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26/01/2009

Orfeo: amour pur, plaisir intense

orfChoeurDanse.jpg

Orfeo ed Euridice de Gluck, est l’un des opéras du Metropolitan (présentés au cinéma Jonquière) que j’ai le plus aimés. Quelle musique! Cette très courte production (une heure et demie sans entracte) m’a littéralement enchantée. Très peu d’action: c’est en quelque sorte un long poème visuel et musical qui décrit toutes les nuances de l’amour, l’amour à la fois absolu et simple, qui rend la vie impossible sans l’être aimé.
La mise en scène de Richard Morris est parfaite: les 90 choristes portent costumes et accessoires qui les identifient à autant de personnages célèbres de l’histoire: Cléopâtre, Marie Antoinette, Oscar Wilde, Truman Capote, Abraham Lincoln...
Debout et immobiles (sauf pour quelques gestes des mains et du visage qui font penser à du mime, mais qu’on ne pouvait distinguer clairement dans la production filmée), sur une double galerie à trois étages (voir la photo), qui se sépare au besoin pour laisser un espace sur scène, ils sont beaux à voir et à entendre.
Le rôle d’Orphée est tenu par l’immense mezzo  Stephanie Blythe (photo): elle chante divinement et son visage est si expressif qu'elle n'est plus bientôt ni femme, ni homme: elle est tout simplement l'amour, qui se moque des sexes, des âges et du tempsblythe99a.jpg. La très belle Danielle de Niese chante fort bien et incarne à merveille la grâce et la beauté d’Eurydice, et Heidi Grant Murphy campe joyeusement un Cupidon (Amour) qui semble tout droit sorti d’une bande dessinée pour conduire Orphée aux Enfers.
Trois chanteurs, peu d’action: cela laisse beaucoup d’espace/temps aux superbes chorégraphies, qui jouent un rôle important dans l’oeuvre. Sur les tempi d’origine, sarabande, gavotte, gigue, menuet, les danseurs évoluent en vêtements d’aujourd’hui, jupes légères, robes de coton, jeans, capris, t-shirts, débardeurs, et ajoutent aux pas de ces ballets anciens des mouvements et expressions qui en font des danses modernes parfaitement adaptées à chaque scène. J’y ai même vu un clin d’oeil aux chorégraphies de West Side Story.
Pour une fois à l’opéra, l’histoire finit bien: contrairement au mythe originel, l’amour d’Orphée est si fort et si pur qu’il peut ramener Eurydice des Enfers, même s’il a été incapable de tenir sa promesse de ne pas la regarder ni lui dire ce qui se passe.
James Levine dirige avec âme son imposant orchestre, peut-être pas très fidèle à l’esprit baroque, mais je ne boude pas mon plaisir, qui fut intense.
Au cinéma Jonquière désormais, je retrouve à chaque représentation des opéras du Met (voir ci-dessous pour La Rondine) une bonne centaine de personnes, un noyau de fidèles, plus d’autres qui s’ajoutent au gré des semaines: la bonne nouvelle s’est répandue...

02/01/2009

Bye Bye 2008: épais et sympathique

tandem.jpgJ’écris sur le Bye Bye 2008 de Radio-Canada à chaud, c’est-à-dire le surlendemain, et sans l’avoir revu (Je voulais publier cette note le 1er janvier, mais j’ai été un peu occupée).
Un gros problème m’est apparu: le son. On ne comprenait rien de ce que chantaient les invités, et dans les numéros comiques, il y avait des passages difficiles à saisir, à cause de la prise de son.  Avec tout le budget injecté dans l’affaire, c’est étonnant qu’on n’ai pas songé à mieux soigner cet aspect.
J’ai ri, j’ai pesté, je me suis sentie gênée en écoutant cette mouture du Bye Bye concoctée par Véronique Cloutier, Louis Morissette et leur équipe.
J’ai ri aux gags de Jean-François Mercier, (photo de droite) l’épais de service.jfMercier.jpg Le plus drôle des numéros était à mon avis celui du MAPAQ débarquant chez un producteur, mitraillette au poing, pour faire la guerre aux méchants fromages: désopilant.
Suivi par le numéro sur Patrick Roy et sa famille. Femme battue, portes qu’on abat au lieu de les ouvrir: c’était gros, peut-être un peu trop étiré, comme la plupart des numéros, mais très drôle.
Julie Couillard -la vraie- au début, avec Louis Morissette, pas mal.
Les parodies de pub “moi j’vends” étaient bonnes, surtout celle de Tony Conte et de Stephen Harper (“moi j’pends”) mais l’idée de cette parodie a été copiée, chez Laflaque je crois.
Les gags sur les Jeux Olympiques étaient un peu ratés, la parodie de Denis Lévesque interviewant Barack Obama était tellement grosse que j’en étais gênée (il n’est sans doute pas si raciste que ça), mais l’imitation de Barack était hallucinante.

