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21/06/2014

Quand rien ne se passe...

J'écrivais dans mon précédent billet qu'en art visuel (et sans doute en art en général), tout est une question de communication, de circulation d'idées et de sensations entre le créateur et son "visiteur".

C'est assez rare dans mon cas, mais parfois, il ne se passe rien, le contact ne s'établit pas. Par exemple avec l'exposition de Peter Doig, présentée au Musée des Beaux-Arts de Montréal le printemps dernier et intitulée Nulle terre étrangère.

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Le titre était beau, l'artiste, un Montréalais d'adoption sur lequel les médias avaient présenté plusieurs reportages élogieux (mais peu de véritables critiques de son oeuvre, je l'avoue) m'est apparu sympathique, ses tableaux se vendent paraît-il à des prix incroyables.

Certains donc que l'événement était à ne rater sous aucun prétexte, mon conjpeter doig,exposition,mbam,montréaloint et moi avons fait un effort spécial pour aller à Montréal avant la fin de l'exposition, même si la date ne nous convenait pas vraiment, pour diverses raisons.

Et puis? Et puis rien, absolument rien. Les sujets, la technique, les couleurs, je ne trouvais rien qui me parle, qui allume mon regard et mon esprit. Je n'ai pas compris ce que Peter Doig voulait me dire en peignant ses toiles. Pire, je ne percevais pas son engagement, sa tension, le désir à la source de chacune de ses créations.

Nous étions avec un autre couple, venu également du Saguenay, et nous nous regardions, un peu catastrophés, l'air de dire: quoi, c'est pour ça que nous sommes venus?

Quelques toiles peut-être m'ont vaguement intéressée mais, comme on dit, cela ne valait pas le voyage.

Son univers m'est resté fermé, étranger, rien ne m'a parlé.

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L'artiste (photo ci-dessus) avait beau être sur place et faire des selfies (avec des membres de sa famille, je crois) rien n'y fit. Était-ce ma faute? Peut-être...

Le contact entre nous, les quatre visiteurs, était en revanche excellent: nous avons pu, avec nos amis, rire et nous distraire, déguster un bon repas au Café des beaux-arts...

Et être à Montréal, séjourner à l'Hôtel de l'Institut, voir nos enfants et notre petit-fils. Bref, le voyage fut beau. Mais pas à cause de Peter Doig. Et sans lui, nous aurions sûrement choisi une autre date, une autre formule...

Bref, comme une débutante, je me suis laissé prendre aux propos louangeurs publiés dans les médias au sujet de l'artiste et de son exposition: on ne m'y reprendra plus...

 

 

31/05/2014

Le Règne de la beauté: vertige du néant

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La plupart des critiques furent très sévères, sinon assassines envers le plus récent film de Denys Arcand: Le Règne de la beauté.

Pour ma part, j'ai beaucoup aimé ce film. Certes Arcand a modifié sa recette habituelle. Cela a pu déstabiliser les fans de ses précédents films. En ce qui me concerne, j'aime bien être dérangée, déstabilisée par une oeuvre ou un spectacle.
La beauté règne partout, en effet, dans ce film. Dans les paysages et les villes: Charlevoix, Québec, même Toronto. Dans les personnages: un cercle d'amis dans la trentaine, aux visages lisses et traits agréables, sans enfants, minces et musclés comme les acteurs et actrices qui les incarnent.

Non seulement ils ont choisi de vivre dans des lieux enchanteurs, mais ils pénètrent littéralement ces beaux paysages, les parcourant pour y pratiquer la pêche, la chasse, le ski, la randonnée, le camping, le golf, le tennis... et  y faire l'amour quand l'occasion s'y prête!

