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14/11/2011

Monsieur Lazhar, soeur Cécile, religion et culture

Deux films québécois vus au cours du dernier mois.

(Dans les prochains billets il y aura: une pièce de théâtre, un opéra et une exposition)

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Monsieur Lazhar, de Philippe Falardeau. Du cinéma social de qualité. Les scènes qui se succèdent  mettent en lumière, par touches délicates et fluides, la situation des personnages, leurs réactions et émotions face à des enjeux sociaux comme l'école, l'enfance, l'immigration, le travail, l'inclusion et l'exclusion. Bachir Lazhar, un Algérien demandeur du statut de réfugié, remplace au pied levé une enseignante de quatrième année qui s'est suicidée dans son école.

Le scénario s'attache en particulier à deux élèves, Alice et Simon, et à ce qu'ils vivent après la disparition de leur enseignante et l'arrivée de ce nouveau professeur aux méthodes étranges. Les drames sont évoqués discrètement, les scènes bien découpées, et tous les acteurs sont formidables, en particulier Fellag dans le rôle de Monsieur Lazhar (photo ci-dessus), de même que les jeunes Sophie Nélisse et Émilien Néron. Peut-être un peu trop proche du théâtre (car tiré d'une pièce d'Evelyne de la Chenelière), Monsieur Lazhar est un beau film qui fait réfléchir.

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Pour l'amour de Dieu, de Micheline Lanctôt. L'histoire se situe aussi dans le milieu scolaire, maispour l'amour de dieu,micheline lanctôt,monsieur lazhar,philippe falardeau,hôtel du libre échange,les têtes heureuses,don giovanni,metropolitan opera,les frères caillebotte celui des années 50-60: un jeune prêtre en visite dans une école provoque un double coup de foudre: chez Léonie, une élève de 7e année, et chez soeur Cécile, une religieuse enseignante. Difficultés, incompréhension, déchirements entre la morale et le désir. Le film est, dit la réalisatrice, insipiré par un épisode de sa propre vie.

Le sujet est intéressant et la reconstitution plutôt réussie du milieu scolaire et religieux des années 50-60 m'a beaucoup intéressée (c'est mon époque). Cependant le rythme poussif du récit et certaines avenues où il s'aventure (on y voit Jésus!) m'ont dérangée. Des longueurs, une fin invraisemblable, des images discutables, bref, je n'ai pas vraiment aimé la réalisation. Dommage car Micheline Lanctôt est une femme que j'estime et dont j'apprécie habituellement le travail.

13/10/2011

Ils sont fous ces Gaulois (hic!)

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(vers l'Est, avec le pont Jacques-Cartier au loin)


Un autre beau moment de mon plus récent séjour à Montréal: le Vieux-Montréal avec mon amie Andrée. Nous avons passé plusieurs heures au musée Pointe-à-Callière pour voir l'exposition À ta santé, César! Le vin chez les Gaulois qui se termine samedi prochain, 16 octobre.

le vin chez les gaulois,pointe-à-callière,montréal,l'arrivage,histoire,vieux montréalComme toutes les présentations de ce Musée que j'affectionne particulièrement, l'exposition offre bien plus que ce qu'annonce son titre: une histoire complète du vin, depuis le Néolithique jusqu'à la Gaule, en passant par les Arméniens, les Égyptiens et les Grecs. Selon les cultures, les différentes façons de fabriquer le vin, de le consommer, de le considérer, de le célébrer, sont bien expliquées grâce à des montages, des textes, des graphiques, et surtout à de fabuleux artéfacts qui ouvrent l'horizon vers une histoire plus générale de l'humanité.

 

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(directement devant nous, vue sur le Port de Montréal)


J'y ai appris notamment que le vin d'autrefois était coupé de beaucoup, beaucoup d'eau, parfois des deux tiers, et qu'il était aussi aromatisé, avec du miel ou des épices.

J'en conclus qu'il était peut-être un peu râpeux...

