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31/03/2010

Hamlet: énigmatique

ophelieHamlet.jpgJe ne sais trop que penser de l'opéra Hamlet d'Ambroise Thomas, version Metropolitan Opera, vu au Cinéma Jonquière samedi.

D'abord une grande déception: ce n'est pas la soprano française Natalie Dessay qui a chanté le rôle d'Ophélie.  Dommage car elle semblait tellement habitée dans les bandes-annonces de cet opéra au Met...
Celle qui l'a remplacée, l'Allemande Marlis Petersen, a une belle voix et une bonne technique, mais elle est terne, sans éclat, et son français laisse à désirer. (Ça me dérange d'écrire ce commentaire, car je sais à quel point la tâche est difficile et je ne considère pas qu'elle est mauvaise, mais il lui manque ce petit plus qui hisse l'artiste au-delà du technicien et qui emporte l'adhésion).
Un irritant majeur: le baryton-basse James Morris, le premier chanteur à ouvrir la bouche, est épouvantable dans le rôle de Claudius: il joue mal, chante mal. Tellement insupportable que j'avais envie de me cacher sous mon siège chaque fois (heureusement pas trop souvent) qu'il chantait.

Point de vue du cinéma, maintenant, je déplore comme souvent la surabondance de gros plans (gracieuseté de Brian Large)  qui nous empêchent d'avoir une idée d'ensemble de la scène et de ce qui s'y passe. Et captation sonore défaillante, on percevait trop bien le changement de micro quand les acteurs se déplaçaient.

 

Les bonnes nouvelles maintenant

Un sujet de réjouissance: le baryton anglais Simon Keenlyside (pour lui comme pour les autres chanteurs mentionnés dans cette note, le lien pointe vers un article en anglais sur Wikipedia, car il n'y a pas de traduction française) est impressionnant dans le rôle d'Hamlet et tient avec assurance toute la production sur ses épaules: voix solide (un peu fermée dans les aigus), diction française impeccable, jeu dramatique nuancé et efficace, expressions du visage (vues en gros plan) variées et significatives, puissance et nuances vocales. Et quelle tête formidable!

Il est magnifique entre autres dans la scène très réussie de "la pièce dans la pièce": Hamlet engage des acteurs qui jouent la scène du meurtre de son père par son oncle. Grimpé sur la table du banquet, il en chasse du pied la vaisselle, y répand un lourd vin rouge (symbole???) dont il s'asperge ensuite abondamment avant de s'envelopper lui-même dans la nappe: c'est là, à ce moment magique qui clôt le premier acte que l'opéra commence vraiment à lever.
Jennifer Larmore (la reine Gertrude, mère d'Hamlet)  surjoue un peu et ses mimiques appuyées filmées en gros plan la font ressembler, comme certains l'ont fait remarquer, à la Cruella des 101 Dalmatiens. Ceci dit, elle joue bien, chante très bien et son français est excellent.
Quelques belles voix dans les rôles secondaires (Toby Spence notamment, qui  joue Laërte, le frère d'Ophélie) et même dans les rôles obscurs.

Aucun Français dans la distribution de cette oeuvre en français, et c'est dommage. Mais il y a un Français au pupitre:   Louis Langrée (cet article Wiki est en français...): il contrôle fort bien cette musique plutôt agréable aux accents dramatiques bien marqués, il en souligne les qualités et découpe bien les détails de cette masse orchestrale qui réserve un rôle de premier plan aux cuivres, il soutient bien les chanteurs et l'action, bref il est bon. L'un des deux metteurs en scène (Patrice Caurier, avec Moshe Leiser) est français. D'après ce que je vois sur la vidéo montrant Natalie Dessay et Simon Keenlyside à Barcelone en 2003, cette mise en scène tourne depuis sept ans déjà.

