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31/05/2014

Le Règne de la beauté: vertige du néant

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La plupart des critiques furent très sévères, sinon assassines envers le plus récent film de Denys Arcand: Le Règne de la beauté.

Pour ma part, j'ai beaucoup aimé ce film. Certes Arcand a modifié sa recette habituelle. Cela a pu déstabiliser les fans de ses précédents films. En ce qui me concerne, j'aime bien être dérangée, déstabilisée par une oeuvre ou un spectacle.
La beauté règne partout, en effet, dans ce film. Dans les paysages et les villes: Charlevoix, Québec, même Toronto. Dans les personnages: un cercle d'amis dans la trentaine, aux visages lisses et traits agréables, sans enfants, minces et musclés comme les acteurs et actrices qui les incarnent.

Non seulement ils ont choisi de vivre dans des lieux enchanteurs, mais ils pénètrent littéralement ces beaux paysages, les parcourant pour y pratiquer la pêche, la chasse, le ski, la randonnée, le camping, le golf, le tennis... et  y faire l'amour quand l'occasion s'y prête!

Luc (Éric Bruneau), le personnage principal qui est architecte, conçoit et construit des maisons en harmonie (harmonie? cela pourrait se discuter, mais enfin...) avec cet environnement, modernes et dotées d'immenses fenêtres:

"Je ne vois qu'infini par toutes les fenêtres"

( Charles Baudelaire)

Donc Denys Arcand plante ce décor, qu'il filme longuement, et y installe ses personnages, qu'il filme aussi longuement. Mais de l'extérieur, comme s'il promenait sur eux non pas une caméra, mais une loupe, comme celle d'un entomologiste examinant des insectes.

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L'étude est détaillée, minutieuse: discussions entre amis, repas que l'on partage, réceptions mondaines,  déplacements en voiture, pratique des sports, rapports sexuels (un sport parmi d'autres?), mais elle n'apporte pas de réponse.

Luc succombe aux avances d'une belle Torontoise et trompe sa compagne qui souffre de dépression. Pourtant il ne s'investit pas beaucoup dans cette relation passagère: il flotte à la surface des choses, comme tous ses amis.

On n'arrive pas à saisir ce qu'il pense, ce qu'il éprouve, d'où sans doute un certain malaise: impossible de ressentir et de partager ses émotions, celles des autres personnages, parce qu'on ne les connaît pas.

Seule reste la beauté et son vertige: quand Luc parcourt les boulevards périphériques de Québec, il est mis en contact avec une certaine laideur: rubans d'asphalte parsemés de restaurants à la chaîne, succursales de banques, dépanneurs, stations-service baignant dans la lueur blafarde des réverbères.

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(Éric Bruneau incarne l'architecte Luc Sauvageau
©Les films Séville)

Il comprend alors que s'il veut vraiment vivre, il devra peut-être aller dans ces paysages-là. Et il ne le veut pas. Alors il retourne à sa dolce vita, pleine de beauté, de sous-entendus, de relations superficielles. Mais au prix du silence, tentant de surnager, sans cesse menacé par la profondeur qui pourrait surgir d'un imprévu:

En haut, en bas, partout, la profondeur, la grève,
Le silence, l'espace affreux et captivant...
Et mon esprit, toujours du vertige hanté,
Jalouse du néant l'insensibilité.

               (Charles Baudelaire, Le gouffre)

La seule chose qui semble allumer et stimuler Luc, c'est le travail, donc la création. Le film suggère que cela seul peut le combler, plus que l'amour. Mais est-ce aussi une illusion?

C'est ainsi que je vois ce sujet, il y aurait certes une foule d'autres analyses possibles.

Quand j'ai assisté à la projection du film, qui a quitté l'affiche à Chicoutimi après deux semaines, il y avait quatre personnes dans la salle. Jack (qui a parlé du film ici) et moi, qui avons plutôt aimé, et deux madames, qui on trouvé ça "pas fort".

Je suis sortie de là enrichie d'une imposante matière à réflexion sur le sens de la vie et de l'art: que demander de plus?

En tout cas, moi je n'en demandais pas plus.

J'ai eu en prime de magnifiques images de Charlevoix, de la ville de Québec, lieux que je connais bien et qui sont littéralement caressés par la caméra: c'est elle la véritable amoureuse dont on partage les sentiments.

26/05/2014

Le règne de la beauté...

Rivière Saguenay, Chicoutimi, Arvida, intercar

J'emprunte le titre du plus récent film de Denys Arcand pour vous montrer quelques nouvelles photos de la rivière Saguenay, exceptionnellement calme ce jour-là (12 mai 2014).

