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28/07/2011

Pierre Grandmaison, la fête

Un grand organiste du Québec, Pierre Grandmaison, a présenté mercredi le dernier des Concerts d'été 2011 de la Cathédrale de Chicoutimi, le seul auquel j'ai pu assister cette année (et je le regrette).

pierre grandmaison,orgue,concerts d'été,cathédrale de chicoutimi(Photo d'écran...)

M. le curé de la Cathédrale a souligné que s'il y avait un peu moins de monde cette fois-là que les précédentes, c'est qu'on avait dû changer de jour. Ces concerts gratuits ont habituellement lieu le mardi, mais mardi, c'était la fête de sainte Anne, alors on n'a pas voulu lui faire concurrence avec un événement dans une autre église du diocèse.

Mercredi 27 juillet, c'était en revanche l'anniversaire de M. Grandmaison, qui a eu 62 ans. Après l'entracte, Céline Fortin, organiste titulaire de la cathédrale (qui assistait le musicien pour les pages et les réglages), est intervenue sur l'orgue du choeur avec un air de circonstance, et le public l'a spontanément suivie en entonnant "bonne fête à Pierre". C'était un peu gênant, mais néanmoins charmant, et accueilli avec simplicité et naturel par le principal intéressé.

Organiste titulaire des grandes orgues de la basilique Notre-Dame de Montréal, Pierre Grandmaison a proposé un programme français, sauf pour cinq chorals de Bach, qui curieusement, m'ont paru bien ternes. C'est un comble! Sans doute dû au contraste entre la sagesse classique de Bach et les autres oeuvres au programme.

pierre grandmaison,orgue,concerts d'été,cathédrale de chicoutimi(Pierre Grandmaison)

Brillantes comme le grand Dialogue en ut de Louis Marchand et le Choral varié "Veni Creator" de Maurice Duruflé, ou impressionnistes comme le planant Jardin suspendu de Jehan Alain et les extraits des Cathédrales de Louis Vierne: dans la présentation de celles-ci, Pierre Grandmaison a invité le public à imaginer Notre-Dame-de-Paris comme un navire voguant sur la Seine. J'ai suivi son conseil, et dans ma rêverie, l'Île de la Cité tout entière larguait les amarres et nous emportait tel un grand vaisseau.

pierre grandmaison,orgue,concerts d'été,cathédrale de chicoutimiLe plus beau moment du concert était toutefois à venir: celui où on a pu entendre le Deuxième choral de César Franck, un compositeur que j'aime décidément de plus en plus: profonde et sombre, une oeuvre d'une richesse sonore remarquable, thèmes et jeux explorés à fond, magnifique. (Un clic sur l'image ci-dessus conduit à une   interprétation de cette oeuvre (sur Youtube) par l'organiste Jean-Paul Imbert).

Il a terminé la soirée par une improvisation (donc une oeuvre québécoise!), tradition des concerts d'orgue qui se perd un peu aujourd'hui. Trois thèmes lui ont été soumis (par Céline Fortin): Tantum Ergo, Un Canadien errant, et V'là l'bon vent.

C'est manifestement ce dernier thème qui a le plus inspiré l'organiste (qui est aussi compositeur), car il y est revenu dans les deux derniers des cinq mouvements de sa symphonie improvisée, pour mettre en évidence le rythme pulsionnel de la pièce, y allant de passages virtuosement jazzés. Dans un final frénétique, quasiment en transe, il a poussé l'orgue dans ses derniers retranchements pour le faire sonner au maximum. Bien sûr, cela tient de l'exploit destiné à épater la galerie, il y a là un zeste d'esbroufe, mais c'est aussi de la vraie musique, et seul un musicien chevronné et expérimenté peut se livrer à un tel exercice. Ça fait partie du jeu et c'était vraiment agréable à entendre.

Somme toute, un excellent concert, dont je me souviendrai longtemps.

24/06/2011

Québec: hymne, fête et pluie (et vice-versa)

181572007.jpg

Je ressors mon image du drapeau québécois avec un chat à l'arrière-plan pour souhaiter à tous une bonne Fête du Québec. Le 24 juin, c'est en général une journée où je ne fais rien. Enfin, rien de spécial. Un peu de rangement, un peu de cuisine (poivrons farcis aujourd'hui, qui ont d'ailleurs retardé la mise en ligne de cette note), un petit tour de vélo quand il fait beau (pas aujourd'hui donc), lecture, télé, radio, bière, vin...