Luc (Éric Bruneau), le personnage principal qui est architecte, conçoit et construit des maisons en harmonie (harmonie? cela pourrait se discuter, mais enfin...) avec cet environnement, modernes et dotées d'immenses fenêtres:

"Je ne vois qu'infini par toutes les fenêtres"

( Charles Baudelaire)

Donc Denys Arcand plante ce décor, qu'il filme longuement, et y installe ses personnages, qu'il filme aussi longuement. Mais de l'extérieur, comme s'il promenait sur eux non pas une caméra, mais une loupe, comme celle d'un entomologiste examinant des insectes.

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L'étude est détaillée, minutieuse: discussions entre amis, repas que l'on partage, réceptions mondaines,  déplacements en voiture, pratique des sports, rapports sexuels (un sport parmi d'autres?), mais elle n'apporte pas de réponse.

Luc succombe aux avances d'une belle Torontoise et trompe sa compagne qui souffre de dépression. Pourtant il ne s'investit pas beaucoup dans cette relation passagère: il flotte à la surface des choses, comme tous ses amis.

On n'arrive pas à saisir ce qu'il pense, ce qu'il éprouve, d'où sans doute un certain malaise: impossible de ressentir et de partager ses émotions, celles des autres personnages, parce qu'on ne les connaît pas.

Seule reste la beauté et son vertige: quand Luc parcourt les boulevards périphériques de Québec, il est mis en contact avec une certaine laideur: rubans d'asphalte parsemés de restaurants à la chaîne, succursales de banques, dépanneurs, stations-service baignant dans la lueur blafarde des réverbères.

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(Éric Bruneau incarne l'architecte Luc Sauvageau
©Les films Séville)

Il comprend alors que s'il veut vraiment vivre, il devra peut-être aller dans ces paysages-là. Et il ne le veut pas. Alors il retourne à sa dolce vita, pleine de beauté, de sous-entendus, de relations superficielles. Mais au prix du silence, tentant de surnager, sans cesse menacé par la profondeur qui pourrait surgir d'un imprévu:

En haut, en bas, partout, la profondeur, la grève,
Le silence, l'espace affreux et captivant...
Et mon esprit, toujours du vertige hanté,
Jalouse du néant l'insensibilité.

               (Charles Baudelaire, Le gouffre)

La seule chose qui semble allumer et stimuler Luc, c'est le travail, donc la création. Le film suggère que cela seul peut le combler, plus que l'amour. Mais est-ce aussi une illusion?

C'est ainsi que je vois ce sujet, il y aurait certes une foule d'autres analyses possibles.

Quand j'ai assisté à la projection du film, qui a quitté l'affiche à Chicoutimi après deux semaines, il y avait quatre personnes dans la salle. Jack (qui a parlé du film ici) et moi, qui avons plutôt aimé, et deux madames, qui on trouvé ça "pas fort".

Je suis sortie de là enrichie d'une imposante matière à réflexion sur le sens de la vie et de l'art: que demander de plus?

En tout cas, moi je n'en demandais pas plus.

J'ai eu en prime de magnifiques images de Charlevoix, de la ville de Québec, lieux que je connais bien et qui sont littéralement caressés par la caméra: c'est elle la véritable amoureuse dont on partage les sentiments.

06/04/2014

Et vogue La Bohème!

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C'est une très vieille chose (relativement!) que cette version de La Bohème jouée au Metropolitan Opera: la mise en scène et la scénographie, signées Franco Zeffirelli, datent de 1981. Chaque année l'oeuvre est reprise, telle quelle, avec des interprètes différents, et chaque fois c'est le même succès.
Ce samedi 5 avril, pour la projection de La Bohème en direct au cinéma Jonquière, il y avait nettement plus de monde que d'habitude. Un peu moins toutefois que lors de la première diffusion (avec une autre distribution, j'en avais parlé ici) en mars 2008!
Tout est pareil... et magnifique: costumes, déplacements et mouvements des personnages et des choeursEt ces décors arrimés à trois gigantesques plateaux qui glissent sur la scène  (et la quittent de la même façon) presque tout d'un bloc. La plupart des spectateurs sont demeurés dans la salle du cinéma Jonquière pendant les deux entractes, juste pour regarder le fascinant ballet de ces changements de décors!

