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29/06/2013

Dans l'arrière-cour des Violons

Il y a deux semaines, avec mon conjoint et un couple d'amis, j'ai eu la chance d'assister à un événement exceptionnel: le pianiste Marc-André Hamelin et Les Violons du Roy jouant les trois derniers concertos de Beethoven à la salle Françoys-Bernier du Domaine Forget.

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Il fallait réserver tôt car les billets pour ce concert, donné le dimanche après-midi (les mêmes musiciens avaient présenté les concertos nos 1 et 2 la veille), se sont vite envolés et je n'ai pu obtenir que des sièges disposés derrière la scène, face au public, comme en offrent quelques salles de concert.

Finalement, ces places se sont révélées les meilleures de toutes. Nous avions le privilège de voir la scène en plongée, et de tout voir. Le chef Bernard Labadie nous faisait face, donc nous pouvions observer ses moindres gestes et expressions, comprendre sa façon de communiquer subtilement avec le soliste et avec chaque section de son orchestre.

Je pouvais regarder tour à tour chaque musicien, observer le jeu de ses mains et de ses doigts, le voir tourner ses pages, nettoyer ou vérifier son instrument quand il ne jouait pas. J'ai remarqué le manège du timbaliste qui, à tout moment, posait l'oreille sur son instrument... peut-être y décelait-il quelque imperfection sonore. D'infimes détails qui n'affectent pas le son, mais qui contribuent à le créer.

Et c'était régal aussi de jeter les yeux sur Marc-André Hamelin, de suivre la course agile de ses doigts sur le clavier, de percevoir les vibrations de la musique dans ses bras et ses épaules, partageant ainsi, de façon quasi indécente, sa concentration et son bonheur de jouer.

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Cette situation nous donnait en fait un grand avantage sur les autres spectateurs qui, assis dans la salle, ne pouvaient voir tout cela que partiellement.

Le visuel s'ajoutait donc au son pour nous aider à savourer chaque instant de ce voyage exceptionnel au coeur de ces trois grands chefs-d'oeuvre. Nous pouvions même, grâce à cela, mieux comprendre la structure et l'originalité de chaque mouvement de chaque concerto.

Le numéro 3, noble et dépouillé, le numéro 4, intime et contrasté, et le numéro 5, Empereur, immense et flamboyant. Le voici, joué par Krystian Zimeerman et dirigé par Leonard Bernstein

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Avec des nuances, des cadences, des explosions sonores et des instants suspendus où s'envole, tout doucement, une seule note. Remarquables musiciens, remarquable exécution.

Merveilleux.

Pour ajouter au plaisir des sens, de délicates bouchées composées de produits du terroir charlevoisien nous furent servies à chacun des deux entractes.

J'ai été comblée à tout point de vue...

29/04/2013

César au temps des colonies

Giulio Cesare, de Georg Friedrich Haendel, en direct du Metropolitan Opera, le samedi 27 avril 2013 au Cinéma Jonquière.

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Un excellent spectacle, où la soprano Natalie Dessay fait une formidable Cléopâtre. Pourtant, elle n'a pas la séduction physique que l'on associe généralement à la grande reine d'Égypte. Elle a un corps de femme d'un certain âge, qui a du vécu, sans les attributs que l'on associe généralement à la séduction, un corps qu'elle dénude pourtant autant que faire se peut pour attirer le regard et le désir de Jules César.

Mais son jeu incomparable transcende son apparence réelle et nous communique le plaisir non seulement de l'entendre chanter, mais de la voir vivre et vibrer sur scène, totalement là, passant du comique au tragique avec un naturel déconcertant. Le fait de pouvoir distinguer en gros plan l'imperfection de ses traits ou de ses formes augmente en réalité, pour le spectateur, le troublant mystère de la création, de l'interprétation qui emporte tout sans trébucher sur les détails.

La dernière fois que j'avais vu Natalie Dessay, dans La Traviata, elle était souffrante, et sa performance, bien que très émouvante, en avait souffert quelque peu. Mais en Cléopâtre, elle est en pleine possession de ses moyens vocaux et dramatiques. Ses arias avec danse sont irrésistibles de grâce et de drôlerie, en particulier son numéro au parapluie façon Chantons sous la pluie. Son chant d'amour à César, Se pietà di me non senti constitue un sommet de beauté et d'intensité.

Il faut dire qu'elle s'intègre à une belle et grande production, qui figure parmi les meilleures du Met que j'ai pu voir. Harry Bicket et David McVicar, respectivement directeur musical et metteur en scène, unissent leurs efforts à ceux des chanteurs pour que les interminables répétitions du baroque ne nous paraissent pas, justement interminables. Dans chacune des dizaines de reprises d'une même phrase, il y a quelque chose de spécial, de différent: intonation, ornementation, expression du visage, attitude, mouvement. Après avoir entendu ces quatre mots: Giusto ciel io moriro chantés une vingtaine de fois par Natalie Dessay-Cléopâtre (dans le Se pietà di me non senti), on en redemanderait presque!

