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29/11/2012

La voix flûtée du souvenir

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Le programme du concert donné en mars dernier par l'Orchestre de chambre McGill à la salle Bourgie (j'ai parlé de cette salle dans mon précédent billet) annonçait, entre autres pièces de musique baroque, le concerto en sol majeur pour flautino de Vivaldi. En lisant ce titre, mon coeur s'est mis à battre. Allait-on vraiment jouer ce concerto pour flûte à bec sopranino que je connais si bien? J'avais des doutes car je ne connaissais pas le numéro de la pièce (RV 443, op. 44) et l'oeuvre est habituellement indiquée en do majeur, et non en sol.

Et pourtant oui, c'était bien elle. (Cliquer sur l'image ci-dessus pour entendre le  premier mouvement, joué par Giovanni Antonini et l'ensemble Giardino Armonico).

Que de souvenirs pour Jack et moi!

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Matthias Maute

En route pour Aix-en-Provence où nous allions étudier pendant deux ans, nous avons passé quelques jours à Paris. C'était en 1970.

Avant notre départ, nous avions acquis un lecteur de cassette. Bien que portatif,  il était de taille respectable, un peu comme un gros porte-documents qu'il fallait transporter par une courroie à l'épaule. Nous n'avions que quelques cassettes audio, achetées déjà gravées (il était difficile sinon impossible de transférer un microsillon 33 tours sur une cassette audio!). Sur l'une d'elles, il y avait ce très pur et très aérien concerto de Vivaldi.

Dans notre petite chambre au troisième étage de l'hôtel du Brésil, où il n'y avait ni radio, ni télé  (ni ascenseur, et les toilettes étaient sur le palier... mais il s'est modernisé depuis, si on en croit le site), nous avons écouté ce concerto de Vivaldi des dizaines de fois, sans jamais nous lasser. Et nous l'avons fait jouer souvent pendant tout notre séjour à Aix, même quand nous avions la télé!

Nous étions vraiment émus de le réentendre, 40 ans plus tard, à Montréal, joué à la flûte à bec sopranino par Matthias Maute. Excellent interprète, il est aussi compositeur, et le programme comprenait une de ses oeuvres, un concerto en hommage à Henry Purcell. L'autre soliste (flûte à bec et flûte traversière) était Sophie Larivière, et le concert, plutôt bon, a offert d'autres oeuvres de Vivaldi, et aussi de Télémann et Handel.

Mais c'est le concerto de Vivaldi pour flûte à bec sopranino qui nous a fait vivre les plus beaux moments de cette soirée à la salle Bourgie.

27/11/2012

La salle Bourgie... en chaussettes

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Comme vous le savez peut-être, j'aime découvrir des salles de concert que je n'ai pas encore vues. En mars dernier, Jack et moi sommes allés pour la première fois à la salle Bourgie, aménagée dans l'ancienne église Erskine and American, qui fait maintenant partie du Musée des Beaux-arts.

Une salle magnifique, aménagée dans le respect total de l'architecture originale, conservant la structure et l'ossature de l'église. À l'intérieur, on retrouve également, fort bien préservés et mis en valeur, les magnifiques vitraux de Tiffany, que j'avais d'abord vus lors d'une exposition préalable présentée au MBAM. (Jack a parlé de cette salle au moment de son ouverture: ici).

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Pour voir les piliers soutenant les magnifiques bancs de bois et le garde-fou incurvés de l'ancienne église, il faut cependant soit prendre place au balcon, soit, du parterre, se tourner et regarder vers ce balcon, à l'arrière de la salle.

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Des sièges conçus par le designer Michel Dallaire et fabriqués par l'entreprise québécoise Bouty ont été placés au parterre et constituent la majorité des places disponibles pour les concerts.

Ces fauteuils m'ont paru détonner un peu dans ce décor d'église, car ils sont tellement

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confortables qu'on croit être assis dans son salon. À tel point que les auditeurs faisaient comme chez eux, semblant sortir directement du bureau (sauf quelques très vieilles dames qui avaient pris la peine de mettre un chapeau), posant leurs manteaux un peu n'importe où. J'ai même vu un homme qui avait enlevé ses souliers et qui écoutait cette belle musique...  en pieds de bas. Je dirais que ça manquait un peu de tenue.