Pour les banquets chez les Grecs, les philosophes conseillaient de boire juste assez de vin pour aiguiser son esprit de façon à briller dans les joutes verbales, mais pas davantage, car alors on n'était plus en état de discuter...

 

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(un ancien tuyau collecteur, dans les profondeurs du musée Pointe-à-Callière)


Respectant ce précepte, Andrée et moi avons entrecoupé notre visite d'un délicieux repas au restaurant L'Arrivage, où la cuisine est toujours exquise. C'était le 21 septembre, il faisait tellement beau que nous avons mangé dehors, sur la terrasse, alors que le soleil nole vin chez les gaulois,pointe-à-callière,montréal,l'arrivage,histoire,vieux montréalus chauffait délicieusement. Nous avions une magnifique vue sur la Ville, que j'illustre ici par quelques photos.

Ensuite nous sommes montées sur la galerie du dernier étage pour observer encore la Ville, puis, après avoir fini de visiter l'exposition, nous sommes descendues dans les profondeurs du musée, sous la ville actuelle, où nous avons déambulé dans les vestiges de Montréal: cette descente aux ancêtres m'apparaît chaque fois aussi émouvante.

Et j'apprenais dans Le Devoir récemment que tout cela sera développé, agrandi, enrichi par d'autres aménagements qui mettront en valeur ces trésors archéologiques: extraordinaire!

le vin chez les gaulois,pointe-à-callière,montréal,l'arrivage,histoire,vieux montréalLe tout fut suivi d'une promenade aux alentours, rue de la Commune, place Jacques-Cartier, hôtel de ville, en nous arrêtant à tout moment pour prendre des photos: l'amiral Nelson perché sur sa colonne, le monument à Jean Vauquelin, sur la place qui porte son nom, les fouilles du Champ-de-Mars et même le CHUM en construction.

À travers tout ça, échanges amicaux, anecdotes, fous rires: quelle belle journée!

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(vers l'Ouest, l'élévateur à grains no 5)

02/10/2011

La folle exubérance de Jean-Paul Gaultier

J'ai bien aimé l'exposition La planète mode de Jean Paul Gaultier, qui se terminait aujourd'hui 2 octobre au Musée des beaux-arts de Montréal. C'était mon deuxième événement-mode de la semaine du 19 septembre.

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Outre la beauté, l'originalité, l'inventivité, l'audace et dans certains cas la profondeur des créations de Jean-Paul Gaultier, j'ai beaucoup aimé la présentation qu'en a faite le MBAM. Un événement ludique et festif, vivant et tourbillonnant. Acueilli en haut des marches par des personnages animés, parmi lesquels Jean-Paul Gaultier lui-même, en gilet rayé, le visiteur se déplaçait ensuite un peu au hasard, poussant des rideaux pour entrer dans les différentes salles, à sa guise, sans flècjean-paul gaultier,musée des beaux-arts,montréal,exposition,couture,designerhes, sans ordre précis, sans savoir ce qui l'attendait derrière l'un ou l'autre des rideaux. Il fallait s'abandonner, se laisser prendre au jeu.

Plates-formes mobiles, jeux d'ombre et de lumière, dramatisation de certaines tenues, ouvertures dans les murs d'une section à l'autre: tout le contraire de créations figées sur des mannequins contraints à l'immobilité: ça bougeait, palpitait, virevoltait, flashait...

Tout à fait en accord avec le talent, la joie de créer, le brin d'impertinence et la franchise de Jean-Paul jean-paul gaultier,musée des beaux-arts,montréal,exposition,couture,designerGaultier, cette riche présentation mettait en valeur les différents thèmes et styles qu'il a explorés. 

Le grand couturier aime jouer avec les couleurs, les matières, les textures, il sait dire quelque chose avec ses créations, aussi bien qu'un peintre ou un cinéaste. En associant ses matériaux, tissu, matière, textile,  au corps humain vivant et mobile, Jean-Paul Gaultier exprime tout: un contexte socio-historique, une culture, une vision personnelle et critique, ses coups de coeur et ses coups de gueule.