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Par ailleurs, les autres chanteurs sont tous de grande qualité, même si j'ai quelques réserves sur l'interprète de Jules César, le contreténor David Daniels, dont j'avais pourtant beaucoup aimé le Prospero dans The Enchanted Island: il m'a semblé moins maître de ses inflexions et surtout de son volume. Mais quelle prestation que celle de l'autre contreténor, le Français Christophe Dumaux, (on le voit dans la vidéo ci-dessus, mais il ne chante pas...): une voix pure, claire, forte et juste, et un beau talent d'acteur pour jouer le méchant Ptolémée! Patricia Bardon et Alice Coote sont excellentes dans les rôles très dramatiques de Cornelia et de son fils Sesto (Sextus).

Par ailleurs, les chorégraphies sont formidables, et ceux qui les exécutent également.

La scénographie situe l'action au temps des colonies, françaises et anglaises (l'Égypte fut sous la domination de la France, puis de la Grande-Bretagne), avec casques coloniaux, sahariennes, jumelles, revolvers et téléphones, mais sans négliger la touche égyptienne, par les costumes, la gestuelle et l'iconographie associée à l'époque de Cléopâtre, peut-être dans la foulée des superproductions hollywoodiennes. Le style années folles fait aussi une délicieuse incursion dans les danses et les costumes.

C'est donc à regret que j'ai dû partir avant le dernier acte, pour des raisons personnelles. Mais je suis très contente de ce que j'ai vu et entendu.

13/03/2013

Charles, Sting, Marc, Paul et François

Mercredi 13, mars, je prends une marche. Sur mon iPod, la radio, Première chaîne. Peu après les infos de 14h, bulletin spécial: fumée blanche, habemus papam.pape,françois premier,élection,masbourian,src,aznavour,sting

On ne sait pas encore c'est qui.

Mais l'animateur Patrick Masbourian sait que son émission, PM, sera interrompue dès qu'il y aura du nouveau au Vatican. Il reçoit Paul Daraîche et Marc Hervieux, invités à présenter chacun son duo musical favori. Ils ont eux-mêmes enregistré des duos, et ils en font jouer un, A mia madre, dont les derniers mots sont: "il mio papa"!
Daraîche présente -et nous fait écouter- son duo, T'es mon amour t'es ma maîtresse, puis c'est au tour de Marc Hervieux, qui a choisi L'amour c'est comme un jour, chanté  par Charles Aznavour et Sting.

 

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Charles chante quelques mesures et juste avant l'entrée  de Sting... tout s'arrête: émission spéciale sur l'élection du pape.
De retour à la maison, je dis à mon conjoint: "allume la télé, habemus papam". Une heure plus tard, on connaît enfin l'identité de l'abbé Mousse Papam: Jorge Mario Bergoglio.
Il a choisi de s'appeler François, c'est très beau. Mais je songe à d'autres noms possibles: Marc, Patrick,  Charles... ou encore Sting.

Sting Premier!!!!
Un peu frustrée de ne pas avoir entendu toute la chanson d'Aznavour, je l'ai écoutée sur Youtube ( vous pouvez l'entendre en cliquant sur la photo de Sting). Ce n'est pas la meilleure du grand Charles, mais elle est quand même agréable, belle et mélancolique.

02/03/2013

Dimanche, parfait dimanche

Tchaikovsky, concerto poru violon, Da COsta, Orchestre symphonique du Saguenay-Lac-Saint-Jean, Jacques Clément

Deux oeuvres que j'aime, deux grands chefs-d'oeuvre de la musique au programme d'un même concert: c'est  rare. C'est ce que m'a offert récemment l'Orchestre symphonique du Saguenay-Lac-Saint-Jean, au Théâtre Banque Nationale.

Un concert qui m'a rendue heureuse à chaque minute de ce dimanche après-midi. Je ne sais même pas si tout était parfait, dans les moindres détails de l'exécution, et peu m'importe: c'était du bonheur pour moi.

Le violoniste Alexandre Da Costa (photo ci-dessus) fut prodigieux dans le concerto pour violon de Tchaïkovski (joué par Itzhak Perlman sur la vidéo ci-dessous): virtuose engagé, il se déplaçait beaucoup dans le petit espace qui lui était laissé, regardant tout à tour le public, le chef Jacques Clément ou les musiciens d'une section donnée. Une oeuvre marathon: 40 minutes de difficultés, d'obstacles franchis avec grâce, sans fausse note ou autre erreur que j'aie pu détecter. Un torrent, une déferlante d'âme et de beauté.