Même Boris Brott, le chef et directeur artistique de l'Orchestre de chambre McGill, s'exprimait sans grande élégance, un peu comme ça lui venait, et surtout en anglais...

Et la musique ? J'en parle dans le prochain billet.

 

24/11/2012

Aimer les Belles-Soeurs ?

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Une discussion entre amis après la représentation de Belles-Soeurs (coup de chapeau -un autre!- à La Rubrique qui nous a offert ce superbe théâtre musical), dimanche dernier à la salle Pierrette-Gaudreault de Jonquière (quatre soirs à guichet fermé).

Pour certains, ces femmes sont antipathiques, détestables même. Michel Tremblay aurait au fond créé ces personnages pour que nous puissions les mépriser et par conséquent, nous réjouir de ne pas être comme elles.

Les autres, dont je fais partie, les ont aimées d'emblée et jusqu'à la fin, confondant peut-être dans une certaine mesure les personnages avec les magnifiques comédiennes qui les incarnent, comédiennes que nous aimons, bien sûr. Sans aller jusqu'à dire que je voudrais être comme elles, j'ai ressenti une parenté avec ces femmes, qui, pendant deux heures, vivent, chantent, nous font rire et pleurer, dévoilent leurs frustrations et leur misère, se déchirent pour un million de timbres pinky. Je suis l'héritière de ces belles-soeurs, comme femme, comme Québécoise (même si je suis née dans une famille bourgeoise).belles-soeurs,daniel bélanger,marie-thérèse fortin,sonia vachon,rené-richard cyr,salle pierrette-gaudreault,la rubrique

Et comme être humain aussi. Qui n'a pas ressenti un pincement de jalousie envers une personne, même amie ou parente proche, qui gagne le gros lot? La bienséance nous empêche de montrer cette jalousie. Nous devons faire semblant de nous réjouir pour l'autre, mais au fond, que ressentons-nous vraiment?

En 1968, lors de la création de la pièce, la langue québécoise (appelée joual) que parlaient les personnages de Michel Tremblay fut le grand sujet de discussion. Scandale pour les uns, exploit nécessaire pour les autres, la controverse n'est pas vraiment terminée. Cependant, le joual sur scène n'étonne plus guère.

Ce qui frappe aujourd'hui, c'est la position résolument féministe de Michel Tremblay, dans cette pièce et dans plusieurs de ses autres oeuvres: en montrant leur aliénation, il prend la défense de ces femmes, privées de toute liberté morale par des règles qui leur échappent. Seule Pierrette a osé sortir de ces sentiers battus par les curés et autres notables, ce qui lui vaut le rejet, le mépris et l'opprobe de sa famille.

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Ceci dit, le spectacle est formidable et la transposition (ou la re-création ont dit certains) du théâtre à la comédie musicale est une réussite totale. Grâce entre autres à toutes ces comédiennes, Marie-Thérèse Fortin, Sonia Vachon, Maude Guérin, Kathleen Fortin, Janine Sutto (elles sont 19 au total) et à leurs complices, les musiciens sur scène. La vivante mise en scène de René-Richard Cyr éclaire sans aucun temps mort les deux versants de l'oeuvre, comique et tragique, et la progression inéluctable de l'un vers l'autre.

En adaptant le texte de Michel Tremblay pour cette production du Théâtre d'Aujourd'hui, René-Richard Cyr a préservé la saveur et la richesse de cette langue, tout en lui donnant un rythme et des accents avec lesquels la musique de Daniel Bélanger s'amalgame à la perfection. Il faut entendre en particulier La noce, qui raconte un mariage en énumérant simplement les noms et prénoms des invités. Et aussi Criss de Johnny, mon vendeur de brosses, L'ode au bingo, Les clubs c'est l'enfer, de véritables petits bijoux sonores.

