30/09/2013
Feu mon ancêtre
En faisant le tri de ses papiers, mon père a retrouvé cette photo prise par un de ses voisins en 1987. Elle représente le "calvaire" érigé à Chambord en souvenir de cinq hommes ayant péri dans le Grand feu de 1870. Le premier nom mentionné, Osée Fortin, est celui d'un de mes ancêtres: c'était le grand-père de mon grand-père Ludger, qui était le père de ma mère Claire, décédée en 2007.
Il y a cinq noms sur le monument (certains documents parlent de sept morts), un nombre relativement faible de victimes compte tenu de l'immensité du brasier qui dévasta le Lac-Saint-Jean et le Saguenay, de Roberval à Chicoutimi, le 19 mai 1870.
On peut ajouter à ces cinq noms au moins celui d'un des fils d'Osée, Tommie. En effet, un témoin, cité par Victor Tremblay dans son ouvrage Histoire du Saguenay, raconte comment lui et d'autres hommes ont retrouvé Osée (que l'on appelait José ou Josée) et son fils dans une cave où ils s'étaient réfugiés, près des décombres de sa maison neuve.
Le récit, que l'on peut lire en cliquant successivement les deux images (empruntées au dernier chapitre du livre de Mgr Victor, accessible en entier sur le site Nos racines), est saisissant:
Telle fut donc la triste fin de mon trisaïeul Osée Fortin.
Étrange coïncidence: il a vécu un certain temps et péri à Chambord (où ce monument fut érigé en 1946), petite municipalité où ont vécu les ancêtres de mon conjoint, et où ses parents se sont rencontrés.
25/09/2013
Fusion musicale
Une sonate de Brahms merveilleusement jouée par le jeune violoncelliste Stéphane Tétreault et le pianiste Chen Zhengyu. Au deuxième mouvement (qu'on entend sur la vidéo, par Stéphane Tétreault et un autre pianiste), je remarque que le thème, joué d'abord de façon sautillante avec des notes détachées et attaquées (spiccato peut-être), est repris ensuite legato, sur des notes égales et liées entre elles. Sans doute que bien d'autres compositeurs ont utilisé ce genre de variation mais là, il m'éblouit soudain, et à chaque reprise, j'admire le contraste saisissant entre ces deux styles, qui donnent une ambiance totalement différente à la même ligne mélodique: d'abord joyeux, alerte et dansant, et ensuite langoureux et romantique.
Ce concert tout entier, présenté dimanche dernier par les Jeunesses musicales à la salle Pierrette-Gaudreault de Jonquière, était d'ailleurs un pur joyau. J'avais vu le violoncelliste jouer à Laterrière l'an passé (voir mon billet ici). Il était déjà excellent mais depuis, il a progressé de façon remarquable, me semble-t-il. Beaucoup plus à l'aise, il fusionne davantage avec son instrument (un Stradivarius de 1707, prêté par Jacqueline Desmarais). Il joue avec tout son corps, comme dans un pas de deux, son visage est expressif, parfois extatique, comme s'il était submergé par la beauté de ce qu'il joue.
Mais il n'oublie rien: ni les notes de ses partitions dont certaines sont d'une difficulté extrême (il joue tout de mémoire), ni le rythme (infernal à certains moments), ni la technique. Il possède tout ça à merveille. Bach, Haydn, Schubert, Saint-Saëns et Tchaïkovski sont au programme, et en rappel, la très belle Méditation de Thaïs, de Massenet.
Le pianiste est tout aussi expérimenté et talentueux. La connivence entre les deux musiciens est parfaite, c'est merveilleux de les voir et de les entendre, totalement concentrés et engagés dans leur jeu, un plaisir partagé par l'auditoire qui remplit presque tous les sièges.
22/09/2013
La 175: souvenirs enneigés
Aujourd'hui 22 septembre 2013, inauguration officielle de la route 175, entre Saguenay et Québec. Boulevard Talbot, Route du Parc, route de la Réserve faunique des Laurentides, on l'avait aussi surnommée, avant sa réfection commencée il y a presque dix ans et célébrée aujourd'hui, "boulevard des coroners" tellement les accidents mortels y étaient nombreux.
Je ne vous raconte pas son histoire, vous pouvez la lire sur cette page ou ailleurs. Comme saguenéenne, je me réjouis et je profite du fruit de travaux gigantesques -et fort coûteux: une belle route à quatre voies divisées, agréable à parcourir, où les périls reliés à la traversée du parc sur une route à deux voies (collisions frontales, dépassements risqués, orignaux, camions) ont été sinon complètement éliminés, du moins considérablement réduits. Et je lève mon chapeau au petit groupe d'allumés qui, sous le nom de mouvement Accès-Bleuets, s'est battu pour l'obtenir.
Bien sûr je connais des gens qui ont eu de graves accidents dans le Parc. Et des familles de victimes. Il y a eu des morts et de nombreux blessés. Ce ne fut pas mon cas, merci la vie. Mais j'ai vécu deux incidents liés à l'hiver sur ce parcours.
