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29/04/2017

Eugène Onéguine au Met: menus détails

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Ce qui m'a le plus intéressée dans la projection d'Eugène Onéguine, ce sont des détails non reliés à l'opéra lui-même.
Par exemple à l'entracte, trois des chanteuses, russes, expliquaient, avec un fort accent et un peu de difficulté àeugène onéguine,peter mattei,anna netrebko,metropolitan opera trouver leurs mots en anglais, combien le roman en vers de PouchkineEugène Onéguine (sur lequel est basé l'opéra), était important pour elles: il fait partie de la culture de tous les Russes: ils l'étudient à l'école, connaissent l'oeuvre sous tous ses aspects et en apprennent plusieurs passages par coeur. Ils s'identifient souvent à l'un ou l'autre des personnages.
Anna Netrebko (Tatiana) ajoutait d'ailleurs trouver dommage que l'opéra ne puisse rendre compte de toute la richesse, de toute la subtilité, de toutes les nuances de l'oeuvre de Pouchkine.

C'est aussi mon avis: je préfère nettement le roman.
Elena Zaremba, qui joue la mère de Tatiana et d'Olga a chanté autrefois le rôle de Tatiana sur diverses scènes.
Petit reportage aussi sur les lustres du Metropolitan Opera, la genèse de leur conception. Une tache de peinture blanche échappée par mégarde sur un croquis a inspiré à l'architecte Tadeusz Leski l'idée d'une explosion de lignes partant du centre. D'où ce motif de boule de cristal garnie de fines tiges, que l'on surnomme affectueusement spoutnik.

On peut en acheter des répliques à la boutique du Metropolitan Opera, si on est prêt à débourser plusieurs milliers de dollars!

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Pour le reste, j'ai retenu la performance de Peter Mattei, le magnifique baryton qui incarne Onéguine. Grand, élégant, en plein contrôle de sa belle voix, il joue et chante à merveille ce rôle qui semble fait pour lui.
Anna Netrebko: beaucoup d'expérience et de savoir-faire, vocalement impeccable, mais elle n'est pas très crédible dans le rôle de la jeune et naïve Tatiana. Meilleure dans la même Tatiana devenue grande dame, au dernier acte.
Alexey Dolgov, dans le rôle du poète Lenski: bon acteur mais une voix sans charme qui manque singulièrement de volume.
Décors somptueux, mise en scène brillante, avec force valses et cotillons... mais les immenses colonnes du dernier acte cachaient la moitié des danseurs!

Eugène Onéguine, de Piotr Ilitch Tchaïkovski
En direct du Metropolitan Opera
Vu le samedi 22 avril 2017
Au Cinéma Apéro de Jonquière

06/04/2017

La Traviata: prouesses et profondeur

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Performance éblouissante de Sonya Yoncheva, qui offre une Violetta idéale: technique impeccable, nuances, prouesses vocales. Et un jeu inspiré: on peut suivre chaque frémissement de son âme dans ses gestes et sa physionomie, tout en s'abandonnant à sa voix magnifique.

J'étais étonnée d'entendre, à l'entracte, l'anglais impeccable du ténor Michael Fabiano, qui traviata,sonya yoncheva,michael fabiano,cinéma jonquière,metropolitan operaincarne son amant Alfredo: je le croyais italien vu son nom... mais il est étasunien! L'air d'abord un peu niais dans son costume étriqué, il s'affirme comme homme et amant au fur et à mesure que l'action progresse: superbe!
Dommage que le baryton Thomas Hampson ne soit pas à la hauteur, avec sa voix fatiguée et son jeu sans nuances, incapable de rendre justice à l'extraordinaire partition écrite par Verdi pour le personnage de Georgio Germont, l'homme ordinaire et néanmoins source de tout ce drame.
Partie orchestrale formidable, et sur scène, des arias connues qui se succèdent, Sempre libera, Addio del passato, Di Provenza il mar:  tellement de belle musique qu'on frôle la saturation, et pourtant on en redemande.
Scénographie remarquable de Wolfgang Gussmann (que j'avais vue en 2012): la grande horloge et le médecin évoquent la fatalité du destin, la robe rouge de Violetta est un personnage à elle seule, les jeux de vêtements et de tissus marquent les pulsations du drame.
Encore une fois, un bel après-midi à l'opéra.