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Lire aussi:

Le point de vue de Joël Martel dans Le Quotidien

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12/11/2012

Tempête sur le Met

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J'ai hésité un peu, puis finalement je suis allée voir The Tempest samedi au cinéma Jonquière, en direct du Metropolitan Opera. Après tout, ce n'est pas tous les jours qu'on a l'occasion de voir un compositeur diriger sa création. C'était fréquent autrefois, mais les temps ont changé.

Donc, Thomas Adès, qui a collaboré avec Meredith Oakes pour le livret, était au pupitre pour diriger cette oeuvre, inspirée de La Tempête de Shakespeare. Robert Lepage signe la mise en scène, qu'il a présentée en grande première l'été dernier à Québec, avec une distribution différente.

Je n'ai pas regretté mon déplacement, même si, du point de vue musical, ce n'est pas tout à fait the tempest,thomas adès,metropolitan,operarobert lepage,audrey luna,simon keenlyside,alan okema tasse de thé. Disons que ce ne sont pas des mélodies à retenir ou à fredonner. Toutefois, c'était moins agressif que je l'aurais pensé. J'ai même beaucoup aimé Audrey Luna dans le rôle d'Ariel: une voix quasi surnaturelle dans les aigus extrêmes, entre le cri et le chant, c'est fascinant, vraiment beau à entendre (c'est elle qui chantait à Québec également). Lèvres peintes en mauve, elle se déplace dans l'espace avec des mouvements stylisés et amplifiés, une gestuelle empruntée à la fois à l'animal et à l'acrobate de cirque.

Je nai jamais vu la pièce de Shakespeare au théâtre, mais j'en ai vu diverses adaptations, comme The Enchanted Island, créé au Met l'an dernier, donc je connais un peu la trame et les personnages.

Le baryton Simon Keenlyside incarne un superbe Prospero. Très bons interprètes aussi:  Alan Oke, le sombre Caliban, Isabel Leonard (le rôle était tenu par Julie Boulianne à Québec) en Miranda, fille de Prospero et Alek Shrader, qui joue son amoureux, le jeune et beau Ferdinand.

La mise en scène est vivante, très visuelle. Après  la tempête initiale, spectaculaire avec ses grands flots bleus où s'agitent les âmes en perdition, les naufragés et les autres se retrouvent dans les décors d'un théâtre, celui de la Scala de Milan, où le lustre imposant se déplace dans l'espace, servant notamment de perchoir à Ariel. Une belle idée, même si ce n'est pas la première fois qu'on voit ça, à la fois théâtre dans le théâtre, et "calendrier de l'Avent" (des cases où se jouent diverses scènes), comme disent les Anglais. J'ai adoré ce concept, porteur, inspiré et inspirant.

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À travers les rivalités, luttes de pouvoir, affrontements, revirements, l'amour (celui du couple Miranda et Fernando, celui du père de ce dernier pour son fils, celui de Prospero pour l'humanité), naît ou se développe, se révèle plus fort que les pouvoirs magiques et triomphe finalement.

Si la première scène, celle qui suit la tempête, est un peu longue et soporifique, la suite est à la fois intéressante, divertissante et convaincante. Je me suis laissée porter, bercer, enchanter par ce rêve, cette légende, ces symboles, ces élans, et par cette musique étrange qui soutient tout cela.

Un peu moins de monde que d'habitude à Jonquière, certains habitués ont déclaré forfait, craignant peut-être de sortir des sentiers battus, mais pour ma part, je suis vraiment heureuse d'avoir vu The Tempest.

15/10/2012

L'âme d'un artiste: Matthew Polenzani

À l'entracte, la soprano Debora Voigt demande au ténor Matthew Polenzani, qui joue le rôle de Nemorino dans L'elisir d'amore (opéra du Met présenté samedi au cinéma Jonquière), qu'est-ce qu'il ressent alors qu'il va bientôt chanter Una furtiva lagrima, célébrissime aria interprétée par Pavarotti, Caruso, Domingo et autres grands ténors de ce monde (au bout de ce lien, par Pavarotti, en 1985 à l'émission française Le grand échiquier animée par Jacques Chancel).