Témoin ou acteur d'événements sociaux ou culturels, il sait les évoquer, discrètement ou au contraire avec un brin d'excentricité, en habillant aussi bien les stars que madame-tout-le-monde.

Jean-Paul Gaultier est d'ailleurs allé à Montréal au début de l'exposition et s'est montré très heureux qu'un musée s'intéresse à son travail et décide de le mettre en valeur.

Les visiteurs avaient le droit de prendre des photos, alors je ne m'en suis pas privée. En voici quelques-unes, sur cette page.

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21/07/2011

Rome: qui trop embrasse...

Rome,expositions, musée de la Civilisation,QuébecL'exposition sur Rome (site web particulièrement bien fait) fait courir les foules au Musée de la civilisation de Québec. Je l'ai trouvée intéressante, bien qu'elle semble à mon avis tenter  d'englober trop d'éléments sur une trop longue période. Or comme chacun sait, qui trop embrasse mal étreint.

J'ai bien aimé le volet sur la Rome antique, qui occupe tout l'espace central, et celui sur son déclin. Dans de petites salles attenantes, bref aperçu de Rome au Moyen Âge, à la Renaissance et aujourd'hui. Bien que superficiel, ce survol se fait au détriment, me semble-t-il, de la profondeur que j'aurais aimée trouver sur la Rome antique.

Presque rien, notamment, sur les grands artistes du Moyen Âge (Giotto) et surtout de la Renaissance (Michel-Ange, Raphaël...) ni sur leurs chefs-d'oeuvre, car l'exposition est davantage à caractère historique. Et à partir du moment où Rome est surtout connue pour être le centre mondial du catholicisme et de la papauté, son histoire perd pas mal d'intérêt à mes yeux.

 

québec,rome,musée de la civilisation,premières nations,fleuve st-laurent(Mithra tuant le taureau, IIIe siècle apr. J.-C. Cette scène évoque l’épisode le plus important du mythe de Mithra, divinité solaire d’origine iranienne, dont le culte a connu une diffusion remarquable à Rome pendant l’époque impériale).

 

En fait, ce que mon mari et moi avons regardé le plus longtemps, c'est l'immense maquette de la Rome ancienne, tâchant d'y reconnaître les monuments en ruine que nous avons vus et les rues où nous avons marché lors de notre visite en 2003.

 

Notre histoire

En fait d'histoire, j'ai préféré celle d'ici, présentée dans trois superbes expositions. Le temps des Québécois, exposition permantente fouillée, détaillée sur tous les aspects de notre histoire, que j'avais déjà vue, et deux autres que j'ai découvertes.

Nous, les Premières Nations (permanente aussi)

québec,rome,musée de la civilisation,premières nations,fleuve st-laurent(Canot rabaska)

nous fait découvrir les premiers habitants du territoire (qui en furent honteusement chassés), autrefois et aujourd'hui. Tout comme les Romains et les autres peuples de la terre, Abénaquis, Algonquins, Atikamekw, Cris, Hurons-Wendat, Inuit, Malécites, Micmacs, Montagnais, Mohawks, Naskapis ont su utiliser astucieusement les ressources de la nature qui les entourait pour manger, se loger, se vêtir, se déplacer. Comme les Romains, sauf que c'étaient des matériaux (animaux et végétaux) différents, et des besoins différents (froid, grands espaces). Ils savaient aussi décorer et embellir leurs outils et leurs habitations.