La Traviata, de Giuseppe Verdi
En direct du Metropolitan Opera
Vu le 11 mars 2017 au Cinéma Jonquière

En complément:
Article de Christophe Huss dans le Devoir

 

27/04/2015

Opéra: bon Pag, bad Cav*

Cavalleria Rusticana, metroplitan oêra

Les anglophones appellent Cav/Pag, ou encore Cav and Pag le programme qui réunit habituellement les opéras Cavalleria Rusticana, de Pietro Mascagni et Pagliacci, de Leoncavallo.
Leur relative brièveté (70 minutes chacun environ) permet de les présenter en une seule soirée. Ils ont aussi en commun l'époque de leur création (1890-1892), et leur style texto-musical: le vérisme italien.
Ils avaient également en commun, dans cette production du Metropolitan Opera (vue en direct samedi au cinéma Jonquière), deux interprètes de rôles principaux, ainsi que le metteur en scène David McVicar, le chef d'orchestre Fabio Luisi et l'équipe de production.


Cependant pour moi, tout les a séparés: j'en ai aimé l'un et pas l'autre.


Cavalleria Rusticana, présenté en premier, m'a semblé sombre, triste... et bien long!
Peu de substance pour les chanteurs, sauf quelques airs. La soprano Eva-Maria Westbroek erre sur la scène pendant la sublime et très longue ouverture orchestrale, multipliant les expressions angoissées ou désespérées, se tordant les mains et se tenant le ventre (elle est enceinte...) pendant que l'orchestre joue et que les villageois se promènent un peu partout ou tournent sur le plateau mobile sans avoir eux-mêmes grand-chose à faire.
Quand elle chante enfin, c'est quasi désastreux: timbre désagréable, ton mal ajusté. Ses partenaires sauvent la mise, vocalement parlant, mais je suis demeurée de marbre: impossible pour moi de croire à ce drame de l'honneur trahi et de la jalousie, car rien de tout cela ne m'est apparu vraiment incarné dans le jeu ou dans la voix.

paillasseMet.jpg

Par contraste, Pagliacci fut un régal du début à la fin.
Un propos riche qui pose des questions sur la représentation et le réel, une pièce dans la pièce, une mise en abyme où la tragédie fait brutalement irruption dans la commedia dell'arte.
Dans un décor de cirque ambulant, Paillasse, Colombine et Arlequin sont projetés dans les années 50 et servis à la sauce américaine, à la fois les personnages et ceux qui les incarnent avec une vulgarité bien assumée. Drame exposé rapidement et conclu rondement, émaillé de quelques grands airs.

Côté distribution, après leurs efforts demeurés vains dans dans Cavalleria, le ténor Marcelo Àlvarez offre un bouleversant Canio-Pagliaccio (ci-dessous dans Vesti la giubba) et le baryton George Gagnidze présente un Tonio-Taddeo assez honnête.

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La soprano Patricia Racette (Nedda-Colombine), très en chair et en voix, conduit le tout avec une belle assurance.

Seul Lucas Meachem, le colosse qui interprète Silvio, l'amant de Nedda, laisse une étrange impression: sa voix pourtant agréable semble carrément faible, éteinte, peut-être à cause d'une mauvaise prise de son, je ne sais trop.
Annoncé dès le début, le drame se développe par touches progressives et se conclut dans le sang, sur une musique formidable, qui vibre bien sous la baguette de Fabio Luisi.

 ________________

* Ce titre est un clin d'oeil au film québécois Bon Cop, Bad Cop, réalisé en 2006 par Éric Canuel

** Le critique du Devoir Christophe Huss a quant à lui davantage aimé Cavalleria Rusticana

*** C'était le dernier opéra du Met présenté au cinéma pour la saison 2014-2015

**** A Montréal et dans plusieurs grandes villes, des reprises de ces opéras déjà diffusés seront présentées au cours des mois qui viennent

***** Au programme de la saison 2015-2016: Il Trovatore, Otello, Tannhaüser, Lulu, Les Pêcheurs de perles, Turandot, Manon Lescaut, Madama Butterfly, Roberto Devereux et Elektra.

