Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

12/04/2017

Vent et mouvement

Louise Bouchard, Valérie Milot, Jean-Michel Malouf, orchestre symphonique du saguenay-lac-saint-jean, Nicolas Gilbert, Mozart, Beethoven

Valérie Milot (photo: Krystine Buisson, Le Nouvelliste)

Nous y allions pour la Septième, bien sûr. Présentée en deuxième partie, elle m'a entièrement comblée. L'extraordinaire 2e mouvement, allegretto qui s'ouvre andante, s'amplifie, danse, marche et s'achève sur une note très douce, comme suspendue dans le temps et l'espace.
Non seulement entendre, mais voir jouer cette oeuvre géniale, observer le travail des sections et deslouise bouchard,valérie milot,jean-michel malouf,orchestre symphonique du saguenay-lac-saint-jean,nicolas gilbert,mozart,beethoveninstrumentistes, comment le relais passe des uns aux autres: un régal!
La fougue du chef qui insiste sur les passages emportés et passionnés: une fin de concert éblouissante. Le public, très nombreux, a applaudi longtemps, mais après une telle oeuvre et une telle prestation, il n'y avait pas de rappel possible, histoire de nous laisser goûter encore longtemps ce que nous venions d'entendre.
Le duo flûte et harpe, en accord avec l'orchestre, a été aussi très bien, avec cette agilité des deux musiciennes à se répondre, à reprendre chacune les mélodies et les variations du merveilleux Mozart: on entendait très bien chacun des deux instruments qui par essence ne sonnent pas très fort.
Pour la première oeuvre, c'était bien que le chef donne quelques explications  avant de la jouer, cela nous a permis de bien suivre le développement de ces notes et accords un peu étranges. Son amis Nicolas Gilbert, le compositeur de cette pièce, a aussi écrit un roman intitulé Le joueur de triangle, racontant la vie d'un musicien d'orchestre. Le personnage du chef de l'orchestre a été inspiré à l'auteur par Jean-Michel Malouf, nous soulignait ce dernier.

Concert : Vent et mouvement
Orchestre symphonique du Saguenay-Lac-Saint-Jean
Chef: Jean-Michel Malouf
Solistes: Valérie Milot, harpe, Louise Bouchard, flûte
Programme: Nicolas Gilbert: À l'Aube
Wolfgang Amadeus Mozart: Concerto pour flûte et harpe en do majeur KV 299
Ludwig Van Beethoven: Symphonie en la majeur no 7

Le dimanche 26 mars 2017 au Théâtre Banque nationale, Saguenay

28/03/2017

Idoménée, roi de Crète

Idomeneo, re di Creta, de Mozart, en direct du Metropolitan Opera
Vu le samedi 25 mars 2017 au Cinéma Apéro de Jonquière

Idomeneo, opéra, Metropolitan, Maahew Polenzani, James Levine, Cinéma Apéro

Un opéra moins connu de Mozart, on se demande pourquoi.Idomeneo, opéra, Metropolitan, Maahew Polenzani, James Levine, Cinéma Apéro
Superbe production, signée Jean-Pierre Ponnelle.

Les plus:
1 - La fabuleuse musique du génial Wolfgang Amadeus.
2 - Matthew Polenzani en Idoménée: voix, physique, émotion: il EST ce roi tourmenté à la perspective de sacrifier son fils au dieu Neptune. Les ornementations ne lui font pas peur, comme on peut le voir sur cette vidéo:
https://www.youtube.com/watch?v=FXzECHpshmI
3 - Elza van den Heever en Elettra, le faux accord dans cette symphonie de personnages bons, purs et aimants.  Dans son immense robe noire, avec rouge à lèvres et maquillage outré (on pense à la Reine de la Nuit) elle chante avec une parfaite maîtrise et nous offre un jeu intense légèrement teinté de second degré.
4 - Nadine Sierra, qui chante le rôle d'Ilia avec une voix fraîche et pure.
5 - Mise en scène dépouillée, décor unique, choeurs, jeu des interprètes.
6 - L'orchestre du Met, dirigé par le toujours magistral(!) James Levine. Pendant un entracte, une vidéo nous le montre, beaucoup plus jeune, en répétition avec Jessye Norman (elle aussi très jeune) pour l'opéra Ariadne auf Naxos: fabuleux!