J'aime bien cette idée de ne rien faire, de laisser le temps filer, de regarder les heures passer, (et la pluie tomber!) sans projet particulier. Un peu comme le lendemain de Noël. Et en pas beaucoup plus chaud!fête nationale,québec,kébec,hymne national

Écrire, aussi. Un sujet de circonstance: O Kébèk, l'hymne national récemment pondu par le poète Raoûl Duguay (au bout de ce lien: paroles et plusieurs renseignements sur l'oeuvre), le seul qui a osé participer au concours lancé par la Société St-Jean Baptiste. Il a reçu beaucoup de critiques, certaines assez virulentes.

Paroles pompeuses et déconnectées de la réalité, a-t-on souligné. Peut-être, mais tous les hymnes nationaux sont comme ça. Voyez le Ô Canada par exemple, ou La Marseillaise. ("Aux armes citoyens!!!")

L'hymne national est un genre, à la fois musical et littéraire, ayant ses codes et ses principes: presque toujours grandiloquent, le texte se présente comme un poème destiné à stimuler la fierté d'un peuple en évoquant son histoire glorieuse et son avenir plein d'espoir. La musique est entraînante, souvent inspirée de la marche militaire. Tout à fait Ô Kébèk.

Il y a eu diverses suggestions pour faire d'une oeuvre existante l'hymne national du Québecs. Gens du pays, de Gilles Vigneault, par exemple. Ou Le plus beau voyage (vidéo ci-dessus), une magnifique chanson de Claude Gauthier (entendue ce matin à la Première chaîne, interprétée en direct par Gauthier).

Il y a aussi L'Hymne au Québec, de Guy Dupuis et Richard O'brien, interprété par le ténor québécois Richard Verreau (vidéo ci-dessous). Si vous lisez bien les paroles, elles disent exactement la même chose (mais en moins de mots) que Ô Kébèk,  dans un style ampoulé et déclamatoire.

 

Pour ma part, j'aime bien la chanson de Duguay, mais il faudrait selon moi lui apporter quelques changements. D'abord abréger le texte (beaucoup trop long) et le découper en couplets et refrain(s) (il en existe d'ailleurs une version courte).

Ensuite, changer d'interprète! Je respecte et j'admire notre Raoûl national, mais c'est un poète plutôt qu'un chanteur, et son style n'est pas fait pour servir un hymne national.

Il faudrait plutôt un ténor ou un baryton à la voix puissante, soutenu par une orchestration plus rythmée, avec cuivres et percussions qui lui donneraient un petit air martial.

Y a-t-il un candidat dans la salle?

14/06/2011

Berceaux aux mille visages

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Portrait à l'huile de Gabriel Fauré, par John Singer Sargent, vers 1889

J'ai découvert  Les Berceaux, une mélodie de Gabriel Fauré sur un poème de Sully Prudhomme en écoutant l'un des derniers disques enregistrés par Yves Montand, en 1980. J'ai été éblouie par ces mots si vrais et cette musique, que j'ai trouvée magnifique.
Puis j'ai constaté que tout le monde connaissait cela et qu'un nombre impressionnant d'interprètes, hommes et femmes, classiques et populaires, parmi lesquels Tino Rossi, Barbra Hendricks, Gérard Souzay, ont proposé leur version de cette oeuvre.
L'internaute Jean-Luc Fradet a consacré une page à cette chanson, (ici).les berceaux,gabriel fauré,prudhomme,montand,jean-luc vradet
Il en a colligé et commenté 17 interprétations,  toutes intéressantes. Il est très sévère envers celle d'Yves Montand, mais je ne suis pas d'accord avec lui: après tout c'est grâce à Montand que j'ai découvert cette mélodie, et je lui suis demeurée fidèle, tout en découvrant avec bonheur d'autres interprètes.

Sur la vidéo, une interprétation qui ne fait pas partie de la liste de M. Fradet, celle du ténor brésilien David Henrique de Souza


 

D'ailleurs si vous cherchez Les Berceaux sur YouTube vous en trouverez plusieurs autres versions.
J'en ai mis une dizaine sur mon iPod et c'est un vrai plaisir de les écouter toutes l'une après l'autre.

