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07/09/2012

Séculaire et magnifique

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D'abord je ne l'ai pas vu. J'ai plutôt aperçu un panneau d'interprétation et je me suis arrêtée pour le lire. Où est-il, ce vieux pin, me suis-je demandé? Et puis il a frappé mon regard. Imposant et serein, il était bien là, de l'autre côté de la magnifique piste cyclable aménagée le long de la rivière aux Sables, entre place Nikitoutagan et Cépal.

Donc, ce vieux pin blanc solitaire, ai-je appris, est un survivant qui a résisté à tout: coupe forestière, maladies, sécheresse, incendies. Né il y a quelques siècles, ce majestueux témoin du passé semble en bonne santé. Pour les Iroquois, le pin banc d'Amérique est l'Arbre de la Paix.

Un de ces trésors qu'on ne remarque guère quand on circule à vélo, car il est dangereux de lever les yeux trop longtemps...

Voici le texte qui accompagne ce veilleur solitaire (cliquez pour l'agrandir et pouvoir le lire):

vieux pin, Cépal, Jonquière

Un petit poème, avec ça? Ils sont innombrables, et de tous genres. Les romantiques en particulier, aimaient bien se réfugier dans la forêt pour y abriter leurs tourments.

 

Arbres de la forêt, vous connaissez mon âme!

a écrit Victor Hugo.

 

Mais je préfère celui-ci, puisqu'il cite nommément le grand pin, du poète allemand Heinrich Heine:

Un grand pin est debout, solitaire,
Dans le Nord, sur un sommet nu.
Il dort ; d’un manteau blanc
De neige et de glace, il est couvert.

Il rêve d’une palme,
Là-bas, dans le lointain Orient,
Silencieuse et solitaire,
Triste sur son rocher brûlant.


Il y a les images aussi, puisque les peintres et les arbres s'entendent bien. J'ai cherché chez Marc-Aurèle Fortin, qui a bien peint des pins, mais surtout des pins parasols, tout comme celui-ci, absolument magnifique, de Paul Cézanne, avec lequel je termine ce billet:

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14/08/2012

Variations à Métabetchouan

"Rouler dans la nuit et dans la pluie pour aller entendre le pianiste David Jalbert jouer les Variations Goldberg au Camp musical. En pleurer tellement c'est beau. Et au retour, déguster une nectarine blanche juteuse et bien sucrée. Quelle formidable soirée!"

David Jalbert, Variations Goldberg, Camp musical du Lac-Saint-Jean, Métabetchouan

Voilà ce que j'ai écrit sur ma page Facebook vendredi dernier 10 août au retour de ce magnifique concert auquel mon conjoint et moi venions d'assister. Et voilà ce que je pourrais écrire avec encore davantage de conviction aujourd'hui, en revivant cet événement exceptionnel. David Jalbert vient tout juste d'enregistrer lesdites Variations Goldberg (il parle de ce projet sur la vidéo accessible en cliquant l'image ci-dessus) que nous connaissons si bien aujourd'hui grâce à Glenn Gould

Après une présentation brève et extrêment claire de l'oeuvre, de sa structure et du défi technique, physique et intellectuel qu'elle représente pour tout pianiste (on retrouve l'essentiel de ses propos sur la vidéo), le musicien s'est installé au piano...

Pendant plus d'une heure, les 200 personnes présentes dans la salle ont retenu ldavid jalbert,variations goldberg,camp musical du lac-saint-jean,métabetchouaneur souffle et écouté, presque autant avec les yeux qu'avec les oreilles. En effet, en plus d'entendre la beauté sonore de cette musique ainsi interprétée, on avait sous les yeux le visage expressif et concentré du pianiste, et surtout ses mains qui se promenaient sur les touches comme des ailes d'une nuée de papillons en folie.

Pas une toux, pas un déplacement de chaise pendant toute cette heure où le pianiste a découpé et soigné chacune des 30 variations de Jean-Sébastien Bach. Concentration totale de part et d'autre.

Du pur bonheur pour nous, spectateurs privilégiés. L'impression d'avoir vécu, ensemble et grâce à David Jalbert, un moment hors de l'ordinaire, hors du monde, hors du temps.