 

02/02/2015

Musique, plaisir et Contes d'Hoffmann

Les contes d'Hoffmann, Metropolitan Opera, Vittorio Grigolo, Kate Lindsey, Erin Morley, Offenbach

S'asseoir, écouter, s'abandonner. Se laisser emporter par la musique, le rêve, dans la fantasmagorie d'un monde irréel. Comprendre que cette histoire qui nous est racontée, bien qu'invraisemblable et fantastique, nous parle et parle de nous, de l'humanité, de l'amour, des secrets enfuis et enfouis.
Ainsi ai-je vu Les Contes d'Hoffmann, en direct du Metropolitan Opera, au cinéma Jonquière samedi.
Un spectacle, comment dire, vivant, dynamique, organique, grâce aux interprètes, complètement là, dans leur rôle, dans l'histoire, dans le décor.
À commencer par Vittorio Grigolo, qui nous a offert un merveilleux poète Hoffmann: belle voix bien timbrée, expressivité qui nous séduit dès le début avec la légende de Kleinzach (cliquez ci-dessous pour entendre cet air interprété par Rolando Villazón), le premier des multiples arias et beaux airs dont est tissé cet opéra de Jacques Offenbach.

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Le compositeur, que l'on surnommait le roi de l'opérette, est mort avant d'avoir complètement terminé cette oeuvre fort différente de ses précédentes, mais portant néanmoins son style et sa sa signature dans la richesse, l'éclat et l'inventivité de la mélodie et de l'orchestration.
La scénographie et la mise en scène, avec ces groupes de personnages bigarrés (choristes et danseurs) portant des costumes hétéroclites inspirés par différentes époques et cultures, ont quelque chose de décadent et de lascif, un peu à la Fellini (même si le metteur en scène Bartlett Sher disait à l'entracte avoir puisé son inspiration chez... Kafka).

Une atmosphère somme toute d'inquiétante étrangeté, surtout dans l'acte consacré à la poupée-automate Olympia, lui-même tiré d'un récit de E.T.A. Hoffmann auquel Sigmund Freud fait référence quand il élabore ce concept.

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L'extraordinaire Grigolo est entouré d'interprètes également magnifiques: que ce soit Kate Lindsey (la Muse et l'étudiant Nicklausse), Erin Morley, extraordinaire d'agilité vocale dans l'air d'Olympia (cliquez sur la photo ci-dessus pour l'entendre), Hibla Gersmava qui propose une émouvante Antonia, ou encore le baryton Thomas Hampson qui assume avec élégance et assurance les quatre vilains. Les rôles secondaires sont également de haute tenue et tout ce monde prononce le français de façon remarquable, faisant honneur à l'admirable livret de Jules Barbier.

L'orchestre, sous la baguette du chef franco-ontarien Yves Abel, accomplit un excellent travail.

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Bref, ce fut un enchantement du début à la fin, ponctué par les arias comme 
Elle a fui la tourterelle, O Dieu de quelle ivresse, Belle nuit (la barcarolle), Les oiseaux dans la charmille, Scintille diamant, Non c'est la méthode, comme autant d'étoiles dans ce beau firmament musical.

Un bémol

Une petite réserve toutefois au sujet du dernier acte et de l'épilogue, qui  m'ont semblé escamotés, comme si on était pressé de conclure. Le reflet volé, le meurtre de Schémil, le départ de Giulietta, puis celui de Stella, la révélation de l'identité de Nicklausse, tout ça se bouscule dans une certaine confusion.


Une deuxième fois

Je voyais cette production pour la deuxième fois. La première fois, c'était en 2009, également au cinéma Jonquière. Même mise en scène, distribution différente, sauf pour Kate Lindsey. J'avais beaucoup aimé également. Mon compte rendu est ici.