Ce qui n’allait pas
- Les numéros de variétés. Pourquoi Michel Louvain??? Il n’allait pas du tout avec les Lost Fingers, la musique était horrible, et je ne voulais pas le voir là de toute façon. Pierre Lapointe, j’aime bien, mais je me suis demandé ce qu’il faisait là.
- Le numéro du cirque Éloize, excellent en lui-même, n’avait pas rapport dans ce contexte.
- Le décompte vers 2009 manquait de punch.
- Les pubs de lait étaient trop “léchées”.
- Il y avait de toute façon beaucoup trop de pub.


Pour le reste, j’ai bien apprécié ma soirée.

26/11/2008

Théâtre CRI: génial

afficheparAmis.jpgJ'ai eu un un vrai coup de coeur vendredi soir. Pour la pièce Parents et amis sont invités à y assister, présentée par le Théâtre CRI.
Du roman de l'auteur saguenéen Hervé Bouchard, qui a connu un beau succès d’estime lors de sa parution il y a quelques années (et que je regrette maintenant de n’avoir pas lu), la metteure en scène Guylaine Rivard (photo) propose une adaptation remarquable, à la Guylaine Rivard.jpgfois originale, prenante, une pièce de théâtre originale et inventive, bien ancrée dans la réalité saguenéenne tout en ayant la valeur universelle d’un drame familial: mort et douleur et folie. Des êtres ordinaires se débattent avec leur propre vie et celle des autres, dans une scénographie pleine de sens, concrète et symbolique en même temps.
La langue est vivante, tour à tour comique, poétique, truffée de glossolalies, et le rythme s’apparente à celui du slam, articulation appuyée et ton quasi musical.
C’est tout à fait fabuleux comme spectacle, il mériterait de se promener partout au Québec et ailleurs. Mes collègues de la blogosphère en ont parlé ici et .
Si ça vous intéresse, il reste quatre représentations, de ce soir (mercredi 26 novembre) jusqu'au samedi 29 novembre.

24/11/2008

Met(tre) Lepage en images...