08/08/2012

Livres et rivières

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Ma dernière sortie à vélo fut décidément très culturelle. Non seulement j'ai admiré la fée des bois sculptée par Raoul Hunter et reconnu un tacon du projet Événement Ouananiche, mais j'ai aussi retrouvé, à Chicoutimi, des éléments du projet La littérature aux abords des rivières, réalisé en 2010 par le Salon du Livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean.

tony tremblay, écrivain, la littérature aux abords des rivières,rivière aux sables,rivière chicoutimi,saguenay,auteurs,salon du livrela littérature aux abords des rivières,rivière aux sables,rivière chicoutimi,saguenay,auteurs,salon du livrela littérature aux abords des rivières,rivière aux sables,rivière chicoutimi,saguenay,auteurs,salon du livreAu total, 36 bornes d'information sur la littérature régionale ont été installées aux abords de trois rivières du territoire du Saguenay: la Rivière-aux-Sables à Jonquière (où j'ai pris l'an dernier quelques-unes des photos que je présente ici), la rivière Chicoutimi près du Bassin, et la rivière Ha!Ha! à La Baie.

Ce sont de belles pièces bleu et argent en aluminium anodisé: couleurs des rivières et formes évoquant à la fois la queue d'une baleine et les pages d'un livre. Des ouvertures y sont pratiquées: comme des vagues, des ouïes de violoncelle... fenêtres sur le monde.

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Chaque borne est consacrée à un auteur de la région: on y retrouve son nom, une courte biographie, et un passage extrait de son oeuvre. Trois faces, trois langues différentes: français, innu et anglais.

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(présentation du projet en innu)

Bien sûr il y a beaucoup plus que 36 écrivains au Saguenay-Lac-Saint-Jean, il a donc fallu choisir dans une liste non exhaustive de près de 200 noms. J'étais d'ailleurs membre du comité de sélection présidé par Céline Dion (non, pas la chanteuse!), conceptrice de ce fort beau projet.

Quelques noms: Hélène Pedneault, Gilbert Langevin, Yvon Paré, Pierre Demers à Jonquière; Daniel Danis, Pierre Gobeil, Paul-Marie Lapointe, Félix- Antoine Savard à Chicoutimi; Michel Marc Bouchard, André Girard, Louis Hémon, Nicole Houde à La Baie.

la littérature aux abords des rivières,rivière aux sables,rivière chicoutimi,saguenay,auteurs,salon du livre la littérature aux abords des rivières,rivière aux sables,rivière chicoutimi,saguenay,auteurs,salon du livreMême si on n'a pas le temps de lire tous les textes, c'est fort agréable à regarder. C'est bleu, apaisant et inspirant. (Beaucoup de bleu et d'eau sur le site internet graphiquement réussi). Je peux m'asseoir sur un banc et laisser dériver mes pensées:

- les livres se baignent dans les rivières comme leurs auteurs y plongent leurs racines

- les rivières coulent dans les livres comme des veines d'inspiration

- tout comme le poisson que l'on pêche et que l'on mange, le livre que l'on choisit et que l'on lit s'amalgame à notre être et contribue à le développer

- l'eau court, ondule et ondoie, tout comme les mots et les phrases

- je m'y'promène comme dans une forêt et...

- je pense aux Correspondances de Baudelaire, dont voici la première strophe:

 

La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles;
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers.

 

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04/07/2012

Remplir la cathédrale...

Jean-François Lapointe a rempli la cathédrale de deux façons: par les gens qui s'y sont rendus en grand nombre pour l'entendre, et par sa superbe voix de baryton.

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(crédit photo: Michel Baron)

Il n'abuse pourtant pas de cette puissance dont il est capable. D'autres amusent la galerie avec des effets de volume, mais pas lui. Quand c'est le moment, par exemple à la fin de l'Agnus Dei de Bizet, ou dans certains passages de l'Ave Maria de Gounod, il le fait avec une aisance remarquable, avec plaisir aussi sans doute. Mais ce n'est pas cet aspect de son art qui l'intéresse le plus. Ce qui motive Jean-François Lapointe, c'est de rendre justice à la beauté des oeuvres, ce qui se fait en complicité avec ceux ou celles qui l'accompagnent. En l'occurrence mardi, c'était Céline Fortin, organiste titulaire de la cathédrale de Chicoutimi

jean-françois lapointe,céline fortin,baryton,cathédrale de chicoutimi,concerts d'étéElle est aussi responsable de cette série de concerts d'été gratuits dans le vaisseau amiral des temples religieux de la région. Si elle joue fort bien, ce n'est pas principalement elle que les gens allaient entendre, et c'est tout à fait normal. Vedette internationale, applaudi dans les théâtres prestigieux d'Europe et d'ailleurs, le baryton natif d'Hébertville évite soigneusement de jouer sur ce statut, car l'esbroufe n'est pas sa tasse de thé.