 

Voici enfin le poème:

 

Les Berceaux
Sully Prudhomme

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Le long du quai, les grands vaisseaux,
Que la houle incline en silence,
Ne prennent pas garde aux berceaux,
Que la main des femmes balance.

Mais viendra le jour des adieux,
Car il faut que les femmes pleurent,
Et que les hommes curieux
Tentent les horizons qui leurrent!

Et ce jour-là les grands vaisseaux,
Fuyant le port qui diminue,
Sentent leur masse retenue
Par l’âme des lointains berceaux.

07/06/2011

Julie Boulianne et Karin Côté: complices et magistrales

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(Karin Côté et Julie Boulianne. Photo Rocket Lavoie, Le Quotidien)

Le concert donné dimanche après-midi à la salle François-Brassard par la mezzo-soprano Julie Boulianne et la soprano Karin Côté m'a procuré tant de plaisir que j'en fus moi-même étonnée. Même si la première a une carrière en pleine ascension tandis que la seconde s'est un peu éloignée (du moins l'ai-je cru) du chant classique au cours des dernières années, elles ont toutes deux brillé avec une force égale dans le répertoire qu'elles ont choisi, parfaitement adapté à leurs possibilités, à leur voix, à leurs goûts sans doute.

En duo, elles ont fait le premier air, Ah guarda sorella (Cosi fan tutte), entamant ainsi leur programme en joyeuse légèreté, et le dernier, Youkali, de Kurt Weill, terminant sur une note nostalgique et tendre. Atmosphère qui s'est étendue jusqu'au rappel, Le duo des Fleurs (Délibes, Lakmé). Bizarrement, deux personnes m'ont dit après le concert que cet air, "Sous un dôme épais", les fait pleurer chaque fois...

Dense et relativement court, le programme est bien conçu, original et parfaitement équilibré. En première partie, le grand répertoire, Mozart, Gounod, Rossini, surtout en français et italien. La deuxième partie plus contemporaine (mélodies de Ravel et Poulenc) s'est conclue par un volet Kurt Weill.

Julie Boulianne nous séduit par sa puissance vocale et son jeu hautement comique dans son air fétiche, Una voce poco fa (du Barbier de Séville, interprété par Joyce DiDonato dans la vidéo ci-dessous), et nous émeut jusqu'aux larmes avec Va laisse couler mes larmes, de Massenet. Karin Côté joue habilement l'ironie et l'humour noir dans Glitter and Be Gay de Bernstein, puis se révèle émouvante et vraie dans Je ne t'aime pas de Kurt Weill.

Les deux chanteuses font gracieusement alterner légèreté, gravité, humour, profondeur. Elles utilisent judicieusement leurs ressources dramatiques ou comiques pour faire comprendre les enjeux de ce qu'elles chantent, même dans une langue que le public ne comprend pas. Et cela sans parler de leurs timbres, magnifiques et complémentaires, de leur technique impeccable, de leur sens des nuances.

 

 

La pianiste Marie-Ève Scarfone, une jeune femme de grande expérience, surmonte avec grâce tous les pièges de ses énormes partitions (qui remplacent l'orchestre dans bien des cas), tout en accompagnant, soutenant et donnant la réplique à ses compagnes: c'est un vrai plaisir de l'entendre.

Au-delà des qualités énumérées ci-haut, il y avait ce petit plus, ce quelque chose qui circule entre les artistes et le public et qui donne une qualité particulière à l'atmosphère. Cette sorte de miracle, de grâce du moment, ne se produit pas toujours, mais cette fois, c'était bien là, dès le premier air et sans interruption jusqu'à la dernière note, grâce entre autres au professionnalisme de Julie Boulianne et de Karin Côté, à leur bonheur de chanter et de partager la scène, bref, à leur engagement total dans cette activité.

Ce magnifique événement présenté par la Société d'art lyrique du Royaume a attiré environ 250 personnes, soit un peu moins que le public habituel de l'opéra au Saguenay: il survient bien tard en saison et plusieurs mélomanes sont déjà sans doute en vacances ou en voyage. Les familles des deux jeunes femmes s'étaient cependant déplacées en grand nombre pour accueillir et fêter leurs vedettes.