En fait répond-il (je traduis librement son anglais):

"je vais penser à cette larme, cette larme qu'elle (Adina) vient de verser et qui me prouve son amour. Je vais exprimer mon émotion et ma joie d'avoir vu couler cette larme".


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(Anna Netrebko et Matthew Polenzani. Photo: Ken Howard, Metropolitan Opera)


Quelle réponse magnifique! Celle d'un véritable artiste. Quand il est sur scène, il ne songe pas à la gloire, à la compétition, à la performance, futilités auxquelles peuvent penser les journalistes qui l'interrogent ou les badauds qui l'écoutent. Il est simplement là,  tout entier là, en train de faire son métier, concentré à être ce personnage d'amoureux bouleversé par cette larme furtive aperçue sur la joue de sa bien-aimée.

D'ailleurs son Una furtiva lagrima était tout à fait sublime. Des instants de pur bonheur pour nous qui l'écoutions dans la salle obscure, et pour ceux qui l'ont ovationné pendant de longues minutes à New York. Il a surmontmetropolitan opera,met,cinéma jonquière,matthew polenzani,anna netrebkoé avec aisance les aigus et les fortissimi, mais c'était encore plus beau quand il chantait pianissimo: nous pouvions entendre sa voix pure et douce et observer, en gros plan sur son visage, l'expression de son sentiment amoureux, extatique sur les dernières syllabes de "si puo morir d'amor".

Voilà la réponse d'un authentique artiste, ai-je pensé, moi qui l'admirais depuis le début de cette belle production du Metropolitan Opera. Pourtant, je l'avais déjà vu dans Don Pasquale (aussi de Donizetti et aussi avec Anna Netrebko), et La Traviata où, je l'avoue, il ne m'avait pas tellement impressionnée. Mais cette fois, j'étais sous le charme (il est très beau en plus...)

La mise en scène de Bartlett Sher, finement nuancée, met l'accent sur le côté romantique de cette oeuvre très légère, plutôt que sur l'aspect rigolade et grosse farce auquel on réduit parfois L'elisir...

Anna Netrebko dans le rôle d'Adina, surmonte sans trop de problèmes les écueils de ce bel canto qui la tire hors de sa zone de confort. Le baryton polonais Mariusz Kwiecien s'acquitte honorablement du rôle unidimensionnel de Belcore, tandis que l'énorme -et excellent chanteur-  Ambrogio Maestri nous fait bien rire avec les boniments du dottore Dulcamara. À noter, le clin d'oeil amusant de ses deux sbires, portant costumes blancs et verres fumés teintés de rose...

 

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(Anna Netrebko, Mariusz Kwiecien. Ambrogio Maestri. Photo: Ken Howard, Metropolitan Opera)


Bons points aussi pour l'impeccable diction (italienne) de tous ces interprètes: tellement précise que je comprenais presque toutes les paroles sans avoir besoin de lire les sous-titres anglais, et pour la direction musicale tout aussi impeccable de maestro Maurizio Benini.

C'était un plaisir de renouer avec l'opéra du Met, en compagnie des fidèles habitués et de quelques nouveaux adeptes. De beaux samedis après-midi en perspective au cinéma Jonquière encore cette saison.

10/10/2012

Incohérences symphoniques

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À Montréal, en septembre dernier: un concert de l'OSM à la Maison symphonique, que mon conjoint n'avait pas encore vue (moi oui, j'en ai parlé ici). Le programme (Debussy, Ravel, Britten) n'était pas tout à fait dans nos cordes habituelles, mais enfin, nous avons décidé d'y aller.

Pour l'achat des billets, nous nous présentons au guichet de la Place des arts, comme nous l'avons toujours fait. L'employée nous explique qu'il y a peu de billets disponibles, car l'OSM ne leur alloue que 5% (ou 15% je ne me souviens plus) des sièges par événement, et vend lui-même le reste. Donc si on veut autre chose que ce qui est offert là, et qui nous semble bien peu intéressant, il faut se rendre aux bureaux de l'orchestre, au 260 Maisonneuve, dit-elle en omettant de préciser que cette adresse est simplement une autre entrée de la Place des Arts.

