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09/09/2003

Marianne Dugal à l'OSM

Marianne Dugal à l'OSM
(texte publié dans Le Quotidien)
juin 1999


par Denise Pelletier

Première partie:

CHICOUTIMI(DP) - Marianne Dugal réalise enfin le rêve qu'elle caresse depuis qu'elle est toute petite: elle vient d'obtenir un poste permanent dans la section des premiers violons de l'Orchestre symphonique de Montréal. «Je flotte sur un nuage», nous disait-elle en entrevue alors qu'elle passait quelques jours de vacances chez ses parents à Chicoutimi, avant de partir rejoindre «son» orchestre pour une tournée de trois semaines qui est actuellement en cours au Japon.
Intarissable sur l'Orchestre, sur Charles Dutoit, sur le plaisir de jouer du violon, la jeune musicienne de 22 ans dit aussi qu'elle est soulagée d'un grand poids, celui des auditions. En réalité, elle est surnuméraire à l'OSM depuis deux ans, et, dit-elle, «je travaillais plus que certains musiciens à temps plein»: elle a été de tous les concerts, de toutes les tournées, de toutes les «sorties».
Pendant cette période, elle a passé des auditions, à l'OSM et aussi à Boston. Et les auditions, c'est un cauchemar. Il faut se préparer de façon intensive, passer à travers un nombre énorme de partitions, répéter ad nauseam des traits d'orchestre, seul chez soi, en plus de réspecter ses engagements. «J'ai passé des concours, j'ai donné des récitals, j'ai joué dans toutes sortes de conditions, mais les auditions, c'est ce qu'il y a de plus difficile: il faut être très fort mentalement» dit-elle.
L'audition elle-même est une expérience pénible, comme elle nous le raconte avec toute la vivacité de la jeunesse. Une quinzaine de violonistes réunis dans une salle qui répètent comme des fous, ça fait un bruit infernal. «Parfois on entend un autre violoniste qui joue différemment le même passage, on commence à douter de soi-même, et ce n'est vraiment pas le moment». dit-elle. Quand ils jouent, les musiciens sont placés derrière un rideau de sorte que les juges ne puissent pas les voir. Il ne faut ni parler, ni tousser, ni faire claquer ses talons car les juges ne doivent connaître ni le sexe, ni l'âge, ni l'aspect physique du candidat, qui dispose de cinq minutes pour se faire valoir. Ils jugent uniquement ce qu'ils entendent, et c'est très juste, estime Marianne Dugal.
Après ce «premier tour», les juges disent combien de candidats sont retenus pour le deuxième tour. Cette fois, deux musiciennes ont été choisies, et comme il y avait deux postes disponibles, Marianne Dugal a ressenti un grand soulagement, tout en n'oubliant pas de maintenir la qualité de son jeu pour sa deuxième prestation. Le chef Charles Dutoit est présent pour la deuxième audition, et son opinion compte pour 50%. Marianne Dugal admire ce chef qui selon elle recherche des musiciens jeunes et énergiques, «car l'Orchestre vieillit et il pense à long terme», dit-elle, ajoutant que les musiciens engagés ces derniers temps ont presque tous dans la vingtaine. De plus, dit-elle, il croit au Québec, et il engage des musiciens québécois chaque fois qu'il le peut.
Marianne Dugal voit mille raisons d'être heureuse. Entre autres, l'occasion de jouer dans un orchestre exceptionnel: l'OSM a une qualité incroyable, il est reconnu dans le monde entier. En Amérique du Sud, et même à Carnegie Hall où ils accueillent les plus grands orchestres du monde, les gens sont debout et applaudissent quand Charles Dutoit fait son entrée, avant même d'avoir entendu une seule note, raconte la violoniste.
Autre sujet de réjouissance: elle peut demeurer à Montréal, où elle vit depuis six ans. Elle aime cette ville, et de plus, elle y a son réseau de contacts qui lui permet de jouer en diverses occasions. Depuis trois ans, elle est membre du Quatuor de l'Ile, dont le violoncelliste est Sylvain Murray, lui aussi originaire de Chicoutimi, et aussi d'un trio; elle joue pour Radio-Canada, pour des enregistrements, pour le Cirque du Soleil et même à l'occasion dans des spectacles populaires, comme celui de la chanteuse Natalie Cole au Centre Molson. Elle a passé des auditions pour l'orchestre de Boston, et elle en a même gagné une mais on ne l'a pas acceptée parce qu'on la jugeait trop jeune: si elle avait eu le poste, elle y serait allée, mais elle avoue qu'elle aurait trouvé difficile de quitter son milieu pour se retrouver dans une ville étrangère où elle ne connaît personne. «J'aurais continué de passer des auditions à Montréal», dit-elle!
Enfin, Marianne Dugal va pouvoir faire la musique qu'elle aime, les concertos, les symphonies, le grand répertoire, plutôt que des pièces imposées pour les auditions. Pour fêter son engagement, elle est immédiatement allée s'acheter des partitions de concerto et a commencé à les apprendre. Et elle a ce qui manque aux musiciens plus âgés: du temps.  «Je suis jeune, je n'ai pas d'obligations familiales, alors je peux faire de la musique du matin au soir, répéter et accepter beaucoup d'engagements, c'est d'ailleurs ce que j'aime», dit-elle. Il n'est pas exclu qu'elle se présente éventuellement à d'autres auditions, par exemple pour les postes plus avancés de l'OSM (première chaise ou assistante par exemple) ou peut-être même d'orchestres américains. Quant à la carrière de soliste, elle n'y pense même pas: il faut commencer à 12 ans à donner des récitals, c'est très compétitif, et il n'y en a que 10 ou 15 au monde qui réussissent à faire leur chemin. Cependant, Charles Dutoit lui a laissé entendre qu'il lui donnerait l'occasion de jouer comme soliste dans un concert de l'OSM l'an prochain: «il fait cela pour les jeunes musiciens, cela les oblige à garder la forme», dit-elle, ajoutant que cette perspective lui suffit en ce qui concerne les prestations de soliste.
Elle est donc actuellement en tournée au Japon avec l'OSM et la saison prochaine s'annonce très chargée: concerts réguliers et tournées en France, en Allemagne, et en Floride. Les tournées, c'est un aspect fascinant du métier: «nous sommes bien traités, bien reçus, nous jouons dans des salles superbes. On travaille fort, mais on a quand même le temps de visiter les villes», se réjouit Marianne Dugal, qui a déjà effectué plusieurs tournées, avec l'OSM et avec l'ensemble I Musici. Elle a aussi beaucoup d'engagements pour des concerts et des enregistrements avec son quatuor et son trio.

