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04/12/2011

Le baroque et le Met: Rodelinda

Un opéra de Haendel au Metropolitan, et pas le plus connu: Rodelinda. Je suis allée le voir (au cinéma Jonquière) surtout pour la musique, car j'aime beaucoup le baroque, et ensuite pour les deux principaux interprètes, la soprano Renée Fleming et le contre-ténor Andreas Scholl.

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Une expérience un peu étrange, en demi-teintes pourrais-je dire. Le style baroque et celui des opéras du Met sont antagonistes à la base. Une fois cela dit, les responsables de la production à New York ont décidé de foncer: de mettre toutes les ressources scénographiques (financières sans doute aussi), dramatiques, vocales et orchestrales, bref toute la gomme au service d'un opéra qui en principe, ne demande rien de tout ça. Ce fut fait d'abord en 2004, puis repris en 2006, et ce que l'on voit en 2011 est, dit-on, la même production, avec quelques légères modifications et des interprètes différents autour de Renée Fleming.

Pour moi, le baroque, c'est, dans une salle de quelques centaines de sièges, un petit orchestre, des instruments d'époque tels que flûte à bec, viole de gambe, clavecin et des chanteurs, quand il y en a, spécialistes du genre (souvent des contreténors), des airs qui ont la particularité de répéter le même thème (et les mêmes phrases) des dizaines de fois. C'est beau, intime, calme, égal: il n'y a pas de grands contrastes entre les temps forts et les temps faibles.

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La Rodelinda du Metropolitan Opera (cliquez sur l'image pour voir une vidéo avec interview -traduite en français- de Renée Fleming), intègre ces éléments dans une grande production, à l'américaine, tendance romantique, big pour tout dire. Les chanteurs quittent le stoïcisme du baroque pour bouger, pleurer, crier, bref, exprimer des sentiments comme dans un opéra de Verdi.

Parmi eux, deux contre-ténors. Dans ce choix de mise en scène classico-romantique, leur registre de soprano sonnait étrangement. Je suis sûre que plusieurs personnes dans la salle ont été étonnées, et peut-être dérangées, en entendant les premières mesures chantées par Andreas Scholl, l'un des plus réputés spécialistes du baroque. Technique impeccable et beau timbre, mais un volume assez faible: si nous l'entendions assez bien dans la projection vidéo, j'ai rodelinda,renée fleming,andreas scholll'impression que sa voix ne devait pas remplir l'immense vaisseau du Metropolitan Opera. L'autre contre-ténor, le britannique Iestyn Davies (photo ci-contre), a donné à mon avis une meilleure prestation.

Renée Fleming aime chanter le baroque, mais ce n'est pas sa spécialité. Elle a éprouvé des difficultés avec les aigus et avec le rythme: une prestation que je dirais inégale, par cette belle rousse séduisante. Et son duo "Io t'abbraccio",  avec Scholl, était formidable. Son fils était joué par un charmant jeune garçon, très performant dans ce rôle important bien que muet.

Stephanie Blythe  connaît très bien le genre et chante de façon superbe.

Pour Kobie van Rensburg et le baryton-basse Shenyang, c'était so-so, comme on dit à New York.

L'orchestre, imposant en nombre de musiciens, sonnait fort bien, avec une couleur baroque  perceptible grâce à l'ajout de quelques flûtes à bec, clavecins et théorbes.

Le tout joué dans de somptueux et gigantesques décors, l'une des scénographies les plus complexes et les plus lourdes utilisées au Met, comme on a pu le voir à l'entracte. Tellement big, les décors, que les changements ont nécessité deux entractes de 20 minutes chacun. Baroques, oui, mais pas musicalement baroques. Un drôle de mélange.

Autres remarques: diction italienne plutôt ordinaire en général, et une scène de combat, vers la fin, totalement ratée (j'ai l'impression qu'il y a eu un problème technique). Et il a fallu attendre le deuxième des trois actes pour que le spectacle commence à lever. Jusque-là, c'était un peu soporifique.

Ceci dit, j'ai quand même bien aimé mon après-midi de cinéma-opéra.

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Jack et moi étions pas mal d'accord, même si nous l'avons exprimé en des termes différents: lui ici.

14/11/2011

Monsieur Lazhar, soeur Cécile, religion et culture

Deux films québécois vus au cours du dernier mois.