Le changement d'une année à l'autre provient donc essentiellement des interprètes chargés de faire vivre pour nous cette incomparable musique de Puccini.
Et la distribution que nous avions samedi était quasi idéale.
Pourtant l'interprète de Mimi n'était pas celle que nous attendions: la soprano lettone Kristine Opolais a remplacé au pied levé (c'est le cas de le dire) Anita Harting, victime de la grippe.


Opolais venait de chanter, la veille sur cette même scène, le rôle-titre de Madame Butterfly, du même Puccini. Couchée à 5 heures du matin, elle fut réveillée à 7h30 par un appel du directeur du Metropolitan, Peter Gelb, lui demandant d'assumer le rôle de Mimi l'après-midi même. Elle a d'abord refusé, ainsi qu'elle le racontait à l'entracte, avant de se raviser et d'accepter le défi. (L'histoire est racontée ici, en anglais).

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(Vittorio Grigolo et Kristine Opalais en entrevue avec Joyce Di Donato à l'entracte)


Je ne sais pas si nous avons perdu au change, car je ne connais pas Anita Harting. Mais Kristine Opalais faisait une très bonne Mimi, malgré une voix qui montait un peu trop vers le registre plus aigu de Butterfly dans les premières scènes et quelques signes de fatigue. Peut-être un peu unidimensionnelle dans ses attitudes, elle fut à tout le moins très bien, sans être extraordinaire. Deux prises de rôle au Met (elle avait toutefois déjà incarné Mimi sur d'autres scènes) en moins de 24 heures: l'exploit est considérable et mérite rien de moins qu'une médaille d'or. On la salue bien bas.
Mais cette Bohème fut remarquable au point de vue vocal surtout grâce à deux autres interprètes: le ténor Vittorio Grigolo, vraiment magnifique dans le rôle de Rodolfo, voix souple et agile, volume imposant lorsque nécessaire, belle prestance. Peut-être pas assez nuancé et engagé émotivement dans son jeu, mais pour la performance vocale, il est inégalé. Ce natif de Rome mérite bien son surnom de Il Pavarottino (le petit Pavarotti)!

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Quant à la prestation de Susanna Phillips en Musetta (ci-dessus), la femme aux moeurs libres qui s'adonne à tous les plaisirs et collectionne les conquêtes, elle était tout simplement magique. Une voix juste, agréable, une exubérance bien marquée, une belle évolution de la légèreté insouciante vers une maturité généreuse au contact de la maladie et de la mort de Mimi: voilà une prestation brillante, assumée, vibrante, autrement dit parfaite.
Et quelle oeuvre géniale! La musique, le livret, les dialogues: tout est beau, fin et délicat, tellement français (l'action se passe à Paris) qu'on croit entendre cette langue et en apprécier les traits d'humour alors même qu'on écoute les airs chantés en italien (plusieurs interprètes sont italiens) tout en lisant les sous-titres anglais!

Les décors traditionnels produisent toujours leur effet boeuf, la scène de foule au début du deuxième acte virevolte dans une chorégraphie réglée au quart de tour, les échanges entre Rodolfo et ses amis sont particulièrement réussis, le scénario progresse logiquement du début léger et comique vers la fin tragique de l'histoire.

L'orchestre dirigé par le chef Stefano Ranzani soutient tout cela avec fougue et intensité.
Bref, que vive et vogue La Bohème pour plusieurs années encore!

03/03/2014

Prince Igor: slave de haut en bas

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Un ancien critique new-yorkais devenu blogueur expliquait récemment (ici) pourquoi il avait quitté la salle après le premier acte de l'opéra Le Prince Igor, présenté au Metropolitan Opera de New York. Bizarrement, l'idée de m'en aller m'a également traversé l'esprit quand j'ai assisté samedi dernier à la projection de cet opéra au cinéma Jonquière, mais pas pour les mêmes raisons.