Les interviews à l'entracte étaient très intéressantes et nous éclairaient sur l'oeuvre et la production.
La scénographie est si dépouillée (grands murs arrondis) qu'on ne sait pas à quelle époque ni dans quel lieu on est. Certains considèrent cela comme une faiblesse, moi j'ai plutôt aimé.spectreHamlet.jpg
Mais je ne suis pas sûre d'avoir aimé ce monument d'indécision qu'est Hamlet et je ne sais que retenir de cette histoire. À la fois angoissé, inquiet et apathique, Hamlet semble surtout se débattre contre une immense léthargie. Quand il agit, presque malgré lui, il est rongé de remords et ne voit que la mort pour résoudre son problème. Il repousse Ophélie après avoir appris l'implication du père de celle-ci dans le meurtre du roi, mais on se demande s'il ne dévoile pas plutôt ainsi son incapacité d'aimer. Le spectre (assez ridicule, même si le chanteur qui l'incarne, David Pittsinger (photo) est plutôt bon) de son père mort lui demande de le venger, provoquant chez le fils: désir de donner suite à cette demande, remords de ne pas le faire, peur de le faire et d'en éprouver du remords, peur de la mort: il est coincé, le pauvre Hamlet. Ceux que cela intéresse trouveront ici une analyse du Hamlet de Shakespeare.
Malgré tout, je suis contente d'y avoir assisté: cela m'a permis de découvrir cette belle musique et je ne me suis pas ennuyée du tout.

30/03/2010

Noces d'émeraude

nocesProfilsCorr.jpgJe trouve très émouvante cette photo de Jacques et de moi, prise le 30 mars 1970, jour de notre mariage.

Cela fait 40 ans aujourd'hui, nous célébrons donc nos noces d'émeraude.

Nous étions jeunes, nous étions beaux.

C'était la mode des rouflaquettes, des chignons, des fleurs des champs et des pattes d'éléphant.

Nous sommes moins jeunes et moins beaux maintenant, mais nous sommes encore ensemble...

nocesDeniseJ.jpg

La cérémonie a eu lieu à l'église Ste-Thérèse d'Arvida, et le repas de noces, qui réunissait une vingtaine de personnes, au Manoir du Saguenay, où ces photos ont été prises.

27/03/2010

Tou(x)t un concert!

sallePG.jpgDimanche dernier il y avait un concert sur la scène (dont j'ai parlé ici)... et un concert dans la salle (Pierrette-Gaudreault). Dès que le pianiste a joué sa première note, des gens se sont mis à tousser, certains très fort, et ça n'a pas arrêté pendant toute la durée du concert. Une symphonie  en toux majeure... un concertoux pour cordes vocales.
C'est déplorable mais bon, on peut peut-être les excuser d'être malades et de ne pas connaître le truc pour ne pas tousser.
Mais en plus de la toux, il y avait l'indiscipline. Les spectateurs parlaient entre eux,  se passaient le programme, plongeaient la main dans des sacs de bonbons en froissant le papier, ouvraient brusquement une bouteille d'eau, entraient et sortaient pendant que le pianiste jouait, bref, on se serait cru à la petite école quand la maîtresse s'absente.

Je soumets une explication: afin que les spectateurs puissent lire les titres de toutes les parties des pièces sur leur programme, on n'a pas éteint les lumières de la salle. De sorte que plusieurs personnes ne se sont pas rendu compte que le concert était commencé...


Brrrrrr...

Chaque fois que j'assiste à un événement à la salle Pierrette-Gaudreault, il se passe un phénomène étrange: il fait de plus en plus froid à mesure que le temps passe. Vers la fin du concert ou du spectacle, un air glacial que l'on dirait soufflé du plafond m'entre directement dans l'oreille.  Cela s'est passé encore dimanche. Maintenant je le sais, alors j'avais un gros foulard et je m'en suis servie pour me cacher  le cou et l'oreille. Je voyais d'autres femmes dans la salle frissonner,  regarder autour d'elles pour voir d'où venait cette bise, mettre leur manteau sur leurs épaules (aidées par leur voisine ou leur conjoint: encore du bruit)... et ça toussait de plus en plus!!!

25/03/2010

La couleur selon Alfred Pellan

pellanMains.jpgIl y a une magnifique exposition des oeuvres d'Alfred Pellan au Centre National d'exposition. Une exposition itinérante en provenance du Musée du Québec. Présentation sobre et dépouillée, propre à mettre en valeur l'effervescence et l'éclat de la peinture. Peu nombreuses mais bien choisies, les oeuvres permettent de bien voir l'évolution de Pellan, de ses débuts à peu près figuratifs (tendance cubiste), jusqu'à l'abstraction inclusive (intégrant des élément figuratifs), et parfaitement maîtrisée à tous points de vue. Les lignes et les couleurs nous parlent un langage direct, immédiatement accessible.

pellanDominos.jpg

Comme le dit le texte de présentation:

"son œuvre célèbre la vie dans tout ce qu'elle insuffle de désirs, de rêveries et d'images poétiques.(...)