J'ai découvert quelques passages particulièrement émouvants dans le deuxième mouvement alors que le violon, la flûte et la clarinette se relancent un même thème.

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D'ailleurs les instruments à vent de l'orchestre furent particulièrement mis en valeur cet après-midi-là, grâce au travail impeccable des solistes Louise Bouchard (flûte), Sonia Gratton (hautbois) et Élizabeth Francoeur (clarinette).
En deuxième partie, l'orchestre a joué ma favorite parmi les symphonies de Beethoven, la septième, et son deuxième mouvement si prenant dont le thème est très connu: une extraordinaire composition et une excellente exécution, qui a permis aux vents de briller encore une fois.
Le concert a commencé par une création mondiale, une oeuvre d'Airat Ichmouratov composée spécialement pour l'OSSLSJ, aux accents russes et dansants, agréable et accessible. (Le Quatuor Alcan (dont les membres occupent les premières chaises de leur section) a déjà créé une oeuvre de ce compositeur (j'en ai parlé ici).

Un dimanche après-midi tout simplement parfait.

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18/02/2013

Rigoletto à Las Vegas: joue, perd... et gagne

Je savais pour La donna è mobile, mais j'avais oublié que Caro nome, un des plus beaux airs d'opéra que je connaisse, était aussi dans le Rigoletto de Verdi. J'ai été vraiment ravie de le réentendre, chanté cette fois par l'excellente soprano Diana Damro (cliquez l'image pour l'entendre en répétition) au cinéma Jonquière, qui retransmettait samedi cette nouvelle production du Metropolitan Opera.

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Nouvelle production? Oh que oui! L'action est située dans le Las Vegas des années 60, univers dépravé, où jeu, sexe, argent, Rat Pack et autres néons rivalisent de quétainerie. C'est peu de dire que le pari était risqué, et il n'est à mon avis pas tout à fait gagné.

Le metteur en scène Michael Mayer, qui travaille pour la première fois au Met, donne à ce Rigoletto les couleurs et les accents de la comédie musicale, genre dont il est spécialiste, dans le but sans doute de rendre accessible à l'Américain moyen cette histoire censée se passer en Italie au 16e siècle, et inspirée à Verdi et à son librettiste par la pièce Le Roi s'amuse de Victor Hugo.

Ce qui donne lieu à quelques incohérences, incongruités, anachronismes. Par exemple: pourquoi tenir à la virginité d'une jeune fille dans ce milieu corrompu? Pourquoi croire à la malédiction lancée par un sheik arabe ridicule tout droit sorti d'Hollywood? Et ces ascenseurs, c'est quoi l'idée?rigoletto,diana damray,piotr beczala,zeliko lucic,verdi,las vegas,casino

Par ailleurs, les sous-titres anglais, remaniés et assaisonnés d'expressions américaines typiques de l'époque (une femme est appelée "baby" ou "doll"), s'éloignent dangereusement du texte original en italien. Au lieu du cortigiani, vil razza dannata que l'on peut traduire en français par courtisans, race vile et damnée, et en anglais par courtiers, vile, damnable rabble, Rigoletto traite ses bourreaux de pack of rotten rats (gang de rats pourris) selon les sous-titres, allusion au rat pack, bien sûr.

La scénographie et l'aspect visuel, les néons, les tables de jeu, les costumes, plumes et froufrous,  les figures qui rappellent Dean Martin, Frank Sinatra, Marilyn Monroe, sont par contre intéressants et dynamiques. Sauf l'horrible robe bleue dont est affublée Gilda...

Un premier acte en dents de scie, en gains et pertes, et vocalement imparfait, histoire de se plonger dans l'histoire, un deuxième acte encore hésitant mais agrémenté par l'excellent choeur des hommes qui s'opposent à Rigoletto.

Et enfin le troisième acte, presque totalement réussi, peut-être parce qu'on s'est peu à peu habitué au contexte.

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Mais aussi parce que le chant prend toute sa place et nous éblouit. Les deux partenaires de Diana Damreau (Gilda), formidable depuis le début, semblent plus à l'aise vocalement et s'expriment enfin pleinement. Le ténor Piotr Beczala qui joue le Duc de Mantoue avec une belle prestance (rappelant à la fois Elvis Presley et Frank Sinatra), envoie très bien la célèbre aria La donna è mobile (même s'il force un peu dans l'aigu), le quatuor (qui succède à une intéressante scène de danse-poteau) est totalement beau, et le baryton serbe Željko Lučić déploie ses ultimes ressources vocales pour exposer de nouvelles facettes de Rigoletto.