03/11/2014

Carmen... sans la passion

L'un des plus célèbres airs pour baryton du répertoire, "Votre toast je peux vous le rendre", n'était pourtant pas dans la partition originale de l'opéra Carmen.
Le baryton Jacques Bouhy, qui devait chanter Escamillo à la création, se plaignit à Georges Bizet de ne pas avoir pas de grand air, contrairement aux autres interprètes des rôles principaux.
Le compositeur se mit à la tâche, bien à contre-coeur si on en croit les paroles qu'il a dites au chanteur en lui remettant son travail:

"Vous vouliez de la merde, en voilà!".

(L'anecdote a été racontée récemment par Edgar Fruitier à l'émission Samedi et rien d'autre).
Cet air du toréador, je l'ai entendu samedi au cinéma Jonquière, qui présentait Carmen en direct du Metropolitan Opera.
Il était chanté assez correctement par le baryton russe Ildar Abdrazakov, qui à mon avis manquait de panache et d'éclat, autant vocalement que physiquement.
Cependant il était merveilleux... comparé à celui qui chantait Don José, le ténor letton Aleksandrs Antonenko. Je ne sais pas si c'était exceptionnel ce jour-là, s'il souffrait d'un malaise affectant sa voix, mais il chantait tellement mal que c'en était gênant. Fausses notes, approximations, égarements dans la ligne de chant... Son jeu dramatique était tellemennt faible qu'il a semblé à plusieurs moments  égaré dans cette histoire.

carmen,metropolitan opera,aleksandrs antonenko,anita rachvelishvili,cinéma jonquièreLe timbre, qui aurait pu être beau, était constamment défiguré par des efforts pour produire du volume.

Son Air de la fleur, à peu près passable, ne fut d'ailleurs que poliment applaudi par le public du Metropolitan, qui réserva un bien meilleur accueil (tout à fait mérité) à l'aria de Micaëla, "je dis que rien ne m'épouvante", superbement livrée par une Anita Hartig (photo ci-contre) alliant souplesse, fraîcheur, délicatesse, timbre pur et juste .
Et Carmen? Anita Rachvelishvili  possède certes le physique (ou un des physiques possibles) de l'emploi: plantureuse, cheveux et yeux noirs, seins offerts. (Le metteur en scène Richard Eyre semble toutefois confondre sensualité et vulgarité...)

Une belle voix aussi, agile et nuancée, un timbre riche et velouté, une compétence indéniable. Dommage qu'elle ne se laisse pas complètement aller, même dans les passages les plus intenses.

Au point de vue dramatique, cela manquait d'émotion, d'engagement de la part des chanteurs, on avait de la difficulté à croire à ces passions délétères, ce qui est un comble pour un opéra comme Carmen.
De plus, tout ce beau monde massacrait joyeusement le français: dommage pour le livret si bien tourné de Meilhac et Halévy, (inspiré par une nouvelle de Prosper Mérimée) et pour nos pauvres oreilles francophones!

Bref, j'avais nettement préféré la version de Carmen présentée au Metropolitan en mars 2010, même mise en scène et mêmes décors, mais avec d'autres interprètes (mon billet est ici).

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Autres remarques
-- Une explication possible à ce manque d'intensité chez les interprètes: en entrevue à l'entracte, le baryton a avoué qu'il n'avait pas eu de répétition. Je ne sais pas s'il parlait seulement pour lui, ou pour l'ensemble de la distribution...
-- Après la représentation de samedi, les lourds décors, assez réussis par ailleurs, ont dû être déplacés pour faire place à ceux, encore plus imposants, de l'opéra Aïda, qui était joué le même soir!
-- Le rideau de scène noir s'ouvrait de chaque côté d'un éclair rouge qui le zébrait verticalement. Rappelant cet éclair, une bande de tissu rouge ornait la robe noire que portait Carmen dans la scène finale (photo ci-dessus).
-- L'hôtesse Joyce DiDonato portait une affreuse robe rouge.

-- Pour lire l'opinion de Christophe Huss dans Le Devoir, cliquer ici.