Les moins:
1 - Alice Coote, dans le rôle d'Idamante, fils d'Idoménée et amoureux d'Ilia, est le maillon faible de ce quatuor d'interprètes. Mal à l'aise, peu expressive, elle chante correctement, mais sans éclat.
2 - Deux entractes interminables, inexplicablement vu qu'il n'y a pas de changement de décor.
3 - Le troisième et dernier acte. Sauf le grand air de la folie d'Électre, absolument magnifique, cette partie m'a semblé (peut-être à cause du long entracte qui avait précédé) moins intéressante musicalement que les précédentes.

Ces quelques irritants n'ont toutefois pas gâché mon plaisir et j'ai passé un après-midi magique.

19/11/2015

Troublantes ressemblances

renée fleming,liza frulla,justin trudeau,david altmejd,bernard drainville,paul doucet

Vous reconnaissez peut-être les personnes ou personnages de cette mosaïque. Je vous les présente pour leur ressemblance, dans le style Séparés à la naissance*.

 

Les dames d'abord. Liza Frulla (à gauche), ancienne ministre libérale (au provincial et au fédéral), analyste politique, commentatrice pour la télévision, récemment nommée directrice générale de l'ITHQ.

 

renée fleming,liza frulla,justin trudeau,david altmejd,bernard drainville,paul doucetrenée fleming,liza frulla,justin trudeau,david altmejd,bernard drainville,paul doucet

Et la soprano états-unienne Renée Fleming, une vraie star de l'opéra, que j'ai vue et entendue plusieurs fois dans les productions du Metropolitan Opera présentées au Cinéma Jonquière. C'est le seul élément de mon modeste trio qui ne soit pas québécois.

Le sourire, la forme des yeux, les cheveux: elles se ressemblent, il me semble.

____________________________________________________________________________________________

 

Le deuxième couple est celui que forment Bernard Drainville (à gauche), député du Parti québécois dans Marie-Victorin, ancien ministre et ancien journaliste, et Georges Sainte-Marie, l'aumônier de la prison de Lietteville dans la série Unité 9.

renée fleming,liza frulla,justin trudeau,david altmejd,bernard drainville,paul doucetrenée fleming,liza frulla,justin trudeau,david altmejd,bernard drainville,paul doucet

Je dis bien Georges, car c'est sous les traits de ce personnage que le comédien Paul Doucet ressemble à l'homme politique: dans ses autres rôles, ou dans la vraie vie, c'est un peu moins évident.

 

____________________________________________________________________________________________

 

Et enfin, une ressemblance d'autant plus troublante que l'un des éléments n'est pas une vraie personne, mais un être modelé par le sculpteur David Altmejd. Cette créature était l'un des innombrables éléments de sa formidable exposition Flux, présentée l'été dernier au Musée d'Art contemporain de Montréal.

renée fleming,liza frulla,justin trudeau,david altmejd,bernard drainville,paul doucetrenée fleming,liza frulla,justin trudeau,david altmejd,bernard drainville,paul doucet

Sa ressemblance avec Justin Trudeau (devenu depuis Premier ministre du Canada!), m'avait tout de suite frappée et je me suis empressée de photographier cette étrange figure.

 ____________________________________________________________________________________________

 *Par référence à la rubrique hebdomadaire Séparés à la naissance de La Presse, qui présente deux personnes ou personnages connus du public qui se ressemblent de façon plus ou moins évidente. J'ai déjà envoyé la suggestion Liza Frulla/Renée Fleming pour cette rubrique, mais elle n'a pas été publiée. Je crois que la section n'est plus très active car on y repasse des propositions déjà publiées.

14/10/2015

Corps de ballet

Ballet au cinéma, ballet Roméo et Juliette, Giselle, Jonquière

Sergei Polunin et Svetlana Zakharova dans Giselle

 

En plus des opéras du Metropolitan, présentés depuis dix ans, le cinéma Jonquière vient d'ajouter de la danse à sa programmation. Des ballets filmés au Royal Opera House de Londres et au théâtre Bolchoï de Moscou sont projetés certains dimanches en après-midi. (Le programme est ici).  