L'action de ce premier acte m'avait semblé confuse, l'éclipse solaire était vue de l'intérieur d'un bâtiment, ce que je trouvais facile et paresseux comme idée de mise en scène, et la présentation des Danses polovtsiennes dans un champ de coquelicots m'était apparue du  dernier kitsch.
De plus: je ne comprenais pas (ou très peu) où étaient présentées les projections cinématographiques en gros plan; l'action, qui se déroule en principe au Moyen Âge, était transposée, sans grand bénéfice, quelque part au début du 20e siècle. Bref, tout ça m'a semblé assez ordinaire.
Rencontrés à l'entracte, mes compagnons de visionnement semblaient pour leur part conquis par ce qu'ils avaient vu. J'étais d'accord avec eux sur au moins un point: la musique était belle et la distribution, entièrement slave, formidable. J'ai donc décidé de retourner à mon siège après le premier acte, et je ne l'ai pas regretté.

La prestation de la basse Mikhail Petrenko (dont j'ai parlé dans le précédent billet), fut l'étincelle qui m'a fait embarquer dans l'aventure et aimer ce que je voyais et entendais. Ceci malgré mon inconfort face à la mise en scène (signée Dmitri Tcherniakov) et surtout à la réalisation pour le cinéma de cet opéra.

Dans le rôle du prince Galitsky, Petrenko fait montre d'un si beau timbre et d'un jeu dramatique si convaincant que j'ai été conquise par ce méchant, dépravé, violeur et buveur!


La musique m'est apparue plus belle aussi, grâce notamment aux airs poignants chantés par Oksana Dyka (on peut l'entendre en cliquant l'image ci-haut), soprano ukrainienne au visage à la fois expressif et serein, aux traits inoubliables, jamais déformés ni tordus par ses efforts musicaux pourtant incontestables.

Bref, je me suis abandonnée à cette histoire qui met en évidence les remords qu'éprouve le prince Igor pour avoir entraîné ses soldats dans la guerre: son armée a été détruite et il a été fait prisonnier par le Khan Konchak.
Les interprètes, slaves mais pas nécessairement russes (de même que le directeur musical, le metteur en scène et tous les autres intervenants de la production), sont tous excellents. Outre Oksana Dyka, il faut aussi nommer entre autres Ildar Abdrazakov, qui joue avec assurance le rôle du prince Igor, la mezzo géorgienne (donc pas du tout slave celle-là, m'indique l'érudit en résidence)  Anita Rachvelishvili, qui nous offre une remarquable et sensuelle Konchakovna (fille du Khan), de même que la basse slovaque Stefan Kocan, qui incarne le Khan.

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Dommage que la mise en images pour le cinéma, qu'on appelle pompeusement la réalisation et dont on se passerait la plupart du temps, ait été particulièrement pourrie. Des gros plans, très peu de vues d'ensemble, de quoi égarer le cinéphile.
J'ai appris après coup que les choristes qui chantaient dans les danses povtoliennes se tenaient sous la scène: aucun moyen de le savoir en écoutant la retransmission puisque la caméra n'a jamais daigné nous montrer ces choristes. Frustrant, vraiment.
En revanche, les interviews étaient fort intéressantes, malgré quelques moments confus dus à la présence d'une interprète (les artistes cessaient de parler russe et se mettaient à l'anglais, de sorte qu'elle devenait inutile!) et au trac du nouvel hôte des lieux, Eric Owens.

De plus, il était fascinant d'observer les changements de décors: des structures gigantesques pour la mise en place d'un édifice dévasté par les bombardements, les feux allumés (par les survivants) dans des poubelles et même dans une baignoire!
Bref, j'ai bien fait de rester...

 

27/02/2014

Baisse de régime...

En 2013, j'ai vu beaucoup moins de spectacles, concerts et films que les années précédentes. Avec l'âge, j'hésite de plus en plus à sortir, surtout le soir, l'hiver. Et donc je n'ai pu ajouter que 23 billets à mon site Billets de concert pour l'année 2013 au Saguenay.