Le premier remonte au temps de mes études à l'Université Laval, en 1967 ou 1968.
Comme tous les jeunes Saguenéens et Jeannois qui étudiaient à Québec, je revenais aussi souvent que possible dans ma région afin d'y passer la fin de semaine (chez mes parents à Arvida). Rares étaient les étudiants qui possédaient une voiture, nous nous entassions souvent à 4 ou 5 dans un vieux bazou pour traverser la route 54, c'était son nom à l'époque.
En pleine tempête, donc, je me retrouve assise sur la banquette arrière d'une petite voiture qui roule vers Chicoutimi. C'est le soir, il fait noir. Neige, froid, blizzard, les conditions se détériorent, on ne voit ni ciel ni terre. La conductrice est prudente et va lentement, mais rien n'y fait: l'auto dérape et se met à tourner lentement sur elle-même au milieu de la chaussée (où heureusement il ne passe personne pendant ce temps) pour revenir à sa position initiale.
Sa position initiale? Qu'en savons-nous? Il n'y a que des arbres, de la neige, deux tronçons de route, à l'avant et à l'arrière, qui semblent parfaitement identiques. Aucun de nous cinq ne sait plus dans quelle direction se trouve le Saguenay. Après tous ces tours, nous avons littéralement perdu le nord. Nous avons dû attendre qu'une voiture passe, faire des signaux pour qu'elle s'arrête et demander notre chemin au chauffeur!
Plus de peur que de mal.
Le deuxième incident s'est déroulé en décembre 2007, alors que je prenais place avec mon conjoint dans un autobus Intercar qui nous ramenait de Québec à Saguenay. En pleine tempête, encore une fois. Un camion immobilisé occupait une bonne partie de la voie, la visibilité était nulle, le chauffeur l'a aperçu trop tard et nous l'avons percuté. Un choc, des contusions, mais rien de grave. Et pas d'attente car nous avons pu monter dans un autre autobus. Un voyage qui a duré six heures plutôt que trois. J'ai relaté notre aventure dans ce billet.
17/09/2013
Vivre dans un paysage
Comme l'écrit Jack dans ce billet, cette grange blanche entourée de verdure, de rivière, de montagnes et de nuages a attiré notre attention de photographes amateurs lors de notre excursion à L'Anse-Saint-Jean au mois d'août. Nous l'avons photographiée de loin comme ci-dessus, le long de la petite route où nous avons marché, ou encore là, se découpant sur le ciel et la montagne:
D'un peu plus près, avec les vaches qui ne l'habitent sans doute pas:
Et d'un autre point de vue où elle cache en entier le village de L'Anse Saint-Jean:
Tout cela après un bon festin au Café du Quai,
où nous avons dégusté d'excellentes crêpes-déjeuner:
14/09/2013
Zoom et... zoou!
Par un beau dimanche ensoleillé, frais et venteux, petite excursion à quatre dans le magnifique village de Sainte-Rose du Nord (Jack publie également aujourd'hui un billet sur cette sortie, où il est question de ce même kiosque).
Assise sur la terrasse du restaurant, je repère, très haut et très loin, sur la montagne qui me fait face, ce joli kiosque. Je le photographie avec un léger zoom, et ensuite à la puissance maximum:
Je me dis que j'aimerais bien monter là-haut, car la vue doit y être saisissante.
Et puis mon souhait se réalise, car nous y montons. En auto pour la plus grande partie, ensuite un bref parcours à pied sur le sentier du plateau. Le grand kiosque érigé sur la pierre est tout entouré de nature, sauf pour les clôtures et gardes qui protègent les visiteurs de chutes éventuelles. Je peux donc voir de haut l'endroit où je me trouvais quelques minutes plus tôt:
Et le Saguenay en plongée vertigineuse:
Je constate aussi que l'amour est partout. Il a déjà gravi cette montagne, comme en témoigne cette inscription ("Steph et Martin"), gravée dans le bois de la barrière:
11/09/2013
Femme, hermine et beauté
J'ai découvert cette toile magnifique, La Dame à l'hermine de Léonard de Vinci, en jetant un coup d'oeil à l'émission Le grand tour de TV5. Bien sûr je connais La Joconde, je l'ai vue en personne et même photographiée (événement évoqué ici) au Musée du Louvre, et elle est très belle.
Mais cette Dame à l'hermine (peinte vers 1488-1490) fut une découverte pour moi, car je la trouve encore plus belle. À cause de ce visage juvénile, à la fois paisible et expressif. Peut-être aussi à cause de la présence d'un animal, l'hermine, dont le pelage semble palpiter doucement sous la main qui le caresse. C'est un portrait (de Cecilia Gallerani) extraordinaire, gracieux, vivant, raffiné, tendre et serein.