METdamnation.jpgSamedi après-midi, l’opéra La Damnation de Faust, d’Hector Berlioz, mis en scène par Robert Lepage, présenté au Metropolitan Opera de New York et diffusé en direct et en HD sur des milliers d’écrans de cinéma à travers le monde. Y compris au cinéma Jonquière, dont la salle s’est presque remplie pour l’occasion.
Une mise en scène typiquement lepagesque: on reconnaît le goût de RL pour les technologies de l'image, l’animation saccadée, le noir et blanc, le mélange des genres, et sa propension à miser sur l’effet hypnotique et émotif de la répétition, que l'on pouvait déjà apprécier l’été dernier à Québec avec son Moulin à images.
Il propose en fait une scène verticale, comme un écran de cinéma tendu du plancher au plafond, et visuellement découpé en cellules, sortes de fenêtres (que les Américains appellent  "calendrier de l'Avent"!) ou de portes donnant sur des pièces, des aires ouvertes, des paysages, des images fantasmagoriques où évoluent chanteurs, danseurs, figurants, personnages réels ou virtuels.
L’opéra, dirigé avec science et âme par le maestro James Levine, est musicalement intéressant, et raconte, à quelques nuances près, la même histoire (inspirée par le récit de Goethe, qui lui-même s’est inspiré d’un conte populaire allemand) que celle du Faust de Gounod... mais sans les grands airs.
Vocalement très correcte, la soprano Susan Graham s’avère convaincante et émouvante dans le rôle assez bref de Marguerite, le baryton-basse (canadien) John Relyea propose un Méphisto ironique et diabolique doté d’une assez belle voix. Dommage que le ténor Marcello Giordani en Faust gâche la sauce: sans attrait, sans véritable présence, il chante mal, et surtout, son jeu est plat, inexistant en fait, il ne transmet aucune émotionrLepage.jpg, il regarde à peine sa partenaire pendant leur grande scène d’amour.
Autre regret: la mise en images (signée Barbara Willis Sweete) pour diffusion au cinéma ne permet pas d’apprécier vraiment la mise en scène de Robert Lepage (nous avons eu droit à une brève interview avec lui à l'entracte). Il n’est pas évident au départ de filmer un spectacle qui fait autant appel à la technologie numérique. De plus, les caméras montrent obstinément une petite partie de l’action, alors qu’on aurait souhaité avoir davantage de prises de vue de l’ensemble. (D’autres en ont parlé, par exemple Jack).
Quand on voit un personnage qui évolue dans l’eau, on ne sait pas du tout où et comment est cette eau sur le plateau du Met. Quand observe ce qui se passe dans une seule cellule, on aimerait savoir s'il y a la même chose ou si c'est différent dans les sept ou neuf autres fenêtres.
Ceci dit, c’était extraordinaire d’avoir accès à cette production, qui a fait partout salle comble. Les billets étaient vendus longtemps d’avance  dans tous les cinémas du Québec et d’ailleurs où l'opéra était projeté (c'est déjà complet pour la rediffusion du 17 janvier).

À Jonquière, il n’y avait pas de prévente, et il suffisait d’arriver 40 minutes avant le début de la projection pour avoir une bonne -mais plutôt inconfortable- place.

20/10/2008

Enchantement de La Cerisaie

affiche.pngLa Cerisaie,  comme toutes les productions des Têtes Heureuses , exige que le spectateur donne quelque chose, attention, concentration, ouverture, avant de recevoir sa “récompense”:  un plaisir complexe, alimenté par une “pâte” théâtrale aux saveurs fortes et diverses.  Une riche matière, en somme, à réfléchir, à mettre en perspective, à revoir dans sa tête. L’un des comédiens, Dario Larouche, parle de son expérience sur son blogue à quelques reprises, en particulier ici.
Courageuse entreprise que de monter ce classique du théâtre russe (Tchekhov) à 13 comédiens et comédiennes, quand on est une troupe régionale, mais voilà, l’homme de théâtre qu’est Rodrigue Villeneuve (directeur-fondateur de la Troupe et metteur en scène) carbure aux clivreCerisaie.jpghoix artistiques et non pas à la rentabilité.
La vente d’une propriété, la Cerisaie en l’occurrence,cerisPoche.jpg pour cause de dettes et traites impayées, est le noeud central de l’action, qui en quelque sorte recouvre d’un voile pudique le vrai sujet: le rapport à l’argent. Attachement des uns, esclavage des autres, ou encore indifférence réelle ou feinte, désir de partir et de rester, chacun exprime ses contradictions. Une galerie de personnages un peu perdus, déconnectés, riches qui, au risque de tout perdre, refusent de voir la réalité en face, velléitaires, idéalistes qui s’interrogent sur le sens de leur vie, ou qui cherchent à investir de sens, par une exaltation de l’esprit, la moindre vétille, le moindre sursaut de leurs sentiments.
Je suis restée perplexe à l’entracte: tout semblait si lent, si complexe, si peu logique, que je ne savais pas au juste ce que je venais de voir, ni vers quoi on me conduisait.
Les deux derniers actes sont venus éclairer les deux premiers de façon éblouissante: je suis sortie de là  convaincue, conquise, troublée, et encore davantage quand j’y repense.
couvCeris.jpgUne belle production qui se joue dans un décor dépouillé et intemporel, sur une trame sonore remarquable signée Patrice Leblanc. Je ne puis nommer tous les comédiens, des professionnels rompus aux techniques et secrets de la scène, tous excellents. Chapeau tout de même à Éric Renald et à Sara  Moisan, pour deux grands rôles principaux, ainsi qu’à Louis Amiot et Richard Desgagné, qui interprètent des personnages secondaires mais essentiels, les seuls qui s’intéressent aux détails matériels, sans état d’âme, allégeant l’atmosphère de quelques effets comiques.
Alors si vous aimez le théâtre, les comédiens, la vie, allez voir La Cerisaie, présentée au Petit théâtre de l’UQAC jusqu’au 2 novembre 2008, jeudi, vendredi et samedi à 20h, et dimanche à 14h.
Renseignements et réservation 418-545-5011 poste 4708. (La suite dans la prochaine note)