09/10/2014

Reine de la nuit, à jamais

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Au cours d'une discussion récente avec des amis, il fut question de musique, d'opéra et de divas telles que la Callas, la Tébaldi, Joan Sutherland...

et...  Cristina Deutekom!
Quelques recherches sur la Toile m'apprirent qu'elle était néerlandaise, et non allemande comme je l'avais toujours cru. Et qu'elle est décédée très récemment, le 7 août dernier, à l'âge de 82 ans. Je n'avais même pas appris sa mort, et pourtant...
Jack et moi l'avons découverte il y a plus de 35 ans, chez d'autres amis qui nous avaient fait écouter ses deux arias de la Reine de la Nuit, dans La Flûte enchantée de Mozart.
Un timbre pur, agile et juste, un exploit vocal quasi surhumain qui offre à l'auditeur un voyage  bref et intense dans un paroxysme de beauté, de luminosité, dans un au-delà de l'écoute et de la musique normales.

Cliquer sur cette image pour la voir et l'entendre chanter l'un de ces deux airs,  Der Hölle Rache (La colère de l'enfer):

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Ce fut une découverte fabuleuse, et dès lors Cristina Deutekom devint pour nous la seule, unique et mythique Reine de la nuit.

Nous avons vu le beau film d'Ingmar Bergman, entendu plusieurs sopranos chanter ces deux airs. Certaines sont excellentes, notamment la Québécoise Aline Kutan, vue à l'Opéra de Montréal en 2009, et la Française Natalie Dessay, mais aucune ne s'approchait seulement de la performance de Cristina Deutekom: c'était elle, notre reine Christine.

L'enregistrement entendu chez nos amis était celui réalisé sous la direction de Georg Solti,  avec la Philharmonique de Vienne.

Outre la version complète de l'opéra, nous avons aussi acheté -et beaucoup écouté- le disque

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des extraits (pochette ci-dessus). J'ai gravé toutes ces arias (livrées par Deutekom et d'autres magnifiques interprètes) sur de multiples supports, elles m'ont accompagnée et m'accompagnent toujours dans tous mes déplacements en voiture.

Entre autres ce matin de 2009 où nous partions pour Montréal (nous allions précisément voir la Flûte à l'Opéra). Jack a glissé ce disque dans le lecteur de l'auto. Pour l'écouter en entier, cela nous a pris l'exact temps du parcours entre Arvida et l'Étape. Une heure qui a passé bien vite...

Voici le deuxième air, O zittre nicht (Ne tremble pas), chanté cette fois par Natalie Dessay (les acrobaties vocales sont surtout dans les deux dernières minutes):

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02/05/2014

Così fan tutte: l'amour à quatre

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Bel après-midi, encore une fois, au cinéma Jonquière samedi dernier, 26 avril: Così fan tutte en direct du Metropolitan Opera. La musique, divine comme toujours chez Mozart. Les interprètes du quatuor: jeunes, allumés, compétents, aux visages expressifs, très beaux même en gros plan.

Et pour une fois pas d'abus de ces gros plans dans la prise de vues: nous avions assez de plans larges pour bien saisir l'ensemble du dispositif. C'était assez simple par ailleurs puisque la distribution est minimale, avec seulement six rôles et un mini-choeur qu'on voit à peine.

La soprano Susanna Phillips et la mezzo-soprano Isabel Leonard, qui incarnent les deux soeurs Fiordiligi et Dorabella, animent cette production avec effervescence et dynamisme, se montrant  musicalement et expressivement impeccables. Leurs deux partenaires -et amoureux- le merveilleux ténor Matthew Polenzani et le superbe baryton Rodion Pogossov leur donnent la réplique avec autant de verve et de compétence.

Fort agréable à écouter (cliquez sur l'image ci-dessous pour en entendre un extrait), cette comédie en apparence légère a pourtant quelque chose de troublant, grâce à Mozart, bien sûr. Et aussi à maestro James Levine qui, de retour à la direction musicale après deux ans d'absence pour cause de maladie, était la vraie vedette de cette production, du moins pour les habitués du Metropolitan et pour les critiques new-yorkais.