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Comparativement à 40 en 2012, et à mon double record: 45 en 2011 et en 2010!

Je n'ai pas l'intention de chercher à battre à nouveau mon record. Au contraire, je cible davantage mes sorties, j'ai même laissé filer plusieurs productions du Metropolitan Opera.

Cependant, j'y prends autant, sinon davantage de plaisir. Et j'apprécie toujours ma chance de pouvoir m'offrir ces sorties qui non seulement m'enrichissent l'esprit, mais me permettent de partager ce plaisir avec les autres spectateurs. Je rencontre souvent, parmi eux, des gens que je connais et que j'estime.

Je ne rédige pas toujours un billet (sur ce blogue) à propos des événements fréquentés. Il arrive que j'aime bien un spectacle ou un concert, mais que je n'aie rien de particulier à en dire.

Je me contente régulièrement d'un statut sur ma page Facebook, ou même d'une discussion avec Jack. Beaucoup moins sorteux que moi, ce dernier préfère la plupart du temps entendre mon compte rendu et l'envisager à la lumière de ses connaissances et de ses opinions.

Parfois même c'est lui qui publie sur son blogue un billet au sujet d'un truc que j'ai vu!

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Outre les spectacles vus au Saguenay, j'ai ajouté les billets d'expositions (5) que j'ai vues et de concerts (2) auxquels j'ai assisté à Montréal.

Tout cela représente un énorme travail, fastidieux et répétitif à l'occasion, beaucoup de vérifications, de corrections, de reprises.

Ce n'est jamais vraiment fini d'ailleurs. Il y a encore plusieurs corrections et modifications à apporter sur mon site Billets de concert. Mais comme je l'ai déjà écrit, cela me passionne et m'aide probablement à garder mon esprit alerte et fonctionnel.

 

 

04/02/2014

Une revue, des créateurs, des trésors

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(Ozias Leduc: portrait de Florence Bindoff, 1931-1935. © MNBAQ, Collection du Musée national des beaux-arts du Québec)

Ne vous attardez pas au titre, qui peut paraître rébarbatif. Courez au CNE de Jonquière pour voir l'exposition  Vers un renouveau artistique autour de la revue Le Nigog, 1918, présentée jusqu'au 20 avril. Vous serez mis en présence de plusieurs grandes oeuvres, et de quelques chefs-d'oeuvre de l'art québécois.

Le titre désigne le fil conducteur qui a présidé au choix de ces oeuvres: essentiellement, il s'agit d'artistes présentés (sous un jour favorable) par le magazine mensuel Le Nigog, fondé en 1918 et qui dut fermer après la publication de 12 numéros.

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(Napoléon Bourassa, Les petits pêcheurs, vers 1865. © MNBAQ, Collection du Musée national des beaux-arts du Québec)

C'est peu de dire que cette revue "moderniste", qui voulait éveiller l'intérêt et stimuler la curiosité des lecteurs envers la littérature et l'art contemporain fut mal accueillie:

"Proclamant la primauté de la forme sur le sujet comme condition d'un art universel, les rédacteurs en chef se font immédiatement des ennemis. Les régionalistes sont horrifiés : la revendication du formalisme détruit la sérénité avec laquelle ils avaient appuyé la pensée de la société conformiste."

Les toiles et sculptures de ces artistes modernes cne,jonquière,mnbaq,québec,charles gille,ozias leduc,peintres québécois,adrien hébertpour l'époque (début du 20e siècle) ont longtemps dormi dans les voûtes du Musée national des Beaux-Arts du Québec, qui a préparé cette superbe exposition itinérante. Certaines d'entre elles furent très difficiles à retrouver, m'a expliqué le guide qui m'a accueillie au CNE, ajoutant que plusieurs d'entre elles sont montrées au public pour la première fois.