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Voir aussi l'excellente critique de Daniel Côté, parue dans Le Quotidien

03/06/2011

Opérette, opéra, arias

Julie Boulianne, Karin Côté, SALR, opérette, opéra, sopranoEn marchant sur la rue Saint-Denis, dans un secteur de Montréal (un peu au nord de Cherrier) où pourtant j'ai dû passer des centaines de fois au cours des années, je découvre ce vieux bâtiment, assez beau malgré ses fenêtres placardées au rez-de-chaussée. (Il logerait un cabinet d'avocats, semble-t-il).

Gravée dans la pierre, au-dessus de la porte, cette inscription:

STUDIO DE LA SOCIETE CANADIENNE D'OPERETTE

Et tout en haut:

FONDEE EN 1921

(Tout en majuscules, sans accent...)julie boulianne,karin côté,salr,opérette,opéra,soprano

 

L'inscription est plus lisible sur la photo de droite:

Je connaissais vaguement la Société canadienne d'opérette, mais je ne savais pas du tout qu'elle avait eu pignon sur rue au 3774 Sait-Denis. Fondée par le baryton Honoré Vaillancourt, elle a compté jusqu'à 200 actionnaires et 155 employés. Elle présentait jusqu'à neuf opérettes par année; des artistes comme Amanda Alarie, Lionel Daunais, Albert Roberval, Raoul Jobin y ont chanté.

"Peu après sa fondation, la Société canadienne d'opérette lança une souscription populaire sous forme de briques vendues à un dollar afin d'ériger un édifice de quatre étages au 3774, rue Saint-Denis, pour y loger son administration et tenir ses répétitions".

La SCO a pavé la voie aux Variétés lyriques, fondées en 1936 par Lionel Daunais, qui ont connu un succès phénoménal à Montréal jusqu'en 1955, avec des opérettes présentées au Monument-National.

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julie boulianne,karin côté,salr,opérette,opéra,sopranoL'opérette, c'est aussi le créneau de la Société d'art lyrique du Royaume, fondée à Chicoutimi il y a 40 ans. J'en profite pour vous signaler qu'elle présente, ce dimanche 5 juin à la salle François-Brassard, un très beau concert qui réunira sur scène la mezzo-soprano Julie Boulianne (photo) et la soprano Karin Côté. L'une est née à Dolbeau-Mistassini, l'autre à Laterrière, elles sont amies et se font complices pour présenter, en solos et en duos, aussi bien Mozart, Rossini et Massenet, que Poulenc, Ravel et Kurt Weill.

Plus de détails sur le concert ici.

17/05/2011

La Walkyrie: besoin d'air(s)

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En octobre dernier, je m'étais rendue au cinéma Jonquière pour voir L'Or du Rhin, de Wagner, en direct du Metropolitan Opera. Je me suis alors heurtée à une porte close sur laquelle une petite affiche annonçait que c'était complet.

Samedi dernier 14 mai, la même salle diffusait le deuxième des quatre opéras du cycle du RingDie Walküre, toujours sous la houlette de Robert Lepage et de son équipe québécoise. Craignant la même cohue que l'automne dernier, j'ai acheté mon billet une semaine à l'avance et je me suis présentée assez tôt au cinéma Jonquière. Mais cela n'aurait pas été nécessaire, car il y avait cette fois  bien peu de monde. Une des plus petites assistances que j'aie vues dans cette salle au cours des deux dernières années pour un opéra du Met.

La présentation a débuté avec une demi-heure de retard (au Metropolitan et dans les cinémas) pour des raisons techniques, donc à midi 30 pour se terminer à 18 heures.

J'ai été m'asseoir avec un petit groupe d'amis que j'appelle affectueusement les "adorateurs de Wagner": ils connaissent tous les opéras du compositeur, ils en ont vu plusieurs versions, dont certaines au festival de Bayreuth. Cette musique les transporte, les fait littéralement tripper. Encore cette fois, ils ont aimé, ils ont été émus par ces personnages et ces scènes qu'ils connaissent bien, ils ont même versé quelques larmes. Ce qui ne les a pas empêchés de critiquer certains aspects de l'interprétation et de la mise en scène.