Rivière Saguenay, Chicoutimi, Arvida, intercar

J'ai saisi ces quelques images à travers la vitre de l'autocar qui roulait entre Chicoutimi et Arvida, dernier segment du long périple qui me ramenait à la maison après un bref séjour à Montréal.

J'avais joué le même tour aux Lacs du Parc, quelques heures auparavant.

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 Je ne me lasse jamais du Saguenay: chaque nombreux jour de ma vie où je l'ai vu, il était différent... et chaque fois magnifique. D'où le titre de ce billet.

Qui rend aussi hommage au film de Denys Arcand, que j'ai vu récemment, que j'ai plutôt aimé, et dont je reparlerai peut-être dans un prochain billet. En attendant, vous pouvez lire quelques opinions favorables:

Celle de Jack, ici

Et celle de Dominique Corneillier, particulièrement fouillée et pertinente, publiée dans Le Devoir.

Encore une photo du Saguenay:

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Et enfin celle-ci, ma préférée:

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22/05/2014

Réels ou virtuels?

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Le monde est un vaste théâtre et nous en sommes tous les acteurs

J'ai récemment photographié cette citation de Shakespeare (dans Comme il vous plaira), inscrite sur un mur extérieur du Théâtre du Nouveau Monde, à Montréal.

Sans doute pour des fins de concision, la traduction en français de ce texte a été quelque peu modifiée par rapport à celle qui est la plus connue:

Le monde entier est une vaste scène de théâtre,
Et tous les hommes et les femmes en sont les acteurs.


(
Ils ont leurs entrées sur scène et leurs sorties de la scène,
Et un homme joue durant la vie de nombreuses pièces).

Je me pose parfois cette question: tout n'est-il qu'illusion? Sommes nous des êtres réels? Ne serions-nous pas plutôt des personnages posés dans un décor, scrutés, étudiés et examinés par d'autres entités pour lesquelles nous serions des cobayes?tnm,shakespeare,montréal,illusion,simulacron 3,daniel f.galouye

En tout cas je me la pose depuis que j'ai lu, il y a une trentaine d'années, Simulacron 3, de Daniel F. Galouye.  À la faveur de quelques indices, un personnage découvre que tout son monde est une copie, une maquette conçue par les savants du monde véritable afin de faire des simulations.

Et peut-être qu'il y a un autre monde au dessus des deux premiers, et puis encore un autre, et ainsi de suite comme dans une spirale sans fin, une enfilade de poupées russes contenues les unes dans les autres de la plus grande à la plus petite...

C'est un thème récurrent de la science-fiction, qui  nous invite à réfléchir sur le réel et l'illusoire. Bien sûr je ne crois pas vraiment que notre monde est virtuel, mais parfois je suis saisie d'un vertige: illusion que tout cela???

15/05/2014

Doux dégel

Il y a quelques jours dans le Parc des Laurentides, les beaux lacs sauvages se dégageaient lentement des glaces de l'hiver. Je les ai saisis à la dérobée, à travers la vitre de l'autocar qui me ramenait chez moi.

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Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,
Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges
Jeter l'ancre un seul jour ?
(Lamartine, Le Lac)

 

11/05/2014

Chaleur!!!

Premières belles journées à Montréal, dans le quartier des spectacles:

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Et rue de la Commune:

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08/05/2014

NEM et réminiscences

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Ce vendredi 9 mai, le Nouvel Ensemble moderne donnera à la Maison symphonique un grand concert qui soulignera entre autres ses 25 ans d'existence. Cet orchestre de musique de chambre a été fondé par Lorraine Vaillancourt, formidable musicienne qui en assure encore aujourd'hui la direction artistique.
J'assisterai à ce concert, qui sera au coeur d'une réunion exceptionnelle, celle des élèves de Rhétorique 1964, du collège du Bon Pasteur de Chicoutimi. Je faisais partie du groupe, de même que Lorraine Vaillancourt et plus d'une vingtaine d'autres jeunes filles.