(Dans les prochains billets il y aura: une pièce de théâtre, un opéra et une exposition)

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Monsieur Lazhar, de Philippe Falardeau. Du cinéma social de qualité. Les scènes qui se succèdent  mettent en lumière, par touches délicates et fluides, la situation des personnages, leurs réactions et émotions face à des enjeux sociaux comme l'école, l'enfance, l'immigration, le travail, l'inclusion et l'exclusion. Bachir Lazhar, un Algérien demandeur du statut de réfugié, remplace au pied levé une enseignante de quatrième année qui s'est suicidée dans son école.

Le scénario s'attache en particulier à deux élèves, Alice et Simon, et à ce qu'ils vivent après la disparition de leur enseignante et l'arrivée de ce nouveau professeur aux méthodes étranges. Les drames sont évoqués discrètement, les scènes bien découpées, et tous les acteurs sont formidables, en particulier Fellag dans le rôle de Monsieur Lazhar (photo ci-dessus), de même que les jeunes Sophie Nélisse et Émilien Néron. Peut-être un peu trop proche du théâtre (car tiré d'une pièce d'Evelyne de la Chenelière), Monsieur Lazhar est un beau film qui fait réfléchir.

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Pour l'amour de Dieu, de Micheline Lanctôt. L'histoire se situe aussi dans le milieu scolaire, maispour l'amour de dieu,micheline lanctôt,monsieur lazhar,philippe falardeau,hôtel du libre échange,les têtes heureuses,don giovanni,metropolitan opera,les frères caillebotte celui des années 50-60: un jeune prêtre en visite dans une école provoque un double coup de foudre: chez Léonie, une élève de 7e année, et chez soeur Cécile, une religieuse enseignante. Difficultés, incompréhension, déchirements entre la morale et le désir. Le film est, dit la réalisatrice, insipiré par un épisode de sa propre vie.

Le sujet est intéressant et la reconstitution plutôt réussie du milieu scolaire et religieux des années 50-60 m'a beaucoup intéressée (c'est mon époque). Cependant le rythme poussif du récit et certaines avenues où il s'aventure (on y voit Jésus!) m'ont dérangée. Des longueurs, une fin invraisemblable, des images discutables, bref, je n'ai pas vraiment aimé la réalisation. Dommage car Micheline Lanctôt est une femme que j'estime et dont j'apprécie habituellement le travail.

02/07/2011

DSK, le film

dsk.jpgAccusations très graves, séjour en prison, assignation à résidence, descente aux enfers d'un homme puissant et respecté, peut-être le futur président de la France. Et puis un revirement spectaculaire: la crédibilité de la victime est mise en doute, le paria d'hier retrouve un peu de sa superbe... et son sourire.

Combiné à la justice-spectacle à l'américaine qui fait bien peu de cas de la présomption d'innocence, le bruit médiatique est tel qu'il devient impossible, pour nous qui suivons les péripéties de l'histoire dans les journaux ou à la télévision,  de considérer Dominique Strauss-Kahn comme un être humain ordinaire.

Il devient un personnage, le héros d'un film ou d'un roman de John Grisham. Ce n'est plus un homme, mais la somme de tout ce qui est écrit, raconté, publié sur lui. Ce n'est plus une personne, mais un tourbillon de mots et d'images où il devient impossible de distinguer les faits des présomptions, la vérité de la rumeur.

A-t-il agressé, violé la femme de chambre qui l'accuse? Tout à coup, cette question passe au second plan (on peut le regretter, mais c'est ainsi). Si le témoignage de la victime devient non crédible parce qu'elle a menti sur certains aspects de sa vie, si l'image (elle aussi puisée dans la fiction romanesque) qu'elle a donnée d'elle-même, celle d'une immigrante gagnant honnêtement et modestement sa vie s'avère inexacte, l'accusation ne pourra pas tenir, et cela même si certains faits qu'elle a relatés sont vrais.