Il y a aussi Portés par le fleuve, qui évoque le rôle joué par le Saint-Laurent dans la naissance de l'Amérique du Nord: arrivée d'immigrants venus de partout dans le monde, peuplement, commerce, échanges en tous genres, à Québec, à Montréal et dans toutes les villes qui bordent ce québec,rome,musée de la civilisation,premières nations,fleuve st-laurent

(Québec, Le château Frontenac, le fleuve, Lévis: la photo est de moi)

grand fleuve. Comme tant d'autres cours d'eau, que ce soit la Tamise à Londres, le Tibre à Rome, ou le Saguenay... à Saguenay. Cette fascinante exposition est d'ailleurs présentée au Musée de la civilisation, implanté tout près du fleuve.

Tant de choses que j'ignorais et que je découvre, pourtant je viens de là, c'est mon histoire.

Bien sûr, Rome aussi c'est mon histoire. Elle a façonné moult aspects de la culture occidentale et imprègne encore le fonctionnement de nombre de nos institutions. Plusieurs éléments de notre culture sont hérités de ces lointains ancêtres. Je vais continuer à admirer, découvrir, et critiquer (car elles ont aussi leurs travers) ces grandes civilisations, mais je me promets de diriger plus souvent mon regard ailleurs, sur mes propres ancêtres et prédécesseurs en ce pays: de ceux-là aussi je peux être fière.

29/06/2011

Coup de dés chez Molinari

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molinari,gilles daigneault,mallarmé,coup de dés,montréalIl y a environ un mois, mon conjoint et moi avions décidé de visiter l'atelier de Guido Molinari, où était présenté un volet de la Biennale de Montréal. Station de métro Préfontaine,  loin dans l'Est. On ne sait même pas dans quelle direction se trouve la rue Sainte-Catherine, il faut demander aux gens... et leur réponse nous laisse incrédules!

Enfin sur Sainte-Catherine, nous marchons encore plus vers l'Est. Traversons un viaduc qui enjambe une gare de triage, entre le fleuve à droite et le Stade Olympique à l'horizon gauche. Aucune habitation... Un peu inquiets, on commence à se demander s'il y aura quelque chose au bout du tunnel.molinari,gilles daigneault,atelier,émotion,ocup de dés,peinture

Enfin, des maisons, un quartier habité: c'est Hochelaga-Maisonneuve. Le 3290 Sainte-Catherine: un beau bâtiment. On y entre: c'est clair, lumineux, murs tout blancs, plâtre partout, y compris les frises ouvragéesqui bordent le plafond.

Celui qui nous accueille est Gilles Daigneault, ami du peintre, responsable de la Fondation Molinari, gestionnaire de ce lieu magnifique, molinari,gilles daigneault,atelier,émotion,ocup de dés,peintureune ancienne banque acquise par Moli, comme ils l'appellent, qui avait installé son atelier au rez-de-chaussée et vivait au premier. Sous la voûte, photo ci-contre), le coffre-fort ne contient ni lingots d'or ni billets de banque, mais il abrite néanmoins un trésor: des toiles, peintes ou acquises par Guido.

Dans la salle (photo du haut), de grandes toiles aux couleurs vives: un ensemble réalisé par Molinari à partir de l'aspect visuel du poème Un coup de dés jamais n'abolira le hasard (thème de la Biennale de Montréal 2011), de Stéphane Mallarmé. (Vous pouvez en télécharger un exemplaire ici). Des bandes de couleur sont disposées sur la toile comme les lignes du poème sur la page. 

 

Par exemple, voici, placées côte-à-côte, une toile et la page qu'elle représente:

 

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Notre hôte nous invite ensuite à regarder une vidéo: la salle de projection est un minuscule cabinet de toilette, on s'assoit chacun notre tour sur la cuvette (couvercle rabattu, je précise!). L'écran est au-dessus du lavabo: l'artiste présente (en anglais, car le cinéaste est un Américain) son exemplaire du Coup de dés, qui l'a accompagné pendant toute sa vie. C'est tellement beau, simple, émouvant, j'en ai les larmes aux yeux. Un moment magique. Sur la photo ci-dessous, les mains du peintre,

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posées sur la page qui contient les mots LE HASARD.