De brefs éclairs zèbrent les néons au rythme des rapides arpèges flutés qui annoncent l'orage. Après le drame, c'est dans le coffre arrière d'une immense Cadillac que Gilda mourante fait ses adieux à son père (dans l'opéra original, celui-ci la découvre avec horreur dans un sac de toile où il croyait trouver le corps de son ennemi). Une scène extraordinaire, musicalement, dramatiquement et visuellement. Peut-être moins déchirante qu'elle peut l'être dans les mises en scène classiques, ce qui me convient parfaitement...

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Les puristes détestent, les amateurs de Broadway adorent. Pour ma part, malgré quelques réserves, j'ai plutôt aimé cette production, cette débauche de couleurs et de clinquant,  et surtout la musique (le jeune chef Michele Mariotti a fait très bonne impression) et les voix.

 

Menus détails

- La soprano Diana Damrau ressemble étrangement à la comédienne québécoise Valérie Blais.

- À la fin de l'interview qu'elle accordait à l'hôtesse Renée Fleming, son petit garçon est arrivé en courant, elle l'a pris dans ses bras et lui a fait dire bonjour, en français, aux millions de personnes qui écoutaient cette retransmission. Un bel enfant blond (deux ans environ), c'était tout à fait charmant.

- Sur la vidéo ci-dessus, et sur toutes les photos que j'ai vues de cette production, Madame Damrau porte une robe bleue... qui n'est pas la même que celle que nous avons vue samedi. Cette dernière était à manches longues, à col fermé et en tissu épais. Sans doute que toutes ces images où on la voit vêtue d'une robe également bleue, mais plus décolletée et à manches courtes (question de confort probablement) ont été captés pendant les répétitions. L'une et l'autre robe sont laides, mais celle portée sur scène était particulièrement horrible. Il fallait presque fermer les yeux pour apprécier son Caro nome.

- Il y avait beaucoup de monde pour voir ce Rigoletto samedi. Plusieurs étaient déstabilisés par la transposition, quelques-uns détestaient carrément.

10/02/2013

Une belle soirée aux Enfers!

La Société d'art lyrique du Royaume a retrouvé son lustre d'antan tout en s'adaptant au goût du jour avec Orphée aux Enfers, l'opéra-bouffe de Jacques Offenbach que j'ai eu le bonheur de voir vendredi soir au Théâtre Banque Nationale.

Entendu de la première rangée du balcon, l'Orchestre (symphonique du Saguenay-Lac-Saint-Jean) sonnait particulièrement bien. Maestro Jean-Philippe Tremblay, qui, malgré son horaire chargé, prend toujours plaisir à revenir chez lui diriger l'opérette, aime, connaît et respecte cette musique. Il sait communiquer sa ferveur aux musiciens et aux chanteurs, et mettre en valeur les subitilités et les nuances de la partition. Résultat: la musique monte jusqu'à nous, nous enveloppe et nous emporte. La nouvelle fosse d'orchestre est sans doute pour quelque chose dans la qualité sonore: celle de l'ancien auditorium Dufour, il faut bien l'avouer, étouffait carrément le son.

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(Antonio Figueroa et Aline Kutan dans Orphée aux Enfers. Photo Rocket Lavoie, Le Quotidien)


Presque tout dans cette production, est d'ailleurs formidable. À commencer par les interprètes principaux... et secondaires. Des professionnels d'expérience, habitués ou nouveaux venus aux productions de la SALR, qui savent travailler tout en ayant l'air de s'amuser.

Quelles belles voix que celles d'Antonio Figueroa (Orphée), de  Jacques-Olivier Chartier (Pluton), de Renée Lapointe (l'Opinion publique, qui parle plus qu'elle ne chante), de Patrick Mallette (Jupiter, impayable dans le duo de la mouche), de Sabrina Ferland (Cupidon) et de tous les autres. Quelques-uns n'ont pas toute l'agilité requise pour suivre le tempo dans ses passages les plus diaboliques, mais ce n'est pas trop grave.

Quant à la diva Aline Kutan, elle est tout simplement époustouflante. Les aigus, les graves, les fortissimi, les cascades et les ornementations ne lui font pas peur, elle que  j'ai déjà vue jouer et chanter la Reine de la nuit dans La Flûte enchantée à l'Opéra de Montréal. Le registre comique non plus. Elle n'a peut-être pas le physique idéal pour jouer Eurydice, mais le metteur en scène tire parti de ses rondeurs et de ses appas pour produire des effets du plus haut comique.

L'action se déroule presque totalement sur une petite tribune carrée installée au milieu de la grande scène. Scène sur la scène, théâtre dans le théâtre: le dispositif, combiné aux décors en styromousse, stylisés comme dans une bande dessinée, se révèle intéressant et fructueux.