En accord avec le lieu où il chantait, il a bâti un programme de musique sacrée simple et cohérent, comprenant des oeuvres de style assez varié pour mettre en valeur quelques-unes des plus belles couleurs de son timbre. Des compositions de Gabriel Fauré, Théodore Dubois, César Franck, et quelques pièces rares qu'il aime faire découvrir, comme celles d'Omer Létourneau, de Jean-Baptiste Faure et d'Edmond Missa.

Tout était beau, à la fois intense et retenu. Même s'ils étaient très loin derrière nous, au deuxième jubé, nous pouvions très bien, grâce au grand écran installé à l'avant, observer le travail des deux musiciens, en gros plan à plusieurs reprises. Alors ce chanteur, que je cours entendre dès que j'en ai l'occasion, je ne l'avais jamais vu d'aussi près! J'ai pu, comme les autres spectateurs, apprécier sa concentration, son souci de rendre chaque note, sa précision technique, sa ferveur, son total engagement et -peut-être- un petit pan de son âme...

Bref, ce fut extraordinaire du début à la fin. Chaque pièce était un bijou d'exécution. Il est seulement dommage que, à cause d'une trop grande réverbération (écho),  l'acoustique de la cathédrale ne rende pas tout à fait justice à une voix de cette qualité.

L'organiste s'est acquittée de son rôle d'accompagnatrice avec discrétion et compétence, se réservant néanmoins quelques plages pour faire sonner les jeux du grand Casavant, notamment dans un choral de César Franck et une toccata du compositeur québécois Denis Bédard.

21/06/2012

Une moisson de Bleuets

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C'est un gala intime et chaleureux que celui de l'Ordre du Bleuet. Fondé il y a trois ans pour souligner le travail des bâtisseurs de la culture du Saguenay-Lac-Saint-Jean, il n'a pas d'autre ambition que cela: faire connaître et récompenser l'oeuvre des créateurs d'ici, dans tous les domaines de la culture. Chacun des lauréats sélectionné devient membre de L'Ordre du Bleuet.
Samedi soir (16 juin), j'ai donc assisté à ce Gala 2012, présenté à la salle Pierrette-Gaudreault. Pour être honnête, je dois dire que j'y étais en tant que contributrice, bien modeste, puisque j'avais écrit le texte de présentation de trois lauréats, à la demande de Christiane Laforge, ordre du bleuet,gala,guylaine simard,christiane laforge,jean françois lapointe,jérémie gilesresponsable du comité des candidatures et première récipiendaire de l'Ordre du Bleuet. Après avoir rédigé tous les textes de façon admirable pendant les deux premières années, elle a cette fois demandé à quelques collaborateurs de l'aider dans cette tâche colossale.


Au gré d'une présentation audiovisuelle qui évoque la vie, les projets, les réalisations de chaque lauréat, on découvre le terreau fertile qu'est le Saguenay-Lac-Saint-Jean en culture. Tous ces gens ont travaillé et travaillent très fort, mus par un extraordinaire élan, par une passion souvent née dès l'enfance pour leur art ou leur discipline. Je ne sais pas pourquoi, c'est particulièrement évident chez les Bleuets d'ici et d'ailleurs, motivant ainsi le seul gala de ce genre tenu en région au Québec.

ordre du bleuet,gala,guylaine simard,christiane laforge,jérémie giles, Louise PortalFidèles au poste, on retrouvait Marc Bergeron à l'animation de la soirée et le Quatuor Gardel  pour la partie musicale. Guylaine Simard, directrice du Musée du Fjord et récipiendaire de l'an dernier, agissait comme présidente d'honneur. On peut voir au bout de ce lien un reportage de Mélissa Savoie-Soulières sur la la cérémonie de samedi.

 

Nouveaux membres

Il y avait donc cette année, reçus à titre posthume, le compositeur et musicologue François Brassard, et Jean-Paul Desbiens, dit le frère Untel. Dans la diaspora des bleuets qui travaillent et rayonnent à l'extérieur de la région: la comédienne, chanteuse et écrivaine Louise Portal et le baryton Jean-François Lapointe (deux Lapointe... qui ne sont pas proches parents).