Pas difficile aujourd'hui, en visitant l'exposition, de comprendre pourquoi le nom de leurs créateurs est parvenu jusqu'à nous: ce sont des artistes sérieux, épris de liberté, capables de réflexion et techniquement sûrs d'eux-mêmes. On n'en est pas encore à l'abstraction, mais on peut observer sur leurs toiles des signes (choix des couleurs, attitudes et expression des sujets, perspective, construction) de leur éveil et de leur aspiration à sortir du cadre institutionnel et traditionnel.

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(John Lyman: Corinne, 1919. © MNBAQ, Collection du Musée national des beaux-arts du Québec)

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(Adrien Hébert: Léo-Paul Morin, 1922. © MNBAQ, Collection du Musée national des beaux-arts du Québec)

Du titre de l'exposition, il faut somme toute retenir les mots "renouveau artistique". Et se rappeler que des gens, les rédacteurs du Nigog dans ce cas, ont travaillé fort et affronté les préjugés pour faire progresser la pensée de leur temps.

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(Charles W. Simpson: Falaise de Gaspé © MNBAQ, Collection du Musée national des beaux-arts du Québec)

Ce sont les portraits que j'ai le plus aimés dans cette exposition. Ceux que je présente sur cette page: l'énigmatique Florence Bindoff par Ozias Leduc, l'impertinente Corinne de John Lyman, et le pensif Léo-Paul Morin, par Adrien Hébert, un peintre que j'aime beaucoup, dont l'exposition présente aussi les magnifiques Élévateurs à grains du port de Montréal.cne,jonquière,mnbaq,québec,charles gille,ozias leduc,peintres québécois,adrien hébert

Et aussi Le vieux paysan canadien français de Suzor-Côté et le joueur d'échecs de Charles Gill (le tableau s'intitule Le problème d'échecs).

En entrant dans la salle, on peut admirer  Le pêcheur à la nigogue, reproduction à l'échelle d'une sculpture de Louis-Philippe Hébert installée sur la façade du Parlement de Québec. Une nigogue, ou un nigog comme le titre de la revue, est le harpon traditionnel des amérindiens.

20/12/2013

Tiré par les cheveux

Coiffure, salons, jeux de mots, Topito

Le site humoristique Topito, auquel je suis abonnée via Facebook, propose une liste intitulée ToTop 60 des noms de coiffeurs en jeux de mots, les devantures sup’hair drôles.

Des noms de boutiques comme comme

  • Frang'in
  • Je fais ce que cheveux
  • KiKoop
  • La raie-création,

c'est rigolo... bien qu'un peu tiré par les cheveux!

Mais ce qui m'a frappée surtout, c'est que plus de la moitié de ces noms sont des calembours formés avec le mot anglais "hair", qui remplace les syllabes homophones de mots français "air", "aire", "ère", etc. Par exemple:

  • ABC d'Hair
  • Adult'hair
  • Hair Force
  • Hair France
  • Mission Hair!!!

Les heureux propriétaires de ces boîtes ne semblent pas avoir noté que "hair" est un mot anglais, et qu'il s'intègre bien mal, pour cette raison, à leurs jolis calembours.

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Ce genre de nom serait assez inimaginable au Saguenay-Lac-Saint-Jean, où l'utilisation de mots anglais est très mal perçue.

D'ailleurs les coiffeurs et coiffeuses d'ici ne sont pas très portés sur les jeux de mots. On trouve bien L'En-Tête ou Coiffure Homégars, mais en général, le nom des salons de coiffure est plutôt banal, c'est celui du quartier, du ou de la propriétaire (Lionel, Viger, Gigi, Marilyn) ou  de la chaîne (Rhendo, Jacques Despars).

(À Montréal, j'ai trouvé quelques noms issus d'un calembour avec "hair": Lucifhair, L'Hair pur, mais c'est assez rare tout de même).

Voilà une différence culturelle entre nous et les Français: nos noms de coiffeurs sont "plates" mais corrects. Les leurs, plus drôles et plus échevelés, témoignent tout de même de leur idolâtrie envers le moindre mot anglais.

