25/07/2012
Tiens... un tacon!
Je l'ai reconnu de loin, immédiatement, lors de ma dernière sortie à vélo. Le long de la piste cyclable qui passe devant l'usine AP-60 (en construction) de Rio Tinto Alcan, sur le boulevard Saguenay.
Un tacon!
En principe, le tacon est un saumon naissant. Mais ce peut être aussi une jeune ouananiche, cette cousine du saumon considérée par certains comme l'emblème animalier du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Je l'ai appris alors que je travaillais comme journaliste au Quotidien et que j'interviewais Jocelyn Maltais et Alain Laroche, les fondateurs du collectif Interaction Qui.
Quand, dès 1988, ils venaient me parler de leur vaste projet Événement-Ouananiche, j'avais des doutes: je ne croyais pas qu'ils pourraient le mener à bien tant il était d'envergure.
Eh bien il semble que la sceptique que j'étais soit en voie d'être confondue. Ce tacon que je viens de photographier (en juillet 2012) est le 23e d'une série de 60 sculptures environnementales représentant une ouananiche, faites de pierres et de grillage métallique, à être mises en place sur tout le territoire du Saguenay-Lac-Saint-Jean. (35 d'entre elles sont installées à l'heure actuelle). En principe, une fois que ce sera terminé, l'ensemble aura les contours d'une grande ouananiche, détectable en vue aérienne. Comme ceci:
Les concepteurs de La grande marche des Tacons-Sites décrivent ainsi leur entreprise:
"réaliser un signe couvrant le territoire sur une surface de 140 kilomètres de long par 40 kilomètres de large. Il s'agit de construire 60 sculptures à l'effigie de la Ouananiche appelées «Tacon-Site»,à tous les 5 kilomètres sur le pourtour de cet immense signe emblématique."
"(Un Tacon-Site est implanté dans chacun des 60 pas d'une lieue que Ti-Jean
a réalisés dans le conte « Les pas de Ti-Jean » au Pays de la Ouananiche)"
(Explications plus détaillées ici)
C'est un projet insensé, géant, fabuleux. D'autant plus extraordinaire qu'il est assorti d'une foule d'autres éléments, écriture de textes, création de contes, forums, conférences, colloques, performances, événements culturels participatifs accompagnant l'installation des tacons, association avec les milieux de l'éducation, des affaires, avec les instances municipales, avec les communautés locales. Tout cela est admirable.
Admirable, mais peut-être pas admiré à sa juste valeur. Ainsi, ce tacon du boulevard Saguenay (bien qu'il soit baptisé tacon-site du papier, il est, bizarrement, placé devant les installations de RTA où l'on produit... de l'aluminium!), est là depuis 2008. Je suis passée tout près des dizaines de fois, et pourtant je ne l'ai remarqué que récemment, quatre ans plus tard. Et il y en a d'autres que j'aurais dû voir aussi (je me promets bien d'y porter attention à l'avenir), dans des lieux que je fréquente régulièrement: au Centre national d'exposition, au Musée du Fjord, et même devant le restaurant le Priviliège, par exemple. J'aurais dû les voir car je connais le projet depuis des années, je suis sensible aux arts visuels et j'aime particulièrement le Land Art.
En réalité, chaque tacon est si bien intégré à son environnement qu'il s'y confond et qu'on ne le remarque guère. Après tout, des amas de roche et de métal, il y en a partout...
Par ailleurs, le fait de passer inaperçu à prime abord est peut-être un attribut essentiel, et à la limite son principal atout...
Un grand coup de chapeau donc à ces créateurs qui, au risque de passer pour de doux rêveurs, pour des utopistes déconnectés, pour des mendieurs d'argent public, poursuivent leur projet envers et contre tous. Je leur souhaite de pouvoir le mener à terme.
Je salue leur créativité et leur persévérance, que n'entament ni l'indifférence générale, ni le temps qui passe.
21/07/2012
Ma nouvelle amie
Au cours d'une belle balade en vélo jusqu'à Chicoutimi, je me suis assise sur un banc dans le petit parc triangulaire formé à la jonction du boulevard Saguenay et de la rue Racine. Tout en avalant mon sandwich au fromage et mon thé glacé, j'ai observé et photographié ma compagne: la Fée des bois.
Il s'agit d'une sculpture en aluminium réalisée en 1960 par Raoul Hunter. De retour chez moi, j'ai fait des recherches pour trouver le nom de l'artiste. En poursuivant ma recherche, j'ai réalisé que je le connaissais déjà, puisqu'il s'agit du célèbre caricaturiste au journal Le Soleil, où il a travaillé de 1956 à 1989.