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Enfin, parmi ceux qui habitent toujours la région et qui y travaillent, les nouveaux membres de l'Ordre du Bleuet sont: Louise Beaulieu, qui fut directrice de l'auditorium Dufour pendant plusieurs années, et active dans le domaine de la danse, Guy Blackburn en arts visuels, l'éditeur Jean-Claude Larouche, le cinéaste Sébastien Pilote et deux hommes de théâtre:  Réjean Gauthier du Mic-Mac et Rodrigue Villeneuve des Têtes heureuses. Mentionnons que ordre du bleuet,gala,guylaine simard,christiane laforge,jérémie giles, Rodrigue Villeneuvece dernier fut en octobre le premier récipiendaire du prix François-Brassard, créé par le Mérite scientifique régional pour souligner la recherche et la création dans le domaine artistique. Son prix lui avait alors été remis par André Brassard, fils du compositeur François Brassard. Et c'est aussi André Brassard qui est monté sur scène samedi pour recevoir la récompense décernée à son père à titre posthume.

ordre du bleuet,gala,guylaine simard,christiane laforge,jérémie giles, Sébastien PiloteEt l'hommage ne s'arrête pas à une remise de prix:  chaque nouveau membre aura une page dédiée sur le site de l'ODB où on trouvera des textes, des liens, des photos et des vidéos. (Ce n'est pas encore fait pour 2012, mais tous les lauréats de 2010 et 2011 y sont).

C'est un beau et nécessaire devoir de mémoire dont s'acquitte à merveille la Société de l'Ordre du bleuet, fondée, rappelons-le, par le Bleuet d'adoption Jérémie Giles.

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J'ai évoqué les deux précédentes cérémonies ici pour 2010 et ici pour 2011.


25/04/2012

Chapeau les Sags!

Les Saguenéens de Chicoutimi de la Ligue de hockey Junior majeur du Québec sont parvenus en demi-finale et luttent avec courage contre les puissants Sea Dogs de Saint-Jean (Nouveau-Brunswick), qui mènent la série 2 à 1. Le héros du match de mardi fut Étienne Brodeur (photo ci-dessous) qui a compté le but vainqueur en prolongation, et soulevé la foule des partisans réunie au centre Georges-Vézina.

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Je ne suis pas une grande fan de hockey, mais ce sport fait néanmoins partie de mon ADN, comme de celui de tous les Québécois: j'écoutais les parties de la Ligue Nationale à la télévision avec mon père et mes frères, j'ai moi-même joué au hockey dans la rue, j'ai même reçu un bon coup de hockey sur la tempe, qui m'a valu une visite à l'urgence. Je connais tous les règlements et je sais apprécier un bon jeu, un bon match à l'occasion.

Quant aux Sags, leur succès actuel me rappelle les deux dernières années de ma carrière au journal Le Quotidien. Après 32 ans comme journaliste à la section culturelle, j'avais l'impression de tourner en rond...

Un poste s'ouvre au pupitre, et hop! me voilà propulsée dans le merveilleux monde du sport!

Je ne connaissais rien à la mise en page, et rien au milieu sportif régional. J'ai tout appris en relisant les textes des journalistes chevronnés de la section. Les Sags occupaient beaucoup d'espace. Nouvelles, interviews, analyses, commentaires, statistiques, photos: avant chaque match, après le match, le lendemain du match... et entre les matches. Et davantage de textes et de photos quand les Bleus se rendaient en série éliminatoire.

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Tout un monde s'ouvrait à moi. J'ai appris les noms de ces jeunes vedettes de 18-20 ans, je savais les reconnaître sur les photos. Il y avait notamment  David Desharnais, qui joue aujourd'hui pour les Canadiens de Montréal. (Certains s'obstinent à dire et à écrire "le Canadien", ou encore "Canadien", mais je ne suis pas d'accord). J'ai aussi fait la connaissance (sans jamais le rencontrer!) de Richard Martel, l'entraîneur omniprésent qui régnait en maître à l'époque. Son adjoint était Marc-Étienne Hubert, qui l'a remplacé aujourd'hui à la barre de l'équipe.

Pendant ces deux années précédant ma retraite, j'ai vécu au rythme des Saguenéens de Chicoutimi. Je suis même allée voir un match au centre Georges-Vézina. Ils n'ont pas été très loin dans les séries à cette époque.

Maintenant, ils sont parvenus en demi-finale. Le prochain match a lieu demain, 26 avril, à Chicoutimi. Contrairement aux partisans sur la photo, je n'y serai pas. Mais je leur souhaite de  vaincre les Sea Dogs et de poursuivre leur chemin vers la Coupe Memorial.