Depuis les premiers tableaux recelant notamment l'influence du cubisme, jusqu'à sa série des Bestiaires, en passant par sa maîtrise de l'art du portrait, ses grandes compositions aux fortes connotations surréalistes, ses repères topographiques fantastiques que constituent les Jardins, puis son apport à la scénographie théâtrale, Pellan nous invite à le suivre au sein d'un univers oscillant constamment entre la réalité et l'imaginaire."

 

C'est lumineux, séduisant, profond.PellanSoleil.jpg

C'est beau, ludique, exubérant, inventif, génial.

Courez-y si vous ne l'avez pas vue (Elle se termine dimanche prochain, 28 mars). Je ne sais pas si les images que je vous présente ici y sont, je n'ai pas noté les titres, mais peu importe, Pellan c'est Pellan.autoPellan.jpg

23/03/2010

Une gueule d'atmosphère

Merveilleux concert donné dimanche après-midi par l'extraordinaire pianiste Sergei Saratovsky pour les Jeunesses musicales. Salle Pierrette-Gaudreault comble à quelques sièges près. Le musicien d'origine russe fait l'effort de nous parler en français, réussissant à livrer un message très clair dans une langue avec laquelle il n'est pas très à l'aise.


Sergei Saratovsky ressemble davantage à ce que l'on voit sur la vidéo, où il interprète le nocturne op.9 no 3 de Chopin, qu'à la photo promotionnelle (ci-contre):  on dirait que ce n'est pas le même garçon.saratovskyJeune.jpg

Son programme (et sa force):  une musique descriptive, grave ou ludique. Même dans les nocturnes de Chopin, il se tient loin des grands élans du romantisme.

Virtuose accompli, il privilégie le travail sur les couleurs, sur l'éclairage, sur la création d'atmosphères (d'où mon titre). Il a d'ailleurs dit d'entrée de jeu qu'il pensait à des couleurs pour interpréter certains passages. Une musicalité remarquable se dégage de son jeu à la fois précis et fluide.
Après la très belle sonate de Mozart (K. 133, la seule pièce qui ne soit pas descriptive à proprement parler) se succèdent les 22 brèves pièces du Carnaval de Schumann, et deux nocturnes de Chopin, fabuleux. De fluide, son jeu devient pour ainsi dire liquide dans les trois Estampes de Debussy, aux couleurs de l'Asie, de l'Espagne... et des Jardins sous la pluie.
Il nous fait découvrir le compositeur russe  Sergeï Liapounov, dont il joue quatre études, extrêmement difficiles, ses mains volent sur le clavier, tellement vite qu'on en voit quatre: c'est fascinant, grisant.
Pour terminer dans le même esprit, il propose en rappel une pièce de Rachmaninov (je n'ai pas compris le titre, ça sonnait comme "Le Lac"...), un peu moins longue que les autres, peut-être, mais tout aussi ornée et exigeante.
Donné par un artiste accompli et totalement engagé dans son art, un magnifique concert dont j'ai apprécié chaque instant.

21/03/2010

Royales breloques

Denys Tremblay: un artiste que j'ai rencontré à plusieurs reprises pendant ma carrière de journaliste. Son art est très particulier, entre installation, médiums mixtes, écriture de textes.denysElis.jpg

En fait, je dirais qu'il est un spécialiste de l'élaboration de concepts et de projets, donc de la création globale, tellement globale qu'il s'y intègre lui-même la plupart du temps. Ses installations sont en fait de l'autofiction, car il en est toujours partie prenante: il commença sa carrière d'artiste en se proclamant Illustre inconnu. Pas ses oeuvres et son discours, partant du particulier (lui-même, la région su Saguenay...) pour aller au général, il soulève des questions pertinentes et délicates sur certains enjeux sociaux de l'heure.