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Ce qui apparaît d'abord comme une farce mise en place par le bouffon Don Alfonso pour démontrer que, infidèle par nature, toute femme trompera son partenaire si l'occasion s'en présente ("Cosi fan tutte": Ainsi font-elles toutes), se transforme peu à peu en une sorte de pacte avec le diable et se retourne finalement contre tous les protagonistes.
Les deux amis, donc, se prêtent au complot ourdi par Don Alfonso et se déguisent en marchands albanais pour tester la fidélité de leurs fiancées. À leur grand dépit, chacun d'eux parvient  à séduire l'amoureuse de l'autre. Après quoi les deux femmes, avisées de la supercherie, se repentent... et chacune retrouve son chacun.
Mais rien n'est plus pareil, nous disent les regards échangés, les expressions du visage, les accents dans le chant lui-même, peut-être demandés par James Levine, qui a bien saisi l'enjeu sous-jacent de cette comédie.

La trahison, la tromperie, le secret transgressé des corps ont ouvert un abîme sous leurs pieds: tous quatre ont perdu leur innocence et "lu tous les livres" en une seule journée.
Interrogées à l'entracte par l'hôtesse Renée Fleming, les deux chanteuses ont avoué trouver leurs rôles légèrement inconfortables sur ce point: pour ces jeunes femmes modernes, la fidélité dans le couple est une valeur essentielle...

Mozart n'est pas que divin, il est diabolique aussi.
Et ce Cosi fan tutte fut un délice à voir et à entendre.

 

 

29/04/2014

Opéra, arias, Traviata

Je reviens sur cette magnifique Traviata que nous a offerte samedi l'Orchestre symphonique du Saguenay-Lac-Saint-Jean pour ses 35 ans. Curieusement le lendemain, les médias régionaux n'en avaient que pour un certain James Blunt qui chantait ce même soir à La Baie.
De grands noms, il y en avait aussi pourtant, au Théâtre Banque nationale. Et de la grande musique. La Traviata de Verdi est un pur enchantement musical, une succession d'arias célèbres imbriquées dans une partition pleine de pièges pour les chanteurs.

Ce drame romantique inspiré de La Dame aux camélias d'Alexandre Dumas fils raconte comment  la courtisane Violetta Valéry tombe amoureuse d'un jeune homme, Alfredo, auquel elle renonce, et qu'elle retrouve au moment où elle est emportée par la maladie.

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Solistes, instrumentistes et choristes ont collaboré avec le maestro Jacques Clément, le metteur en scène Rodrigue Villeneuve et le chef du choeur symphonique Pierre Lamontagne pour servir au public qui remplissait la salle du Théâtre Banque nationale une version concert musicalement impeccable et dramatiquement émouvante de cette oeuvre extraordinaire.
La soprano colorature Aline Kutan fréquente Violetta depuis son adolescence, et l'aborde aujourd'hui avec la belle maturité imposée par le rôle.
Ayant totalement maîtrisé l'aspect technique de chaque mesure, elle peut maintenant se livrer, librement (sempre libera!) et avec un plaisir manifeste, à toutes les prouesses vocales imaginées par Verdi, nous éblouir et nous laisser sans voix!
Polyvalente, vous dites? Elle exulte d'abord dans la grande aria du début, È strano, et ses différents passages: Gioia et Gioire (joie et jouir!),  Fors'è lui, A quell'amorFollie! et le Sempre libera final: toujours plus vite, toujours plus haut.
Par la suite, elle sait calmer son chant et son jeu pour décrire le drame de Violetta, qui se résigne à quitter Alfredo qu'elle aime pourtant, exprimant sa douleur avec une intensité plus intérieure, rendant crédibles sa maladie et sa mort dans le superbe Addio del passato.
Le baryton Jean-François Lapointe semble parfaitement à l'aise sur cette scène qu'il habite totalement de sa présence, de sa prestance, de sa formidable voix, et remplit sans aucun problème toutes les exigences techniques et vocales de la partition.

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Conférant une certaine noblesse au changeant personnage de Giorgio Germont, le père d'Alfredo, venu implorer Violetta de quitter son fils, il nous a bercés de son timbre profond et de sa grande musicalité, d'abord dans son long et superbe duo avec Violetta-Kutan: Pura sicome un angelo, et surtout le passage ponctué d'ornements Un di, quando le veneri furent magnifiques, de même que le célèbre Di provenza il mar, chanté à son fils.