Ce dont nous nous rendons compte après avoir fait quelques pas sur Maisonneuve... dans la mauvaise direction.

Une porte dérobée bien peu visible, un gardien de sécurité, un ascenseur, et nous voici à la billetterie de l'OSM. Un petit bureau, ordinaire et exigu. Une employée nous accueille, fort gentiment d'ailleurs. Sur une feuille de papier, elle pointe avec un stylo les places disponibles, parmi lesquelles nous devons choisir. Elle nous quitte pour aller à son poste et imprimer les billets, après quoi elle revient au comptoir d'accueil pour nous faire compléter la transaction bancaire. (Le prix vous intéresse? 235.12$ pour deux billlets à la rangée J).

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Système préhistorique, locaux peu accessibles et vraiment pas faits pour le grand public. (Nous avons failli renoncer à acheter des billets pendant que nous cherchions l'entrée. Je me demande combien de ventes perd l'OSM avec cette façon de faire).

D'autant plus ridicule que ces bureaux ne sont pas dans la Maison symphonique, mais dans la Place des Arts voisine. D'ailleurs, si vous allez au bout des liens, la Maison symphonique est intégrée au site de la Place des Arts. Par ailleurs, sur le site de l'OSM il n'est nulle part indiqué (du moins je n'ai rien trouvé à ce sujet) où à Montréal on peut acheter des billets pour les concerts.

21/08/2012

Musique strad...

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Concentration et intensité du violoncelliste Stéphane Tétreault, qui a offert un très beau concert dimanche dans le cadre du Rendez-vous musical de Laterrière.

Sonorité extraordinaire de son instrument: un Stradivarius de 1707, prêté par Jacqueline Desmarais, qui en a fait l'acquisition pour environ six millions$.

Contraste formidable entre la jeunesse du musicien (19 ans) et l'âge de son vénérable instrument

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Même s'ils ne vivent pas ensemble depuis très longtemps, ces deux-là s'aiment déjà beaucoup, c'est manifeste. Ils sont capables de fort belles réalisations: par exemple la sonate de César Franck, dernière oeuvre inscrite au programme du concert. L'amour de la musique et le talent fou de l'interprète, alliés au son velouté et à la puissance enveloppante du Strad: voilà qui a produit un fruit aux parfums complexes et profonds.

Déjà féconde, leur union n'est cependant pas encore totalement consommée, me semble-t-il. Suite de Bach prise beaucoup trop lentement à mon goût. Manque de précision dans certains passages de la sonate no 1 de Brahms, une oeuvre formidablement exigeante. Il faut dire qu'avec un pianiste (Oleksandr Guydukov, en l'occurrence (on peut les entendre jouer cette oeuvre en cliquand l'image ci-dessous)), on a un ménage à trois (ou même à quatre si on ajoute le piano!) qui rend la chose encore plus compliquée.

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L'amour et la bonne volonté sont là. Il faudra seulement encore quelques années de vie commune au jeune musicien et à son instrument riche du poids des ans et de l'histoire (il a appartenu à Paganini). Quelques années pendant lesquelles ils continueront à s'apprivoiser, à avancer l'un vers l'autre à partir de leur horizon respectif. Quelques années avant que la fusion soit totale, avant que leurs âmes en se touchant embrasent la musique... et l'auditoire.

Mais déjà c'était très beau, prodigieux même, comme l'ont constaté les quelque 200 personnes qui ont assisté au concert. Et puisqu'on est dans l'histoire et dans les âges, ajoutons, comme le remarque à juste titre le journaliste Daniel Côté dans Le Quotidien, que le violoncelle a vu le jour, dans l'atelier du luthier de Crémone, un siècle et demi avant que soit posée la première pierre de la petite église de Laterrière où il a sonné dimanche.

14/08/2012

Variations à Métabetchouan

"Rouler dans la nuit et dans la pluie pour aller entendre le pianiste David Jalbert jouer les Variations Goldberg au Camp musical. En pleurer tellement c'est beau. Et au retour, déguster une nectarine blanche juteuse et bien sucrée. Quelle formidable soirée!"