Voici le socle de la sculpture:
L'inscription est un peu difficile à lire, je la transcris fidèlement (c'est-à-dire en majuscules et sans les accents qui auraient dû normalement s'y trouver):
LA FEE DES BOIS
OPERATION CP*
1960
HOMMAGE A LA FORET
(*Opération CP: "opération conservation et protection (de la forêt)", une initiative prise à l'époque par L’Association forestière Saguenay–Lac-St-Jean (AFSL).
Une sculpture en aluminium en hommage à la forêt, un peu étrange, non?
Ceci dit, elle est charmante, cette fée des bois. Elle se détache admirablement sur la toile de fond formée par le Saguenay, ses rives... de même que les fils électriques, le boulevard et ses voitures!
Voici une autre photo que j'ai prise: hier:
J'ai aussi pris une photo de face, mais je vous propose plutôt d'aller voir celle, bien meilleure, qui se trouve sur le site de Raoul Hunter, ici.
J'ai trouvé deux poèmes de Victor Hugo ayant pour thème la Fée.
Le premier est lyrique et tendre:
LA FÉE
Viens, bel enfant! Je suis la Fée.
Je règne aux bords où le soleil
Au sein de l'onde réchauffée
Se plonge, éclatant et vermeil.
Les peuples d'Occident m'adorent
Les vapeurs de leur ciel se dorent,
Lorsque je passe en les touchant;
Reine des ombres léthargiques,
Je bâtis mes palais magiques
Dans les nuages du couchant.
Mon aile bleue est diaphane;
L'essaim des Sylphes enchantés
Croit voir sur mon dos, quand je plane,
Frémir deux rayons argentés.
Ma main luit, rose et transparente;
Mon souffle est la brise odorante
Qui, le soir, erre dans les champs;
Ma chevelure est radieuse,
Et ma bouche mélodieuse
Mêle un sourire à tous ses chants.
J'ai des grottes de coquillages;
J'ai des tentes de rameaux verts;
C'est moi que bercent les feuillages,
Moi que berce le flot des mers.
Si tu me suis, ombre ingénue,
Je puis t'apprendre où va la nue,
Te montrer d'où viennent les eaux;
Viens, sois ma compagne nouvelle,
Si tu veux que je te révèle
Ce que dit la voix des oiseaux.
et le deuxième est une fable cruelle et comique:
L'OGRE ET LA FÉE
Un brave ogre des bois, natif de Moscovie,
Etait fort amoureux d'une fée, et l'envie
Qu'il avait d'épouser cette dame s'accrut
Au point de rendre fou ce pauvre coeur tout brut ;
L'ogre, un beau jour d'hiver, peigne sa peau velue,
Se présente au palais de la fée, et salue,
Et s'annonce à l'huissier comme prince Ogrousky.
La fée avait un fils, on ne sait pas de qui.
Elle était, ce jour-là, sortie, et quant au mioche,
Bel enfant blond nourri de crème et de brioche,
Don fait par quelque Ulysse à cette Calypso,
Il était sous la porte et jouait au cerceau.
On laissa l'ogre et lui tout seuls dans l'antichambre.
Comment passer le temps quand il neige, en décembre
Et quand on n'a personne avec qui dire un mot ?
L'ogre se mit alors à croquer le marmot.
C'est très simple. Pourtant c'est aller un peu vite,
Même lorsqu'on est ogre et qu'on est moscovite,
Que de gober ainsi les mioches du prochain.
Le bâillement d'un ogre est frère de la faim.
Quand la dame rentra, plus d'enfant ; on s'informe.
La fée avise l'ogre avec sa bouche énorme :
As-tu vu, cria-t-elle, un bel enfant que j'ai ?
Le bon ogre naïf lui dit : Je l'ai mangé.
Or c'était maladroit. Vous qui cherchez à plaire,
Jugez ce que devint l'ogre devant la mère
Furieuse qu'il eût soupé de son dauphin.
Que l'exemple vous serve ; aimez, mais soyez fin ;
Adorez votre belle et soyez plein d'astuce;
N'allez pas lui manger, comme cet ogre russe,
Son enfant, ou marcher sur la patte à son chien...