PS: Finalement, les Sags ont été éliminés: dommage! Mais ce fut tout de même un beau parcours.

10/02/2012

Formidables Brigands d'opérette

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Pour son 40e anniversaire, l'opérette au Saguenay retrouve son lustre et renoue avec la tradition des grandes productions, comme j'ai pu le voir jeudi à la salle François-Brassard.

Les Brigands, opéra-bouffe de Jacques Offenbach, c'est un grand coup frappé à la porte d'un destin qui semblait inquiétant ces dernières années. Un coup de pied salutaire et joyeux, qui bouscule tout et revient à la base, celle qui a assuré le succès et la vitalité de l'entreprise.

Cette base c'est d'abord du monde, beaucoup de monde: la Société d'art lyrique du Royaume a su réunir les meilleurs éléments, sur scène, dans la fosse et en coulisses. Des gens allumés, concentrés, manifestement contents d'être là. Des artistes, interprètes, concepteurs, techniciens compétents, brillants, aux carrières diverses, auxquels s'intègrent harmonieusement des amateurs expérimentés.

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Résultat: un spectacle formidable et enlevant, parsemé de scènes burlesques, de  rebondissements et de surprises, et surtout musicalement très agréable à écouter.

Le directeur musical Jean-Philippe Tremblay accomplit un travail colossal pour animer et maintenir le rythme et la cohérence de chaque section vocale et instrumentale. Il dirige de main de maître et fait sonner à merveille les 19 musiciens de l'Orchestre symphonique: c'est un peu malheureux que ceux-ci demeurent invisibles pour le public, perdus dans les profondeurs abyssales de la fosse, mais au moins il y en a une!. Il y a eu quelques flottements en ce soir de première, mais rien pour nous faire décrocher de ces belles sonorités, de ces rythmes enlevants, de cette remarquble harmonie entre un nombre considérable d'éléments.

L'oeuvre requiert une énorme distribution, six rôles principaux et plusieurs rôles secondaires (dont quelques-uns parlés) tout aussi importants, de même qu'un choeur consistant dont le travail est primordial.

Tous ces postes sont comblés de façon exemplaire: le talent foisonne, tous les chanteurs-acteurs sont excellents. Marie-Ève Munger, brillante et efficace Fiorella, nous éblouit encore une fois avec ses exploits vocaux. Éric Thériault offre un impeccable Falsacappa, le chef un peu enveloppé des brigands. Pascale Beaudin excelle dans le rôle masculin du jeune Fragoletto, et Patrick Mallette, un fidèle des productions de la SALR, se livre à d'amusantes pitreries tout en nous charmant avec sa belle voix de baryton.les brigands,opérette,jacques offenbach,marie-Ève munger,Éric thériault,salr' société d'art lyrique du royaume

Des vedettes de l'art lyrique acceptent humblement des  rôles assez brefs, comme la basse Joseph Rouleau, 82 ans,  qui s'amuse comme un petit fou en chef des carabiniers, et la mezzo-soprano Renée Lapointe qui incarne avec grâce la princesse de Grenade.

Je renonce à les nommer tous, mais ils le mériteraient.

Éric Chalifour impressionne une fois de plus par sa mise en scène originale, truffée de détails et de clins d'oeil amusants, assurant un déroulement rythmé et logique à cette folle histoire. Décors (Mylène Leboeuf-Gagné), costumes (Jacynthe Dallaire s'y surpasse) et comportement des personnages combinent les saveurs et couleurs du Far West américain à celles de la corrida espagnole. Le récit est maintenu dans son contexte géographique et historique, quelque part au 19e siècle, entre Italie et Espagne, mais l'adaptation (Martin Giguère et toute l'équipe) inclut de savoureux anachronismes (téléphone, moto, auto: quelques années trop tôt), et de fines allusions à la modernité et à l'actualité ("engagez-vous, qu'ils disaient") qui produisent leur effet... comique!

Le sujet: une bande de brigands veut s'emparer d'une dot de 3 millions destinée à une princesse espagnole par son futur époux italien, le Duc de Mantoue. Le tout traité à la manière d'Offenbach (et de son librettiste Ludovic Halévy): complot, déguisements, revirements, confusion, quiproquos, initiés par les deux moteurs de l'activité humaine, l'amour et l'argent et illustrés par des scènes enlevées où le burlesque le dispute au mot d'esprit.