David Jalbert, Variations Goldberg, Camp musical du Lac-Saint-Jean, Métabetchouan

Voilà ce que j'ai écrit sur ma page Facebook vendredi dernier 10 août au retour de ce magnifique concert auquel mon conjoint et moi venions d'assister. Et voilà ce que je pourrais écrire avec encore davantage de conviction aujourd'hui, en revivant cet événement exceptionnel. David Jalbert vient tout juste d'enregistrer lesdites Variations Goldberg (il parle de ce projet sur la vidéo accessible en cliquant l'image ci-dessus) que nous connaissons si bien aujourd'hui grâce à Glenn Gould

Après une présentation brève et extrêment claire de l'oeuvre, de sa structure et du défi technique, physique et intellectuel qu'elle représente pour tout pianiste (on retrouve l'essentiel de ses propos sur la vidéo), le musicien s'est installé au piano...

Pendant plus d'une heure, les 200 personnes présentes dans la salle ont retenu ldavid jalbert,variations goldberg,camp musical du lac-saint-jean,métabetchouaneur souffle et écouté, presque autant avec les yeux qu'avec les oreilles. En effet, en plus d'entendre la beauté sonore de cette musique ainsi interprétée, on avait sous les yeux le visage expressif et concentré du pianiste, et surtout ses mains qui se promenaient sur les touches comme des ailes d'une nuée de papillons en folie.

Pas une toux, pas un déplacement de chaise pendant toute cette heure où le pianiste a découpé et soigné chacune des 30 variations de Jean-Sébastien Bach. Concentration totale de part et d'autre.

Du pur bonheur pour nous, spectateurs privilégiés. L'impression d'avoir vécu, ensemble et grâce à David Jalbert, un moment hors de l'ordinaire, hors du monde, hors du temps.

11/08/2012

Orgue, plaisir et transcriptions

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J'étais jeune, j'habitais chez mes parents, et nous venions juste d'avoir la télévision. Outre Pépinot et Ivanhoé, nous écoutions religieusement en famille l'émission  Alfred Hitchcock présente. Le thème musical, remarquable, collait parfaitement à la physionomie, à l'humour, au style du bonhomme. (Vous pouvez voir l'intro de l'émission et entendre le thème en cliquant sur l'image ci-dessus).

Mais je ne savais pas alors qu'il s'agissait d'une pièce composée par Charles Gounod et intitulée Marche funèbre d'une marionnette. (Cliquez ici pour entendre l'oeuvre originale, jouée par le pianiste Marc-André Hamelin).

Je l'ai appris mardi dernier, grâce à l'organiste Régis Rousseau, qui donnait le premier concert de la série estivale à l'église Saint-Dominique de Jonquière. Il avait intitulé son programme L'orgue orchestre, L'art de la transcription.

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Donc, outre cette sympathique et ironique Marche funèbre (Gounod voulait se moquer du style pompeux des marches funèbres), l'organiste a joué l'Adagio pour cordes de Samuel Barber, le Choeur des pèlerins de l'opéra Tannhaüser (transcription de Franz Liszt) et deux préludes de Chopin (également transcrits par Liszt).
Ainsi que trois extraits du ballet Casse-noisette, tout à fait réussis. Peut-être les meilleurs moments du concert, où les jeux de l'orgue (trompettes, flûtes, cloches) et le rythme alerte sonnaient exactement comme l'orchestration de Tchaïkovski.

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Il a a terminé la soirée par la célèbre marche ("Pomp and circumstances") du compositeur britannique Edward Elgar, que l'on a beaucoup entendue récemment lors du Jubilé de la Reine et pendant les Jeux Olympiques de Londres. (Cliquez sur la photo de Sir Edward pour le voir diriger lui-même son oeuvre).

C'était agréable, léger bien que pas nécessairement facile techniquement. On reconnaissait les airs, des souvenirs remontaient... Voilà, la musique, ça peut être complexe et profond, mais ça peut aussi être très simple et direct. Les auditeurs, fort nombreux, ont semblé apprécier ce choix.