15/03/2011

Des après-midis aux vues

Vinh, Born Sweet, Cambodge, Cynthia Wade, arsenirSamedi et dimanche après-midi, quatre séances de Regard sur le court métrage au Saguenay, au Petit théâtre de l'UQAC, la meilleure des salles de projection du festival (équipement et confort): Carte blanche (films du Mexique), Compétition 1, Compétition 2, et Films sur l'art. J'ai donc vu 27 films en tout.
Celui qui m'a marquée, et qui a je crois jeté tout le monde par terre, c'est le documentaire Born Sweet (ce lien permet de voir la bande-annonce du film, en anglais), tourné par Cynthia Wade en collaboration avec une équipe du Cambodge,  projeté dimanche après-midi. Il évoque le cas de millions de personnes empoisonnées à l'arsenic, au Cambodge et dans d'autres pays d'Asie. Quand des puits furent creusés pour fournir de l'eau aux habitants du pays, l'arsenic contenu dans la nappe phréatique depuis des millénaires a contaminé cette eau (informations ici).

L'histoire racontée est celle de Vinh, un Cambodgien de 15 ans, au beau visage serein, dont la voix hors champ évoque les conséquences de cette contamination: taches noires sur la peau, qui deviennent des plaies, toux, faiblesse, cancer, mort dans bien des cas.

D'autres puits, sains ceux-là, ont été creusés par la suite, mais trop tard pour Vinh, et pour tant d'autres.

Le karaoke, une activité que tous pratiquent et aiment dans ce petit village éloigné, apporte douceur et réconfort dans la vie de l'adolescent. Il a même été recruté pour enregistrer une chanson éducative, qui renseigne la population sur les dangers de cette eau contaminée et lui indique comment éviter de l'utiliser (les "mauvais" robinets sont peints en rouge). Quand le vidéoclip est présenté dans le village, Vinh connaît son heure de gloire.

Une médication a d'autre part pu soulager certains maux dont souffre le jeune homme.

Tout ça est raconté doucement, simplement, sans cris, sans larmes. S'il y a des larmes, ce  sont celles que versent les spectateurs! Larmes, gorge nouée, révolte: personne n'est resté indifférent lors de cette projection. Le film a d'ailleurs remporté le Prix du public décerné à l'issue de cette 15e édition du festival.

Les récipiendaires des autres prix sont énumérés dans cet article.

 

 

12/03/2011

Courts métrages: début des courses

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Huit films, huit univers: certains m'ont touchée, d'autres m'ont amusée, d'autres ne m'ont pas du tout convaincue. Je plonge encore cette année dans l'univers du court métrage, avec Regard sur le court métrage au Saguenay,  un Festival vraiment formidable que je fréquente depuis très longetemps. Mon seul regret: ne pouvoir assister à toutes les séances, parce que... parce que la vie, les choses à faire, et aussi parce qu'il y a une limite au  nombre de films que mon esprit peut absorber en une journée.

Compétition 4, donc vendredi à la salle François-Brassard: un coup de coeur pour le court italien Big Bang Big Boom (photo ci-dessus. On peut par ailleurs le visionner en entier en suivant ce lien), une histoire du monde racontée en animation par peinture murale: celle-ci s'étale sur les murs, les rues, les objets, les maisons, partout, follement, pour former des animaux, des personnages qui se colorent, bougent, se transforment à toute vitesse. Une bande sonore extraordinaire accompagne de façon hallucinante les images, auxquelles elle vole d'ailleurs la vedette: c'est totalement jouissif.

Deux autres films de la sélection abordent le thème de l'homme qui détruit son propre monde: La visite guidée, (Québec, Martine Asselin, photo ci-dessous) où des touristes du futur vont voir des vaches(?) rescapées du 21e siècle: sans fioritures, bien fait, efficace, et Salva el Mundo,  qui montre des humains tentant de sauver la terre en travaillant à la remettre comme avant: dé-cuire les steaks, les sortir du frigo pour reformer les vaches, prendre du papier pour reconstruire les arbres. Un peu brouillon mais amusant et frais que ce film espagnol, proposé à Jonquière avec une bande-son en anglais (traduction) et des sous-titres français.