Nous nous découvrons de nombreuses affinités avec Gilles Daigneault: il a étudié à Aix-en-Provence, comme nous, il est helléniste (nous adorons la Grèce ancienne), la journaliste et critique d'art Fernande Saint-Martin, une ancienne compagne de Molinari que mon conjoint connaît molinari,gilles daigneault,atelier,émotion,ocup de dés,peinturetrès bien, est membre du CA de la Fondation. La femme de Gilles Daigneault est la poétesse Denise Desautels, dont nous avons entendu parler notamment parce qu'elle a reçu de nombreux prix.

Notre hôte nous raconte tout: la vie de Moli, son attachement à son quartier, sa maladie, son travail, l'exposition (qui comprend aussi des oeuvres automatistes réalisées quand il avait 18 ans), bref, il s'avère pour nous un interlocuteur en or.

Pour couronner le tout, il nous reconduit en voiture jusqu'au métro Berri-UQAM!

Quel incroyable revirement! Jack et moi en sommes soufflés. Ce voyage mal amorcé s'est révélé finalement merveilleux, plein de surprises, enrichissant au point de vue artistique et humain.

Un cadeau de la vie et du hasard!

 

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PS. D'autres photos reliées à cette visite se trouvent ici.

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22/06/2011

Qin: empereur et fossoyeur des Chinois

empereur guerrier,chine,musée des beaux-arts,montréalPlus que quelques jours pour voir l'exposition L'empereur guerrier de Chine et son armée de terre cuite au Musée des beaux-arts de Montréal (jusqu'au 26 juin). Une formidable exposition qui donne à voir des pièces fabuleuses, soldats, chevaux, artéfacts, éléments de décor façonnés avec une extrême précision. Des objets en terre cuite que le Premier Empereur a fait fabriquer et placer dans un mausolée, immense complexe funéraire où il voulait reproduire sous terre le monde vivant qui l'entourait.empereur guerrier,chine,musée des beaux-arts,montréal

Il s'agit là d'une infime partie des 8000 soldats mis au jour par les archéologues dans la nécropole chinoise, où se trouvaient aussi des chevaux, des chars, et des milieux de vie reconstitués: jardins, parterres, rivières, animaux.

Ce monde figé dans la pierre pour l'éternité a déteint sur la Chine réelle et sur ceux qui l'habitent aujourd'hui. Comme le dit si bien Jack dans cette brillante analyse, l'empereur Qin Shi Huangdi marquait ainsi pour longtemps le destin de la Chine: secrète, fermée, communiquant difficilement avec les autres nations, dirigée par des tyrans pour lesquels le peuple est forclos: une Chine atteinte d'autisme, pourrait-on dire.

J'ai trouvé dans ce propos de Jack les raisons de mon ambivalence. C'est que j'étais tiraillée entre d'une part: mon admiration pour la beauté des pièces; mon plaisir de découvrir tout ce pan de l'histoire humaine que je connaissais bien peu; enchantée par les faits historiques que révèlent ces objets, qu'il s'agisse de poteries, de bijoux, ou de tuyaux d'égout de l'époque; renseignée encore davantage par l'audioguide et les cartels; impressionnée d'avoir sous les yeux ces témoins d'un monde lointain qui ont voyagé dans le temps et dans l'espace pour venir jusqu'à moi.

D'autre part: un léger malaise devant l'entreprise irrationnelle et mortifière d'un homme qui voulait peut-être défier le destin, qui a peut-être cru que cette nécropole le protégerait contre sa propre mort; malaise aussi à l'idée de tous ces ouvriers et artisans qui ont souffert et sont morts en travaillant à concrétiser le caprice fou de leur maître. Le nom de l'empereur Qin est parvenu jusqu'à nous, mais pas celui de ces humbles travailleurs...