Comme cet art que j'apprécie est plutôt rare sur nos scènes, je me suis réjouie de pouvoir y accéder sur un grand écran près de chez moi. Les médias québécois n'en ont guère parlé...
Après en avoir vu deux (Roméo et Juliette, du ROH,  et Giselle, du Bolchoï ), je puis dire que l'expérience est totalement différente de celle de l'opéra.
Visuellement, d'abord. Au ballet, les danseurs-acteurs sont jeunes, minces, bien faits. Les femmes, filiformes, ont des seins minuscules.
Les rondeurs, ce sont plutôt celles des hommes: fesses et sexe bien emballés dans un tissu élastique serré qui les met en valeur, muscles proéminents et mobiles des mollets, des cuisses, des épaules.
Les spectateurs qui fréquentent ce royaume de la poitrine plate et de la fesse rebondie apprécient particulièrement l'exploit physique. Dans la salle dorée du Bolchoï, il applaudissent la moindre série de pointes, de sauts ou d'entrechats, ce qui est un peu agaçant pour ceux qui voient le spectacle dans une salle de cinéma. (À l'opéra, on applaudit rarement en cours de représentation, sauf pour quelques grandes arias).

ballet au cinéma,ballet roméo et juliette,giselle,jonquière

Sarah Lamb et Steven McRae dans Roméo et Juliette

 

Esthétiquement ensuite. Le visage des danseurs est très expressif, parfois un peu trop car ils doivent compenser l'absence de parole ou de texte par des mimiques très appuyées. Il est par conséquent difficile d'adhérer à leurs sentiments, d'autant plus que la trame narrative (du moins dans le cas de Roméo et de Giselle) est peu vraisemblable.

Je suis donc restée là, appréciant les mouvements d'ensemble, la grâce des gestes, les exploits acrobatiques, la musique aussi, mais distante, sans véritable émotion. Comme je peux en éprouver à l'opéra, quand la voix vibre et soulève en moi un écho humain.
Ces deux ballets filmés ressemblaient par moments à de vieilles choses fantomatiques et glacées.(1)
Il leur manque quelque chose, quelque chose comme... la vie.

Notes
PS(1) Je pourrais éventuellement changer d'avis ou modifier ma perception, par exemple en assistant à des projections de ballets plus modernes.


PS(2) Il m'a semblé dimanche dernier que Svetlana Zakharova, la danseuse étoile du Bolchoï qui interprétait Giselle, manquait un peu d'équilibre: ses jambes vacillaient parfois après des pointes ou un déplacement latéral. Elle a carrément chuté une fois, se relevant aussitôt de sorte que l'événement fut vite oublié. Mais c'était troublant...

03/10/2015

Couleur et douleur

mnbaq, musée, prison des plaines d'Abraham, pavillon Charles Baillairgé

Jolies couleurs, jolie photo... histoire autrefois sombre, aujourd'hui lumineuse!

C'est la tour de guet de l'ancienne prison de Québec. Appelé aussi "prison des plaines d'Abraham", ce beau bâtiment abrite  maintenant le pavillon Charles-Baillairgé (du nom de son architecte) du Musée national des beaux-arts.


Quelques-uns des cachots ont été préservés (rénovés et modernisés)  et sont accessibles aux visiteurs. On peut même entrer dans ces cellules, ce que j'ai déjà fait... Cela donne une -très petite- idée de l'enfer vécu par les occupants de ces minuscules réduits.

mnbaq,musée,prison des plaines d'abraham,pavillon charles baillairgé
La prison est devenue musée. C'est dire que les toiles et les oeuvres de créateurs ont succédé aux prisonniers qui y furent enfermés et souffrirent de la faim, du froid, de la maladie, des mauvais traitements et autres souffrances inhérentes à leur situation, bien pires autrefois qu'aujourd'hui.


À l'époque où l'on y enfermait de pauvres gens, l'élégance, la beauté et l'originalité étaient celles du bâtiment lui-même (construit entre 1861 et 1867), dues à l'architecte Charles Baillairgé. Dans son édifice de style Renaissance italienne, il a intégré nombre d'éléments originaux, dont cette tour de guet "composée de deux lanternes octogonales superposées".
Autres fins détails architecturaux à signaler: soubassement surhaussé, corniche à modillons, hautes fenêtres cintrées, tirants en fer masqués par des pièces métalliques ornées de grotesques.


D'autres informations sur cet édifice et sa construction au bout de ce lien.

26/09/2015

La mer dans la mer

Deux peintres de Boston, deux marines, deux visions contrastantes, une même époque. Deux toiles de la très belle exposition Inspiration Japon. J'ai eu la chance de la visiter quelques jours avant sa clôture (dimanche 27 septembre), au Musée national des beaux-arts du Québec,

Le premier tableau, signé Hermann Dudley Murphy, s'intitule La mer Adriatique. Calme plat, horizon ouvert, bleu dans le bleu, blanc, gris, rose teintés de bleu:

mnbaq,inspiration japon,hermann dudley murphy,charles herbert woodbury,québec,musée

Le deuxième, de Charles Herbert Woodbury, a pour titre Au large de la Floride. Le ciel rose est moins tourmenté et occupe beaucoup moins d'espace que la mer, dont les eaux s'agitent  dans une infinité de teintes: bleu, vert, turquoise, marine, noir, blanc.

mnbaq,inspiration japon,hermann dudley murphy,charles herbert woodbury,québec,musée

Ces deux toiles. accrochées très près l'une de l'autre, m'ont fait penser à ces vers de Baudelaire:

 

Mais où la vie afflue et s'agite sans cesse
Comme l'air dans le ciel et la mer dans la mer

 

dans le premier paragraphe du poème Les Phares, qui porte sur Rubens.