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Côté belle animation, La formation des nuages (Québec, Marie-Hélène Turcotte), superbe graphisme dessiné, sur le thème d'une petite fille qui devient femme. Le dessin s'égare un peu dans la rêverie, mais c'est néanmoins fort beau. Moins convaincant: Moj Put, film croate où il est question d'une pierre virtuelle dans un soulier, transmise de père en fils, qui agit comme un rappel à l'ordre aux moments importants de la vie. Sympathique dessin animé, malheureusement plombé par une pléthore de fautes d'orthographe dans les sous-titres, assez importantes et abondantes pour nuire à la compréhension de l'histoire.
Je n'ai pas vraiment aimé Impossible, de Vanya Rose (du Québec, en anglais) qui semble avoir eu de la difficulté à mettre en images la nouvelle Feuille d'album, de Katherine Mansfield, ni Toucher des yeux (France, Amandine Stelletta): mystérieux, pas clair, étrange, mais quand même bien fait.

regard sur le court métrage au saguenay,jonquière,unearthing the pen

Le film le plus touchant: Unearthing the Pen. Un jeune Congolais (photo ci-dessus) rêve d'aller à l'école, malgré sa pauvreté et malgré la malédiction du stylo, une légende inventée par les gens de son village, qui compensent ainsi leur ignorance et leur incompréhension du monde. Un texte nous informe, après la projection du film, que le jeune homme a finalement pu s'inscrire à l'école, grâce à la générosité d'un bienfaiteur. Ce fut pour moi la meilleure nouvelle de la journée!

 

19/02/2011

Le Discours du roi: bégaiement et amitié

Discours du roi, film(Geoffrey Rush et Colin Firth)

Avec Le Discours du roi, j'aurai vu deux films en lice aux Oscars cette année: un record pour moi, d'habitude c'est zéro ou un film. L'autre film que j'ai vu, c'est Incendies, de Denis Villeneuve, en compétition dans la catégorie du meilleur film en langue étrangère.

Le Discours du roi (The King's Speech) en nomination dans 12 catégories, gagnera sûrement quelques statuettes ce dimanche 27 février prochain. (Et je croise les doigts pour Incendies).

J'ai bien aimé ce film, peut-être justement en partie parce qu'il n'est pas américain, mais britannique. La reconstitution historique de l'Angleterre des années 30, le défilé des têtes couronnées: le vieux roi Georges V (qui meurt), ses fils, leurs épouses, les princesses Margaret et Élisabeth (future Élisabeth II), qui étaient alors de charmantes petites filles, les tractations et négociations secrètes, les costumes, la ville de Londres, les intérieurs (y compris celui de l'abbaye de Westminster), les moeurs qui intimaient de ne rien révéler de ses sentiments.

Je ne vous raconte pas l'histoire, elle est d'ailleurs fort bien illustrée et commentée dans cet article de Normand Provencher du journal Le Soleil. Elle concerne essentiellement la naissance et le développement d'une amitié improbable entre le roi Georges VI et Lionel Logue (nom prédestiné pour un spécialiste en élocution!), un orthophoniste aux méthodes peu orthodoxes appelé à la rescousse pour aider le souverain à corriger son terrible bégaiement, défaut plutôt embarrassant quand on est prince ou monarque. Chaque fois qu'il parle en public, c'est la catastrophe: hésitations, bégaiement, malaise, mutisme.

le discours du roi,tom hooper,colin firth,geoffrey rush(Les deux mêmes, avec Helena Bonham Carter, qui joue la femme du roi)

Ce beau film de Tom Hooper s'attarde donc aux relations entre les deux hommes, et tente même une explication sur les causes de ce bégaiement dont souffre le (futur) roi: ayant vécu depuis l'enfance  dans l'ombre de son frère David, destiné à régner et favori de ses parents et du peuple, il n'arrive pas à s'affirmer. (À la mort de son père George V, David monte sur le trône sous le nom d'Edouard VIII, et abdique peu après, remplacé par Albert, notre bègue, qui prend le nom de Georges VI.)

Rencontre entre un homme guindé, conscient de son rang et de son sang royal, et un homme simple, plutôt pauvre, émigré d'Australie, qui ose le bousculer, le tutoyer, lui faire poser des gestes incongrus, lui dire ses quatre vérités.

La rencontre fait des étincelles au début, il y a des mésententes, des ruptures, mais peu à peu les deux hommes s'apprivoisent et on assiste à la naissance et au développement d'une belle amitié et d'une profonde estime mutuelle.

Intimiste tout en dépeignant avec précision le faste d'une cour royale du 20e siècle, le film met l'accent sur le volet psychologique, sur l'évolution des sentiments, dépeint chaque personnage (même ceux qui sont secondaires) par touches successives, et soutient le suspense jusqu'à la finale très réussie, le discours du roi, où ce dernier maîtrise finalement son élocution et prononce la déclaration officielle de guerre à l'Allemagne nazie.