Il avait conçu, dans les années 80 je crois, un projet pour déménager  la maison du peintre Arthur Villeneuve et pour l'installer sous une bulle de plexiglas sur la zone portuaire de Chicoutimi. La maison fut plutôt déménagée à la Pulperie, où se poursuit  jusqu'au 29 mai 2010, une exposition intitulée Alias: de l'Illustre Inconnu au Roi de L'Anse consacrée au  projet de royauté de Denys Tremblay. L'exposition est en lien avec un livre écrit par le sociologue Hervé Fisher sur cette aventure et sur l'esthétique de Denys Tremblay. Publié chez VLB, l'ouvrage s'intitule Un roi américain.

En 1997, Denys Tremblay fut élu et couronné roi de l'Anse St-Jean, un concept qui semblait prometteur mais qui finalement s'acheva trois ans plus tard par l'abdication du monarque municipal (bon résumé de l'aventure ici).
En parallèle, il avait conçu le projet Saint-Jean du Millénaire, qui consistait à reproduire la main et le visage de saint Jean Baptiste (qui lui ressemblait comme un frère) sur le flanc de la montagne par la technique de la mosaïque végétale. Plus de détails ici.

sceptreOto.jpgJ'ai été très contente de revoir Denys Tremblay récemment à la galerie Séquence, à l'occasion d'une exposition qu'il y présentait et qui s'est terminée le 28 février. Il y avait beaucoup de monde ce jour-là et c'est avec un plaisir évident que l'artiste, toujours aussi volubile, expliquait sa démarche à ses visiteurs. Avec sa permission, j'ai pris des photos de cette exposition, intitulée A.A.A. L'art après l'Apocalypse mais j'ai oublié de le photographier, lui. (Oups!) Toujours fasciné par la royauté et ses symboles, il me conduit moi aussi à réfléchir, de façon moins complexe mais tout de même, à ce qu'est l'autorité pour les humains.


Un sceptre, des images, des portraits, du maquillage, des vêtements, des matières précieuses confèrent à un homme (ou à une femme, mais c'est plus rare) l'autorité et le statut de chef à qui tous doivent obéissance et repect, dans le domaine social, politique, religieux.
Pourquoi se laisse-t-on aveugler par ces signes apparents? Pourquoi respecte-t-on l'autorité, surtout si c'est celle d'un imbécile ou d'un tyran (les uns comme les autres furent légion dans l'histoire humaine, et leurs descendants [par le sang ou par la pensée] règnent aujourd'hui en plusieurs lieux). Pourquoi une personne ordinaire, une fois perçue comme chef détenant un pouvoir, peut-elle se permettre d'ordonner, de contraindre, d'imposer des façons de faire jusque dans les moindres détails. De terroriser, de torturer, de tuer (souvent ses propres sujets)  s'il a à sa disposition, en plus des bébelles décoratives, des soldats et des armes.
autoFilsB.jpg


Dans cette exposition, Denys Tremblay s'est encore une fois mis en scène, portant les attributs royaux et apparaissant sur des images modifiées, en parallèle avec des photos d'Élisabeth II, et aussi de Muskar XII, le roi du Sceptre d'Ottokar. Une vraie reine et un roi fictif -ou deux-: tout est fiction.
Une maquette du Titanic qui coule, accompagnée des différents menus offerts à bord aux riches passagers, aux passagers  ordinaires, aux officiers, aux simples marins. Les uns ont droits aux plats raffinés, les autres au brouet du paysan.
La dernière salle étonne et fait réfléchir: un essieu surmonté d'un torse doré et d'un phallus (que l'on suppose doré) recouvert d'un voile (d'un condom?), une croix faite en fils barbelés: la voiture et la croix, deux symboles de puissance qui, revisités par l'artiste, révèlent l'impuissance et la faiblesse de l'esprit humain, qui s'incline devant des symboles dont l'inanité n'a d'égale que la dangerosité.

Ci-dessous, très intéressant texte de Jean-Pierre Vidal, commissaire de l'exposition.

texteApoc.jpg

18/03/2010

Derniers courts 2010

afficheReg.jpgJ'ai passé tout l'après-midi du dimanche 14 mars au Petit Théâtre de l'UQAC. La meilleure salle, sans contredit, de toutes celles que j'ai fréquentées au festival Regard sur le court métrage au Saguenay. Tant pour les conditions de projection (qualité de l'image et du son, taille de l'écran) que pour le confort des sièges.
Les courts métrages du premier groupe de films (compétition 5) étaient tous intéressants.