Voici Le Bassin aux nymphéas, de Claude Monet, et ensuite la bannière qui annonce l'exposition:

mnbaq,inspiration japon,hermann dudley murphy,charles herbert woodbury,québec,musée

mnbaq,inspiration japon,hermann dudley murphy,charles herbert woodbury,québec,musée

Il était permis de photographier les oeuvres, ce que j'ai fait. Même si la qualité n'est pas terrible,  j'éprouve une petite fierté à présenter des photos que j'ai prises moi-même.

Peut-être qu'il y en aura d'autres dans les prochains billets.

27/04/2015

Opéra: bon Pag, bad Cav*

Cavalleria Rusticana, metroplitan oêra

Les anglophones appellent Cav/Pag, ou encore Cav and Pag le programme qui réunit habituellement les opéras Cavalleria Rusticana, de Pietro Mascagni et Pagliacci, de Leoncavallo.
Leur relative brièveté (70 minutes chacun environ) permet de les présenter en une seule soirée. Ils ont aussi en commun l'époque de leur création (1890-1892), et leur style texto-musical: le vérisme italien.
Ils avaient également en commun, dans cette production du Metropolitan Opera (vue en direct samedi au cinéma Jonquière), deux interprètes de rôles principaux, ainsi que le metteur en scène David McVicar, le chef d'orchestre Fabio Luisi et l'équipe de production.


Cependant pour moi, tout les a séparés: j'en ai aimé l'un et pas l'autre.


Cavalleria Rusticana, présenté en premier, m'a semblé sombre, triste... et bien long!
Peu de substance pour les chanteurs, sauf quelques airs. La soprano Eva-Maria Westbroek erre sur la scène pendant la sublime et très longue ouverture orchestrale, multipliant les expressions angoissées ou désespérées, se tordant les mains et se tenant le ventre (elle est enceinte...) pendant que l'orchestre joue et que les villageois se promènent un peu partout ou tournent sur le plateau mobile sans avoir eux-mêmes grand-chose à faire.
Quand elle chante enfin, c'est quasi désastreux: timbre désagréable, ton mal ajusté. Ses partenaires sauvent la mise, vocalement parlant, mais je suis demeurée de marbre: impossible pour moi de croire à ce drame de l'honneur trahi et de la jalousie, car rien de tout cela ne m'est apparu vraiment incarné dans le jeu ou dans la voix.

paillasseMet.jpg

Par contraste, Pagliacci fut un régal du début à la fin.
Un propos riche qui pose des questions sur la représentation et le réel, une pièce dans la pièce, une mise en abyme où la tragédie fait brutalement irruption dans la commedia dell'arte.
Dans un décor de cirque ambulant, Paillasse, Colombine et Arlequin sont projetés dans les années 50 et servis à la sauce américaine, à la fois les personnages et ceux qui les incarnent avec une vulgarité bien assumée. Drame exposé rapidement et conclu rondement, émaillé de quelques grands airs.

Côté distribution, après leurs efforts demeurés vains dans dans Cavalleria, le ténor Marcelo Àlvarez offre un bouleversant Canio-Pagliaccio (ci-dessous dans Vesti la giubba) et le baryton George Gagnidze présente un Tonio-Taddeo assez honnête.

airVesti.jpg

La soprano Patricia Racette (Nedda-Colombine), très en chair et en voix, conduit le tout avec une belle assurance.

Seul Lucas Meachem, le colosse qui interprète Silvio, l'amant de Nedda, laisse une étrange impression: sa voix pourtant agréable semble carrément faible, éteinte, peut-être à cause d'une mauvaise prise de son, je ne sais trop.
Annoncé dès le début, le drame se développe par touches progressives et se conclut dans le sang, sur une musique formidable, qui vibre bien sous la baguette de Fabio Luisi.