 

 

Pour ma part  je suis restée assez froide et je me suis ennuyée par moments. J'ai apprécié en général la partie orchestrale, puissante, nuancée, avec le chef James Levine toujours aussi allumé et efficace. Il y a de belles images, une utilisation ingénieuse et étonnante de "la machine" (nommée ainsi peut-être [mais je ne sais pas s'ils sont au courant] en référence au nom de la compagnie de Robert Lepage, Ex Machina), unique élément de décor, immense structure faite d'une série de planches pivotant autour d'un axe, due au scénographe Carl Fillion.

L'amour qui naît entre Sieglinde et son frère jumeau Siegmund donne lieu à de beaux moments à la fin du premier acte. Tout comme la condamnation de Brünnhilde par son père Wotan à la fin. La chevauchée des Walkyries est spectaculaire (vue par Robert Lepage sur la photo du haut, et vue par Patrice Chéreau sur la vidéo qui suit), de même que l'embrasement final du décor autour de Brünnhilde, suspendue la tête en bas (c'est une doublure, dit-on). Et j'ai bien aimé les interviews et les présentations menées par le suave Placido Domingo aux entractes.

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Debora Voigt et Bryn Terfel


Les chanteurs, Bryn Terfel (Wotan, immense), Deborah Voigt (Brünnhilde, elle va chanter avec l'OSM en 2012), Eva-Maria Westbroek (Sieglinde), Jonas Kaufmann (un Siegmund au physique très agréable), Stephanie Blythe (Fricka) m'ont semblé bons en général, mais ne m'ont pas convaincue de l'intérêt de cette partition, côté vocal. Pour moi qui aime les exploits vocaux, les belles mélodies et les grandes arias, cette musique manque d'air(s).

Mal à l'aise pour juger quelque chose que je ne comprends pas, je laisse donc la critique à d'autres (voir à la fin de cette note). Les Américains ont en général été sévères  avec la mise en scène de Lepage. Mais ils ont assisté à la première, où Deborah Voigt a trébuché sur la machine lors de son entrée, et où Eva-Maria Westbroek, malade, a dû se faire remplacer.  Or, dans la représentation que j'ai vue samedi, tout s'est bien déroulé. Les critiques se plaignent aussi des bruits et craquements émis par les planches qui se déplacent, or, cela n'était pas très perceptible au cinéma et ne dérangeait en rien l'audition.

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Jonas Kaufmann et Eva-Maria Westbroek. (Photo: Ken Howard)

Bref, c'était une expérience à vivre, et j'ai aimé mieux cette Walkyrie que Tristan und Isolde, vu il y a trois ans. Je pourrais répéter la plupart des choses que j'avais alors écrites, mais en adoucissant un peu mon propos. Mon "allergie à Wagner" a un peu diminué, mais je ne suis pas guérie, loin de là.

Je suis contente d'avoir vu ça, d'avoir fait plus ample connaissance avec Wotan, Brühnnilde, et les jumeaux Siegmund et Sieglinde. De leur union naîtra Siegfried, héros du troisième opéra du cycle, qui sera présenté l'automne prochain: je ne sais pas si j'irai le voir...

 

Autres textes sur La Walkyrie de Robert Lepage:

En anglais:

- Un texte suivi de liens vers d'autres critiques publiées aux États-Unis..

En français:

- Le Soleil

- Le Devoir

- Voir

- Critiques américaines et internationales de La Walkyrie, traduites et résumées dans La Presse:

13/04/2011

La jeune fille et le Quatuor

nathalie camus,quatuor alcan,concert,guillaume thibert,beethoven,schubertLors du concert de Jessy Dubé dimanche dernier, on a présenté celle qui enseigne le violon à la jeune fille au conservatoire: Nathalie Camus, que j'avais entendue quelques jours plus tôt dans cette même salle (Pierrette-Gaudreault) au concert donné par le Quatuor Alcan. Elle en fait partie depuis sa fondation, il y a 22 ans, de même que le violoncelliste David Ellis.

Un beau programme là aussi, du moins en ce qui concerne les deux oeuvres classiques. Le quatuor de Beethoven qu'ils avaient choisi (op. 95 no 11) n'est pas mon préféré, mais ils ont su tout de même me le faire apprécier.

