuit à la fois méchante et un peu ridicule (l'ironie et la distance: une des bonnes idées du metteur en scène Kelly Robinson), et surmonte avec aplomb les deux airs périlleux que lui réserve la partition Sur youtube, l'un de ces deux airs chanté par la soprano Natalie Dessay:

Le baryton Aaron St-Clair Nicholson est excellent, vocalement et scéniquement, dans le rôle sympathique de Papageno (le personnage qui ressemble le plus à Mozart: frondeur, rebelle, iconoclaste et moqueur: c'est lui que l'on voit sur l'affiche).fluteVisage.jpg
Karina Gauvin possède une voix superbe, et bien que son aspect physique nuise à la crédibilité de son personnage, elle a réussi à nous émouvoir dans le grand air de Pamina (Ach, ich fühl’s... Ah, je le sens, elle est évanouie, à jamais évanouie, la joie de l’amour !)
J'ai moins aimé les cérémonies, simagrées et salamalecs que multiplie cette confrérie (inspirée par la franc-maçonnerie) dirigée par Sarastro (chanté par la basse Reinhard Hagen, qui interprète aussi deux airs magnifiques): bien que prônant l'amour entre les hommes, elle fait penser à une secte et s'attache beaucoup (trop) aux symboles et signes extérieurs d'appartenance. Mais ça, ce n'est pas la faute de la production, c'est dans le livret et on ne peut pas passer à côté. Jack a parlé de l'opéra et de cet aspect en particulier sur son blogue ici. Il y aurait sans doute moyen de présenter cela d'une façon différente, mais je ne sais pas si on peut éviter la connotation religieuse.
Les décors conçus par l'artiste britannique David Hockney (si vous voulez une idée de ses travaux, consultez ce lien qui mène à un site en anglais), une des icônes du pop-art (et un créateur que j'aime beaucoup), ne m'ont pas semblé tout à fait réussis: ils ne s'accordent pas très bien avec la musique,  même si je peux comprendre cette fantaisie caricaturale d'un 3D qui fait BD.
Ceci dit, je me considère très chanceuse d'avoir pu assister à cet opéra, à Montréal: j'y ai passé de très belles heures, car je connais ces grands airs par coeur, et je me suis régalée à les entendre et à les voir.