  • Le plus réussi: Betty B and The The's, film du réalisateur allemand Félix Stienz. Une très grande femme et un petit monsieur bettyB.jpg trouvent le bonheur, deux paumés parmi d'autres paumés. Humour noir, tendresse, lumière projetée sur un univers urbain et post-moderne, façon Fassbinder. Original et esthétiquement fouillé.
  • Le plus émouvant: Naissances, d'Anne Émond: un homme et une femme se rencontrent, cachent leur fragilité et leur détresse respectives: tout est mensonge, pieux mensonge à travers lequel passe quelque chose qui ressemble à l'amour.
  • Le plus amusant: L'homme et la bête, de Martin Thibodau. Trois "chasseurs urbains" aux prises avec un raton-laveur.
  • Le plus humain: Le technicien, de Simon-Olivier Fecteau. Venu réparer le téléviseur d'un vieil homme, un technicien constate que ce n'est pas l'appareil mais le contenu qui pose problème.

La séance suivante s'intitulait Courts de danse. (Compte rendu complet de Jean-François Caron, avec lequel je suis plutôt d'accord, ici sur Voir.) Des films sur la danse, donc.

  • Dans Becoming, un être féminin qui semble issu becoming.jpgd'un croisement entre le Cirque du Soleil et Avatar défend  la nature... de façon plutôt violente.
  • Nora: les souvenirs, en mots, en image et en mouvement, d'une danseuse née au Zimbabwe.
  • Nous avons revu le superbe Pas de deux, de Norman McLaren, tourné en 1958.
  • Dernier film au programme: Pretty Big Dig, un "pas de trois" exécuté par des pelles mécaniques.
  • Le plus beau de ces films à mon avis: I Dream of Augustine: une danseuse, la folie, les transes du corps, les rêves.

Aucun des films que j'ai vus en quatre séances n'a gagné de prix finalement, mais peu importe: j'ai apprécié -presque- tout ce que j'ai vu.

J'ai donc passé au Petit théâtre un très beau dimanche, qui s'est terminé avec la performance Animer le corps, dont j'ai parlé dans ma note précédente.

16/03/2010

Animer le corps

julieDG.jpgMon séjour au festival Regard sur le court métrage au Saguenay s'est terminé dimanche après-midi d'une façon imprévue... et fort plaisante. Après les deux séances de projection de courts métrages, au Petit théâtre de l'UQAC, le public était invité à assister à une performance présentée dans la petite salle attenante.

À la fois danse et vidéo, l'événement mettait en présence la danseuse Julie Dubois-Gravel et le cinéaste Boran Richard (photographiés après la performance) entourés de quelques techniciens pour le son et la console informatique.
Pendant que le public s'installe, assis par terre, sur les chaises ou encore debout, la danseuse est couchée sur la scène et recouverte d'un drap blanc. Boran Richard retire très lentement et très progressivement le drap, prenant à chaque seconde ou presque une photo au moyen d'un iPod qu'il porte au poignet. Il filme aussi à certains moments avec une caméra, et fait des interventions avec un ordinateur portable placé sur la scène. Ensuite, avec ses mains, il imprime des mouvements à sa partenaire, de très petits déplacements progressifs de la tête, du bras, de la main, auxquels elle se plie docilement, gardant la posture qu'il lui a donnée. Il la met ensuite debout, tourne sa tête, son bras, sa main. Puis elle exécute elle-même des mouvements, surtout avec sa main droite, qu'elle recourbe en tous sens, pliant ses doigts en crochet.

Pendant ce temps, un film se crée, projeté sur l'écran disposé tout près: il montre ce que nous venons de voir, mais de façon différente: gestes brefs, saccadés, morcelés, recommencés, comme si la danseuse était agitée de mouvements frénétiques alors que dans la réalité, tout s'est déroulé avec une lenteur extrême.
Une expérience pour la danseuse: c'était un autre qui animait son corps, et l'animation à l'écran ajoutait encore une distance entre elle et ses propres mouvements.