En revanche, le quatuor La Jeune fille et la mort  (D. 810), est une oeuvre admirable, un mini-requiem, "une berceuse à la mort accueillante et qui parle aussi du fol espoir de vivre et de se révolter contre l'inéluctable". Une oeuvre romantique, tendre et émouvante, dont l'écoute me bouleverse chaque fois, y compris sur le disque gravé par le Quatuor Alcan en 1998 (vous pouvez l'écouter ici). nathalie camus,quatuor alcan,concert,guillaume thibert,beethoven,schubertNathalie Camus,  David Ellis et Luc Beauchemin y étaient déjà (un peu plus jeunes: regardez la pochette!), mais le violoniste Brett Molzan a été depuis remplacé par Laura Andriani. Cette remarquable stabilité apporte maturité et profondeur à toutes leurs interprétations.

Le Quatuor Alcan inscrit régulièrement une création mondiale à son programme. Cette fois c'était Suspends, un quatuor écrit par Guillaume Thibert, jeune compositeur saguenéen (et directeur du Centre d'expérimentation musicale), qui est monté sur scène après l'interprétation. Une oeuvre jugée très intéressante par les interprètes. Sans doute mais en ce qui me concerne, je devrai l'entendre plusieurs fois pour l'apprécier vraiment.

Quant à Musica Celestis, d'Aaron Jay Kernis cette musique est peu trop planante pour moi...

12/04/2011

Les Jeunesses musicales: un phénomène

Jessy Dubé, Jeunesses Musicales, Jonquière, Céline BoisvertDifficile d'expliquer le succès des concerts des Jeunesses musicales présentés à Jonquière: chaque fois, une salle comble ou presque (plus de 350 personnes, salle Pierrette-Gaudreault non réduite), et même des spectateurs repoussés à l'entrée pour certaines prestations. Il y a l'heure et le jour (le dimanche à 16 heures), le coût modeste du billet, la possibilité de prendre un repas ensuite, le dévouement des bénévoles, mais beaucoup d'autres organisations offrent de semblables atouts sans obtenir le même succès.

Autre élément, et non le moindre, pour les abonnés: la certitude d'entendre de la bonne musique jouée par des artistes de talent. Pas des vedettes, rarement des noms connus, mais de bons interprètes. Musiciens accomplis ou en formation, ils sont soigneusement sélectionnés, et toujours de bon calibre.

Pour une jeune interprète comme la violoniste Jessy Dubé (article ici dans Le Quotidien, la photo [ci-haut] est de Sylvain Dufour), qui se produisait dimanche dernier lors du concert dit de la relève, c'est une occasion exceptionnelle, rarement offerte même à des solistes réputés: pouvoir jouer pendant deux heures, devant un public averti et nombreux, c'est une expérience unique, qui représente sûrement uen étape importante dans leur formation. La violoniste, qui jouait sur un instrument moderne créé par Élisabeth Wybou, a en outre reçu une bourse de 1000$, pour l'aider à poursuivre ses études. En Suisse, espère-t-elle, où elle venait de passer des auditions dans quelques écoles réputées.

Ce concert annuel de la relève est donné par un musicien ou un ensemble du Saguenay-Lac-Saint-Jean, choisi par l'organisation régionale des JMC: on y a vu passer au cours des années, des interprètes qui font aujourd'hui une belle carrière: Amélie Fradette, Julie Boulianne, Jean-Philipe Tremblay, le violoncelliste Sébastien Gingras...

Ce dernier est le fils de Céline Boisvert, la pianiste qui accompagnait Jessy Dubé: accompagner n'est pas un mot assez fort, car sa partie était aussi imposante que celle de la soliste, ce que cette dernière n'a pas manqué de souligner. Entre autres pour la sonate pour piano et violon de Beethoven (op.30, no 2) et le premier mouvement du concerto de Tchaïkovsky, dont la réduction pour piano a été écrite par le compositeur lui-même. (Sur la vidéo ci-dessus, l'oeuvre est jouée par Sarah Chang et l'Orchestre symphonique de Montréal dirigé par Charles Dutoit).

À ces oeuvres il faut ajouter la Suite italienne pour violon et piano de Stravinsky, Zigeunerweisen de Sarasate, et un caprice de Paganini. Programme riche et chargé, présentation éclairante des oeuvres, interprète(s) solide(s): musique et plaisir.