 ________________

* Ce titre est un clin d'oeil au film québécois Bon Cop, Bad Cop, réalisé en 2006 par Éric Canuel

** Le critique du Devoir Christophe Huss a quant à lui davantage aimé Cavalleria Rusticana

*** C'était le dernier opéra du Met présenté au cinéma pour la saison 2014-2015

**** A Montréal et dans plusieurs grandes villes, des reprises de ces opéras déjà diffusés seront présentées au cours des mois qui viennent

***** Au programme de la saison 2015-2016: Il Trovatore, Otello, Tannhaüser, Lulu, Les Pêcheurs de perles, Turandot, Manon Lescaut, Madama Butterfly, Roberto Devereux et Elektra.

 

26/02/2015

Guernica: le choc

Guernica, Picasso, Musée Reina Sofia, Madrid, choc, guerre, bombardement

Si les chefs-d'oeuvre que j'ai eu la chance de voir au cours de mes voyages sont tous remarquables pour leurs qualités esthétiques (trait et couleur, composition, choix et traitement du sujet), ils ont tous aussi, pour mériter le titre de chef-d'oeuvre, quelque chose de plus.

Un supplément de vie ou de signification, à la fois perceptible et indéfinissable, qui exhausse l'oeuvre à un niveau supérieur. Toujours on a cette impression singulière de communiquer directement avec l'artiste, avec sa pensée, avec son âme. Et on ressent fortement diverses émotions, selon la nature de l'oeuvre: exaltation, apaisement, joie, tristesse, admiration, par exemple.

On peut aussi ressentir un choc, une violente secousse, comme un coup en plein coeur.
C'est ce que j'ai éprouvé devant l'immense Guernica, de Pablo Picasso, au Musée Reina Sofia de Madrid. Un magnifique musée, d'ailleurs, où j'ai vu des toiles et des sculptures extraordinaires, signées Dali, Miró, Kandinsky, Man Ray entre autres. 
Mais Guernica est tellement bouleversant qu'il m'a peut-être empêchée de bien voir toutes ces autres oeuvres.

Bouleversée, sidérée je suis demeurée longtemps devant la toile (comme le font la plupart des visiteurs), cherchant à en retenir tous les détails en même temps que j'aurais préféré ne pas les voir. Car elle montre les horreurs de la guerre, et plus généralement la cruauté dont peut faire preuve l'être humain.

La toile est si grande qu'on a l'impression d'y être, d'entrer dans ces massacres, ces prisons, de toucher les corps brisés, les visages suppliants de cette mère tenant son enfant mort, de cet homme allongé, de ce cheval transpercé, de sentir le contact de ces pointes acérées.
On s'accroche à la petite fleur, dessinée au centre, dans la partie inférieure du tableau, comme à une minuscule lueur d'espoir, bien tremblotante sous l'éclairage cru de la lampe à l'huile et de l'ampoule nue.

Tout cela sous le regard d'un taureau dont on ne sait s'il est bienveillant, inquiet ou lui-même bourreau.

Puis on se rend compte que tout ça est en noir et blanc. Le noir et blanc pour évoquer des situations où coule le sang: quel trait de génie!

La toile (présentée pour la première fois en 1937 à l'Exposition universelle de Paris, au pavillon espagnol), évoque un événement précis: le bombardement de la ville de Guernica, exécuté par des troupes allemandes nazies et fascistes italiennes, sous les ordres des nationalistes espagnols.

Quelle colère, quelle rage, quelle révolte ont animé Picasso et guidé son élan créateur, l'incitant à jeter sur sa toile toutes ses forces vives!

09/10/2014

Reine de la nuit, à jamais

cristina deutekom,mozart,la flûte enchantée,reine de la nuit,opéra

Au cours d'une discussion récente avec des amis, il fut question de musique, d'opéra et de divas telles que la Callas, la Tébaldi, Joan Sutherland...

et...  Cristina Deutekom!
Quelques recherches sur la Toile m'apprirent qu'elle était néerlandaise, et non allemande comme je l'avais toujours cru. Et qu'elle est décédée très récemment, le 7 août dernier, à l'âge de 82 ans. Je n'avais même pas appris sa mort, et pourtant...
Jack et moi l'avons découverte il y a plus de 35 ans, chez d'autres amis qui nous avaient fait écouter ses deux arias de la Reine de la Nuit, dans La Flûte enchantée de Mozart.
Un timbre pur, agile et juste, un exploit vocal quasi surhumain qui offre à l'auditeur un voyage  bref et intense dans un paroxysme de beauté, de luminosité, dans un au-delà de l'écoute et de la musique normales.