15/07/2008

Nono: théâtre extrême

NonoAffiche.jpgJ’ai vu (vendredi 11 juillet) la pièce Nono, de Sacha Guitry présentée par le Théâtre 100 masques . Il reste trois représentations à la salle Murdock du Centre des arts et de la culture (arrondissement de Chicoutimi), les 17, 18 et 19 juillet.
Un travail de mise en scène particulier de  Dario Larouche (voir son blogue très intéressant portant sur le théâtre en général et son travail en particulier, c’est d’ailleurs là que j’ai pêché l’affiche de la pièce qui illustre ma note), qui dirige depuis un an cette petite troupe fondée en 1999  par Sophie Larouche.
Poursuivant la mission de la troupe, il propose des  productions originales, appuyées sur la tradition et la recherche, comme ce Nono, travail poussé qui prend comme matériau une oeuvre mineure d’un Sacha Guitry débutant, qui ne maîtrisait pas encore totalement le médium.
Burlesque, caricature, mimiques et gestuelle clownesques: mise en scène et scénographie exposent un travail théâtral extrême qui a la vertu de vivifier un texte assez anémique.
Cela va même jusqu’à insérer les pauses publicitaires dans la pièce même, sous forme de courts passages initiés par un mot du texte (voiture, comptes) où les comédiens nomment les mécènes (firme comptable, concessionnaire auto), affirmant, sur un ton ironique qui en dit long,  qu’ils partagent avec eux l’amour du théâtre.
Pour le spectateur, c’est du plaisir garanti, du rire, des surprises, des découvertes intellectuellement stimulantes.  Seul le rythme fait problème et s’explique peut-être par la pauvreté du contenu, que n’arrivent pas à compenser totalement les efforts déployés par le metteur en scène et les comédiens.
Ceux-ci sont vraiment excellents et se prêtent avec une docilité exemplaire aux exigences d’une mise en scène caricaturale qui fait écho à la caricature des relations hommes-femmes brossée par Sacha Guitry. Ils grimacent, clignent des yeux, crient, gémissent, se couchent par terre, se plient en deux ou en quatre comme des marionnettes désarticulées, ou encore comme les personnages stéréotypés d’une commedia dell’arte où les maquillages excessifs tiennent lieu de masques. La couleur des costumes et des rares accessoires change à chaque acte pour en illustrer le ton:  noir, rouge, blanc.
Un très beau travail donc, accompli par des gens qui croient vraiment au théâtre et qui le prouvent en persistant et signant de nombreuses productions, toujours allumés malgré les difficultés, financières et autres, de présenter du théâtre en région.
Curieux d’en savoir plus long? Allez voir Nono.