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29/05/2011

Art, hasard, beaux-arts

J'ai visité il y a quelques jours la Biennale de Montréal, un événement organisé par le CIAC, responsable autrefois des Cent jours d'art contemporain, que j'ai beaucoup fréquentés également. J'aime ce genre de manifestation qui nous met en contact avec des propositions d'artistes de tous horizons, dans des lieux inhabituels, hors des grands musées.

montréal,biennale,art contemporainCette fois, l'exposition principale se tient (jusqu'au 31 mai) à l'ancienne école des Beaux-Arts, rue Saint-Urbain, un lieu que je n'avais bien entendu jamais visité (plaque de fondation sur la photo ci-dessus). Sur cinq étages, des portes, des couloirs, des escaliers nous conduisent vers d'innombrables pièces où nous attendent les oeuvres: peintures, photos, sculptures, installations, dessins, montages, vidéos. (Un autre volet de la Biennale est consacré à Guido Molinari, j'en reparle bientôt).

Étant donné la nature du bâtiment, il y a des racoins partout, des placards, des armoires qui abritent des éviers, des prises électriques, des objets à usage inconnu. De plus, certaines oeuvres numériques sont présentées dans le noir: il faut pousser un rideau pour entrer dans une pièce où on ne voit rien à prime abord. Donc, on se demande parfois si on peut avancer, ou si ce que l'on voit est une oeuvre ou un élément de l'ancien décor: c'est là un des grands plaisirs de la visite, que de parcourir ce labyrinthe qui dévoile ses trésors à chaque détour.

Une trentaine d'artistes québécois, canadiens, français, américains et autres ont travaillé sur le thème de cette annnée, la tentation du hasard, plus précisément formulé dans le poème Un coup de dés jamais n'abolira le hasard, de Stéphane Mallarmé.

montréal,biennale,art contemporainAu mur: Ian Wallace, "Les pages répandues". Par terre: sculptures, installation "L'esprit de l'escalier" de David Armstrong.

Parmi les oeuvres qui m'ont particulièrement séduite (analyse plus complète de l'exposition ici dans Le Devoir): celle de  Sylvie Cotton, qui a réduit en confettis ses notes de cours et tous les documents qu'elle a consultés pendant ses études universitaires (plus de détails sur son travail ici). Avec cesmontréal,biennale,art contemporain confettis, elle a construit des oeuvres (on en voit une sur la photo de gauche), posées sur des socles ou par terre: la pièce devient chapelle, chacun des éléments un autel érigé à la connaissance et à ce qu'elle finit par devenir: poussière... J'ai aimé aussi le travail d'Ian Wallace: photos laminées où le coup de dés de Mallarmé est mis en évidence au milieu de papiers et documents divers, encadrées par un canevas travaillé à l'acrylique (on en voit quelques-unes au mur sur la photo ci-dessous, qui donne une bonne idée de l'exposition). Intiulé "Les pages répandues", l'ensemble paraît à prime abord simpliste, mais la netteté des images, qui saute littéralement aux yeux, incite à un examen plus montréal,biennale,art contemporainattentif qui permet de saisir toute la richesse de l'oeuvre: le hasard est dans le texte photographié, et non pas dans le travail, minutieux et élaboré, de l'artiste.

Intéressantes également les sculptures en bronze de l'artiste roumain Daniel Spoerri (un exemple ci-contre): créatures imaginaires à la fois étranges et comiques tenant de l'humain, de l'animal, de l'objet fabriqué, ces personnages improbables aux sexes biscornus amusent beaucoup les jeunes visiteurs.

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 J'ai beaucoup aimé aussi le travail de Lois Andison, Nadia MyreJean Dubois et  Werner Reiterer ("où Dieu habite", dans la fenêtre à gauche, c'est lui).

Quelques oeuvres m'ont laissée perplexe et, je l'avoue, dubitative quant à leur réel intérêt: les travaux sur les dés de Jean-Pierre Bertrand et de Gilles Barbier, les montages avec colis de Walead Beshty.

C'est normal, ça fait partie du jeu et n'enlève absolument rien (bien au contraire) au plaisir que j'ai pris à cette  visite fascinante.