Un exercice très intéressant qui soulève des questions, notamment sur la nature du mouvement, sur la perception, sur le maillage possible -ou impossible- entre le vivant et le numérique. La performance s'intitulait Animer le corps.

14/03/2010

Carmen, enfin!

Samedi après-midi, devant le cinéma Jonquière, des gens faisaient la queue dehors en attendant qu'on ouvre les portes. Ce n'était pas pour Avatar, encore moins pour un quelconque -et merdique- blockbuster américain, non, c'était pour un opéra!!! Carmen!!!

Formidable, n'est-ce pas?

J'étais dans cette file et j'ai finalement vu la Carmen du Metropolitan Opera, avec Yannick Nézet-Séguin à la direction musicale. Lors de la première diffusion, j'étais arrivée tôt et pourtant trop tard pour avoir une place. Pour la rediffusion, hier, la salle était pleine encore une fois.

garancaAlagna.jpg

J'en avais parlé ici après l'avoir écouté à la radio. Carmen est l'opéra le plus joué au monde (je me réjouis qu'une oeuvre en français [inspirée par une nouvelle de Prosper Mérimée] arrive devant tous les chefs-d'oeuvre italiens et allemands) et on comprend pourquoi: une histoire de passion et de mort, des arias nombreuses et accrocheuses, une partition pour orchestre à la fois subtile et entraînante.

Dans cette production du Met, la mezzo-soprano lettone Elina Garança vole carrément la vedette. Elle chante magnifiquement, prononce le français quasi parfaitement, elle est belle, sensuelle, tout passe dans ses yeux bleus (ou gris?): c'est tout simplement fabuleux.

Superbe mise en scène de Richard Eyre, décors assez gigantesques, stylisés et  pertinents, direction attentive et dynamique du maestro montréalais qui faisait ses débuts au Met (il y retournera la saison prochaine pour diriger Don Carlo, de Verdi, qui sera également transmis au cinéma).

Le ténor français Roberto Alagna, je le répète, est fort agréable à entendre surtout à cause de sa diction impeccable et de son phrasé parfait dans cette langue qui est la sienne. Quant à sa voix, elle m'a semblé un peu fatiguée, surtout dans les dernières scènes. Ceci dit, il a encore de la prestance, et son jeu scénique, sans être aussi impressionnant que celui de sa partenaire, est intense et tout à fait à la hauteur du rôle.

Le baryton Teddy Tahu Rhodes a remplacé, à trois heures d'avis, celui qui devait jouer Escamillo. Son chant n'est pas parfait, mais son physique est idéal: grand, mince, port altier: le torero parfait. Finalement, Barbara Frittoli s'acquitte fort bien du rôle ingrat de Micaëla.

Les pas de deux que l'on voit (pendant que l'orchestre joue) dans une fente irrégulière qui zèbre les rideaux comme un éclair (elle fait penser à autre chose aussi) sont élégants, sensuels, évocateurs. Les scènes de foule, assurées par les choristes, sont bien réglées, agréables à voir, et en parfaite harmonie avec l'ensemble de la production.

Quatre heures d'opéra (plus l'heure d'attente au début): quatre heures de bonheur, encore une fois. Je ne me suis pas ennuyée une seconde et j'y retournerais demain matin à la première heure si la chose était possible.

 

 

13/03/2010

Je cours les courts

J'ai assisté à deux séances de projection du merveilleux festival Regard sur le court métrage au Saguenay, l'une que j'ai beaucoup aimée, l'autre un peu moins.

 

afficheReg.jpgJeudi, soir d'ouverture, j'ai non seulement aimé tous les films au programme, mais j'ai été charmée par le groupe musical qui a lancé la soirée.  Cellos on fire, quatre violoncellistes, un claviériste et un batteur,  qui  ont entre 15 et 17 ans. Ils offrent du Métal classique à la manière du groupe Apocalyptica.  Ce n'est pas mon style musical préféré mais j'ai aimé la fougue, l'énergie, la folie de ces jeunes étudiants du Conservatoire qui font déménager les violoncelles.

