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27/09/1999

The Dragonfly of Chicoutimi, 1999

Critique parue dans Le Quotidien, vendredi 24 septembre 1999

(NB: une semaine après avoir écrit ce texte, j'en écrivais un autre... sur le décès de Jean-Louis Millette. Il avait 64 ans.)

(Entrevue avec Larry Tremblay, lors de la parution de son texte en 1996)


The Dragonfly of Chicoutimi
Une rencontre exceptionnelle entre un texte et un acteur


par Denise Pelletier

CHICOUTIMI(DP) - Le choix de «The Dragonfly of Chicoutimi» pour inaugurer le nouveau Petit Théâtre au pavillon des Arts de l'UQAC s'est avéré particulièrement judicieux. Non seulement à cause du titre, non seulement parce que l'auteur, Larry Tremblay, est originaire de Chicoutimi, mais parce que cette pièce est l'une des meilleures que l'on ait vues ici depuis plusieurs années, à cause du texte, de la mise en scène et de la performance exceptionnelle de Jean-Louis Millette.

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Il endosse la personnalité de Gaston Talbot, un homme mûr qui, tout au long de la soirée, va nous parler en anglais. Un anglais bizarre, qui ressemble au français. C'est certainement la première fois depuis fort longtemps qu'une pièce en anglais est jouée à Chicoutimi, et de surcroît accueillie avec autant de ferveur et de chaleur qu'elle l'a été hier soir (salle comble). Mais l'anglais est la seule langue qui permet à Gaston Talbot, pourtant un Québécois saguenéen francophone de Chicoutimi, de parler. Il arrive, sûr de lui, vêtu d'un complet: «I travel a lot, I see a lot of things», commence-t-il, comme s'il allait prononcer une conférence sur ses voyages.
Mais il nous apprend qu'il fait son possible «to keep in touch», pour rester en contact avec ce qui l'entoure. Il n'y aura pas de conférence. Il y aura un homme qui tentera de s'exprimer, de raconter sa vie, de renouer les fils qui vont de son enfance à son âge adulte. Toujours en anglais, il raconte, mêlant le réel et l'imaginaire, les rêves et les faits, creusant toujours davantage vers un événement traumatisant survenu dans son adolescence. Événement qui l'a rendu aphasique, silencieux plutôt. Un rêve lui permet, bien des années plus tard, de retrouver la parole, mais en anglais. Alors, quand il parle, on entend les mots, mais on a l'impression que ce ne sont pas les vrais mots, qu'il y a autre chose, qu'il faut chercher derrière, dessous ou à côté de ce qu'on entend pour trouver la vérité.
C'est un texte très fort, plein d'images percutantes où des «popsicles» blancs, des bâtons, des bougies d'anniversaire, une libellule épinglée au mur, les vicissitudes du corps, le visage déformé de Gaston qui se confond avec celui de son ami Pierre Gagnon, les rapports entre dominant et dominé, entre le français et l'anglais, le Saguenay, la rue Sainte-Anne, la rivière aux Roches, dessinent une trajectoire unique, fascinante, logique. C'est tellement riche qu'on voudrait réentendre le texte plusieurs fois. Au fur et à mesure que progresse la pièce, l'acteur, ou Gaston Talbot, perd son assurance, son costume se froisse, son visage se défait littéralement sous le poids de l'angoisse.
Jean-Louis Millette se montre là un acteur extraordinaire: chaque mot, chaque geste, chaque mouvement du visage a son sens. Un merveilleux travail, accompli en complicité avec l'auteur, qui est aussi le metteur en scène. Une rencontre exceptionnelle entre un texte remarquable et un acteur formidable à qui il semblait destiné de tout temps.
Afin de souligner l'ouverture de la nouvelle salle, les gens du certificat en théâtre et d'autres personnes avaient préparé, sous la direction de Rodrigue Villeneuve, un montage intitulé «Le théâtre, vous ne savez pas ce que c'est?». Il comprenait des extraits de pièces connues dont certaines ont déjà été montées et jouées dans l'ancien Petit théâtre, liés entre eux de façon à exprimer les différentes facettes du travail de l'acteur et à tenter de cerner l'essence même du théâtre. C'était une excellente idée, bien réalisée. Il y avait là des propos dont la performance de Jean-Louis Millette a démontré par la suite toute la pertinence.
Il y a une autre représentation ce soir de la pièce de Larry Tremblay «The Dragonfly of Chicoutimi».

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