10/04/2011

Avec Le Comte Ory... on rit

le comte ory,metropolitan,juan diego florez,diana damray,joyce didonato,cinéma jonquièreLe fabuleux ténor péruvien Juan Diego Florez a vu naître son premier enfant (le samedi 9 avril) à peine une demi-heure avant d'entrer sur scène au Metropolitan Opera. Sa femme Julia a donné naissance à leur fils, prénommé Leandro. Un accouchement à la maison, dans le calme, dans l'eau... Le chanteur a juste eu le temps de prendre le bébé et de le remettre à sa femme... puis il a dû cavaler jusqu'au théâtre pour jouer Le Comte Ory à la représentation de 13 heures. Par ailleurs, il n'avait pas dormi de la nuit, ça se comprend. C'est ce qu'il a raconté à Renée Fleming, l'hotesse de cet opéra peu connu de Rossini, présenté en direct du Met au cinéma Jonquière.

C'est ça, la vie d'artiste: naissance, mort, rupture, coup de foudre, accident, dispute: rien ne doit empêcher l'acteur de monter sur scène à l'heure prévue. "The show must go on", comme ils disent.

Et quel spectacle! Du bel canto servi par trois artistes extraordinaires:  Juan Diego Florez, dont je connaissais la polyvalence et le timbre succulent (je l'ai vu dans La Fille du régiment, projeté le comte ory,metropolitan,juan diego florez,diana damray,joyce didonato,cinéma jonquièrel'an passé au cinéma Jonquière), avait pour partenaires la soprano Diana Damrau, une authentique colorature, extraordinaire d'agilité vocale et de finesse dans le jeu, et Joyce DiDonato, mezzo de haut niveau, voix souple et soyeuse  subtilement travaillée, qui endosse avec aisance le rôle masculin -et ambivalent- du page Isolier. (Incidemment, la mezzo-soprano jeannoise Julie Boulianne était la doublure de DiDonato dans ce rôle, prête à prendre la relève en cas de pépin... mais cela ne s'est pas produit).

Aigus stratosphériques, arpèges vertigineux, cascades d'ornements et de fioritures:  parfaitement à l'aise dans ce Rossini pur jus, les trois comparses mettent en valeur chaque détail de cette partition semée d'embûches, prononcent à la perfection ce texte français finement ciselé, se répondent avec humour, agrémentant le tout d'oeillades coquines, de rodomontades, de gestes qui démentent le propos ou inversement, bref, c'est un régal du début à la fin.

le comte ory,metropolitan,juan diego florez,diana damray,joyce didonato,cinéma jonquièreDommage que les rôles secondaires soient un peu négligés, comme c'est souvent le cas au Met: si le baryton français Stéphane Degout (photo ci-contre) est très bien (mais un peu nerveux) dans le rôle de Raimbaud, la mezzo-soprano Suzanne Resmark (Ragonde) et le baryton-basse Michele Pertusi (le tuteur) sont vocalement très ordinaires.

Côté scénario, Le Comte Ory est une immense farce qui s'inscrit dans la tradition de l'opérette à la française: séduction, quiproquos, cachotteries, pamoisons, libertinage, assemblés en une élégante dentelle où les propos égrillards et les phrases à double sens alternent avec de beaux moments poétiques et gracieux.

Afin de séduire la comtesse Adèle, enfermée au château avec ses compagnes pendant que les maris sont aux Croisades, le comte Ory, qui a mauvaise réputation, doit cacher sa véritable identité. Il se déguise d'abord en ermite, et on voit donc Diego Florez vêtu d'une longue tunique blanche, gourou barbu devant lequel se pâment les paysannes et les gens du village, comme l'illustrent des scènes du plus haut comique. Ensuite, pour entrer au château, il endosse l'habit et la coiffe d'une religieuse, imité par tous ses compagnons: drôles de nonnes et nonnes très drôles.

Le Comte Ory, Metropolitan, Juan Diego Florez, Diana Damray, Joyce DiDonato, cinéma JonquièreEt tout finit au lit, avec un trio: deux hommes et une femme (interprétés par deux femmes et un homme!) se caressent joyeusement -et indistinctement- les uns les autres, y prennent plaisir, et chantent admirablement en plus.