Le metteur en scène Dario Larouche doit se sentir comme un poisson dans l'eau dans cet univers parodique de la mythologie et de l'Antiquité grecques, lui qui a déjà monté La Marmite de Plaute, L'Assemblée des femmes d'Aristophane, et même Antigone de Sophocle, avec sa troupe les 100 masques. Expériences qui lui servent dans sa première mise en scène d'opéra, où il réussit à tenir ensemble une multitude d'éléments dont certains lui étaient sans doute peu familiers. Rythme, humour, inventivité, subtilité, connaissance approfondie de l'oeuvre sont au rendez-vous pour nous faire partager ce détournement de mythe que constitue Orphée aux Enfers.

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(Le baryton Patrick Mallette incarne un Jupiter dépassé par le mouvement de révolte qui agite les dieux et déesses de son royaume, l'Olympe. Photo Claudette Gravel, SALR)


Dans cet opéra-bouffe, Offenbach et ses librettistes revisitent la légende d'Orphée, en faisant de celui-ci un violoneux insignifiant, tout heureux d'apprendre la mort de sa femme Eurydice, qu'il déteste et qui le lui rend bien. Mais l'Opinion publique, gardienne de la morale, l'oblige à descendre aux Enfers (en passant, amis journalistes et autres qui écrivez sur ce spectacle, Enfers s'écrit AVEC UN E MAJUSCULE dans Orphée aux Enfers) pour aller la reprendre à Pluton, qui l'a en réalité enlevée. Il devra d'abord passer par l'Olympe, où Jupiter et sa troupe de dieux et déesses se joindront à son expédition.

Première partie mieux réussie que la seconde, m'a-t-il semblé, mais c'est dû pour une bonne part au livret lui-même, qui s'égare un peu vers la fin. Autre remarque: il faudrait absolument songer à ajouter des surtitres à la production, car on ne comprend pas la moitié des paroles chantées, et par conséquent, l'humour raffiné, les références subtiles, la critique sociale implacable que contient le texte nous échappent totalement.

Dans l'ensemble, c'est un spectacle enlevé, joyeux, entraînant, drôle, agréable, dont tous les éléments (il faudrait parler aussi des choeurs et des costumes)  se combinent et s'accordent pour nous faire passer une fort belle soirée.

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Nous avons quitté la salle avec en tête l'air du Galop infernal, ce cancan endiablé sur lequel s'achève le spectacle (accès à une version, dans une autre production, en cliquant l'image ci-dessus).

Mais ce que nous avons fait jouer, en revenant à la maison Jack et moi, c'est le Che farò senza Euridice, tiré de l'Orfeo de Gluck, rappelé à notre mémoire par la citation musicale qu'en fait Offenbach dans dans Orphée aux Enfers.

Cliquez sur le lien pour entendre cet air célèbre, chanté par Marie-Nicole Lemieux.

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À lire aussi:

Critique de Daniel Côté dans Le Quotidien,

22/01/2013

Jour de reines

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J'ai passé mon samedi avec des reines. Trois reines, pour être plus exacte. Il y en avait deux dans l'opéra Maria Stuarda, de Donizetti, au Metropolitan Opera, transmis par le cinéma Jonquière. Deux reines, deux rivales: Élisabeth 1ère d'Angleterre et Marie Stuart, reine d'Écosse. Cette dernière est confinée à la prison pour le meurtre de son mari. Les deux femmes se livrent une lutte psychologique sans merci, ayant comme enjeux le trône d'Angleterre et l'amour d'un homme

Ce qui mène à une confrontation extraordinaire à la fin du premier acte, où les deux reines se disent les vraies affaires. Marie Première contre Élisabeth Première, légitime contre "batarde", catholique contre anglicane, mezzo contre soprano: un duo mémorable.

La production du Metropolitan vaut surtout par la prestation magistrale, absolument stupéfiante, de Joyce DiDonato, qui incarne Marie Stuart. En deuxième partie, elle aligne trois (ou quatre? je ne sais plus) arias très exigeantes, autant au point de vue du jeu (elle a vieilli de dix ans depuis le premier acte, elle est agitée de tremblements, elle est émue et verse des larmes), que de la prestation vocale où se succèdent trilles, mélismes, aigus sur graves, graves sur aigus. Elle fait tout cela à la perfection, soulevant autant l'admiration que l'émotion du spectateur, qui ne peut que compatir à la douleur de cette reine qui s'en va vers la mort. (Marie Stuart fut décapitée le 8 décembre 1542).