Ou voyez les excellents compte rendus et critiques de la pièce aux adresses suivantes:
Par Christiane Laforge dans Le Quotidien (texte reproduit sur son blogue)
Par Jean-François Caron dans Voir
Sur le blogue du metteur en scène Dario Larouche
Sur le blogue de Jack
Sur le Blog du Jbijjer (un autre blogue régional)

22/06/2008

... à l'autre

faceLJose.jpgDimanche soir 15 juin, gros  contraste avec la soirée précédente (celle du courageux Discoursus politicus): le show de Louis-José Houde au Centre Bell, plein à craquer. Décor, sono sophistiquée, écrans géants qui permettent de voir la face à Louis-José.
J’aime bien Louis-José, je trouve son humour intelligent, il jette un regard faussement naïf sur le monde qui l’entoure, il a le sens de l’observation, c’est aussi un bon comédien et un fin conteur qui mélange détails prosaïques et brins de folie imagée.
Comme un adolescent attardé qui aurait oublié de prendre son Ritalin, trépidant, bougeant sans arrêt, déployant une énergie apparemment sans limite et une voix qui grimpe dans l’aigu comme s’il en perdait le contrôle, Louis-José offre ses observations sur la vie, les choses qui lui pètent entre les mains, il raconte les vacances en famille, l’avortement de sa blonde, un sujet grave qui pourtant passe très bien, mais sans vraiment faire rire. Très proche encore de son enfance qui fut manifestement heureuse (voir une bonne interview réalisée par Nathalie Petrowski), il revisite ses souvenirs, parle avec affection de sa mère et de son père.
Dimanche, jours de la fête des pères, Louis-José est descendu dans la salle après son spectacle pour présenter son père à la foule.
J'ajoute ici une photo que j'ai prise moi-même lors du spectacle, assez pourrie, mais c'est la mienne.lsJosAmeliore.jpg
Si vous voulez un bon exemple de son humour, allez voir sur son blogue, les légendes qu’il a placées sous les photos de ses tournées. En particulier, pour les gens du Saguenay-Lac-Saint-Jean,  SLSJ, si vous cliquez sur les photos d’Alma, la légende sous la photo numéro 12 est hilarante, vous allez la comprendre si vous êtes déjà allé à l’auditorium d’Alma.
Louis-José offre aussi un solo de batterie assez convaincant en début de deuxième partie. Oublions la  première partie -heureusement très brève -  de Philippe Bond, qui lui n’est pas très convaincant.
J’ai décidé d’aller voir ce spectacle à la toute dernière minute, il restait de bons billets,  j’étais très proche de la scène, j’ai bien ri, bref, une excellente soirée.

20/06/2008

D'un extrême...

discoursus.jpgDeux expériences aux antipodes l’une de l’autre, vécues en deux jours à Montréal: samedi soir, chaleur étouffante, je finis de manger au restaurant avec mon fils et un ami qui doivent se rendre à une soirée de “magic”. Il n’y aura personne ce soir chez mon fils, alors qu’est-ce que je fais?

Il est 19h50, je sais qu’il y a un spectacle qui m’intéresse à 20h à l’École Nationale de théâtre. Je me précipite au métro, trois-quatre stations,  je descends à Laurier et cours littéralement vers l’ENT tout près de là. J’arrive à 20h07,  confuse, essoufflée et craignant d’être refusée à la porte. Très gentil, le gardien me fait entrer en me disant de payer à l’entracte.
Dans la belle salle lambrissée de bois, la chaleur est suffocante. Exactement 18 des quelque 40 sièges disponibles sont occupés. Pour la dernière des représentations de Discoursus politicus, un spectacle présenté par la troupe Le Vaisseau d'or. C’est un collage, un montage de morceaux de discours qui ont été réellement prononcés par des hommes et des femmes politiques de divers pays et de diverses tendances : Jean Charest, Sarkozy, Kennedy, Clinton, Gandhi ou d’obscurs représentants de diverses tendances.

Un long fleuve...

Les discours sont découpés et organisés en thèmes, sortes d’actes ponctués par les coups de fouet d’un animateur-maître de piste : la colère, le mensonge, la haine. Les comédiens et comédiennes, en répétant les discours, imitent légèrement ou de façon appuyée les attitudes, les traits physiques et les tics de de ceux et celles qui les ont prononcés. René Lévesque par exemple, ou André Boisclair. Celle qui incarne Benazir Bhuto est hallucinante de vérité. Pour plus de détails sur cette production, voir l’article sur montheatre.qc.
Tous ces discours sont comme un fleuve dans lequel on pourrait se noyer :  à quoi ont-ils servi? Images, camouflage, dérives: la structure de la pièce met cela en évidence et fait ressortir le motif électoral sous-jacent à la plupart de ces envolées oratoires.
Par vraiment du théâtre, plutôt un exercice de style, intelligemment construit et présenté, qui aura fait réfléchir les quelques spectateurs assez fous pour aller s’enfermer dans cette salle par une soirée torride.