Et même si les deux acteurs principaux (Colin Firth et Geoffrey Rush) sont formidables, ils ne portent pas ombrage aux autres, qui excellent également.

Un beau film, simple et humain.

20/12/2010

L'Appât n'a pas d'appas

Ce titre, juste pour le plaisir de jouer avec les mots et d'utiliser "appas", un mot suranné que Racine en particulier affectionnait:

Cette ardeur que j'ai pour ses appas
Bérénice en mon sein l'a jadis allumée

 

lappatGuya.JPGIl y a quelques semaines j'ai vu la bande-annonce de L'Appât, le film d'Yves Simoneau qui vient de sortir sur grand écran.

Et j'ai pensé: "tiens! un sous-produit de Bon Cop, Bad Cop!"

Et j'ai subi, comme tous ceux qui écoutent la télé et lisent les journaux, ce matraquage où on voyait Guy A. Lepage et Rachid Badouri débiter leur salade à propos de leur rencontre, de leur plaisir à collaborer, de leur amitié et blablabla.

Et j'ai vu des extraits du film qui avaient l'air d'être tout sauf drôles.

Et j'ai pensé: "bof, ça n'a pas beaucoup d'appas!!!"

Et j'ai lu quelques critiques quand, après la tournée de matraquage, les chroniqueurs ont enfin eu le droit de dire ce qu'ils pensaient vraiment.

Et  j'ai pensé: "tiens! des coups de matraque! Ayoye! Bonjour la police!!! Je n'irai certainement pas voir L'Appât".

 

lAppatTavernier.jpg

Guy A. semble prédestiné à jouer dans des navets... même quand il ne les réalise pas! Rachid (sympathique humoriste par ailleurs), est tellement maquillé dans le film (d'après les extraits que j'ai vus) qu'il a l'air de se préparer à entrer au Musée de cire. Quant à Yves Simoneau, on dit qu'il est un réalisateur de talent. Qu'est-ce qui lui arrive?


AppatMann.jpg

...Et une petite recherche n'aurait pas été de trop au moment de choisir le titre du film. Ou peut-être qu'on l'a fait exprès?

L'Appât est un film de Bertrand Tavernier tourné en 1995 (notez que, sur l'affiche, on n'a pas jugé bon de mettre l'accent circonflexe sur le deuxième A du titre!). C'est aussi le titre donné à la version française d'un western d'Anthony Mann (1953: l'accent sur le deuxième  est bien présent sur cette affiche-là, tout comme sur celle du film avec Guy A.) dont le titre original était The Naked Spur. On n'a pas osé la traduction littérale: "L'Éperon nu"...

17/11/2010

Feu et Incendies

incendiesFilm.jpgAu cours du dernier mois, j'ai vu deux beaux films. Très différents l'un de l'autre, ils ont en commun le feu. Incendies (toujours à l'affiche à Chicoutimi, je crois) brûle dans tous les sens, le vrai feu et le feu intérieur: quête passionnée, mort, amour, désir, cruauté, guerre, ruines et décombres. C'est un film qui frappe, qui brûle les yeux et le coeur. Un film nécessaire, avec ses images belles et dures, qui montrent l'amour et la haine comme le feu et l'eau.

En 2007 à l'auditorium Dufour, j'avais vu la pièce de Wajdi Mouawad (j'en ai parlé ici) dont Denis Villeneuve a tiré le film. Il a su relier par une trame narrative solide les divers tableaux qui se succédaient dans la pièce et son film est très fidèle, me semble-t-il, au projet de Mouawad.

L'une des conclusions que l'on peut en tirer:

"Quelle connerie la guerre" (dans Barbara, poème de Jacques Prévert mis en musique par Joseph Kosma et interptété notamment par Yves Montand, comme ci-dessous, sur Youtube, avec une image statique)

 

 

Jean-Sébastien Bach

À Québec, j'avais repéré une projection au cinéma Cartier (où d'ailleurs Incendies sera présenté à compter de vendredi) , tout près du café Krieghoff où nous logions. Mein Name ist Bach (Mon nom est Bach), tourné en 2003, que nous avons vu en version originale (allemande), avec sous-titres français.