Comment peut-on, me suis-je demandé encore une fois, avec un pinceau et quelques couleurs, produire une image qui dégage autant de vérité et d'humanité, un tableau qui traverse les siècles et soulève autant d'émotion chez celui qui le regarde. C'est le mystère de la création artistique. Le mystère du génie, et Léonard de Vinci en était un, cela ne fait aucun doute.
J'en suis encore tout éblouie et c'est pourquoi je vous présente ce chef d'oeuvre, qui appartient au musée Czartoryski à Cracovie, en Pologne.
09/09/2013
Papier de noces
En faisant le tri dans ses papiers, mon père a trouvé cette facture (cliquez pour voir les détails):
136.76$: c'est le prix qu'il a payé en 1970 pour mes noces au Manoir du Saguenay. Pour des canapés, un repas trois services avec du homard en plat principal, du champagne (Veuve Clicquot), du vin et des fleurs! Pour 18 personnes... une noce intime.
Cette somme nous paraît aujourd'hui ridicule, mais il y a 40 ans, c'était un bon prix, pour un festin de grande qualité.
Le repas s'est déroulé dans un salon privé. Bien des gens qui étaient présents ne sont plus de ce monde, dans ma famille et dans celle de Jack. C'était lui, le marié, le saviez-vous? Et nous sommes encore ensemble aujourd'hui.
Avec quelques rides de plus qu'à l'époque. Voici de quoi nous avions l'air, dans le chic décor du Manoir du Saguenay:
07/09/2013
Zoooooooooom!
L'une des pièces les plus intéressantes que l'on peut voir aux Mosaïcultures, c'est celle réalisée par la Ville de Montréal, L'arbre aux oiseaux. Elle représente 52 oiseaux s'envolant d'un arbre immense. C'est une création gigantesque: 17 mètres de hauteur, 16 mètres de diamètre, un poids de 1400 tonnes, en fait c'est la plus grande mosaïculture jamais créée. Sa complexité représente un défi pour tout photographe, comme je l'ai constaté en prenant ce cliché:
À moi d'agir, donc, par l'oeil de ma lentille. Avec mon nouvel appareil doté d'un zoom optique 20x, j'ai ciblé un seul oiseau:
Déjà beaucoup mieux. J'ai poussé l'expérience un peu plus loin, et j'ai flirté avec le zoom numérique, pour obtenir cette image:
Et pour terminer, un joli poème de Pierre de Ronsard, où il est question entre autres d'un arbre(1) et d'un oiseau:
Bel aupébin, fleurissant,
Le long de ce beau rivage,
Tu es vêtu jusqu'au bas
Des longs bras
D'une lambruche sauvage.
Deux camps de rouges fourmis
Se sont mis
En garnison sous ta souche.
Dans les pertuis de ton tronc
Tout du long
Les avettes ont leur couche.
Le chantre rossignolet
Nouvelet,
Courtisant sa bien-aimée,
Pour ses amours alléger
Vient loger
Tous les ans en ta ramée.
Sur ta cime, il fait son nid
Tout uni
De mousse et de fine soie,
Où ses petits écloront,
Qui seront
De mes mains la douce proie.
Or vis gentil aubépin,
Vis sans fin,
Vis sans que jamais tonnerre,
Ou la cognée, ou les vents,
Ou les temps
Te puissent ruer par terre.
(1) Ronsard appelle "aubépin" l'arbuste que nous connaissons aujourd'hui sous le nom d'aubépine, selon l'évolution étymologique suivante (cliquez pour mieux lire le texte):
04/09/2013
Hommes, chevaux, (s)cul(p)tures
C'est beau, n'est-ce pas? Deux chevaux, paisibles parmi les fleurs, aux Mosaïcultures de Montréal. Je crois qu'ils sont faits en bois de grève. Parmi les multiples merveilles vues lors de cette visite, il y avait aussi des chevaux construits avec des plantes, comme ceux-ci:
En classant ces photos, j'ai repensé à cette vision d'un groupe de cavaliers lors d'une excursion récente à l'Anse Saint-Jean, avec un couple d'amis et mon conjoint Jack, qui en a parlé ici.
Je les ai pris de fort loin (les photos de Jack sont bien meilleures), mais tout de même, c'était une image de liberté, de fusion avec la nature, de connivence humain-cheval. Ils se promenaient dans ce paysage extraordinaire, longeant justement la grève.
Le cheval modifie l'homme, et l'homme lui rend hommage en faisant de ce noble animal le sujet de ses oeuvres.
Ainsi dans ce poème de Rainer Maria Rilke:
Tel cheval qui boit à la fontaine
Telle feuille qui en tombant nous touche,
Telle main vide, ou telle bouche
Qui nous voudrait parler et qui ose à peine -,
Autant de variations de la vie qui s'apaise,
Autant de rêves de la douleur qui somnole :
ô que celui dont le coeur est à l'aise,
Cherche la créature et la console.