Pour l'autre expérience, revenez sur ce blogue dans quelques jours...

17/06/2008

Offrande musicale

pochetteJF.jpgMatériel abondant

J’ai tellement fait, vu et entendu de choses récemment que... je n’ai pas eu le temps d’écrire, et tout cela se bouscule dans ma tête au moment d’en parler ici. Alors ne paniquons pas et procédons par ordre. Je compte parler d’ici quelques semaines de restaurants à Montréal, d’expositions à Montréal et à Chicoutimi, de livres un peu partout, et de spectacles vus à Montréal au cours de la dernière semaine.
Les expositions sont pour la plupart actuellement en cours, et j’imagine que les restos vont rester là un bout de temps eux aussi, je commence donc par les spectacles, qui sont déjà choses du passé.
Jean-François Lapointe (ci-contre, la pochette du disque Chausson-Duparc qu'il a enregistré avec Analekta) a offert à Montréal l’un des rares récitals qu’il puisse donner, compte tenu des exigences de sa carrière à l’opéra. (Musicien polyvalent, il assume en outre la direction musicale de l'opérette La Belle Hélène, de Jacques Offenbach, qui sera présentée à Rimouski les 27, 28 et 29 juin prochains).

Invité par la Société musicale André-Turp pour son dernier concert de la saison, le baryton a proposé un programme en deux parties contrastées.

Mélodie française

Grand spécialiste de la mélodie française, possédant l’art et la science de la scène, il sait comment insuffler un supplément de vie à chaque pièce, grave ou joyeuse, par une expression du visage, un geste de la main, quelques pas, un sourire, en jouant avec maîtrise de sa voix au timbre très typé.
L’auditorium  de la Grande Bibliothèque, à Montréal, était l’écrin idéal pour ce petit bijou de concert qu’il a offert avec l’excellente pianiste Louise-Andrée Baril, une complice de longue date avec laquelle il dialogue du début à la fin. Le critique de La Presse Claude Gingras a fait l'éloge de l'artiste et de son récital.
Verlaine.jpg En première partie, les Chansons grises, poèmes de Verlaine (à gauche, un portrait du poète peint par Frédéric Bazille) mis en musique par Reynaldo Hahn: les images sombres (automne, sanglots longs, vent mauvais, feuille morte) alternent avec des évocations de l’amour idéalisé (ciel divin, sens extasiés, vaste et tendre apaisement, heure exquise), dans ce cycle comme dans les quatre mélodies de Duparc (sur des textes d’autres poètes) qui suivent.

Souffle et nuances
La mélodie de l’un et de l’autre se marie aux nuances du texte, respire au rythme du sens, accueille volontiers les silences, alterne le fort et l’à peine audible. Le baryton saguenéen (ou jeannois, puisqu’il est natif d’Hébertville au Lac-Saint-Jean), manie le souffle, le cri, le murmure, les syllabes qui meurent et celles qui éclatent, son phrasé  épouse parfaitement les méandres de ces chants d’amour, de désespoir, de feuilles vert tendre: comme une offrande, la beauté.
Paillardises
La deuxième partie du récital se présente comme la vision inversée, l’autre versant du même sujet: l’amour. Au romantisme exacerbé succèdent des propos égrillards et joyeux, d’abord avec les Chansons gaillardes de Francis Poulenc (sur des textes anonymes du 17e siècle), où il est question de maîtresse volage, de pucelle et de chandelle, de fille sans tétons, de couplets bachiques et autres badineries : autant de  propos politiquement incorrects et de musique vive servis avec la légèreté coquine et l’agilité vocale qui conviennent.
Continuant à déployer un véritable talent de fantaisiste, le chanteur offre en conclusion la Fantaisie dans tous les tons de Lionel Daunais, qu’il a chantée à Alma il y a quelques années. Virtuosité du verbe et de la voix (sans oublier celle du clavier!) sont au rendez-vous pour rendre la couleur et le style de chaque courte pièce:  jazz, chanson française, mélopée, madrigal. Le baryton sourit à la fin de chacune, confirmant la belle complicité qu’il a su établir avec son public.petNavire.jpg