Les meillleurs moments, selon moi:

l'air des bottes: magnifique

le solo du caissier, joué et chanté par Christian Ouellet: irrésistible

l'entrée en scène des carabiniers (aussi incompétents que les Gendarmes de St-Tropez) derrière leur chef, Joseph Rouleau, qui roule à moto.

le can-can des poulets (plumés) chanté par les trois bandits déguisés en marmitons: burlesque à souhait

et tous les solos de Marie-Ève Munger.

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Malgré la longueur réelle de la prestation (près de trois heures), le temps passe vite et on ne s'ennuie pas une minute.

Le public était très nombreux en ce soir de première, où on a rendu hommage au fondateur de l'opérette Guy Dion, et aux six (ou sept?) membres de la famille Laprise qui y ont oeuvré et y oeuvrent encore. Le doyen (et papa) de ces derniers, Normand Laprise, a dirigé l'orchestre de l'opérette pendant plusieurs années. Notamment en 1992, alors que l'on présentait Les Brigands à l'auditorium Dufour. Madeleine Gauthier, actuellement vice-présidente du CA, signait la mise en scène. Et c'est le baryton Jean-François Lapointe (songera-t-on à lui rendre hommage?) qui incarnait alors Falsacappa.

Il reste deux représentations: ce soir (vendredi 10 février), et demain à la salle François-Brassard, à 19h30. Si vous voulez vous amuser, entendre de la belle musique et voir à l'oeuvre des artistes de grand talent, courez-y.

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Autre(s) point(s) de vue:

Christophe Huss, dans Le Devoir

01/02/2012

Le choeur de Riccardo Muti

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Sur cette vidéo (mars 2011) maestro Riccardo Muti  accorde un bis pour le "Va Pensiero" du choeur des esclaves, alors qu'il dirige Nabucco de Verdi à l'Opéra de Rome. C'est exceptionnel, car en général, il refuse de bisser, estimant qu'un opéra doit se dérouler sans heurt du début à la fin.

Le chef a expliqué ainsi son geste (après que les appels pour un bis se soient tus, quelqu'un dans la salle venait de crier: "Longue vie à l'italie"):

"Oui, je suis d'accord avec ça, "Longue vie à l'Italie" mais (...) en tant qu'Italien qui a beaucoup parcouru le monde, j'ai honte de ce qui se passe dans mon pays. Donc j'accède à votre demande de bis pour le "Va Pensiero". Ce n'est pas seulement pour la joie patriotique que je ressens, mais parce que ce soir, alors que je dirigeais le choeur qui chantait "O mon pays, beau et perdu", j'ai pensé que si nous continuons ainsi, nous allons tuer la culture sur laquelle est bâtie l'histoire de l'Italie. Auquel cas notre patrie serait vraiment "belle et perdue".
Depuis que règne par ici un "climat italien", moi, Muti, je me suis tu depuis de trop longues années. Je voudrais maintenant que nos donnions du sens à ce chant; comme nous sommes dans notre Maison, le théâtre de la capitale, (... ) si vous le voulez bien, je vous propose de vous joindre à nouspour chanter tous ensemble."

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Donc, toute la salle s'est mise à chanter avec le choeur. Avec ferveur et émotion, comme on peut le voir et l'entendre. Plusieurs choristes pleuraient, comme le montre la photo. Des moments uniques, exceptionnels.

Et quelle belle façon de protester, d'exprimer sa révolte contre les dirigeants, contre les coupes sombres dans la culture. (Certains médias ont affirmé que Sylvio Berlusconi, alors encore président du pays, était dans la salle, mais il semble que ce n'était pas exact. Il a assisté à l'opéra la semaine suivante).

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-- Quelques détails sur l'événement dans cet article du journal La Croix

-- Traduction française (littérale) de Va Pensiero:

Va, pensée, sur tes ailes dorées;
Va, pose-toi sur les pentes, sur les collines,
Où embaument, tièdes et suaves,
Les douces brises du sol natal!

Salue les rives du Jourdain,
Les tours abattues de Sion...
Oh ma patrie si belle et perdue!
Ô souvenir si cher et funeste!

Harpe d'or des devins fatidiques,
Pourquoi, muette, pends-tu au saule?
Rallume les souvenirs dans le cœur,
Parle-nous du temps passé!

Ô semblable au destin de Solime
Joue le son d'une cruelle lamentation
O que le Seigneur t'inspire une harmonie
Qui nous donne le courage de

supporter nos souffrances!