16/07/2012
La femme qui parle
Comme vous le savez peut-être, je suis une adepte des transports en commun. J'aime prendre le bus et le métro dans toutes les villes où je vais. Et pour me rendre à Québec ou à Montréal, rien ne vaut l'autocar, qui me permet de bonifier mon trajet. Conduire mon auto pendant des heures, garder les yeux fixés sur des choses insignifiantes comme la route et les autres voitures, c'est une perte de temps, c'est contre-productif. Tandis que dans le bus, je peux lire, dormir un peu, naviguer sur Internet, déguster mon petit goûter.
C'est aussi l'occasion d'observer et de côtoyer toutes sortes de gens parmi lesquels, parfois, de drôles de numéros.
Un matin, j'attends justement l'autobus Intercar au terminus. Je ne vous dis pas lequel (histoire de ne blesser personne) mais vous pouvez deviner.
Je prends place à une petite table où se trouve déja une femme qui semble avoir mon âge. On se regarde, elle me demande où je vais... À Montréal, réponds-je, et je lui pose la même question.
Sa réponse est un fleuve...
Elle se rend à Québec, puis ira chez son fils, qui a été victime d'une inondation. Elle doit aller l'aider, s'occuper des enfants. Il le lui a demandé, dit-elle, reprenant les mots exacts et imitant la voix du fils. La veille, elle a assisté à un concert auquel participait un de ses petits-fils. Non seulement elle raconte, mais joue les personnages, en changeant de voix: son mari, son fils, sa belle-fille, son petit-fils disant par exemple: "Mamie, il faut absolument que tu viennes me voir."
Au bout de dix minutes, pendant que mon mari est allé acheter les journaux et faire un tour dehors, je connais toute son histoire, toute sa famille (portrait vocal inclus), toutes ses activités...
Je n'ai pas dit un mot... et je n'en peux plus!!!! Difficile à écouter. Elle parle sans arrêt... Je me demande ce que ses proches pensent de cette extraordinaire logorrhée. Et j'ai hâte que mon mari revienne!
Je ne sais pas qui a dû subir son incessant discours dans l'autobus. Moi, si j'avais dû écouter ça jusqu'à Québec, je serais morte.
11/07/2012
Voyager dans la gare
J'ai déjà déploré (ici)la difficulté d'accéder au métro Berri-UQAM quand on arrive à Montréal par autocar en provenance du Saguenay ou d'une autre région. À cause des escaliers qu'il faut descendre à pied, avec sacs, valises et autres bagages.
Depuis, un nouveau terminus a été construit. La Gare d'autocars de Montréal est pour l'instant le seul élément rescapé du fiasco de l'Îlot Voyageur, un gaspillage éhonté de fonds publics causé par l'incurie et l'incompétence des précédents gestionnaires (des membres du CA de l'UQAM).
Le nouvel édifice est plus beau (photo ci-dessus), plus clair et plus pratique que l'ancien, c'est certain. Les toilettes, en particulier, sont maintenant plus accueillantes pour les dames qui veulent se rafraîchir et zigonner dans leurs bagages. Mais il est aussi froid, chic et cher. Adieu grilled cheese et sandwich bacon-tomate-laitue-mayonnaise. Bonjour salades, sushis, latte géants et jus santé à 4$. Et le "dépanneur", géré par des anglophones, refuse systématiquement de vendre le Devoir! En prime, un site internet pourri.
L'entrée principale de la nouvelle gare est au 1717 rue Berri (près d'Ontario, là où se trouve l'icône orange sur le plan), mais l'accès au métro (indiqué sur le plan) est toujours dans l'ancien bâtiment, angle Maisonneuve et Berri.
De sorte que maintenant, pour aller prendre le métro, c'est encore plus compliqué qu'avant!
En suivant les indications pour se rendre à la station Berri-UQAM, on se retrouve dans un dédale de couloirs, d'escaliers à monter et à descendre, de portes à ouvrir, de passages interdits et de virages à droite et à gauche. Tout cela à pied, sans un seul escalier ou tapis roulant, en trimballant les valises, quand ce n'est pas une poussette avec un bébé dedans!
Au bout de cette course à obstacles, on arrive dans l'ancien terminus, maintenant sombre et désert. Un vaste espace à l'abandon, partiellement démoli, où de grandes bâches n'arrivent pas à cacher les murs percés de trous béants.
Et là, on se retrouve en haut du même fichu escalier... qu'il faut encore descendre à pied pour accéder au métro.
C'est assez horrible.
(Derrière la façade, le chantier... de l'Îlot Voyageur)
Il vaut mieux, du moins s'il fait beau et que notre valise est à roulettes, passer carrément par l'extérieur (c'est ce que j'ai fait la dernière fois). Une distance d'environ 500 mètres à parcourir sur le trottoir. C'est plus rapide, toujours tout droit, pas d'escaliers. Seulement des chauffeurs de taxi qui vous regardent, pleins d'espoir...