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Je ne sais pas pourquoi le metteur en scène David McVicar a voulu présenter Élisabeth sous une allure aussi incongrue: une sorte de robot qui se déplace sans grâce et semble sur le point de tomber à chaque pas, mais en tout cas c'est bien réalisé par la soprano sud-africaine Elza van den Heever. Elle chante aussi plutôt bien, même si sa prestation est totalement éclipsée par celle de Joyce DiDonato.

Matthew Polenzani est très bien, vocalement et physiquement, dans le rôle un peu difficile de l'indécis Leicester, aimé des deux reines. J'ai aimé le timbre et la technique de Joshua Hopkins dans le rôle de William Cecil mais pas du tout la prestation de la basse Matthew Rose, qui incarne  Talbot, le conseiller de Marie Stuart.

Il y avait beaucoup de monde au cinéma Jonquière, où la projection a encore une fois été affectée par des problèmes de son. On nous promet que ce sera réglé sous peu. Quant à la mise en images en provenance du Met, elle était tout simplement infecte, abusant des gros plans et des contreplongées.

La troisième  reine de mon samedi fut Christine de Suède, sujet de la pièce Christine la reine garçon, de Michel-Marc Bouchard, présentée par le TNM dans la nouvelle salle nommée Théâtre Banque Nationale. J'en parle dans une prochaine note.

07/01/2013

Marathon dans un fauteuil:             Les Troyens!

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(Au centre, Bryan Hymel. À sa droite, Deborah Voigt, et Julie Boulianne. Photo: Ken Howard, Metropolitan Opera)

 

Cinq heures et demie assise au Cinéma Jonquière, pour voir Les Troyens, de Berlioz, en direct du Metropolitan Opera: un vrai marathon. Plutôt bon. Et très long, alors soyons concise(!):

Le ténor Marcello Giordani, a renoncé à chanter le rôle du prince Énée après trois représentations... pour mon plus grand bonheur. Je l'ai déjà écrit ici, je n'aime pas beaucoup le style de ce chanteur, pourtant très souvent engagé au Met.

Mon bonheur fut d'autant plus grand que celui qui l'a remplacé, Bryan Hymel, est formidable. À 33 ans seulement, il se montre à la hauteur d'un des rôles les plus difficiles du répertoire pour ténor. Souplesse et justesse, timbre clair, du volume, du souffle, un contrôle quasi parfait de toutes les intonations. Une véritable révélation pour moi et pour tous ceux qui l'ont entendu.

Autre source de plaisir: un opéra français, chanté en français. La plupart des chanteurs ont une bonne diction, et je comprenais leurs paroles (en m'aidant un peu avec les sous-titres anglais...) Merveilleux!

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Il ya en réalité dans Les Troyens deux opéras en un. Le premier, La prise de Troie, avec la ruse des Grecs qui introduisent dans la cité ce cheval géant où se dissimulent des guerriers, les avertissements de Cassandre, le suicide collectif des Troyennes. Le deuxième, Les Troyens à Carthage: un groupe de Troyens ont réussi à s'enfuir et, en route pour Rome, ils font une longue escale à Carthage, où la reine Didon les accueille et file le parfait amour avec Énée.

Cette oeuvre monumentale est rarement montée, car elle requiert des effectifs énormes (décors, choeurs, deux équipes de chanteurs), ce qui coûte très cher.

Hector Berlioz (qui n'a jamais pu voir l'oeuvre au complet jouée sur scène), a écrit non seulement la musique des Troyens mais aussi le très beau livret, inspiré par L'Énéide de Virgile. Sa musique est ample, complexe, riche, variée, vraiment magnifique. La partie instrumentale, particulièrement élaborée, est bien mise en valeur par le maestro Fabio Luisi et l'orchestre du Met.

Outre Bryan Hymel, Susan Graham (photo ci-contre) assume bien le rôle extrêmement les troyens,metropolitan opera,bryan hymel,susan graham,deborah voigt,fabio luisiexigeant de Didon, reine de Carthage. Presque toujours en scène dans la deuxième partie, elle joue bien et son chant est assez beau, malgré quelques signes de fatigue vers la fin (c'est compréhensible!).

Pour une rare fois, tous les rôles secondaires sont bien chantés, en particulier celui d'Anna, soeur de Didon, où on retrouve l'extraordinaire mezzo Karen Cargill, et celui de Narbal, dans lequel excelle la basse coréenne Kwangchul Youn.

Sans oublier Julie Boulianne, notre Dolmissoise devenue presque une habituée du Metropolitan, qui incarne Ascagne, fils d'Énée. Elle a assez peu à chanter, mais elle le fait très bien, et elle est sur scène assez longtemps pour qu'on puisse apprécier son jeu.