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Une autre différence, qui n'a pas de rapport avec l'anglais, mais qui est aussi une question de langue: quelques noms de salons (Ainsi soit Tif, Intui'Tif) jouent plutôt avec le mot "tif" ,  qui désigne le cheveu en langue argotique. Fort rare sinon absent des noms donnés aux salons de coiffure québécois, pour la raison qu'il n'est pas utilisé dans la langue parlée ici.

Un de nos cousins réussit même à utiliser hair et tif dans le nom de sa boutique:

Faudra'Tif'Hair!

 


07/11/2013

Camus et les hommes

ALbert Camus, l'Étranger, Nice, théâtre de la ville, 100 ans

Albert Camus est né le 7 novembre 1913: il aurait donc aujourd'hui 100 ans.

Bien sûr j'ai lu La Peste et L'Étranger pendant mes études universitaires. Des romans extraordinaires. Puis j'ai lu autre chose et je n'y ai plus pensé souvent, sauf à la faveur d'un article dans un magazine, d'un reportage à la télé, d'un exemplaire aperçu en librairie.

Ou d'un anniversaire, comme aujourd'hui, qui me ramène à mon séjour à Nice en 2003. Un soir je suis allée au Théâtre de la Cité pour voir L'Étranger, adapté par le fondateur et alors directeur de ce théâtre niçois Meyer Cohen, né au Maroc.

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Une production modeste, comme l'étaient les moyens de cette troupe et de ce théâtre, et néanmoins intéressante et prenante. La salle n'était pas grande, ni pleine. Il y a eu discussion avec le metteur en scène et les comédiens après la représentation. Des artisans du théâtre qui prenaient leur métier au sérieux et le faisaient bien, loin des feux médiatiques. La pièce était bien jouée, dans le respect du texte et de l'esprit de ce roman qui commence par ces mots:


Aujourd'hui maman est morte.



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(L'Étranger est à mon avis le meilleur roman d'Albert  Camus. Il a été classé au premier rang des 100 meilleurs livres du XXe siècle, selon Le Monde et la FNAC).

 

 

 

 

 

 En ce soir d'avril 2003 à Nice, quelle émotion d'entendre ces mots, dits par le narrateur Meursault, qui raconte comment il a tué un homme sans véritable raison:

 Alors, j'ai tiré encore quatre fois sur un corps inerte où les  balles s'enfonçaient sans qu'il y parût. Et c'était comme quatre coups brefs que je frappais sur la porte du malheur.


    ...tandis que la bande sonore faisait entendre le motif initial de la cinquième symphonie de Beethoven: quatre notes que le compositeur désignait lui-même comme le thème du destin.

Ce fut l'un des beaux moments de ma vie culturelle et personnelle.

Note: J'ai eu tort de délaisser Camus. Je devrais le relire sans cesse. Entre autres (mais pas seulement) pour ses constats lucides et désespérés, tout à fait d'actualité, comme ceux-ci:

      Celui qui désespère des événements est un lâche, mais celui qui espère en la condition humaine est un fou. (Carnets)

      Gouverner, c'est voler, tout le monde sait ça. (Caligula)

      La société politique contemporaine: une machine à désespérer les hommes. (Actuelles)

28/10/2013

Quand le nez n'en fait qu'à sa tête

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Par curiosité, je suis allée voir Le Nez, de Dmitri Chostakovitch, projeté au cinéma Jonquière  en direct du Metropolitan Opera. Intitulé donc The Nose et chanté en russe avec sous-titres anglais. Je savais que ce serait bien différent des productions habituelles.

Et ce fut vraiment très différent. Musique actuelle, rythmes et pulsations, percussions, dissonances: intéressante par endroits, un peu indigeste à la longue. Heureusement, l'oeuvre a battu un record de brièveté pour ces diffusions: 130 minutes, sans entracte.