07/07/2012
Boum-boum boutique
Parfois je me pointe à l'entrée d'une boutique qui a l'air de proposer des choses intéressantes... mais je n'y entre pas et passe mon chemin.
Pourquoi? Parce que, alors même que je me tiens encore à l'extérieur du commerce, la musique m'agresse.
BOUM... BOUM... BOUM !
Je ne parle pas d'une petite musique de fond, mais de rock, de pop et autres nullités, en anglais et à fond la caisse. Je n'imagine même pas essayer de me faire entendre d'une vendeuse, je devrais crier et je déteste ça.
Il s'agit souvent de boutiques mode pour jeunes. Je dois être trop vieille. Trop vieille pour ce joli débardeur, ces sandales montantes ou ces bracelets colorés aperçus en vitrine. Ils iront à une autre que moi.
Tout ce son pour meubler le vide... commercial.
Musique agressive
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Au restaurant, quand les convives prennent du vin et que le volume des conversations est au maximum, les employés se croient obligés d'en rajouter en diffusant de la musique par les haut-parleurs. On ne l'entend pas, on l'enterre... mais elle joue!
Musique inutile
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À la télé, au moment où l'inspecteur (Poirot par exemple) dévoile le nom du coupable, où le noeud d'une intrigue passionnante est dénoué...
BOUM! la musique entre en scène et enterre le dialogue. Frustrant...
Musique nuisible
04/07/2012
Remplir la cathédrale...
Jean-François Lapointe a rempli la cathédrale de deux façons: par les gens qui s'y sont rendus en grand nombre pour l'entendre, et par sa superbe voix de baryton.
(crédit photo: Michel Baron)
Il n'abuse pourtant pas de cette puissance dont il est capable. D'autres amusent la galerie avec des effets de volume, mais pas lui. Quand c'est le moment, par exemple à la fin de l'Agnus Dei de Bizet, ou dans certains passages de l'Ave Maria de Gounod, il le fait avec une aisance remarquable, avec plaisir aussi sans doute. Mais ce n'est pas cet aspect de son art qui l'intéresse le plus. Ce qui motive Jean-François Lapointe, c'est de rendre justice à la beauté des oeuvres, ce qui se fait en complicité avec ceux ou celles qui l'accompagnent. En l'occurrence mardi, c'était Céline Fortin, organiste titulaire de la cathédrale de Chicoutimi.
Elle est aussi responsable de cette série de concerts d'été gratuits dans le vaisseau amiral des temples religieux de la région. Si elle joue fort bien, ce n'est pas principalement elle que les gens allaient entendre, et c'est tout à fait normal. Vedette internationale, applaudi dans les théâtres prestigieux d'Europe et d'ailleurs, le baryton natif d'Hébertville évite soigneusement de jouer sur ce statut, car l'esbroufe n'est pas sa tasse de thé.
En accord avec le lieu où il chantait, il a bâti un programme de musique sacrée simple et cohérent, comprenant des oeuvres de style assez varié pour mettre en valeur quelques-unes des plus belles couleurs de son timbre. Des compositions de Gabriel Fauré, Théodore Dubois, César Franck, et quelques pièces rares qu'il aime faire découvrir, comme celles d'Omer Létourneau, de Jean-Baptiste Faure et d'Edmond Missa.
Tout était beau, à la fois intense et retenu. Même s'ils étaient très loin derrière nous, au deuxième jubé, nous pouvions très bien, grâce au grand écran installé à l'avant, observer le travail des deux musiciens, en gros plan à plusieurs reprises. Alors ce chanteur, que je cours entendre dès que j'en ai l'occasion, je ne l'avais jamais vu d'aussi près! J'ai pu, comme les autres spectateurs, apprécier sa concentration, son souci de rendre chaque note, sa précision technique, sa ferveur, son total engagement et -peut-être- un petit pan de son âme...
Bref, ce fut extraordinaire du début à la fin. Chaque pièce était un bijou d'exécution. Il est seulement dommage que, à cause d'une trop grande réverbération (écho), l'acoustique de la cathédrale ne rende pas tout à fait justice à une voix de cette qualité.
L'organiste s'est acquittée de son rôle d'accompagnatrice avec discrétion et compétence, se réservant néanmoins quelques plages pour faire sonner les jeux du grand Casavant, notamment dans un choral de César Franck et une toccata du compositeur québécois Denis Bédard.