Réalisé par Dominique de Rivaz, le film évoque les circonstances dans lesquelles Jean-Sébastien Bach a composé son oeuvre intitulée L'Offrande musicale. nomBach.jpgMais d'un point de vue très prosaïque, avec une mise en images à la fois réaliste et étonnante de la vie à cette époque, longs et pénibles voyages en charette, soins médicaux donnés dans des condtitions épouvantables.

On y voit donc Jean-Sébastien et deux de ses nombreux fils (l'un vient d'être papa), et surtout sa rencontre avec Frédéric II de Prusse. Ce dernier, le méchant de l'histoire, est en réalité le personnage principal du film. Ses motivations sont si bien expliquées qu'on éprouve pour lui une certaine sympathie.

Sur cette vidéo, on entend le mouvement Ricercare de l'Offrande musicale, dont le thème fut, dit-on, soumis à Bach par Frédéric II, ainsi que c'est raconté longuement dans le film.

Un film dont on a peu parlé (critique dans Le Soleil ici) qui si je ne me trompe pas arrive ici dix ans après sa sortie, très intéressant et totalement atypique (j'ai seulement regretté que la trame sonore ne soit pas davantage présente et mise en valeur), vu dans un vieux cinéma de répertoire en compagnie d'une quinzaine de personnes: une belle expérience pour Jack (il en a parlé ici) et moi.

17/10/2010

Kiwi: drame en deux dimensions

danyKiwi2.jpgVu Kiwi, présenté à Jonquière par le Théâtre de La Tortue Noire, spectacle qui a été récompensé en 2009 au festival Spectaculo Interesse en République tchèque. Une histoire (écrite par Daniel Danis et mise en scène par Guylaine Rivard), de jeunes de la rue, dramatique, poignante, qui s'adresse en premier lieu aux adolescents, mais qui peut être appréciée par les adultes.

Avant la représentation, les deux comédiens, Dany Lefrançois et Sara Moisan, proposent une vente de garage au public qui se présente à la salle Pierrette-Gaudreault. Pour quelques sous ou quelques dollars, on peut acquérir bibelots, plaques d'immatriculation, cartes postales, râpe à fromage, jouets et autres menus objets hétéroclites qui paraissent sans grande valeur.

IMG_1254.JPGEn écoutant la pièce, on s'aperçoit que ces objets sont en fait des accessoires et des éléments de décor du spectacle, et qu'en les achetant, on en a privé les acteurs, réduisant encore leur scénographie déjà minimaliste et les forçant à modifier le récit en fonction  des éléments manquants! Deux oiseaux en terre cuite reposent ainsi au fond de mon sac à main alors qu'ils devraient chanter au bord de la rivière. Une spectatrice se réjouit de ne pas avoir acheté le petit carrosse de poupée dans lequel Kiwi promène Noisette.

Objets, marionnettes, manipulation, jeu d'acteur: la mise en scène et la scénographie jouent sur les deux dimensions (humaine et lilliputienne), sur et sous la table, combinant tous ces éléments avec une bonne dose de fluidité. Des têtes de poupées au bout d'un doigt, des doigts qui marchent comme des jambes, d'autres têtes miniatures posées sur des bouteilles de bière et de vin, et voilà installé ce groupe de jeunes marginaux, dans un repaire bricolé où ils vivent d'espoir: menacés d'éviction à la veille de jeux olympiques, ils connaîtront un destin tragique. Les deux principaux IMG_1251.JPGprotagonistes, Kiwi et Litchi, survivent au drame et représentent l'espoir.

On reconnaît bien l'écriture de Daniel Danis, où le mode narratif et poétique se substitue aux dialogues: un autre défi  pour les deux comédiens-manipulateurs.

"Entre le récit et la manipulation on passe d'une échelle à l'autre sans difficulté, suivant par moments les acteurs-personnages, pour les voir ensuite personnifiés par des têtes de poupées manipulées au bout des doigts, déambulant par exemple à travers une ville faite de plaques de voitures, de vieilles lampes et de bricoles. La simplicité des moyens utilisés, la puissance d'évocation des images créées par la rencontre d'objets bruts, ainsi que le travail vocal des acteurs viennent souligner avec encore plus de force la dimension poétique du texte de Danis",

peut-on lire sur le site de La Tortue noire: je ne saurais mieux dire.