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Notes:

1 - Sur le programme remis à l'entrée, la durée de chaque pièce était indiquée. J'ai trouvé ça génial!
2 - Seule pièce originale pour orgue: la Sonatine en mi bémol de François Brassard (titulaire à St-Dominique de 1930 à 1971), que Régis Rousseau avait jouée il y a deux ans sur l'orgue de la cathédrale de Chicoutimi, lors du concert avec le ténor Marc Hervieux.
3 - Le musicien retrouvait le Casavant de l'église St-Dominique, dont il a été titulaire il y a 25 ans après ses études au Conservatoire de Chicoutimi (dont il est aujourd'hui le directeur).  Il a dû cependant refaire connaissance avec l'instrument (32 jeux, 2023 tuyaux, 3 claviers), qui a été restauré et amélioré depuis ce temps.
4 - Régis Rousseau (intéressante interview avec lui dans Le Devoir) a aussi été organiste titulaire à l'église du Très-Saint-Nom-de-Jésus, à Montréal où il a fondé le Festival Orgue et couleurs.

04/07/2012

Remplir la cathédrale...

Jean-François Lapointe a rempli la cathédrale de deux façons: par les gens qui s'y sont rendus en grand nombre pour l'entendre, et par sa superbe voix de baryton.

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(crédit photo: Michel Baron)

Il n'abuse pourtant pas de cette puissance dont il est capable. D'autres amusent la galerie avec des effets de volume, mais pas lui. Quand c'est le moment, par exemple à la fin de l'Agnus Dei de Bizet, ou dans certains passages de l'Ave Maria de Gounod, il le fait avec une aisance remarquable, avec plaisir aussi sans doute. Mais ce n'est pas cet aspect de son art qui l'intéresse le plus. Ce qui motive Jean-François Lapointe, c'est de rendre justice à la beauté des oeuvres, ce qui se fait en complicité avec ceux ou celles qui l'accompagnent. En l'occurrence mardi, c'était Céline Fortin, organiste titulaire de la cathédrale de Chicoutimi

jean-françois lapointe,céline fortin,baryton,cathédrale de chicoutimi,concerts d'étéElle est aussi responsable de cette série de concerts d'été gratuits dans le vaisseau amiral des temples religieux de la région. Si elle joue fort bien, ce n'est pas principalement elle que les gens allaient entendre, et c'est tout à fait normal. Vedette internationale, applaudi dans les théâtres prestigieux d'Europe et d'ailleurs, le baryton natif d'Hébertville évite soigneusement de jouer sur ce statut, car l'esbroufe n'est pas sa tasse de thé.

En accord avec le lieu où il chantait, il a bâti un programme de musique sacrée simple et cohérent, comprenant des oeuvres de style assez varié pour mettre en valeur quelques-unes des plus belles couleurs de son timbre. Des compositions de Gabriel Fauré, Théodore Dubois, César Franck, et quelques pièces rares qu'il aime faire découvrir, comme celles d'Omer Létourneau, de Jean-Baptiste Faure et d'Edmond Missa.

Tout était beau, à la fois intense et retenu. Même s'ils étaient très loin derrière nous, au deuxième jubé, nous pouvions très bien, grâce au grand écran installé à l'avant, observer le travail des deux musiciens, en gros plan à plusieurs reprises. Alors ce chanteur, que je cours entendre dès que j'en ai l'occasion, je ne l'avais jamais vu d'aussi près! J'ai pu, comme les autres spectateurs, apprécier sa concentration, son souci de rendre chaque note, sa précision technique, sa ferveur, son total engagement et -peut-être- un petit pan de son âme...

Bref, ce fut extraordinaire du début à la fin. Chaque pièce était un bijou d'exécution. Il est seulement dommage que, à cause d'une trop grande réverbération (écho),  l'acoustique de la cathédrale ne rende pas tout à fait justice à une voix de cette qualité.

L'organiste s'est acquittée de son rôle d'accompagnatrice avec discrétion et compétence, se réservant néanmoins quelques plages pour faire sonner les jeux du grand Casavant, notamment dans un choral de César Franck et une toccata du compositeur québécois Denis Bédard.