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10/05/2011

Coquines orchidées

Ce n'est pas moi qui le dis, c'est cette affiche vue dimanche à l'hôtel Le Montagnais de Chicoutimi.

IMG_1698.JPG

C'était à l'exposition annuelle du club des Orchidophiles du Saguenay-Lac-St-Jean, où j'en ai appris de bien bonnes sur ces magnifiques fleurs.

On qualifie les orchidées de bêtes de sexe à cause de leurs stratégies de reproduction: elles niaisent les insectes, se font passer pour des partenaires ou les enduisent traitreusement d'une substance collante pour les obliger à transporter le pollen d'une fleur à l'autre.

Elles affichent d'ailleurs avec une charmante impudeur leurs formes (et couleurs) suggestives, lascives et provocantes, comme le montrent les photos sur cette page.

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(Toutes les photos sont de moi, prises à l'exposition d'orchidées, sauf celle-ci, trouvée sur Internet, d'un cattleya 'green emerald')

Et ce n'est pas tout au rayon du sexe. Je savais que la vanille est une variété d'orchidée. Mais j'ignorais que ce mot, vanille vient de l'espagnol vainilla, dérivé du latin vagina, qui signifie gousse, étui, et qui, vous le devinez, a donné le mot français vagin.

Quant au torchidées,insectes,vanilleerme orchidée, il vient du grec orchis, qui signifie testicule. C'est à Théophraste que l'on attribue cette dénomination, selon Wikipédia.

Donc, même si l'exposition m'est apparue bien modeste, en espace occupé et en nombre de spécimens -plutôt bien- présentés, j'ai adoré ma rencontre avec ces ensorcelantes orchidées.

Ma visite fut somme toute excitante et

... stimulante!

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07/05/2011

Sous les arbres de Marc-Aurèle

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C'est la plus belle. La plus belle, à mes yeux, des 107 oeuvres de l'exposition Marc-Aurèle Fortin, l'expérience de la couleur, présentée au Musée des Beaux Arts de Québec. La reproduction numérique ne rend pas justice à cette aquarelle intitulée Maison sous les arbres, et elle n'est pas la plus représentative du style de Marc-Aurèle Fortin, mais elle a été pour moi un véritable coup de coeur. L'eau de l'aquarelle semble couler en diagonale sur le papier,  dessinant sur son passage les éléments de la composition. Et il y a ces petites taches rouges, un mur et deux pans de lucarnes qui, contrastant avec un ensemble aux teintes plus délavées, font littéralement vibrer la toile.

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Ceci dit, l'exposition tout entière est magnifique. Marc-Aurèle Fortin a eu une existence misérable vers la fin de sa vie: escroqué par un agent alcoolique et stupide, très malade, amputé des deux jambes et aveugle. C'est le mécène et collectionneur René Buisson qui lui vient en aide et l'installe à l'hôpital de Macamic en Abitibi, où l'artiste meurt le 2 mars 1970. Par la suite, René Buisson crée la Fondation Marc-Aurèle Fortin qui met sur pied le Musée Marc-Aurèle Fortin, inauguré en 1984 dans le Vieux-Montréal. En 2007, toute la collection est transférée au Musée des beaux-arts de Montréal.

Par contraste, sa peinture respire sinon le bonheur, du moins l'exubérance et la joie. La véritable jubilation de voir le monde à sa manière et de pouvoir exprimer cette vision, grâce notamment à sa maîtrise du médium. On peut lire sur une cimaise de l'exposition un texte du peintre où il dit en substance que maîtriser l'aquarelle, c'est comme prendre de la morphine, une drogue, on devient fou et on ne peut plus s'en passer.

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L'exposition occupe deux salles. La première est consacrée aux sujets urbains, à Montréal surtout: le port, les usines, les quartiers populaires, les petites rues et maisons, le chemin de fer, le pont Jacques-Cartier (en construction), et le quartier Hochelaga, que Marc-Aurèle Fortin a peint sous tous les angles et tous les éclairages possibles.