Certains critiques américains n'ont pas aimé la mise en scène de Bartlett Sher qui, outre cette entorse finale au livret, prend le parti d'installer une pièce dans la pièce, proposant ainsi une mise en abyme qui n'est pas non plus dans le livret. Je n'y ai pas vu d'inconvénient pour ma part, sauf que cette scène sur la scène réduit les dimensions de l'espace de jeu et limite sans doute les mouvements des choristes.

Il paraît que le rire est bon pour la santé: alors je vais me sentir très en forme pendant les jours qui viennent, car j'en ai pris une bonne dose samedi: en réalité, j'ai rarement autant ri à l'opéra et/ou au cinéma.

De plus, j'ai aimé le chant, j'ai découvert une merveilleuse soprano et j'ai vu un nouveau papa heureux, qui certes a dû courir très vite après la représentation pour aller retrouver sa petite famille...

04/04/2011

Maurane ô Nougaro

maurane, nougaro, spectacle, palace, arvidaL'ai-je vue en spectacle il y a 30 ans? Au Côté-Cour? Avec Pierre Barouh? Peut-être, mais je ne m'en souviens pas.

Elle racontait au public venu l'entendre au théâtre Palace Arvida samedi soir ce dernier passage à Jonquière (et au Québec), il y a 30 ans. Elle avait 20 ans. Elle en a cinquante aujourd'hui. (Belles photos extérieures (et nouvelles) de ce théâtre présentées ici par Jack).

Maurane (en passant, voilà un site Internet très bien fait, attirant, joyeux, complet sans être surchargé, si vous cherchez des idées pour un site d'artiste, allez y jeter un coup d'oeil), voix chaude toujours agréable à écouter, a construit ce nouveau spectacle autour du disque qu'elle a consacré aux chansons de Claude Nougaro.

Elle et lui s'aimaient beaucoup, il l'a guidée et conseillée, mais leur dernier rendez-vous fut raté. Déjà malade (il est mort en 2004), il a cru qu'elle n'aimait pas la chanson qu'il lui offrait, alors qu'elle était demeurée muette, étranglée par l'émotion, explique-t-elle à son public déjà conquis et fort nombreux. Le disque, sur lequel elle a entre autres mis cette chanson, intitulée L'Espérance en l'homme (le texte est ici), est à la fois hommage et réparation pour ce malentenmaurane,nougaro,tournée,chanson,palace,arvidadu.

Le Jazz et la java, Sur l'écran noir de mes nuits blanches, Cécile, Toulouse: plaisir et nostalgie d'entendre ces belles chansons. De me rappeler le superbe spectacle de Nougaro auquel j'ai assisté, à la Place des Arts à l'été 2000.

Et Allée des brouillards, texte cruel et merveilleux (ici). Cette allée, c'est une petite rue de Montmartre donnant sur la place Dalida (texte intéressant d'un blogueur au bout de ce lien), où le buste aux seins nus de cette dernière, installé depuis peu, attire touristes et curieux. Maurane nous révèle que Nougaro a écrit la chanson pour une autre artiste, Québécoise celle-là, qui a vécu quelque temps sur cette petite rue: Diane Dufresne. À 30 ans, Diane s'estimait trop jeune pour ce texte, qui convient mieux en effet soit à un homme, soit à une femme d'âge mûr

Maurane rend hommage, bien sûr, mais elle a aussi ses propres choses à dire, son style, ses envolées, elle est pleine de vie. Je m'attendais au style diseuse avec piano, qui mord dans les textes profonds ou doucement ironiques, mais c'était plutôt musique, rythme et swing, jam, couleurs andalouses et flamencas. Musiciens totalement intégrés dans le show, notamment ce remarquable chanteur espagnol, Pepito, de son vrai nom José Montealegre, avec qui elle fait des duos en espagnol (comme dans la vidéo ci-dessus) et en français. Elle fait aussi quelques-unes de ses propres chansons, La Pagaille, Toutes les mamas, qui furent des hits en leur temps. 

Je ne regrette pas du tout ma soirée, même si je n'y ai pas trouvé tout à fait ce que je cherchais. Petite déceptions pour la qualité du son, pour la diction dans les passages rapides, pour certains effets de voix un peu trop appuyés. Mais Maurane est une vraie artiste, que je respecte profondément. Disons que son spectacle m'a procuré un mélange de plaisir et de regret....