Un travail intéressant, fascinant, minutieux, à la limite un peu laborieux: tellement visible qu'il s'interpose parfois entre le drame et l'esprit du spectateur, telle une digue anti-émotion. Un barrage salutaire:  autrement, on pleurerait peut-être...

09/06/2010

L'enfant prodige: un beau film

(Je ne parle pas du vote de dimanche pour la rénovation de l'auditorium Dufour: peut-être un peu plus tard, mais pour le moment, je laisse retomber la poussière).

guillaumeActeur.jpg

J'ai été voir L'enfant prodige, film de Luc Dionne qui relate les principaux épisodes de la vie du compositeur québécois André Mathieu.
(Le lien ci-haut renvoie renvoie à la note trouvée sur l'excellent blogue sur le cinéma québécois tenu par Charles-Henri Ramond, que je viens de découvrir, et qui est vraiment formidable. La fiche est bien plus complète que ce qu'on trouve sur le site officiel. Toutes les photos de cette page viennent en revanche du site d'Alliance Vivafilm).

Ayant lu quelques critiques tièdes ou carrément assassinpatrickPiano.jpges, je ne m'attendais donc à rien. J'y allais surtout pour la musique, que j'aime beaucoup.
Et le film fait effectivement une grande place aux passages musicaux (c'est Alain Lefèvre qui les joue au piano) dont j'ai goûté chaque instant.
Et j'ai aussi beaucoup aimé le film. Contrairement à d'autres, j'ai fort bien compris, et pleinement accepté, qu'on ne me donne pas les clés pour comprendre totalement l'être humain que fut André Mathieu. Dans un film biographique, surtout quand les documents d'archives sont rares, c'est impossible.
André Mathieu garde  son mystère, comme homme et comme artiste.
Nous avons des pistes, simplement:  Mathieu se percevait comme un compositeur, et sa virtuosité était pour lui un outil qui ne devait servir qu'à transmettre ses créations. Mais son entourage (famille, professeurs, directeurs musicaux) voyait surtout en lui un virtuose du piano, et envisageait son avenir comme celui d'une vedette (sinon un singe savant) qui ferait de grandes tournées pour interpréter les pièces les plus difficiles du répertoire.

afficheProdige.jpg

Jouer les pièces des autres, cela ne l'intéressait pas: "n'importe qui peut faire ça", dit-il.
Or, le métier de compositeur, c'est très difficile, insuffisant pour gagner sa vie et celle de sa famille. C'est Sergueï Rachmaninov lui-même qui le dit au jeune André Mathieu.
Dilemme, incompréhension.
Dans sa vie personnelle: omniprésence d'une mère surprotectrice, admiration et révolte envers le père, alcoolisme.
À partir de ces avenues, il revient au spectateur de pousser la réflexion, de se faire sa propre idée, d'entamer des recherches s'il en a le goût.
J'ai éprouvé de l'empathie pour cet homme, ses difficultés, sa vie gâchée, et j'aime sa musique.
Les très nombreux comédiens sont plutôt bons. (Marc Labrèche, Macha Grenon, Lothaire Bluteau... tout le bottin de l'Union des artistes y est). Sans soute pas un grand chef-d'oeuvre du cinéma, mais c'est un film honnête et bien fait, au style assez classique, et typiquement québécois...
parentsMathieu.jpgToute la première partie, alors que le jeune André Mathieu (joué par le jeune Guillaume LeBon) commence une carrière prometteuse et soulève l'admiration,  est fascinante. Il y a quelques trouvailles, par exemple la partition qui s'imprime au fur et à mesure de la musique d'ouverture, ou le gros plan sur les "marteaux" qui s'agitent furieusement dans l'âme du piano.
Une seule chose m'a vraiment frustrée, c'est la fin: Mathieu est ivre, il s'étend sur son lit, respire fort... Fondu au noir, un texte indique  qu'il est mort le 2 juin 1968 (il avait 39 ans)... et c'est le générique. J'aurais aimé qu'on évoque un peu plus clairement les circonstances de sa mort.
Mais peu importe. C'est la musique qui prime. Pour le plus grand plaisir du spectateur, le mien en l'occurrence.