Quand on entre dans la deuxième salle, on est immergé dans le vert, celui des arbres, des ormes immenses et majestueux, dont le feuillage s'incline gracieusement vers le sol,  troué de pans de ciel blanc. Le vert des paysages aussi, surtout du Québec, petits villages des Laurentides, Saint-Siméon, Petite Vallée, Bagotville, Laval, Sainte-Rose où il habitait, vus en plongée ou en perspective. Dans certains paysages, le vert est saturé, émeraude foncé, presque trop... 

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Ce sont d'ailleurs deux aspects d'une même oeuvre: celle d'un véritable créateur, qui intègre dans son travail tout ce qu'il voit, interprète et réorganise le tout sans relâche, poussé par une énergie sans cesse renouvelée. Quelle que soit la technique qu'il aborde: huile, aquarelle, gravure, pastel, peinture à la caséine, il joue à merveille sur les similitudes, les éléments répétitifs, les ruptures et les contrastes, comme autant d'instruments avec lesquels il crée une véritable symphonie visuelle.

Jack et moi avons fait l'aller-retour à Québec en autobus (je vous parlerai du reste du voyage une autre fois) pour aller voir cette exposition avant qu'elle se termine (dernier jour: dimanche 8 mai) et nous ne l'avons pas regretté un instant. Vous pouvez voir ici ce qu'en a dit mon compagnon sur son blogue.

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14/02/2011

Il s'appelle Denis Gagnon

photosDenisGagnon.jpgDimanche 13 février, c'était la dernière journée de l'exposition consacrée au designer Denis Gagnon. J'ai eu le plaisir de visiter Denis Gagnon s'expose  au Musée des Beaux-Arts à Montréal en novembre dernier. J'ai trouvé fascinantes les créations de cet artiste originaire d'Alma, et qui fait vraiment sa marque, non seulement dans le milieu de la mode, mais dans le milieu de la création en général, et même auprès du public ordinaire, qui a appris à le reconnaître à ses grosses lunettes carrées. (Les photos proviennent du site du Musée des Beaux arts de Montréal).

Superbe exposition, et mise en scène extraordinaire de l'architecte Gilles Saucier, parfaitement en accord avec les pièces exposées, même si elle ne s'effaçait nullement devant elles. Pour tout dire, c'était une expérience à vivre, à voir, à entendre. Et les robes: de pures merveilles. Je ne pourrais pas les porter, mais j'admire les couleurs (noir et blanc pour celles-là), les rayures et les formes, le mélange des textures, tissu, cuir, métal.

Denis Gagnon vient de présenter à Montréal, dans le cadre de la Semaine de la mode, sa collection hiver 2011, qui, paraît-il, intègre des couleurs. (Quelques images de sa collection printemps-été 2011 au bout de ce lien.)

L'automne dernier, j'étais allée à la salle Orphée (à Jonquière) pour voir le film que lui a consacré le réalisateur Khoa Lê, intitulé Je m'appelle Denis Gagnon. Le designer était présent, ses parents aussi, de même que le réalisateur. Un parcours atypique, un homme à la fois mystérieux et intéressant. Je les ai photographiés tous les deux:

Denis Gagnon, Khoa Lê, film__________

Otto Dix

Au MBA avec mon amie Andrée, j'avais aussi visité cette fois-là l'exposition des oeuvres du peintre Otto Dix. Un artiste troublant, qui ne peint pas la beauté, mais les horreurs du monde. Il faut voir, pour comprendre. Certains artistes créent de la beauté, d'autres veulent nous donner des électrochocs en soulevant le voile sur les côtés les plus sombres de l'activité ou de la nature humaines: les deux positions sont légitimes, à mon avis, c'est au visiteur, spectateur, auditeur, de placer tout cela dans les espaces appropriés de son intelligence.