Cliquer sur cette image pour la voir et l'entendre chanter l'un de ces deux airs,  Der Hölle Rache (La colère de l'enfer):

cristina deutekom,mozart,la flûte enchantée,reine de la nuit,opéra

Ce fut une découverte fabuleuse, et dès lors Cristina Deutekom devint pour nous la seule, unique et mythique Reine de la nuit.

Nous avons vu le beau film d'Ingmar Bergman, entendu plusieurs sopranos chanter ces deux airs. Certaines sont excellentes, notamment la Québécoise Aline Kutan, vue à l'Opéra de Montréal en 2009, et la Française Natalie Dessay, mais aucune ne s'approchait seulement de la performance de Cristina Deutekom: c'était elle, notre reine Christine.

L'enregistrement entendu chez nos amis était celui réalisé sous la direction de Georg Solti,  avec la Philharmonique de Vienne.

Outre la version complète de l'opéra, nous avons aussi acheté -et beaucoup écouté- le disque

cristina deutekom,mozart,la flûte enchantée,reine de la nuit,opéra

des extraits (pochette ci-dessus). J'ai gravé toutes ces arias (livrées par Deutekom et d'autres magnifiques interprètes) sur de multiples supports, elles m'ont accompagnée et m'accompagnent toujours dans tous mes déplacements en voiture.

Entre autres ce matin de 2009 où nous partions pour Montréal (nous allions précisément voir la Flûte à l'Opéra). Jack a glissé ce disque dans le lecteur de l'auto. Pour l'écouter en entier, cela nous a pris l'exact temps du parcours entre Arvida et l'Étape. Une heure qui a passé bien vite...

Voici le deuxième air, O zittre nicht (Ne tremble pas), chanté cette fois par Natalie Dessay (les acrobaties vocales sont surtout dans les deux dernières minutes):

cristina deutekom,mozart,la flûte enchantée,reine de la nuit,opéra

03/10/2014

Con, cave... concave

Karol Proulx, Jonquière, ballon-cave, art public, terrain de sport

Dernière oeuvre de Karol Proulx cueillie au fil de mes promenades à vélo. Pas de métal dans celle-ci, installée dans un parc près de la polyvalente de Kénogami. Une sorte de mur de maçonnerie, que l'on ne remarque pas si on ne fait pas attention.

Un petit air de ruine, aussi, comme le mur d'un édifice qui serait seul resté debout après un bombardement, un tremblement de terre ou simplement le passage du temps.

karol proulx,jonquière,ballon-cave,art public,terrain de sport

Mais quand on l'observe sous tous ses angles, on constate deux choses: ce mur est double, et ses deux parties sont courbées vers l'extérieur.

karol proulx,jonquière,ballon-cave,art public,terrain de sport

Au centre, là où les deux parties sont apposées l'une contre l'autre, il y a un trou, une ouverture circulaire qui passe de part en part, et par laquelle on peut apercevoir ce qui se trouve de l'autre côté.

karol proulx,jonquière,ballon-cave,art public,terrain de sport

Tout cela nous ramène au titre de l'oeuvre: "Ballon-cave". Tellement riche que je ne peux ici qu'en citer quelques possibilités, reliées aux multiples sens du mot "cave". Comme adjectif, assez rarement utilisé, il signifie creux, comme dans joues caves ou surtout veines caves: nous en avons deux, qui transportent le sang des organes vers le coeur.

Beaucoup plus répandu, l'adjectif concave signifie un peu la même chose, arrondi vers l'intérieur, arrondi en creux, par opposition à convexe, rond comme... un ballon.

Le ballon du titre est-il creux ou rond? Celui avec lequel on joue (ou jouait) sur ce terrain est convexe, et pourrait théoriquement passer par cette ouverture.

karol proulx,jonquière,ballon-cave,art public,terrain de sport

Cave, donc, c'est creux, enfoncé, mais aussi sombre, comme la cave (cette fois on passe au nom), la cave à vin, ou encore le sous-sol d'une maison ou d'un édifice. Antre mystérieux et inquiétant où se passent des choses étranges.

Un autre sens: au poker, la cave désigne la pile de jetons ou la somme d'argent dont dispose chaque joueur pour payer ses enjeux.

Pour terminer, revenons à l'adjectif. Quelqu'un qui est cave... n'est pas très brillant!

Une oeuvre fort intéressante, donc, qui permet de jouer avec tous les possibles de la langue et du ballon.

karol proulx,jonquière,ballon-cave,art public,terrain de sport