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27/03/2011

Antigone, aujourd'hui

Un groupe de comédiens et de gens de théâtre. Des créateurs qui veulent créer. Ils ont monté Antigone, de Sophocle. (Cinq représentations, c'est déjà terminé).
Un choix audacieux. Le théâtre grec, aujourd'hui?  Vraiment??? Eh bien croyez-le ou non, c'est plus que pertinent. En écoutant les propos de Créon, le roi de Thèbes, fort bien joué par un Éric Rénald vêtu d'un pantalon de camouflage et tenant un bâton de golf en guise de sceptre, on jurerait entendre Kadhafi. Aujourd'hui. Ou d'autres dictateurs, à d'autres moments de l'histoire:  Hitler,  Ceaucescu, Pinochet... Nommez-les.
antigone,sophocle,100 masques,natas,maude cournoyerLe pouvoir les aveugle tous. "Ils empiètent sur le rôle des dieux", et finissent par croire que ce pouvoir est le leur. Qu'ils sont le pouvoir. Et que cela leur donne tous les droits sur tous ceux qui les entourent.
Donc le roi de Thèbes, aujourd'hui, nous parle de nous et de notre monde.
Et à entendre Antigone, la fille d'Oedipe, la rebelle qui ose défier son autorité, comment ne pas penser aux femmes, celles d'ici et d'ailleurs, dominées, humiliées, contraintes se soumettre à des lois iniques sous peine de mort. De mourir avant de mourir, comme le dit Antigone.

Le collectif N.A.T.A.S. (Notre Association Théâtrale Au Saguenay) a donc relevé le défi du laboratoire annuel de création du Théâtre 100 Masques. Et pas n'importe quels comédiens. Pour les trois rôles principaux (et quelques rôles secondaires): Maude Cournoyer (Antigone), Mélanie Potvin (Ismène) et Éric Renald (Créon), se montrent intenses et brûlants tout en conservant un ton égal et posé. antigone,sophocle,100 masques,natas,maude cournoyer

François-Matthieu Hotte, jeune cinéaste créatif et rebelle, signe sa première mise en scène pour le théâtre... et rien n'y paraît. Contraint à la sobriété par des moyens financiers plus que modestes, il a finalement fait de cette sobriété un élément essentiel de son travail (il explique sa démarche ici). Optant pour une réjouissante scénographie de récupération truffée d'anachronismes, vieilles tables, feuilles de papier, costumes minimalistes, et pour un fond sonore savamment mixé (musique, bruitages, sons déformés et stridents), il a consacré la plus grande partie de ses efforts au travail du texte avec les comédiens.
Maude Cournoyer est formidable dans le rôle de la jeune et pure Antigone, toute préoccupée de donner une sépulture à son frère Polynice, défiant les ordres de son oncle Créon. La comédienne, qui est d'ailleurs à l'origine de ce projet, a concocté sa propre adaptation du texte de Sophocle. Puisée à plusieurs traductions et sources (j'ai cru y déceler un zeste de l'Antigone d'Anouilh, mais je peux me tromper), sa version-adaptation parle une langue directe et simple, qui confère au propos une clarté troublante. Surtout que tous, comédiens et  coryphées, affichent une diction et un phrasé impeccables.

antigone,sophocle,100 masques,natas,maude cournoyerÀ cette équipe allumée et compétente, ajoutez un vieil auditorium au charme suranné (celui de l'ancien couvent du Bon Conseil, rue Racine),  une trentaine de personnes vendredi après-midi, et voilà: c'est magique, Antigone vit sous nos yeux, s'interroge, se révolte, et meurt, comme tous les autres protagonistes de cette tragédie.

Les grands thèmes qui préoccupent encore aujourd'hui l'humanité pensante, vie, mort, honneur, fidélité, soumission, courage, rébellion, loi, morale, cupidité, amour (bien peu celui-là), sont ici abordés. Les enjeux sont clairs... les solutions le sont un peu moins...

Je me rappelle mes années de collège et je me démêle une fois de plus (avec l'aide de mon voisin) dans la tragédie et la mythologie grecques, entre Eschyle, Euripide, Sophocle, entre les cycles de Thèbes (celui-ci), de Mycènes, d'Athènes. Mélangées aux récits de la Bible et de l'Évangile, ce sont les sources de ma culture.
Et je regrette que cette production n'ait pu, pour des raisons diverses, être présentée à ceux, justement, que notre système d'éducation secondaire et collégial prive chaque jour de cette culture...

Commentaires

Simplement pour mentionner que les photos et la vidéo sont de Guillaume Ouellet. L'affiche est de François-Matthieu Hotte.

Merci pour l'article

Écrit par : Pierre-Luc Maltais | 27/03/2011

Oups! correction effectuée. Merci!

Écrit par : DeniseP. | 27/03/2011

Les commentaires sont fermés.