Là aussi, puissance, contrôle, agilité, émotion: la foule a fait la fête à ce grand artiste né ici. (Sur la photo ci-dessus, on le voit dans le rôle de Giorgio à l'Opéra de Francfort, avec le ténor Francesco Demuro. M. Lapointe reprendra ce rôle en 2015 au Deutsche Oper de Berlin).
Le ténor Éric Thériault possède une belle voix, bien étoffée, un timbre brillant qu'il a su mettre en valeur. Il a connu cependant quelques pénibles instants où sa voix ne sortait plus: il était souffrant m'a-t-on dit. Il s'est repris ensuite, et a assuré les beaux airs qui suivaient, mais on le sentait fragile, peut-être inquiet que le problème revienne.

Somme toute, même si c'était une version concert, l'émotion passait fort bien, grâce notamment à la discrète et efficace mise en espace de Rodrigue Villeneuve.

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L'Orchestre, placé derrière un écran transparent sur lequel étaient projetées quelques scènes de bal, de foules en Europe, et aussi des textes résumant l'action, a soutenu solidement les moindres nuances des solistes, et cela même si le chef Jacques Clément ne pouvait avoir beaucoup de contact visuel avec eux.

Il y eut bien quelques petites erreurs dans la présentation (coupe de champagne manquante, lettre apparue au mauvais moment), mais ce sont des détails mineurs, inévitables peut-être vu le peu de temps de répétition alloué à la production. Le miracle est que malgré ces contraintes, tout ait fonctionné et donné ce splendide résultat.

Chapeau donc à ces solistes exceptionnels, aux choristes, aux musiciens et à leurs chefs, qui ont su faire vivre et vibrer pour nous cette admirable musique de Verdi.

27/04/2014

Salles d'opéra...

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Voir et entendre un opéra (ou un concert) dans une salle, c'est une expérience très différente de celle que l'on peut vivre quant on l'écoute au cinéma, même en direct.

J'ai vécu cette différence en une seule journée, samedi: en après-midi j'ai vu Così fan tutte de Mozart, au cinéma Jonquière en direct du Metropolitan Opera, et en soirée, j'ai assisté à La traviata, de Verdi, au Théâtre Banque Nationale.
Au-delà de la musique, de l'orchestre, du chant, que l'on peut ou non aimer, des phénomènes singuliers découlent de la présence, de la juxtaposition et de la disposition des êtres et des choses dans une salle de concert. La proximité avec les autres spectateurs, la conscience qu'ils vivent et éprouvent en même temps que soi les mêmes choses, appuyée par les applaudissements qui fusent aux mêmes moments.  Le contact direct, physique, intime, entre les artistes et le public.

La disposition des sièges, demi-cercle à l'horizontale et échelle (gradins) à la verticale, formant un entonnoir par lequel tout passe et coule vers un seul point: la scène.
(Au cinéma, quelques applaudissements timides ponctuent parfois la prestation particulièrement réussie d'un chanteur, mais le fait que les artistes soient loin et ne puissent nous entendre éteint presque toute envie de manifester notre approbation).

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Et quand, comme c'était le cas samedi soir au Théâtre Banque Nationale, la salle est pleine et que le concert est d'une exceptionnelle qualité, une sorte de communion spirituelle s'établit et chacun, qu'il soit sur scène ou dans la salle, est emporté, physiquement et mentalement, dans le même maelstrom, une sorte de voyage cosmique qui culmine et se termine quand éclatent les applaudissements qui font circuler les ondes de la salle à la scène, que les artistes saluent, que les spectateurs quittent leur siège, encore tout imprégnés de ce qu'ils ont entendu, vu et vécu.
Ayant vécu cela dans la salle samedi soir, j'ai prolongé le plaisir en allant voir les artistes après le concert, dans les coulisses du Théâtre Banque nationale, que je n'avais encore jamais visitées.
La suite sur Cosi et Traviata dans mes prochains billets...