En première partie, Deborah Voigt offre une Cassandre plus intéressante dramatiquement que vocalement. Chanter en français n'est pas sa tasse de thé: "ça fait travailler des muscles que je ne connaissais pas", disait-elle avec humour à Joyce DiDonato pendant l'entracte, ajoutant qu'elle allait ensuite retourner à ses chevaux (ceux de Brunehilde, la Walkyrie de Wagner, autrement dit revenir à sa spécialité: le répertoire allemand!)

J'ai bien aimé la brève prestation de David Crawford, dans le rôle du fantôme d'Hector. Dwayne Croft en Chorèbe était correct, mais sans plus. Quant à la comédienne Jacqueline Antaramian, qui jouait le rôle muet d'Andromaque, on aurait dit Irène Papas, c'était hallucinant. 

Mise en scène intéressante de Francesca Zambello, malgré quelques gestes chorégraphiques ou déplacements superflus. Les ballets sont intéressants et leur musique formidable, mais vraiment très longs quand on se met à penser qu'il faudra ensuite un acte complet pour représenter le départ d'Énée, puis le désespoir et le suicide de Didon. En fait, il ne faut pas penser, ni surtout consulter sa montre: simplement s'abandonner au plaisir d'écouter et de regarder.

Encore quelques problèmes de transmission audio: le son, faible quand les interprètes se tenaient côté jardin devenait clair et fort quand ils se déplaçaient vers le côté cour!

Une soixantaine de personnes ont couru ce marathon avec moi: on n'est plus tout jeunes, mais on est encore en forme, et toujours passionnés... d'opéra.

11/12/2012

Verdi, le bal et l'amour

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Dans Un ballo in maschera de Verdi (transmission en direct du Metropolitan Opera samedi au cinéma Jonquière), le roi de Suède Gustave III aime en secret Amelia, la femme de son secrétaire et ami le comte Anckarström. Quand ce dernier l'apprend, il est fâché et jaloux, bien entendu. Les deux amoureux, tout en avouant qu'ils s'aiment, lui assurent cependant qu'il ne s'est rien passé entre eux.

Blessé mortellement par son ami qui s'est joint à un complot pour se venger, le roi jure à ce dernier qu'Amelia est innocente, sans tache, et qu'il était sur le point de les envoyer tous deux à l'étranger, afin d'éloigner de lui la tentation.

En apprenant cela, le comte regrette son geste.

L'innocence, c'est donc de ne pas coucher, et non pas de ne pas aimer. Aimer est pardonnable, coucher ne l'est point.

Logiquement, on pourrait croire qu'aimer une autre personne que son conjoint est la pire offense. Mais nous les humains, ne sommes pas toujours logiques, surtout quand les sentiments et la passion sont en jeu.

Enfin, je n'ai pas de solution ni d'idée tranchée à ce sujet, je me dis simplement que l'amour, le sentiment, semble à nos yeux moins fort que le geste, alors que peut-être il n'en est rien. 

Mais qu'est-ce que l'amour?

J'ai cru le voir quand, avant la projection, la caméra a suivi pendant quelques instants, une dame corpulente aux cheveux blancs qui prenait place dans la salle du Metropolitan Opera: elle portait un cathéter nasal, vous savez, ces tubes de plastique qui fournissent de l'oxygène aux personnes atteintes d'insuffisance respiratoire.

Se déplacer pour aller à l'Opéra, s'asseoir au milieu de la foule, rester là trois ou quatre heures, malgré une condition physique pénible qui s'ajoute à l'inconfort inhérent à ce genre d'activité: ça c'est de l'amour, me suis-je dit. L'amour de l'art, de la musique, de cette oeuvre de Verdi, je ne sais pas. Mais l'amour, tout de même.

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Et l'opéra? me demanderez-vous.

J'avoue que je ne sais pas trop quoi en dire. En tout cas ce n'était pas le grand amour de ma part. Je n'ai pas aimé le ténor Marcelo Alvarez en Gustave III: il force sa voix, qui ne sort pas vraiment. Sondra Radvanovsky (Amelia) chante très bien, mais elle semble n'avoir qu'une seule expression à mettre sur son visage. Le baryton Dmitri Hvorostovsky (le comte) est formidable, vocalement surtout. La meilleure, c'est Kathleen Kim, dans le rôle du page Oscar: voix agile, légèreté, humour.

Sans oublier le maestro Fabio Luisi et l'orchestre, qui ont mis en valeur les magnifiques passages orchestraux. Il y a eu de bons moments, surtout aux deuxième et troisième acte, séparés par des scènes un peu longues et sans grand intérêt.