23/01/2012

Le baroque enchanté

Moi qui affirme depuis toujours aimer la musique baroque, j'ai éprouvé quelques doutes quand j'ai assisté en décembre dernier à la projection de Rodelinda de Haendel, présenté au Metropolitan Opera: le contre-ténor avait un filet de voix et je m'y étais un peu ennuyée.

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Est-ce que j'aime vraiment cette musique, m'étais-je demandé? La réponse est un immense oui, conforté par cette autre production du Met que j'ai vue samedi au cinéma Jonquière: The Enchanted Island, un nouvel opéra, un "pastiche baroque". Le livret de Jeremy Sams assemble deux pièces de Shakespeare plus un certain nombre d'éléments originaux, et le texte en anglais (un anglais de grande qualité m'a-t-il semblé à la lecture des sous-titres) est associé à plus de 40 pièces de musique baroque, en grande majorité de Haendel mais aussi de Vivaldi, Rameau, Purcell et quelques autres.

Après quelques moments d'inquiétude dans la salle du cinéma car un problème technique empêchait la transmission (c'était ainsi partout au Québec nous a-t-on dit), ce qui nous a fait manquer la présentation et l'ouverture, nous avons été d'un coup plongés dans ce monde, happés par la beauté, la profondeur et la richesse de cette musique servie par des interprètes de haut niveau.

Enfin un haute-contre, David Daniels, qui chante (le rôle de Prospero) superbement et à plein volume, à qui la soprano Danielle De Niese (Ariel), véritable tourbillon de charme et d'entrain, donne la réplique en multipliant les ornementations avec une extraordinaire aisance, tandis que l'orchestre, dynamique et percutant, dirigé par William Christie (l'un des initiateurs du projet, avec le directeur du Met Peter Gelb), ponctue et accentue chaque passage de façon enlevante.

Tous les interprètes font assaut des plus grandes qualités vocales et dramatiques, que ce soit la magnifique mezzo Joyce DiDonato, en sorcière, ou bien le superbe baryton-basse Luca Pisaroni (tous deux sur la première photo), celui-là même qui jouait Leporello dans le récent Don Giovanni du Met, et qui apparaît ici sous les traits de son fils, le difforme Caliban, mort-vivant aux oripeaux death metal. Ou encore Lisette de Oropesa, excellente dans le rôle de Miranda, et l'autre contre-ténor, le jeune Anthony Roth Constanzo (il a d'ailleurs remplacé David Daniels dans le rôle de Prospero pour quelques représentations de L'Île enchantée), qui nous charme par la beauté de sa voix dans son (seul) grand solo et dans son duo. Chacun des membres du quatuor des naufragés est tout aussi agréable à voir et à entendre.

the enchanted island,metropolitan opera,david daniels,danielle de niese,joyce didonatoL'histoire se passe sur une îleProspero règne en tyran. Une tempête (celle de Shakespeare!) y déverse deux couples en voyage de noces qu'on n'attendait pas. Quelques-uns de ces naufragés, ayant absorbé des potions magiques mal dosées ou qui ne leur étaient pas destinées, forment des couples improbables avec les habitants de l'île, qui eux voudraient bien se libérer du joug de Prospero. C'est une histoire amusante, charmante, étonnante, qui fait place à quelques beaux moments d'intense émotion.

Pour les créateurs, une occasion unique de mettre en lumière des décors fabuleux et fantaisistes (parfois un peu kétaines mais bon): une caverne, une forêt magique, des arbres qui s'illuminent, des animaux fantastiques, la mer, les bateaux, les vagues.

Et la grandiose apparition de Neptune, en direct de l'océan sur son trône en forme de coquillage, entouré de sirènes et autres créatures marines. Ce dieu de la mer est chanté par Placido Domingo, qui fêtait ce jour-là son 71e anniversaire: un peu fatigué mais chantant encore assez bien ce rôle bien fait pour lui. "C'est la première fois que j'interprète un dieu", disait-il à Deborah Voigt à l'entracte.

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Il y a aussi un extraordinaire ballet, pastiche moderne et déjanté du traditionnel ballet d'opéra.

Les puristes hurleront peut-être (d'ailleurs ils ont hurlé dans certains médias new-yorkais), mais pour moi c'est une réussite totale. Tout y est: voix, musique, décors, livret intelligent et inventif (sauf peut-être quelques longueurs, quelques scènes un peu inutiles en deuxième partie): on ne se lasse pas d'écouter et de regarder.