03/03/2014

Prince Igor: slave de haut en bas

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Un ancien critique new-yorkais devenu blogueur expliquait récemment (ici) pourquoi il avait quitté la salle après le premier acte de l'opéra Le Prince Igor, présenté au Metropolitan Opera de New York. Bizarrement, l'idée de m'en aller m'a également traversé l'esprit quand j'ai assisté samedi dernier à la projection de cet opéra au cinéma Jonquière, mais pas pour les mêmes raisons.

L'action de ce premier acte m'avait semblé confuse, l'éclipse solaire était vue de l'intérieur d'un bâtiment, ce que je trouvais facile et paresseux comme idée de mise en scène, et la présentation des Danses polovtsiennes dans un champ de coquelicots m'était apparue du  dernier kitsch.
De plus: je ne comprenais pas (ou très peu) où étaient présentées les projections cinématographiques en gros plan; l'action, qui se déroule en principe au Moyen Âge, était transposée, sans grand bénéfice, quelque part au début du 20e siècle. Bref, tout ça m'a semblé assez ordinaire.
Rencontrés à l'entracte, mes compagnons de visionnement semblaient pour leur part conquis par ce qu'ils avaient vu. J'étais d'accord avec eux sur au moins un point: la musique était belle et la distribution, entièrement slave, formidable. J'ai donc décidé de retourner à mon siège après le premier acte, et je ne l'ai pas regretté.

La prestation de la basse Mikhail Petrenko (dont j'ai parlé dans le précédent billet), fut l'étincelle qui m'a fait embarquer dans l'aventure et aimer ce que je voyais et entendais. Ceci malgré mon inconfort face à la mise en scène (signée Dmitri Tcherniakov) et surtout à la réalisation pour le cinéma de cet opéra.

Dans le rôle du prince Galitsky, Petrenko fait montre d'un si beau timbre et d'un jeu dramatique si convaincant que j'ai été conquise par ce méchant, dépravé, violeur et buveur!


La musique m'est apparue plus belle aussi, grâce notamment aux airs poignants chantés par Oksana Dyka (on peut l'entendre en cliquant l'image ci-haut), soprano ukrainienne au visage à la fois expressif et serein, aux traits inoubliables, jamais déformés ni tordus par ses efforts musicaux pourtant incontestables.

Bref, je me suis abandonnée à cette histoire qui met en évidence les remords qu'éprouve le prince Igor pour avoir entraîné ses soldats dans la guerre: son armée a été détruite et il a été fait prisonnier par le Khan Konchak.
Les interprètes, slaves mais pas nécessairement russes (de même que le directeur musical, le metteur en scène et tous les autres intervenants de la production), sont tous excellents. Outre Oksana Dyka, il faut aussi nommer entre autres Ildar Abdrazakov, qui joue avec assurance le rôle du prince Igor, la mezzo géorgienne (donc pas du tout slave celle-là, m'indique l'érudit en résidence)  Anita Rachvelishvili, qui nous offre une remarquable et sensuelle Konchakovna (fille du Khan), de même que la basse slovaque Stefan Kocan, qui incarne le Khan.

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Dommage que la mise en images pour le cinéma, qu'on appelle pompeusement la réalisation et dont on se passerait la plupart du temps, ait été particulièrement pourrie. Des gros plans, très peu de vues d'ensemble, de quoi égarer le cinéphile.
J'ai appris après coup que les choristes qui chantaient dans les danses povtoliennes se tenaient sous la scène: aucun moyen de le savoir en écoutant la retransmission puisque la caméra n'a jamais daigné nous montrer ces choristes. Frustrant, vraiment.
En revanche, les interviews étaient fort intéressantes, malgré quelques moments confus dus à la présence d'une interprète (les artistes cessaient de parler russe et se mettaient à l'anglais, de sorte qu'elle devenait inutile!) et au trac du nouvel hôte des lieux, Eric Owens.

De plus, il était fascinant d'observer les changements de décors: des structures gigantesques pour la mise en place d'un édifice dévasté par les bombardements, les feux allumés (par les survivants) dans des poubelles et même dans une baignoire!
Bref, j'ai bien fait de rester...