Mise en scène de David Alden. Scénographie étrange et disparate, signée Paul Steinberg. Un grand tableau représentant la chute d'Icare se déplace au-dessus des têtes et déforme l'espace où évoluent les personnages: mais pourquoi?

verdi,metropolitan opera,un ballo in maschera,sondra radvanovsky,kathleen kimAu fond, chaque scène et chaque artiste avait des qualités, mais on aurait dit des pièces détachées, auxquelles il manquait une vision d'ensemble unifiante.

Verdi (ci-contre) fut obligé de faire modifier le livret (d'Antonio Somma), car la censure napolitaine n'acceptait pas que l'on représente sur scène le meurtre d'un roi. On changea donc le roi pour le gouverneur de la ville de Boston, où toute l'action fut déplacée. Heureusement, comme on le fait la plupart du temps de nos jours, et même si c'est joué aux États-Unis, on a repris le livret original, bien plus intéressant puisque inspiré d'un fait réel: l'assassinat du roi Gustave III par Ankarström lors d'un bal masqué.

04/12/2012

Entre vengance et clémence, le choix de Titus

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Le titre de l'opéra, La Clemenza di Tito, résout l'équation de mon propre titre. L'empereur romain Titus choisit d'être clément, de pardonner à ceux qui l'ont trahi et voulu le faire mourir. Même si les lois et coutumes voudraient qu'il les fasse exécuter.

J'ai bien aimé ce personnage, tout en douceur et en compassion.

De graves problèmes techniques ont cependant affecté la présentation de cet opéra de Mozart.  Il y a eu en réalité dix minutes de bon son, les dix dernières. Nous venions d'endurer trois heures d'une transmission sonore déficiente: son étouffé, grésillements, grondements, silences etc...  C'est un changement de logiciel survenu au Metropolitan Opera qui aurait causé tous ces problèmes, nous expliquait le jeune employé du cinéma Jonquière, fort désolé de cette situation à laquelle il ne pouvait rien.

En général, le premier acte m'a semblé un peu ennuyeux, et le second, absolument merveilleux.

Entre les deux actes, les interviews menées par Susan Graham avec les artistes m'ont permis de mieux apprécier la suite. Le chef Harry Bicket a notamment expliqué pourquoi il aimait la musique de ce dernier opéra composé par un Mozart malade et en grande difficulté financière: pour remplir une commande qui tombait à point, il revint à l'opera seria qu'il avait pratiqué à ses débuts, mais en y mettant toute son expérience, tout le savoir-faire acquis entre-temps, créant ainsi une partition tout à fait exceptionnelle, à la fois dans son oeuvre et dans l'opéra en général.

Je n'avais pas vraiment besoin de ça pour aimer le divin Mozart, remarquez, car sa musique est toujours aussi sublime.

Ne pouvant pas apprécier les performances vocales à leur juste valeur, à cause de ces problèmes de son, je me suis intéressée à autre chose. À leur jeu par exemple. Le personnage central est Sesto, ami de Titus. La perverse Vitallia, dont il est épris, lui ordonne de tuer l'empereur car elle croit que ce dernier lui préfère Bérénice. (Elle se trompe: malgré une grande passion réciproque, Titus vient de renvoyer Bérénice, que nous voyons, dans une scène muette, embarquer sur un navire qui la conduira vers sa Palestine natale).

Je ne sais pas si c'est parce que Sesto est un rôle travesti, joué par la merveilleuse Elina Garanča, mais il ne passe guère de sensualité entre elle et Barbara Frittoli, qui incarne Vitallia.

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J'ai remarqué en revanche le visage très expressif de cette dernière: oeillades, sourires en coin, comme un livre ouvert, ses traits mobiles expriment sa malice, sa perfidie, sa ruse, et plus tard, son repentir. Vêtue d'une époustouflante robe noire (photo ci-dessus), Frittoli assume aussi avec élégance la progression de Vitallia de la perversité vers la douceur, ce qui donne ce très beau Non piu di fiori, chanté avec accompagnement de cor de basset.

Titus est joué par Giuseppe Filianoti, et il y a un autre rôle travesti, celui d'Annio, joué par Kate Lindsay.

Malgré donc une transmission imparfaite, je n'ai pas regretté d'avoir été voir La clémence de Titus. Surtout que l'opéra (livret de  Caterino Mazzolà d'après Metastase et Corneille) commence là où se termine Bérénice, le chef-d'oeuvre de Racine, c'est-à-dire avec le départ de Bérénice. Titus et elle se séparent par devoir, invitus invitam, malgré lui malgré elle:

Dans un mois, dans un an, comment souffrirons-nous,
Seigneur, que tant de mers me séparent de vous ?
Que le jour recommence et que le jour finisse,
Sans que jamais Titus puisse voir Bérénice,
Sans que de tout le jour je puisse voir Titus ?