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13/05/2006

Critique et manipulation

2- La manipulation

Une autre raison pour laquelle les critiques sont moins sévères aujourd'hui qu'hier (quoique là-dessus, il faudrait vérifier), c'est la vaste entreprise de manipulation dont ils sont l'objet. On leur propose des interviews avec toute sorte de beau monde avant la venue d'un spectacle dans leur ville. Exemple, les films québécois. Les tournées de promotion sont organisées de façon à nous (je dis nous parce que j'ai vécu souvent l'expérience) enfermer dans une espèce de piège collant, étouffant, dont on n'arrive pas à se sortir. Le ou la responsable de tournée, qui travaille pour une agence spécialisée dans ce genre de promotion, est toujours quelqu'un de super gentil, plein d'entregent, qui nous appelle personnellement pour nous dire qu'il va être là à telle date avec des gens formidables: un réalisateur connu, des comédiens, des gros noms, Roy Dupuis, Rémy Girard, Céline Bonnier, ou autres. Comment refuser des interviews avec ces vedettes? Impossible. Une projection spéciale nous permet de voir le film avant les interviews. Les textes sur les entrevues peuvent être publiés n'importe quand, mais pour la critique du film, on nous demande d'attendre sa sortie en salles, souvent une semaine ou deux plus tard. On accepte l'entente et on vient de se faire manipuler de belle façon. On va publier 3 ou 4 interviews avec des artistes de grand talent, ou de belles jeunes actrices que le public va découvrir, de grandes pages pleines de photos: les gens auront l'impression qu'on a aimé le film, alors qu'on n'en aura pas encore dit un seul mot.
On ne peut pas dire du mal de Rémy Girard à la suite d'une interview: l'homme est charmant, en plus il déploie son charme pour vanter le film, alors notre papier est favorable, louangeur envers Rémy Girard, et les gens croient qu'il s'agit de louanges à l'endroit du film.
Au moment d'écrire la critique, si on a aimé le film, pas de problème, on va écrire exactement ce qu'on a pensé et ressenti. Mais si on ne l'a pas aimé, qu'on lui a trouvé beaucoup de défauts, qu'est-ce qu'on fait? Pas évident d'écrire des choses mauvaises sur des gens avec qui on a eu un bon contact. De contrarier l'organisateur de tournée envers lequel on se sent -à tort- moralement engagé. Et si on fait malgré tout notre devoir, qu'on souligne les défauts et les faiblesses du film, qu'on le qualifie de mauvais, il est possible que le public ne le remarque même pas. Car notre critique paraîtra à un autre moment que les interviews, elle sera peut-être égarée dans un petit coin de page, sans photo, bref, peut-être que les gens ne la liront pas.

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