nem,montréal,nouvel ensemble moderne,lorraine vaillancourt,conventum,bon pasteur,chicoutimiÀ cette époque, Lorraine était déjà une pianiste accomplie, et déjà très engagée en musique contemporaine, tout en demeurant très discrète sur cet aspect de sa vie. Mais nous le savions, et parfois nous insistions pour qu'elle nous joue quelque chose. Alors elle s'asseyait au piano, jouait  Beethoven ou Schoenberg, tandis que nous nous l'écoutions, fascinées et vaguement jalouses de sa virtuosité.
50 ans plus tard, devenues des femmes d'âge mûr (!), des mères et des  grand-mères pour plusieurs, nous serons une vingtaine à nous retrouver à Montréal pour une série d'activités culturelles et gastronomiques, style conventum et retrouvailles. Ce sera vraiment extraordinaire d'être dans la salle avec le public pour assister au concert donné par la plus célèbre d'entre nous et son ensemble.
Auto-proclamées les Pastourelles, nous nous sommes réunies à plusieurs reprises au cours de ces 50 ans, en divers endroits: Québec, Ottawa, centres de villégiature, en souvenir de ces belles années pendant lesquelles moi et mes merveilleuses compagnes (Lorraine, Agathe, Michèle, Constance, Lise, Myriam, Line, Francine et les autres) avons franchi les étapes du cours classique, qui s'appelaient Éléments latins, Syntaxe, Méthode, Versification, Belles-Lettres, Rhétorique, Philo I et et Philo II.
Et pour souligner de façon toute particulière nos 50 ans (!), les amies de Montréal nous ont concocté tout un programme, quelque chose de vraiment spécial.

 

PS. Lorraine Vaillancourt et le Nouvel Ensemble moderne représentent, comme l'écrivait Christophe Huss dans Le Devoir samedi dernier, "25 ans de modernité qui ose". On peut lire tout l'article en cliquant ici

02/05/2014

Così fan tutte: l'amour à quatre

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Bel après-midi, encore une fois, au cinéma Jonquière samedi dernier, 26 avril: Così fan tutte en direct du Metropolitan Opera. La musique, divine comme toujours chez Mozart. Les interprètes du quatuor: jeunes, allumés, compétents, aux visages expressifs, très beaux même en gros plan.

Et pour une fois pas d'abus de ces gros plans dans la prise de vues: nous avions assez de plans larges pour bien saisir l'ensemble du dispositif. C'était assez simple par ailleurs puisque la distribution est minimale, avec seulement six rôles et un mini-choeur qu'on voit à peine.

La soprano Susanna Phillips et la mezzo-soprano Isabel Leonard, qui incarnent les deux soeurs Fiordiligi et Dorabella, animent cette production avec effervescence et dynamisme, se montrant  musicalement et expressivement impeccables. Leurs deux partenaires -et amoureux- le merveilleux ténor Matthew Polenzani et le superbe baryton Rodion Pogossov leur donnent la réplique avec autant de verve et de compétence.

Fort agréable à écouter (cliquez sur l'image ci-dessous pour en entendre un extrait), cette comédie en apparence légère a pourtant quelque chose de troublant, grâce à Mozart, bien sûr. Et aussi à maestro James Levine qui, de retour à la direction musicale après deux ans d'absence pour cause de maladie, était la vraie vedette de cette production, du moins pour les habitués du Metropolitan et pour les critiques new-yorkais.

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Ce qui apparaît d'abord comme une farce mise en place par le bouffon Don Alfonso pour démontrer que, infidèle par nature, toute femme trompera son partenaire si l'occasion s'en présente ("Cosi fan tutte": Ainsi font-elles toutes), se transforme peu à peu en une sorte de pacte avec le diable et se retourne finalement contre tous les protagonistes.
Les deux amis, donc, se prêtent au complot ourdi par Don Alfonso et se déguisent en marchands albanais pour tester la fidélité de leurs fiancées. À leur grand dépit, chacun d'eux parvient  à séduire l'amoureuse de l'autre. Après quoi les deux femmes, avisées de la supercherie, se repentent... et chacune retrouve son chacun.
Mais rien n'est plus pareil, nous disent les regards échangés, les expressions du visage, les accents dans le chant lui-même, peut-être demandés par James Levine, qui a bien saisi l'enjeu sous-jacent de cette comédie.

La trahison, la tromperie, le secret transgressé des corps ont ouvert un abîme sous leurs pieds: tous quatre ont perdu leur innocence et "lu tous les livres" en une seule journée.
Interrogées à l'entracte par l'hôtesse Renée Fleming, les deux chanteuses ont avoué trouver leurs rôles légèrement inconfortables sur ce point: pour ces jeunes femmes modernes, la fidélité dans le couple est une valeur essentielle...

Mozart n'est pas que divin, il est diabolique aussi.
Et ce Cosi fan tutte fut un délice à voir et à entendre.