En rappel, Jean-François Lapointe interprète La légende du petit navire, d’Edmond Missa, une version absolument fabuleuse de la chanson traditionnelle Il était un petit navire, qui se termine sur la dernière syllabe, chantée très haut, du mot

paradis!!!

 

12/06/2008

Grande Butterfly

butterflScen.jpg

Bref et intense séjour à Montréal en fin de semaine dernière. Incroyable le nombre de choses qu’on peut faire en un si court laps de temps à “l’étranger”, par comparaison avec nos activités en temps normal, à la maison.
En premier lieu, but principal de ce voyage, Madama Butterfly, à l’Opéra de Montréal. Probablement la meilleure production que j’aie vue dans cette salle (même si j’ai un bon souvenir de Jenufa,  Ariane à Naxos et La Veuve joyeuse). J’ai déjà vu cette oeuvre à Québec et à Montréal, mais cette production est exceptionnelle, notamment grâce à l’interprète principale. Ce n’est pas tous les jours qu’on a une Butterfly chantée par une interprète japonaise. Mais son origine n’est pas - loin de là - la seule qualité de Hiromi Omura, une soprano extraordinaire, qui assume totalement la culture opératique européenne, mais qui sait aussi mettre subtilement en valeur son héritage ancestral, ce qui confère du poids et de la valeur à sa prestation.
C’était la dernière représentation samedi soir (7 juin) à Wilfrid-Pelletier, et l’ovation finale à son endroit a duré une bonne quinzaine de minutes.
Par ailleurs: très belle mise en scène, totalement respectueuse de l’oeuvre, non seulement une tragédie de l’amour, mais aussi une dure critique envers les colonisateurs américains, et, plus largement, envers la pratique même du colonialisme. Butterfly est totalement dominée par un Pinkerton inconscient de ce qu’il fait, du drame qu’il provoque en l’épousant puis en la quittant. La marier est un jeu qu’il regrettera peut-être plus tard, mais néanmoins, il considère que sa véritable épouse, c’est l’Américaine. Et il se croit en droit de venir réclamer son fils  à Butterfly.
Curieux effet: quand Hiromi Omura et Richard Troxell, qui incarnent Butterfly et Pinkerton, s’embrassent après la représentation sous les applaudissements de la foule, une idée vient spontanément à tous les spectateurs: c’est trop tard! Genre il aurait dû faire cela avant, pendant l’opéra, pour éviter la fin terrible de Cio-Cio-San. Très bizarre cette collision entre l’imaginaire et le réel.

Comme décor (très peu visible sur la photo ci-haut, que j’ai prise moi-même), un grand plancher de bois laqué, posé sur une eau dont le fond est bleu, forme une croix dont les bras se perdent dans les ouvertures des murs,  panneaux de tissu et de bois qui s’ouvrent se ferment, s’éclairent ou s’assombrissent, simulant une infinité de portes, utilisées ou non par les chanteurs. Merveilleux jeux de lumière qui découpent les visages et allument le ciel, les étoiles, la lune, les fleurs. Les serviteurs: personnages insolites et quasi transparents, au visage à demi couvert d’un bandage, comme des être brisés en cours de réparation...  Tons de rouge et subtil geste prémonitoire quand elle mime la façon dont on épingle les papillons.
Sans oublier l’excellente direction musicale de Yannick Nézet-Séguin, parfaitement à l’aise avec la scène comme avec la fosse, dans laquelle son Orchestre Métropolitain sonne fort bien.

Bref, une réussite totale.