Mais en premier lieu sans doute, il y a cette impression très nette que toute l'équipe, autant les concepteurs que les chanteurs-acteurs, met toute son énergie, travaille dans la même direction et se donne à fond pour faire exister cette merveilleuse fantaisie, dans le seul but de créer un lieu et un espace de plaisir partagé.

Même loin, même au cinéma on sentait bien, grâce à la magie du direct, cette chimie, ce petit plus, cette étincelle qui s'allume quand tout le monde est en phase et totalement engagé, bref, quand le tout est plus grand que la somme des parties.

20/12/2011

Noël, Les Violons, Marie-Nicole...

Chaque année, j'assiste à un concert de Noël. Cette année, c'était spécial: il y avait bien le mot Noël dans le titre de plusieurs oeuvres, mais c'était, tout simplement, un vrai concert de vraie musique. Baroque. Donné par Les Violons du Roy et la contralto Marie-Nicole Lemieux, véritable joyau vocal et musical originaire de Dolbeau au Lac-Saint-Jean.

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(Marie-Nicole Lemieux et Les Violons du Roy. Photo Jeannot Lévesque, Le Quotidien)


L'église Notre-Dame-de-Grâce n'a pourtant rien d'un écrin. Mais Les Violons du Roy, dirigés par leur chef en résidence Éric Petkau, y ont accompli un véritable miracle: transformer l'acoustique habituellement ordinaire de ce vaisseau en un vecteur sonore absolument parfait. Concentré, passionné, attentif, chacun de ces 17 instrumentistes a fait merveille, de sorte que l'ensemble sonnait de façon sublime: avec cette sonorité ronde et pure qui caractérise les Violons depuis longtemps, ces nuances subtiles, cette audible clarté de la moindre note. En fermant les yeux (ce que je pouvais faire d'ailleurs puisque, placée à l'arrière, je voyais à peine les musiciens), je me serais crue au Palais Montcalm, la belle résidence des Violons à Québec.

Je crois que tout part d'un tempo impeccable, longtemps travaillé afin qu'il soit respecté dans les moindres entrées, sorties, tenues de note. C'est un aspect auquel bien des ensembles et orchestres sont moins attentifs. Ça c'est la base. Ensuite, il y a le soin apporté à chaque détail, et à l'ensemble, pour un résultat admirable.

De sa voix riche et profonde*, Marie-Nicole Lemieux a chanté Bach: des extraits de cantates et d'oratorios de la période de Noël. Le plus extraordinaire: Schlafe, mein Liebster, genieße der Ruh' (Dors, mon bien-aimé, jouis de ton repos), qu'elle maîtrise et illumine avec son talent, son expérience, sa ferveur, sa joie manifeste de chanter.

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À la maison, chaque année depuis des lustres pendant la période des Fêtes, nous écoutons un disque qui regroupe des concerti grossi de Corelli, Torelli, Locatelli, et celui de Manfredini, Pastorale per il Santissimo Natale, qui était au programme hier. Sur disque, c'est déjà très beau, mais en direct, par les Violons du Roy, c'était vraiment extraordinaire, je le redécouvrais en quelque sorte. (Cliquez l'image ci-dessus pour l'entendre par un autre ensemble).

Il y a eu aussi des oeuvres de Haendel et de Molter. Et le merveilleux "À la Pastorelle" de Telemann, qui a ouvert la deuxième partie, fut un des meilleurs parmi les excellents moments de ce concert.

Marie-Nicole Lemieux a aussi chanté Sainte nuit et Ah! quel grand mystère, offrant en rappel Le Sommeil de l'enfant Jésus, qu'elle a dédié aux gens de l'UQAC qui lui ont remis en avril dernier un doctorat honoris causa (plusieurs étaient présents dans la salle). Il fallait bien chanter Noël, elle l'a fort bien fait, mais le meilleur du concert était déjà passé.

Notes:

- Ce concert affiche complet pour ce soir (mardi) à Dolbeau-Mistassini.
- Il a été donné au Palais Montcalm le vendredi 17 décembre.
- À la radio, il sera diffusé sur Espace musique, le mercredi 21 décembre à 20 h.

Dans les médias:

- Le Quotidien: critique par Anne-Marie Gravel
- Le Soleil: entrevue préalable (pour Québec) avec Richard Boisvert
- Complément à l'interview

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* Mais que sa voix s'apaise ou gronde,/ Elle est toujours riche et profonde./ C'est là son charme et son secret.  (Charles Baudelaire, Le Chat, dans Les Fleurs du mal).