C'est une histoire absurde et rigolote inventée à l'origine par Nicolas Gogol: en se réveillant un matin, un homme constate qu'il n'a plus de nez. Pas de blessure, pas de sang, juste l'absence du nez, un vide au milieu du visage.

Le nez est tout simplement parti vivre sa vie (!), se promener dans toute la ville, acquérir un statut social un peu plus élevé que celui de son propriétaire, à qui il est finalement rendu.

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Sur scène, le chanteur Paulo Szot (on l'entend dans un extrait de The Nose sur la vidéo ci-dessus), a son nez bien planté au milieu du visage tout en mimant les tourments d'un Kovalyov qui en serait privé. Fantastique et grotesque, ce nez a pris la taille d'un homme et se déplace sur deux jambes sous deux aspects différents: marionnette en 3D tapissée de papier journal, ou ombre chinoise en deux dimensions: blanc ou noir, donc.

De toute façon, on n'en est pas à une absurdité près dans cette histoire qui pour ainsi dire ne tient pas debout. Elle semble n'avoir pour seul but que de distraire et d'amuser, par ses touches comiques et son sens du ridicule.

Côté plus sérieux, voyons-y l'évocation d'une certaine forme de trouble du comportement, soit l'inévitable schizophrénie induite par les ukases contradictoires qui assaillent le citoyen pris dans l'étau d'un régime totalitaire. C'est le double message, Kafka et Jarry, l'utopie incarnée, la chimère promue au rang de fait avéré, le mensonge au pouvoir.

Comète singulière tentant d'ébranler nos certitudes opératiques, ce Nez paré d'une inquiétante étrangeté nous amuse, nous agace et/ou nous fait réfléchir.

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Les -très nombreux- chanteurs m'ont semblé plutôt bons. Je dis m'ont semblé car je ne connais pas une seule note de la partition et je ne puis dire s'ils chantent juste et ou bien. Cependant j'ai pu apprécier leur jeu, qui est excellent.

La mise en scène signée William Kentridge (qui disait en entrevue avoir conçu le personnage du nez en s'inspirant de son propre appendice, assez imposant merci!) est graphique, agrémentée de textes qui bougent, de dessins animés, d'objets fantaisistes qui saturent les paysages urbains et circonscrivent quelques intérieurs improbables plantés de guingois. Peut-être un peu d'exagération de ce çoté-là, mais tant qu'à faire dans la folie...

Bref, c'était une expérience à vivre, intéressante, réjouissante et troublante. Néanmoins je préfère quand même les bons vieux opéras classique comme Carmen ou Don Giovanni et même, dans la fantaisie, La Flûte enchantée ou Cendrillon.

11/09/2013

Femme, hermine et beauté

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J'ai découvert cette toile magnifique, La Dame à l'hermine de Léonard de Vinci, en jetant un coup d'oeil à l'émission Le grand tour de TV5. Bien sûr je connais La Joconde, je l'ai vue en personne et même photographiée (événement évoqué ici) au Musée du Louvre, et elle est très belle.

Mais cette Dame à l'hermine (peinte vers 1488-1490) fut une découverte pour moi, car je la trouve encore plus belle. À cause de ce visage juvénile, à la fois paisible et expressif. Peut-être aussi à cause de la présence d'un animal, l'hermine, dont le pelage semble palpiter doucement sous la main qui le caresse. C'est un portrait (de Cecilia Gallerani) extraordinaire, gracieux, vivant, raffiné, tendre et serein.

Comment peut-on, me suis-je demandé encore une fois, avec un pinceau et quelques couleurs, produire une image qui dégage autant de vérité et d'humanité, un tableau qui traverse les siècles et soulève autant d'émotion chez celui qui le regarde. C'est le mystère de la création artistique. Le mystère du génie, et Léonard de Vinci en était un, cela ne fait aucun doute.

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J'en suis encore tout éblouie et c'est pourquoi je vous présente ce chef d'oeuvre, qui appartient au musée Czartoryski à Cracovie, en Pologne.