Voici une petite vidéo de leur prestation:

 

Mon film préféré dans cette sélection (compétition 1) fut  Instead of Abracadabra, un film suédois de Patrick Eklund (photo ci-dessous et bande annonce ici). "Au lieu de Abracadabra", un jeune magicien un peu inquiétant qui ne réussit pas tous ses numéros, utilise le mot "chimey". Film un peu trash, on ne saitabracadabra.jpg jamais ce qui va se passer (le père ressemble de façon hallucinante au ministre Yves Bolduc): c'est astucieux, amusant, humain.

J'ai adoré Train en folie, un dessin animé complètement déjanté où des passagers vivent des aventures variées tandis que le train file de plus en plus vite vers une catastrophe prévisible, causée notamment par une vache qui chemine lentement sur les rails. Plein d'humour, vraiment réussi.

alterEgo.jpg

Aux antipodes, un autre film d'animation, Vive la rose, montre des dessins qui surgissent et se modifient au son d'une vieille chanson folklorique. Sérieux, nostalgique,  graphiquement réussi.

Alter Égo, du Français Cédric Provost évoque l'esquisse d'un rapprochement entre Nadir et Esther (photo ci-dessus), que tout sépare. PasleoAffiche.jpg vraiment original comme sujet, mais le film est intéressant par son noyau, ces quelques phrases où les deux personnages expriment leur colère et leur frustration, par sa fin ouverte, et aussi parce qu'il évoque clairement les problèmes d'intégration vécus par les immigrants en France (et partout ailleurs).

Et puis le très sympathique Léo, de Carol Courchesne, un documentaire sur Léo Boulet, 70 ans, un monsieur qui fabrique et vend des "moppes" à Rouyn-Noranda dans son dépanneur qu'il tient à bout de bras et en travaillant 365 jours par année. Un bonhomme typique, sympathique, qui ne manque pas d'humour.

legerProbleme.jpg

Dans Léger problème, un homme soudain se soulève du sol. Personne d'autre ne s'en aperçoit, sauf ceux qui vivent la même situation. L'explication est fort simple, et tout à fait charmante.

Curieusement, les films étaient bons, excellents même mais il manquait peut-être au fond une véritable émotion.

Une émotion que j'ai trouvée dans le film Le sol sous nos pas (Australie, Rene Hernandez) au programme dans la compétition 3, hier après-midi. L'histoire d'un jeune garçon, de ses rencontres, de comment il finit par se détourner de la violence pour établir des liens. C'est rude, percutant, les acteurs sont formidables: ça va droit au coeur et ça fait réfléchir (photo ci-dessous).solSousSol.jpg

Autre bon film de cette série, Debout et toujours prêt, film expérimental finlandais: une voiture aveugle roule dans un univers dévasté, puis dans une forêt luxuriante. Original, séduisant, un peu fou.

Un après-midi au parc, du Québécois Olivier Gilbert:  pendant que les bébés se balancent, les adultes font des choses... Un charmant clin d'oeil.

J'ai moins apprécié le film italien L'Arbitro, axé sur un match de foot que j'ai eu de la difficulté à comprendre.  L'Échine (Québec, Chris Landreth) était intéresssant mais un peu confus, Ikwé m'a semblé trop facile, et le message de Believe, si on y croit vraiment ça arrive, n'est pas convaincant, même si le film présente des aspects intéressants.

Dans A Time and a Time (Sara Cox, Royaume-Uni) on voit la ville de Bristol reconstruite à partir d'images découpées qui bougent. Un amusant exercice de style.

Problèmes de langue

Regard sur le court... est un festival que j'adore et que je fréquente régulièrement. (Si vous tapez "regard sur le court" dans le moteur de recherche, colonne de droite, vous trouverez d'autres billets que j'ai consacrés à l'événement au cours des années précédéentes). J'aime les films, le public, l'atmosphère.

Une seule chose me dérange: tandis que des films en français sont présentés avec des sous-titres anglais (complètement inutiles à Saguenay), certains films sont présentés en anglais uniquement, sans sous-titres et sans traduction,  et certains sont très difficiles à comprendre, à cause des accents. C'est quoi l'idée? Et que doivent faire les spectateurs qui ne comprennent pas l'anglais?

Ils devraient protester, car c'est inacceptable...