Deuxième partie:

CHICOUTIMI(DP) - D'aussi loin qu'elle se souvienne, Marianne Dugal voulait jouer du violon. Il faut dire qu'elle est née de parents musiciens: son père, François, enseigne la musique au Cégep d'Alma et sa mère, Lise Hamel, donne des leçons particulières de violon. «Quand j'étais petite, j'assistais à ces leçons que ma mère donnait à de jeunes enfants, et à deux ans, j'ai dit que je voulais jouer». Il était un peu tôt. Quand elle a eu quatre ans, elle s'attendait à recevoir un violon pour sa fête. Ses parents lui ont plutôt proposé de suivre de leçons de piano, ce qu'elle a fait pendant un an. Mais c'était le violon qu'elle voulait, et sa mère a enfin accepté de lui donner des leçons. Dès l'année suivante, elle était admise au Conservatoire: elle n'avait que six ans!
Elle y est demeurée dix ans, et ce fut une période difficile. «Le violon, ce n'est pas évident, il faut au moins dix ans avant d'obtenir une bonne sonorité», dit-elle. Et comme tout enfant, elle aurait souvent préféré aller jouer avec ses amis ou écouter la télévision plutôt que de répéter sur son instrument. Elle a souvent été tentée d'abandonner, et si elle ne l'a pas fait, c'est grâce aux encouragements de ses parents, qu'elle remercie bien fort aujourd'hui.
Puis, à 16 ans, elle est allée poursuivre ses études, collégiales et musicales, au Conservatoire de Montréal. Après quoi elle a obtenu une bourse pour étudier au Harid Conservatory de Floride. Cela devait durer quatre ans, mais au bout d'un an, elle a passé une audition auprès de l'ensemble I Musici de Montréal, qui lui a offert un contrat d'un an pour remplacer un musicien absent. «J'avais donné le dernier concert le 30 juin, et je me suis réveillée le 1er juillet en me demandant ce que j'allais faire». Juste à ce moment, le téléphone a sonné: c'était l'OSM, qui avait besoin d'une violoniste surnuméraire: elle devait se présenter à la répétition une heure plus tard!
La constatation qu'elle avait déjà faite se vérifiait une fois de plus: «tout le temps que j'ai été à Chicoutimi, j'ai trouvé cela difficile. Non seulement les études, mais je ne jouais pas souvent en concert, j'avais plus ou moins de succès dans les concours. Dès que je suis arrivée à Montréal, tout s'est mis à bien aller: j'ai gagné des concours et j'ai pu jouer un peu partout, de plus en plus souvent». Encore aujourd'hui, elle se demande pourquoi elle n'a pas l'occasion de se produire dans sa région natale. «J'aimerais bien jouer devant mes parents, qui ne m'ont presque jamais entendue en concert», dit-elle, espérant que l'occasion se présentera d'ici quelques années.
En ce qui concerne les compositeurs, la jeune violoniste a des goûts que l'on peut qualifier de classiques: Mozart, Beethoven, Brahms, des champions de l'orchestration! Elle aime aussi jouer Strauss et Mahler, parce que cela demande des effectifs imposants. Par exemple, avec l'OSM,  elle a joué la huitième symphonie de Mahler: un choeur, un orchestre, des solistes, 450 musiciens, bref, le grand déploiement. En répétition, les musiciens doivent parfois se mettre des bouchons dans les oreilles tellement ça joue fort, et en concert, des murets plexiglas protègent les tympans de ceux qui sont trop près de l'énorme section de trompettes. C'est un plaisir unique, très intense que de contribuer à produire de telles sonorités.
Par ailleurs, même quand il y a au programme des compositeurs moins intéressants, ou des oeuvres qu'elle aime moins, Marianne Dugal estime qu'il faut les jouer aussi bien qu'on le peut. «C'est notre responsabilité de musiciens, quand il y a 2000 personnes dans une salle, il faut jouer toutes les pièces avec la même passion, le même enthousiasme».
L'Orchestre symphonique de Montréal a connu des difficultés financières, en particulier l'an dernier, et même une grève des musiciens, ce qui a été pénible pour tout le monde, dit Marianne Dugal. Le problème s'est réglé, jusqu'à un certain point. Mais  pour bien faire, il serait important selon elle que d'ici quelques années l'OSM ait sa propre salle de concert. «J'achète des billets de loterie et si je gagne plusieurs millions, ils vont servir à payer une partie de cette salle!» dit-elle.


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